C’est une histoire qui secoue tout le monde journalistique, mais plus particulièrement le quotidien qui se vante d’être à la pointe de la lutte contre les fausses informations, le prestigieux New York Times.
C’est une histoire rocambolesque qui en dit long sur les politiques éditoriales où la recherche du sensationnel et le vedettariat dénaturent le métier de journaliste.
Les reportages et podcasts réalisés par une journaliste présentée comme une spécialiste de la mouvance djihadiste, Rukmini Callimachi, sont au centre d’une polémique mettant en cause la qualité des informations du célèbre quotidien.
Les reportages sur le Web de la journaliste–vedette sous le titre Caliphate (une dizaine d’épisodes) avaient connu un énorme succès ; ils étaient le symbole du tournant du quotidien vers de nouveaux supports, notamment multimédias.
L’un des protagonistes de ces reportages, Abou Huzayfa, témoignait avec force détails sur les atrocités commises par Daech. Or, le prétendu combattant de Daech a été arrêté au Canada, sa véritable identité révélée (Shehroze Chaudhry) et la supercherie mise au jour : le combattant islamiste est un affabulateur qui n’a jamais mis les pieds en Syrie.
Le journal américain de référence avait pourtant été alerté par d’autres journalistes américains au Moyen-Orient sur l’absence de preuves attestant que Huzayfa était un djihadiste.
Il a néanmoins fallu l’arrestation du faux djihadiste et les révélations d’affabulation pour que la direction du New York Times diligente une enquête interne et pour que les langues se délient : il s’avère que ses correspondants à Beyrouth et Bagdad avaient mis en garde contre les méthodes sensationnalistes de Rukmini Callimachi ; un journaliste syrien qui lui a servi d’interprète a même affirmé : « Elle recherchait quelqu’un pour lui dire ce qu’elle croyait déjà. »
La direction du quotidien est mise en accusation ; le journaliste Ben Smith chargé de l’enquête interne affirme que Callimachi a « produit ce que les plus hauts dirigeants demandaient, avec leur soutien. » C’est tout le journal, tous les journalistes qui sont éclaboussés. Mais c’est toute une conception du journal-produit et de l’information-spectacle entre les mains des financiers qui est en accusation.
Il ne faudrait pas croire que cette conception du journalisme n’a cours qu’aux Etats-Unis. L’information, répétons-le une fois encore, quand elle est entre les mains des oligarques et des financiers est en danger.
PS : Je signale qu’on peut consulter sur le site de l’excellente revue Orient XXI une importante interview d’Henri Leclerc, le célèbre avocat et ex-président de la Ligue des droits de l’homme : « Le chemin dangereux des restrictions des libertés en France » à l’adresse suivante :