Les chiffres du cinéma français sont inquiétants. Dans une nouvelle chronique intitulée Par ailleurs (reprenant une phrase de Malraux, « Par ailleurs, le cinéma est une industrie. »), les Cahiers du cinéma font un constat qui n’incite pas à l’optimisme.

Si 96 millions de spectateurs ont fréquenté les salles obscures en 2021, le magazine spécialisé fait remarquer que ce bon résultat est dû « aux films ‘’attendus’’, autrement dit soutenus par une campagne de promotion grand format (…) Les gagnants de cette période sont les grosses machines bénéficiant d’une exposition maximale en salles. » Notamment le dernier James Bond ou encore Spider-Man.

En revanche, les films français comme France de Bruno Dumont ont souffert de cette concurrence (140 000 entrées seulement), ou Les Olympiades de Jacques Audiard (180 000), Twist à Bamako de Robert Guédiguian (80 000). Des cinéastes étrangers ont connu la même désaffection : Serebrennikov (20 000 pour La Fièvre de Petrov), Nadav Lapid (30 000 pour Le Genou d’Ahed), Nanni Moretti (160 000 pour Tre Piani).

La déception des réalisateurs est grande, celle des producteurs et des distributeurs également : ces derniers cinéastes ont leur public, bien plus nombreux que les entrées enregistrées. Chiffres alarmants !

Les Cahiers du cinéma notent que « l’encombrement du calendrier et la concurrence écrasante des grosses productions ont considérablement restreint leur espace vital », puis remarquent que « tous, ou presque, font face à des difficultés financières qui pèseront à n’en pas douter sur les mois et les années à venir. »

Le nouvel accord sur la chronologie des médias signé le 24 janvier n’est pas pour rasséréner les cinéastes français. Vincent Bolloré a obtenu un délai de six mois (au lieu de 8) entre la sortie en salle et la diffusion des films sur Canal+ ; les plateformes de streaming, elles, ont obtenu le raccourcissement du délai à 15 mois pour Netflix et 17 pour Prime Video et Disney+ contre 36 hier !

Si, en contrepartie, les plateformes doivent participer à hauteur de 20 % de leur chiffre d’affaires au financement des œuvres européennes, les Cahiers du cinéma relèvent que « cet apport, globalement estimé entre 250 et 300 millions d’euros chaque année, bénéficiera, un peu, au cinéma, mais beaucoup aux programmes audiovisuels, c’est-à-dire aux séries, qui constituent, pour la plupart d’entre elles, l’ossature de leur catalogue. »

Le magazine, au bout du compte, n’est guère rassurant : « Il leur appartient à présent de montrer quel intérêt elles portent vraiment à la production de films d’auteurs autres que les têtes de gondoles que sont Alfonso Cuaron, Martin Scorsese, les frères Coen ou Jane Campion. Le tout assorti d’une autre question : où sont les Français ? »

Malraux n’est plus de ce monde ; Jack Lang n’est plus ministre. Qui donc sauvera le cinéma d’auteur français ?