Les médias français sont tombés sur la tête ; les clubs de football aussi. L’argent qui coule à flot les a gravement atteints, les uns et les autres.

La Ligue nationale de football est en constante recherche d’argent frais pour permettre aux clubs de l’élite de dépenser des sommes colossales ; transferts et salaires astronomiques des prétendues stars comme Neymar, convoitées de toutes parts, sont hors de prix. L’élite du ballon rond dans notre pays est passée entre les mains d’investisseurs étrangers, peu regardants sur les aspects sociaux. Mais il leur arrive de déraper ou de se faire berner : ils avaient vendu les droits de retransmission télévisés de leurs matches à un groupe sino-espagnol, Mediapro, en quasi faillite, qui a laissé une ardoise obérant leur équilibre.

Aujourd’hui, ils réitèrent ; ils ont été éblouis par les dollars d’Amazon, qui tente de capter de nouveaux clients avec sa plateforme de télévision, Prime Video.

Va donc pour Amazon Prime Video Ligue 1. Mais la filiale de Jeff Bezos n’a ni moyen technique, ni connaissance du monde du football français.

Elle a été contrainte de négocier avec un groupe français pour l’aider à mettre sur pied la diffusion des matches en lui fournissant toutes les infrastructures techniques et éditoriales. La compétition débutant le 6 août, il a fallu faire face dans la précipitation. Amazon s’est tourné vers le journal sportif, L’Equipe, qui, pour lui être aimable, a créé une filiale, 21 Production. Un montage stupéfiant : selon les représentants de Jeff Bezos, « les salariés sont recrutés par des gens d’Amazon et entièrement dédiés à Amazon. L’Equipe n’est qu’une sorte de prestataire de services au niveau administratif ». Les salariés de 21 Production recrutés par Amazon, avec quels contrats, quelle rémunération, quel avenir ? Qui licenciera ? Les deux parties sont étrangement muettes sur l’articulation des deux sociétés.

Curieux montage aux limites du droit du travail de la part d’Amazon (coutumier de la précarisation), mais aussi de L’Equipe, qui envisage toujours un plan de départ dans son groupe.

Curieux montage où un groupe de presse français vole au secours des plateformes numériques, les GAFAM, quand les médias de l’Hexagone se prétendent en conflit pour la rémunération de l’exploitation de leurs contenus et du droit voisin.

Le ballon de football ne tourne vraiment plus rond.