Les Britanniques avaient perdu le recours à la grève comme moyen d’expression de leur mécontentement. La dame de fer, Margaret Thatcher, puis David Cameron avaient réussi à briser le mouvement syndical par une série de lois, toutes attentatoires aux droits sociaux les plus élémentaires.

Au total, il apparaît qu’il n’y a plus de droit fondamental de grève de l’autre côté de la Manche.

Aujourd’hui, les ultralibéraux se réveillent avec la gueule de bois : chaque jour de nouvelles professions et de nouvelles entreprises se mettent en grève : dockers, employés du métro londonien, employés des entreprises privées des chemins de fer, éboueurs, etc. Les Anglais parlent de ‘’l’été du mécontentement’’.

Mouvement dur et qui marque réellement le réveil de la classe ouvrière britannique ; en effet, les dockers du port de Felixstowe, par exemple, n’avaient pas connu la grève depuis trente ans. Et, à leur tour, les infirmières qui n’ont jamais cessé le travail de toute l’histoire du Royaume-Uni se consultent. Les enseignants et les employés des collectivités territoriales, eux, se préparent pour la rentrée.

Bref, Boris Johnson laisse une situation incroyable au futur gouvernement.

Quelques succès locaux retentissants donnent des idées aux autres salariés. Les employés de la société d’autobus Stagecoach ont obtenu des hausses de salaires de 13 %, quand les fonds qui contrôlent le port de Felixstowe ne proposent que 7 % après être entré en négociation avec un petit 3 %.  

Et au train où vont les choses, on peut s’attendre à un effet boule de neige : les avocats font entendre leurs voix et les journalistes aussi ; à commencer par ceux du groupe Reach, éditeur du Daily Mirror, de Sunday Mirror, de magazines et de quelques 200 journaux régionaux ou locaux. Ils sont plus de 1000 journalistes à avoir refusé une augmentation de 3 % et à se prononcer pour la grève.

Le mouvement, s’il est salarial à l’origine, est le signe d’un refus global des effets du libéralisme, amplifiés par le Brexit. Le désir de retrouver un socle social digne du XXIe siècle, à commencer par la reconnaissance du droit de grève sans entrave, n’a jamais été aussi puissant.

On peut espérer que les salariés français prendront modèle sur leurs collègues britanniques, dès la rentrée, et s’inscriront dans la même démarche de contestation d’un ultralibéralisme, qui, sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, a déjà annoncé une série de mesures de régression sociale comme le rachat des RTT, la révision des droits des chômeurs, etc., et prépare un nouveau train de prétendues réformes encore plus régressives, comme la réforme des retraites, dans un pays miné par une crise systémique inédite et une inflation record.

Le traitement des informations en provenance de Londres devrait inciter les journalistes français à s’interroger au moment où le service public de l’audiovisuel est menacé par la suppression de la redevance, où les sénateurs se penchent sur l’avenir de la presse régionale, où les concentrations (TF1-M6 et autres) perdurent, où Vincent Bolloré ‘’normalise’’ l’information, etc.

Emmanuel Macron parle parfaitement la langue de Shakespeare (il l’utilise à chaque occasion qui lui est offerte) et on rêve d’un large mouvement revendicatif en France où le président de l’ultralibéralisme serait contraint de s’exclamer : « Oh, my God ! » devant le déferlement des manifestants.