Commencer ce blog par une phrase en anglais ? Quelle incongruité et quelle faute de goût ! Ne serait-ce pas, déjà, une concession majeure au nouveau président d’une République livrée totalement et sans vergogne aux acteurs des marchés financiers anglo-saxons, ceux qu’il fréquentait à la banque Rothschild avec le titre ronflant d’associé-gérant. Il a traité leurs affaires, fait et défait les grands groupes, touchant, au passage, de conséquentes ‘’commissions’’, fruits de son attitude servile.
Le président jupitérien aurait, dit-on, une pensée complexe qui se prêterait mal au jeu des questions-réponses des journalistes. Sans doute les professionnels de l’information ne traduisent-ils pas correctement le franglais utilisé par Emmanuel Macron, par manque d’intelligence ou par fainéantise. Ce qui est sans doute vrai parfois, mais ce qui est assurément injurieux pour certains éditorialistes fervents exégètes de la pensée du président pour l’information de la France profonde.
Quand il dit que « entrepreneur is the new France » ou encore qu’il a « pivoté de business model », il y a quelque chose dans sa pensée qui est totalement abscons. Et pas seulement l’utilisation de l’anglais pour faire jeune !
Sans doute n’est pas « new France » celui qui ne comprend pas ; incorrigible celui qui reste à Boileau et à son Art poétique : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Et les mots pour le dire arrivent aisément ».
On peut conclure des déclarations du président (qui s’adresse au peuple depuis le château de Versailles en toute modestie) et de son entourage, qu’Emmanuel Macron, en majesté donc, récuse les soutiers de l’information pour communiquer. Il s’occupe de tout et même davantage et ne fait confiance qu’à son auguste personne.
Emmanuel Macron n’est pas le premier à mépriser la profession de journaliste (et les gens de peu) ; d’autres avant lui partageaient les mêmes sentiments vis-à-vis d’une corporation où les plus dignes côtoient les plus serviles envers les puissants (politiques et économiques), où les plus méritants ne sont pas ceux qui signent les éditoriaux de la grande presse, présentent le 20h des chaînes ou les 7/9 du matin, ou ceux qui sont « sélectionnés » pour les interventions solennelles en direct depuis l’Elysée…
Non, si l’on excepte ceux-là, la profession sert l’information plutôt que les intérêts des puissants, et pense d’abord aux citoyens plutôt qu’aux petites phrases …
De nombreux journalistes, citoyens eux-mêmes et aussi mal payés que la majorité des salariés, ont su rendre compréhensibles les pensées les plus complexes, les travaux de prestigieux scientifiques comme les projets de loi macroniens ; leur résultat a été salué par les citoyens.
Les journalistes n’ont-ils pas su expliquer clairement la loi El Khomri et en dévoiler les pièges ? N’ont-ils pas su expliquer en quoi la prolongation de l’état d’urgence était dangereuse pour la démocratie ? Les journalistes, ces chiens comme s’était écrié Mitterrand, ont même compris les rapports de la Cour des comptes et ses préconisations libérales.
Quand Emmanuel Macron a déclaré : « I want France to be a ‘’start-up nation’’, meaning both a nation that works with and for the start-ups, but also a nation that thinks and moves like a start-up. », ils ont traduit sa pensée complexe en un éclair: les CDI sont dépassés, vivent les contrat précaires ! Aimez l’entreprise et laissez les patrons et les milliardaires tranquilles !
Les journalistes n’ont-ils pas (un peu) aussi participé à faire grossir les rangs des manifestations d’humeur du bas peuple ? Insupportable ! Faisons-les taire et ne les laissons pas affaiblir les ministres et à plus forte raison le ‘’président-de-la-République-à-la-pensée-complexe-qui-s’occupe-de-tout’’.
Les déclarations du président de la République interpellent. Victor Hugo avait consacré un pamphlet pour fustiger le coup d’Etat de Napoléon III ; les lignes écrites en 1852 sont étonnantes d’actualité :
« La situation présente, qui semble calme à qui ne pense pas, est violente, qu’on ne s’y méprenne point (…) Toutes les garanties s’en vont, tous les points d’appui s’évanouissent (…) Il est temps, répétons-le, que ce monstrueux sommeil des consciences finisse (…) Il est temps que la conscience humaine se réveille (…) Et la liberté de la presse ! Qu’en dire ? N’est-il pas dérisoire seulement de penser ce mot ? Cette presse libre, honneur de l’esprit français, clarté faite de tous les points à la fois sur toutes les questions, éveil perpétuel de la nation, où est-elle ? » (Victor Hugo, Napoléon le Petit, chez Hetzel, 1852).
Quand la conscience des citoyens d’aujourd’hui s’éveillera et contraindra le pouvoir à sortir de l’état d’urgence permanent et bousculera sa politique ultralibérale et antisociale, quand les journalistes, affranchis des milliardaires qui ont fait main basse sur les médias, aideront à tirer les consciences de leur sommeil, ce double mouvement concomitant permettra de démasquer les sombres desseins du ‘’new president of the french republic’’.
Peut-on espérer voir, demain, une France en marche vers des jours heureux, tournant le dos à la ‘’start-up nation’’ !