La Chouette qui hioque

Mois : janvier 2018

Cher Recep, cher ami

Une véritable tragédie humanitaire se déroule actuellement dans la région d’Afrine en Syrie. Les troupes turques d’Erdogan prétendent y chasser la milice kurde des Unités de protection du peuple, celles-là même qui ont terrassé les islamistes de Daech et qui sont traitées de terroristes.

Etre progressiste et ne pas croire en Allah, vous renvoie indiscutablement dans le camp des terroristes pour Erdogan. Cela mérite bien quelques bombardements meurtriers.

Les civils sont les premières victimes des bombardements d’Erdogan ; ceux-ci ne frappent pas au hasard, cherchant à semer la terreur. Les hôpitaux sont visés et les médecins craignent de ne plus pouvoir prodiguer de soins.

A ce jour, 59 civils, dont 11 enfants ont été tués et 134 blessés ; les forces kurdes ont perdu 43 combattants.

Les populations vivent l’enfer et espèrent des initiatives internationales pour arrêter la folie destructrice d’Erdogan.

Mais, hélas, les pauvres kurdes ne sont pas entendus. Le mutisme des Européens, notamment, est insupportable, à l’image de celui d’Emmanuel Macron.

Le président des riches s’est contenté d’un entretien téléphonique avec Erdogan et, selon le communiqué de l’Elysée, le sultan d’Ankara n’a aucun souci à se faire ; il peut continuer à tuer des civils : « En tenant compte des impératifs sécuritaires de la Turquie, le Président de la République a exprimé à son homologue turc sa préoccupation suite à l’intervention militaire lancée samedi dans le canton d’Afrin. » 

En tenant compte des impératifs sécuritaires de la Turquie ? C’est très exactement ce que prétend Erdogan ! »

Les mots de Macron ont été pesés et soupesés avant d’être prononcés ; pour le président français, Erdogan a donc des impératifs sécuritaires qui justifient l’utilisation des bombes pour faire taire les Kurdes, dont on dira sans doute dans quelques années qu’ils ont été victimes d’un génocide.

Les valeureux Kurdes, femmes et hommes mêlés ont payé très cher la lutte contre les islamistes de Daech ; pour Erdogan qui renvoie les femmes turques à leur fourneau et qui sont sommées de faire trois enfants, l’émancipation des femmes kurdes est insupportable. De vraies terroristes.

Alors quoi penser d’un Macron qui défend un dictateur aussi obscurantiste !

France is back ?

Quand Emmanuel Macron reçoit des hôtes de marque, c’est à Versailles qu’il le fait. Il y a convié une centaine les grands patrons des plus grands groupes de la planète des multinationales pour, nous dit L’Expansion,« leur vendre la destination France ».

Il fallait bien les ors du pied à terre du roi soleil pour tenter d’épater les patrons de Goldman Sachs, McKinsey, UPS, Manpower, Coca-Cola (beaucoup d’Américains, donc), BNP Paribas, Axa ou Danone.

Et c’est une nouvelle occasion donnée au président des riches de venir se recueillir sur les terres de la royauté qui, selon lui, manque si cruellement à la France.

L’Expansion nous apprend encore que « dans l’après-midi, tous ces dirigeants rencontreront plusieurs ministres français, notamment Muriel Pénicaud (Travail) et Bruno Le Maire (Economie) qui viendront leur expliquer les réformes dans leurs domaines respectifs. Avant d’écouter dans la soirée le discours d’Emmanuel Macron. »

Nul doute que ces grands dirigeants seront séduits par les ordonnances de la loi travail ; d’ailleurs Muriel Pénicaud retrouvera son ancien patron de Danone, celui qui lui a fait un si beau cadeau pour la récompenser de son beau plan de licenciements (qui lui a permis d’offrir de beaux dividendes à ses actionnaires).

France is back.

L’expression anglo-française (très novlangue) ne plaît pas à l’écrivain et universitaire congolais Alain Mabanckou. Celui-ci vient d’ailleurs d’infliger un camouflet au président des riches à qui rien ne doit résister.

Macron lui avait proposé des travaux de réflexion sur la langue française et la francophonie.

Dans sa longue réponse, Alain Mabanckou ose donner une belle leçon au premier de cordée en lui rappelant l’origine du mot « francophonie » et en écrivant entre autres phrases ciselées :

« Qu’est-ce qui a changé de nos jours ? La francophonie est malheureusement encore perçue comme la continuation de la politique étrangère de la France dans ses anciennes colonies. »

Alors, si ‘’France is back’’ peut encore séduire les multinationales, la ‘’francophonie’’ de Macron ne séduit plus les Africains.

L’analyse fine des besoins des actionnaires de PSA

Peugeot-Citroën (PSA), Pimkie, Les Inrockset Le Figaro n’ont pas attendu longtemps pour mettre les ordonnances du tandem Pénicaud-Macron en pratique. D’autres groupes sont dans les starting-blocks.

La direction du groupe automobile a publié un communiqué à l’issue d’une réunion avec les syndicats qui présente son nouvel accord de rupture conventionnelle collective comme une simple continuité des précédents plans de suppressions d’emplois :

« L’accord DAEC(pour Dispositif d’Adéquation des Emplois et des Compétences, en fait un plan de licenciements)2018 s’inscrira dans la continuité des dispositions prévues dans le cadre de l’accord de performance du Nouvel Elan pour la Croissance (NEC) qui couvre la période 2017 à 2019 ». A remarquer que la direction du groupe adore les sigles ! Elle communique par sigle ; ça peut permettre à certains syndicats de signer sans perdre la face auprès de ceux qui seront jetés au chômage.

L’accord NEC avait été signé le 8 juillet 2016 par cinq syndicats (FO, CFDT, CGC, CFTC et GSEA) et seule la CGT l’avait refusé. Un an plus tard, le 12 juillet 2017, Les Echos, le quotidien économique de Bernard Arnault, constatait :« Si le groupe a atteint son objectif en matière de reconversions internes avec 1.000 parcours accompagnés, le compteur des embauches accuse du retard. Au premier semestre, le constructeur qui s’était engagé à intégrer 1.000 salariés en trois ans, n’a signé que 170 CDI, ce qui est léger en regard du nombre de départs – plus de 1.200 congés seniors programmés pour 2017. « Cette année nous devrions finaliser entre 350 et 500 embauches afin de respecter un nouveau temps de recrutement. L’embauche à tours de bras et par intuition – qui a donné lieu par le passé à des erreurs manifestes avec un niveau de structure disproportionné et un ratio de masse salariale aberrant – cède la place à une analyse fine du besoin et du métier  »,a expliqué Xavier Chéreau, DRH de PSA. »

Ah ! Ces embauches par intuition et ces salaires aberrants… L’enfumage continue.

Le dispositif présenté aujourd’hui contient le même marché de dupes : s’il prévoit 1300 recrutements en CDI et des mouvements internes, il prévoit le départ de 1300 salariés. En revanche, le communiqué oublie de mentionner les 900 congés seniors, en fait le non remplacement de départs à la retraite, qui sont autant de suppressions de postes.

Au total, en effet, s’il y aura bien 2200 départs, il n’y aura au mieux que 1300 embauches ; l’expérience de NEC aidant, il faudra faire les comptes à la fin du plan si la direction veut toujours bannir les fameuses embauches par intuition… Les 1300 embauches sont loin d’être assurées.

La conclusion du communiqué de la direction est d’ailleurs très éloquent : « En conclusion de cette réunion, Xavier Chéreau, Directeur de Ressources Humaines du Groupe PSA, déclare ‘’La co-construction (sic)est ancrée au cœur de notre politique ressources humaines. C’est avec nos partenaires sociaux que nous construisons ce dispositif dynamique qui est essentiel pour la transformation de notre Groupe, sa performance et donc sa pérennité. Notre dispositif d’Adéquation des Emplois et des Compétences a fait ses preuves tant en termes de contribution à la performance pour l’entreprise qu’en termes de respect des femmes et des hommes. Chaque année, il permet aux salariés éligibles et qui le souhaitent de vivre une nouvelle aventure professionnelle, tant à l’intérieur du Groupe qu’à l’extérieur, tout en sécurisant son parcours.’’ »

Ne sont-ils pas formidables et généreux les dirigeants de PSA ? Et les salariés qui font confiance aux organisations syndicales signataires de tels accords ne sont-ils pas généreux, eux aussi qui contribuent « à la performance de l’entreprise », autrement dit à la création de valeur pour l’actionnaire, c’est-à-dire à la distribution de dividendes toujours plus élevés.

Macron, factotum de l’OTAN

Recep Tayyip Erdogan, le sultan d’Ankara n’est pas venu pour rien à Paris. Non seulement il a insulté les journalistes français, mais il a signé avec Macron un contrat d’étude d’un futur système de missiles de défense aérienne et antimissile, le rendant incontournable pour l’OTAN.

Un communiqué du consortium européen Eurosam, composé de MBDA (filiale commune d’Airbus, BAE Systems et Leonardo) et Thalès, a dévoilé les dessous de ce voyage ; en effet, le système doit « garantir à la Turquie une autonomie totale en matière d’emploi et permettre un choix souverain du niveau d’intégration au sein de l’OTAN ».

Erdogan a fait fléchir les pays membres de l’OTAN après avoir fait croire qu’il se tournait vers le groupe chinois CPMIEC, puis vers les missiles russes S-400.

Emmanuel Macron, le fier-à-bras, s’est transformé en factotum de l’OTAN auprès d’Erdogan ; les enjeux économiques étaient d’importance pour le président des riches et il lui dès lors était difficile d’être trop exigeant en matière de respect des droits de l’homme.

Emmanuel Macron va plus loin que Sarkozy dans l’intégration de la France dans un traité militaire aligné sur la politique belliqueuse américaine de Donald Trump ; l’OTAN participe à la militarisation du monde et à la course aux armements, au moment où, à l’inverse, les peuples auraient besoin de se tourner vers plus de coopération et d’amitié.