La Chouette qui hioque

Mois : mai 2021 (Page 1 of 2)

Journalistes, taisez-vous !

Hubert Védrine est un parfait représentant de la ‘’gauche caviar’’. Haut fonctionnaire, il est membre du Parti socialiste et a, derrière lui, une longue carrière politique, secrétaire général de l’Elysée et ministre des affaires étrangères notamment. Il préside l’Institut François Mitterrand et il est membre du club Le Siècle. Sa biographie mentionne aussi qu’il est administrateur du groupe de Bernard Arnault, LVMH, et qu’il a siégé au conseil consultatif de la banque d’affaires américaine Moelis & Company.

Il vient de se signaler en récusant les accusations contre le rôle de la France dans le génocide rwandais de 1994. Mais, ô honte, il a choisi la revue d’extrême droite, Eléments pour s’épancher. L’ancien diplomate qui connaît le sens et la force des mots a dérapé. On lui reconnaîtra le droit de se défendre et d’affirmer : « Je pense sincèrement que les accusations contre la France au Rwanda sont une des plus grandes fake news lancées contre notre pays depuis les intox de la guerre froide (…) Il s’est trouvé dans le monde médiatique, intellectuel, et à gauche particulièrement, des gens qui se sont laissé séduire par cette thèse hallucinante. » Mais Hubert Védrine s’égare en parlant de fake news et se défend très maladroitement. Pour renforcer son argumentaire, il s’en prend directement au Monde qui, selon lui, « pendant quinze ans, n’a jamais donné une seule fois la parole à des auteurs qui défendent une autre thèse  que celle en cours à Kigali. »

Mais le plus ignoble est à venir :

« Le Rwanda est devenu le prétexte pour tous les gauchistes de la place de Paris de régler leurs comptes avec François Mitterrand, la Ve République, la France comme puissance. Cette violence se libère aujourd’hui parce que ces têtes folles étaient auparavant tenues par le Parti communiste, puis englobées dans la stratégie Mitterrand. Mais, aujourd’hui, plus rien ne les retient. Ce débat empoisonné est un bon révélateur du degré de masochisme atteint dans pays. »

Le ‘’tous gauchistes’’ est un slogan éculé, M. l’ancien ministre !

Hubert Védrine a une idée fulgurante pour expliquer le faisceau d’accusations portées à l’encontre de l’action de la France :

« Si les journaux étaient tenus comme autrefois, ça ne durerait pas une minute. »

Une idée que ne renierait pas Marine Le Pen. Si on suit l’ancien ministre qui va cachetonner chez Bernard Arnault, il faut faire taire les journalistes. Comme le fait Vincent Bolloré dans ses médias. Est-ce de cela dont on parle aux fameux dîners du Siècle ?

Odieux, mais digne de cette presse d’extrême droite qui recueille avec délectation les borborygmes d’Hubert Védrine.

Le fric et le football

Regardons en face : le football est à l’image de la société, gangréné par le fric. Et, pour tout dire, bien malade. Une fois encore, la finale de la Coupe d’Europe de football s’est terminée par une victoire par un tout petit but, après une rencontre de petite qualité, mais, parfois, d’une grande violence.

La finale était ‘’anglaise’’, à écouter les spécialistes 100 % british ; elle opposait Chelsea, le club de Londres, à Manchester City, une cité industrielle au nord-ouest de Londres qui a perdu ses industries pour devenir un important pôle financier, semant la misère dans de nombreux quartiers.

Au-delà du ballon rond, la rencontre opposait deux propriétaires non britanniques, à la tête d’immenses fortunes. Le Chelsea FC est l’une des activités parmi des centaines d’autres de l’oligarque russo-israélien Roman Abramovitch, quand City est la vitrine d’un autre oligarque, Khaldoon Al Mubarak, venu, lui, des Emirats arabes unis et contrôlant le Groupe uni d’Abu Dabi.

Les deux clubs opposés hier soir ont leur siège en Angleterre, mais les équipes sont très internationales ; sur les 30 joueurs ayant participé à la rencontre (titulaires et remplaçants), on a dénombré 15 nationalités différentes (européennes, brésiliennes, argentines, africaines ou encore nord-américaines). Les joueurs anglais étaient peu nombreux, 3 à Chelsea et 4 à Manchester.

La victoire de Chelsea ne doit donc pas grand-chose au football anglais et ne démontre en rien ses qualités et sa bonne santé.

Les oligarques gèrent leurs clubs comme ils gèrent leurs affaires, à coups de millions quand il ne s’agit pas de milliards ; leurs entraîneurs ont une obligation de résultats immédiats à la hauteur des investissements. En France, le PSG contrôlé par le Qatar a adopté les mêmes méthodes et présente une véritable sélection des meilleurs joueurs.

Mais l’argent ne rend pas nécessairement intelligent, ce serait absurde de le penser ; les résultats ne s’achètent pas quand le ballon peut avoir des rebonds imprévisibles ; à l’issue d’une rencontre, il y a un vainqueur et un vaincu. Les oligarques n’aiment pas être du côté des vaincus, ils n’hésitent pas à couper les têtes en cas de revers.

C’est l’aventure qui est arrivée à l’entraîneur de Chelsea, Thomas Tuchel, chassé et licencié par les Qataris du PSG à Noël et aussitôt recruté par le club londonien. Cinq mois plus tard, il remporte la Coupe d’Europe. Thiago Silva, le défenseur central du club londonien, avait dû quitter Paris en juillet dernier, jugé insuffisamment compétitif et trop âgé. Il avait rejoint lui aussi Chelsea.

Les deux hommes tenaient leur revanche, en forme de désaveu envers la politique des qataris du PSG !

Après avoir dépensé un fric fou, Roman Abramovitch se frotte les mains et plastronne. Nasser al-Khelaïfi, le président du PSG, fait grise mine après sa déconvenue en Coupe d’Europe et la perte du titre de champion de France. Son investissement de 222 millions d’euros en 2017 dans la ‘’star’’ brésilienne, Neymar, est raté. Mais il va continuer à sortir ses pétrodollars pour gagner.

Pendant ce temps-là, des milliers d’ouvriers immigrés trouvent la mort sur les chantiers de construction des stades du Qatar.

Le football, comme la société est malade du fric. Les oligarques ‘’font joujou’’ avec les footballeurs, leurs salariés sont maltraités. Tant qu’il y aura des oligarques rendus fous par l’argent qu’ils brassent, il sera difficile d’envisager une amélioration effective et substantielle de nos conditions de vie et un progrès de l’humanité

La crise ? Quelle crise ? (suite)

L’Observatoire des multinationales est une association réalisant des études et des investigations sur les activités des entreprises multinationales françaises ; elle décrypte l’actualité économique. Elle est associée à la Fondation suisse Charles Léopold Mayer, de tendance social-démocrate qui « soutient par ses dons des mouvements et des organisations de la société civile dans leurs actions de plaidoyer en faveur d’une transition sociale et écologique ».

L’Observatoire vient de publier une remarquable étude intitulée « Allo, Bercy ? Pas d’aides publiques aux grandes entreprises sans conditions », qu’on peut consulter sur son site

On peut y lire que « en pleine pandémie et alors que 100% de ses membres touchent des aides publiques liées au COVID19, le CAC40 réussit l’incroyable performance de verser près de 51 milliards d’euros à ses actionnaires (+22%), soit l’équivalent de 140% des profits qu’il a réalisés en 2020. BlackRock et les grandes familles capitalistes françaises en sont les grands bénéficiaires, avec le soutien tacite de l’État français qui touche lui aussi une part de ces dividendes. »

On y apprend que Total, par exemple, a versé 7,615 milliards d’euros en dividendes et rachats d’actions au titre de l’année 2020 payés en 2021. Total est le champion toutes catégories, devançant Sanofi (4,818 milliards), Axa (3,716 milliards), LVMH (3,041 milliards), etc.

Le principal bénéficiaire de cette généreuse distribution de dividendes est le fonds BlackRock, qui, présent dans la quasi-totalité des grandes entreprises françaises, a touché 1,1686 milliards en 2021 au titre de 2020. Mais, l’Observatoire révèle que l’Etat français a touché, lui, 1,618 milliards, plus que le groupe de Bernard Arnault avec 1,465 milliards ou le groupe Bolloré avec 759 millions.

L’Observatoire note aussi que « plus de 80% des groupes du CAC40 ayant recours au chômage partiel ont versé un dividende en 2020 ou 2021, y compris des groupes soupçonnés d’en avoir abusé. Dans le même temps, le CAC40 prévoit de supprimer 62 486 emplois dans le monde et 29 681 en France. Les actionnaires du CAC40 reçoivent l’équivalent de 815 000 euros par emploi supprimé. Qu’ils aient continué à verser de généreux dividendes malgré la crise sanitaire (Danone, Sanofi, Total) ou qu’ils aient dû être sauvés à grand renfort de milliards d’euros par les pouvoirs publics (Renault, Safran), les piliers du CAC40 se rejoignent dans la même stratégie de long terme de réduction de leurs effectifs, notamment en France. »

L’Observatoire relève que « avec 155 milliards d’euros débloqués pour soutenir les entreprises entre mars et décembre 2020, la France est, selon les données publiées par la Commission européenne, championne d’Europe en la matière. Ces 155 milliards viennent s’ajouter aux 150 milliards d’aides aux entreprises déjà en place avant la pandémie. » 

Mais il dénonce que ces aides ont été distribuées « sans conditionnalité sociale, écologique et fiscale digne de ce nom.  Plus d’un an après le début de la pandémie, rien ne justifie que ni le législateur ni le citoyen ne sache précisément qui a bénéficié, et pour quel montant, de l’argent public. »

Alors, la crise ? Quelle crise ? Les citoyens ne sont pas destinés à toujours observer la valse des milliards.

Le retour des privilèges

L’établissement public du château de Versailles réhabilite les privilèges. Il vient de céder les bâtiments du Grand Contrôle, du Petit Contrôle et du pavillon des premières Cent-Marches, jouxtant l’Orangerie, sous forme d’une Autorisation d’occupation temporaire (AOT) pour 40 ans à un groupe hôtelier baptisé Les Airelles qui les a transformés en un palace « pour visiteurs de marques ».

Les tarifs annoncés ne laissent planer aucun doute : l’hôtel n’accueillera que des visiteurs de marques au compte en banque bien garni. Il leur en coûtera de 1 700 (chambre sans baignoire, seulement avec douche !) à 10 000 euros (une bagatelle) la nuit ! Clientèle trillée sur le volet, assurément. Les smicards sont priés de rester à la porte à regarder le personnel en costume d’époque.

Les clients bénéficieront de certains privilèges : visite privée du château, du domaine de Marie-Antoinette ou encore d’un petit déjeuner préparé par Ducasse.

Le groupe qui a obtenu cette autorisation est une filiale de LOV Group, propriété de Stéphane Courbit, ancien stagiaire chez Dechavanne, aujourd’hui à la tête d‘une holding qui est présente dans la production audiovisuelle (Banijay), les jeux en ligne (Betclic) et donc l’hôtellerie de luxe sous la marque Les Airelles.

Le petit stagiaire a bien grandi ; il est à la tête d’un groupe présent dans 23 pays et qui compte environ 5000 collaborateurs permanents (non compris tous les précaires, intermittents et stagiaires, qui permettent de réduire les coûts). En une dizaine d’années, Stéphane Courbit est devenu l’une des cent plus grandes fortunes de France.

L’homme est ambitieux ; il n’hésite pas à mélanger les genres : production audiovisuelle et paris sportifs pour le bas peuple et hôtellerie de luxe (à Courchevel, Val d’Isère, Saint-Tropez, Gordes et désormais Versailles) pour les nantis.

L’architecte maître d’œuvre du projet d’aménagement du palace de Versailles (14 chambres seulement) s’est récemment exclamé : « S’est imposée l’idée d’offrir un véritable moment d’histoire aux clients de l’hôtel : qu’ils s’y trouvent emportés dès le seuil, au pied de l’un des monuments les plus fameux  au monde. Ces clients vont dormir au Château, rendez-vous compte, auquel ils auront un accès direct en passant par l’Orangerie ! » Quelle bêtise !

Pour que l’illusion soit complète de revivre comme Louis XIV, notre architecte conclut en disant : « Pour une complète expérience, parti a été pris de dissimuler les nouvelles technologies et de ne pas équiper les chambres d’écrans. Et les parquets craqueront, comme dans les vieilles demeures : cela m’importe beaucoup, de même que l’éclairage, imitant celui de la bougie, avec une intensité de lumière comparable. Ainsi pourra-t-on se transporter au siècle de Jacques Necker, Mme de Staël ou Frédéric Nepveu dont le souvenir irradie ces lieux. »

Heureusement que le ridicule ne tue pas…

Qu’un établissement public ait permis de réaliser ce projet odieux et insolent relève simplement du scandale d’état. Jusqu’où ira le retour des privilèges ?

Ce genre de provocation ne mérite qu’une réponse : préparer une Nuit du 4 août pour abolir les privilèges. Il y en a tant encore.

Culture des riches, culture du peuple

Bernard Arnault collectionne les œuvres d’art et les expose de façon ostentatoire. Sa fortune parmi les premières au monde lui permet toutes les folies et il s’autorise tous les droits. Mais collectionner pour montrer sa puissance financière ou s’affirmer comme ‘’le’’ mécène d’aujourd’hui, est-ce suffisant pour être homme de culture ? La culture qui émancipe, qui élargit l’horizon, qui engage au dialogue entre tous les humains et rend plus tolérant, est-ce son but ?

Le monde de la culture est plus vaste que les quelques œuvres d’art qu’il collectionne ; le livre, la musique, le cinéma et le spectacle vivant font intervenir de très nombreux artistes, auteurs, créateurs, techniciens, costumiers, metteurs en scène, éditeurs, etc. La culture d’un milliardaire n’est pas celle du plus grand nombre.

Le monde de l’art est donc fait d’une multitude métiers de l’ombre, sans qui rien ne serait créé. M. Arnault les ignore avec dédain. Son journal économique, voix du grand patronat, et ‘’ses’’ journalistes insultent tous les intermittents aujourd’hui.

Dominique Seux, le directeur délégué de la rédaction des Echos, vient de lâcher son venin dans son éditorial de France Inter sur les occupations des lieux de culture par les intermittents et Lucie Robequain s’est fendue d’un éditorial dans le quotidien en reprenant les mêmes arguments éculés mais que, décidément, il est nécessaire de rabâcher pour gagner la bataille des idées.

Dominique Seux éructe : le mouvement d’occupation ne concerne, selon lui, que 500 personnes (sous-entendu un mouvement minoritaire de quelques trublions) et a assez duré. Il concède que les pauvres intermittents ne sont pas des « privilégiés richissimes » (ils n’ont pas même le milliardième de la fortune de celle de son patron), mais s’il lâche cette vérité c’est pour mieux les fustiger : décidément, ils n’ont rien compris. Lucie Robequain n’est guère étonnée : le mouvement est initié par la CGT, dont, c’est bien connu, les adhérents sont des forcenés incultes et des irréductibles.

Pour Dominique Seux, « le mouvement d’occupation, soit 500 personnes, exige la suppression de la réforme globale de l’assurance-chômage qui ne les concerne pas ». Les intermittents sont vraiment très bêtes et obtus. Ou motivés par d’autres motifs, idéologiques bien sûr. La réforme gouvernementale ne concernerait pas tous les citoyens ; l’affirmer aussi crûment sur les ondes publiques, c’est très osé.

Dans son argumentation, Dominique Seux ne pouvait pas oublier de mentionner les « discours tenus lors de l’élégante dernière cérémonie des Césars » ; celle-ci l’a dérangé (tant mieux, cela prouve que les interventions visaient juste). Lucie Robequain, elle, dénonce la valse des milliards d’aides à l’heure « où beaucoup perdent la notion des chiffres ».

Certes, les pauvres intermittents manipulés par la CGT perdent la notion des chiffres quand on leur étale la fortune de Bernard Arnault. Mais le milliardaire, lui, compte sur ‘’ses’’ journalistes comme sur de vulgaires valets de pied pour fustiger ceux qui n’ont plus travaillé depuis plus d’un an et qui n’ont rien d’autre qu’une maigre allocation-chômage pour tenter de subsister, dans un monde sans culture et qui n’auront même pas suffisamment d’argent pour aller voir les œuvres d’art de la Fondation Vuitton.

Alors, Bernard Arnault, Dominique Seux et Lucie Robequain, eux, n’ont rien compris à ce qui fait culture ; peu leur importe : ils s’occupent d’affaires autrement plus importantes, celles de quelques-uns contre le peuple.

Vive le service public

Le Monde a publié un article de son correspondant à Londres qui aurait dû faire les gros titres de la presse et du service public des chaînes de télévision. Mais, chut. Taisons-nous !

Déjà le titre avait attiré mon attention : « Au Royaume-Uni l’Etat reprend le contrôle des trains ». L’introduction m’a convaincu de lire l’article jusqu’au bout :

« Progressivement, sans vraiment le dire, Boris Johnson détricote maille à maille la révolution thatchérienne. Après avoir fortement augmenté les dépenses de l’Etat, pandémie de Covid-19 oblige, le premier ministre britannique met en place une profonde réorganisation du système ferroviaire, écornant très largement la privatisation lancée en 1994. Jeudi 20 mai, le gouvernement britannique a annoncé la création d’une entreprise publique qui va désormais chapeauter le fonctionnement des trains du Royaume-Uni. « C’est le plus grand changement ferroviaire depuis vingt-cinq ans », annoncent Grant Shapps, le ministre des transports, et Keith Williams, l’auteur du Livre blanc qui présente la réforme. »

Si l’auteur de l’article prend soin de noter que les deux ministres « font très attention à ne pas parler de nationalisation », il nous apprend que la nouvelle entreprise, Great British Railways, est un changement de cap important pour remédier au fiasco des privatisations de Margaret Thatcher. Le gouvernement britannique avait déjà repris le contrôle des voies en 2002, sans pouvoir remédier aux dysfonctionnements induits par la privatisation : horaires fantaisistes et non respectés, liaisons abandonnées et augmentations des tarifs pouvant aller jusqu’à 50 %, sans parler des faillites de certains sociétés qui ont dû être renationalisées.

Un livre blanc présentant la réforme ministérielle note que « La privatisation des trains n’a jamais été acceptée par le grand public, ses problèmes étant trop évidents »et révèle que l’Etat a « injecté 12 milliards de livres pour sauver les trains ». Un détail.

Ceux qui prônent l’ouverture à la concurrence en France et en Europe ont-ils lu le livre blanc du gouvernement de Boris Johnson ? On peut proposer de leur traduire, au cas où…

Valls, enfin !

Manuel Valls sait-il encore où il habite ? Depuis qu’il a quitté l’Hôtel Matignon et son fauteuil de premier ministre, il erre comme une âme en peine. Un jour en France, un jour à Barcelone et, après une déculottée mémorable à la mairie de la capitale catalane, de retour en France. Pour s’éloigner de ceux qui ne lui ont trouvé aucune qualité et surtout pas pour diriger leur fière cité ?

Il s’époumone pour faire parler de lui et, sans doute, prendre date pour revenir dans un gouvernement à la hauteur de ses ambitions de politicien raté, fier, hautain, vaniteux, dont on a pu mesurer l’ampleur de l’incompétence à régler les problèmes sociaux de la France. Il a fait le choix de se situer de plus en plus à droite, comme nombre d’anciens socialistes en recherche de maroquins.

Il est prêt à signer n’importe quelle pétition, de préférence émanant de personnalités réactionnaires. Il a donc signé un libelle, intitulé ‘’Ceux qui menacent Israël nous menacent aussi’’, qui reprend tout l’argumentaire de la droite et de l’extrême droite israélienne ; il est si outrancier que même Alain Finkielkraut a refusé de le signer.

Mais il en faut davantage pour décourager Manuel Valls, qui, sommé de s’expliquer, a osé ajouter (s’il en était besoin) : « Bernard-Henri Lévy a raison quand il dit que s’il y avait un Etat palestinien, ce serait un Etat terroriste. »

Nullement gêné d’apposer sa signature aux côtés de boutefeux comme Bat Ye’or, figure de l’extrême droite britannique, ou de l’avocat Gilles-William Goldnadel, de Luc Ferry ou de Philippe Val, de Pierre-André Taguieff ou de Jean-Marie Brohm, l’ancien premier ministre de François Hollande justifie la politique de Benyamin Netanyahou (« Dans l’affrontement présent, Israël est dans son droit. »), dénonce l’empressement de « certains partis politiques en France (…) à défendre le Hamas » et fait le procès des médias : « Face à cette agression, l’essentiel de la couverture médiatique paraît surréaliste. Certains journalistes osent certes désormais parler d’ « attaques des islamistes du Hamas », mais la plupart renvoient encore les belligérants dos à dos tandis que d’autres évoquent une énième provocation originelle israélienne (conflits immobiliers à Jérusalem-Est ou supposée invasion d’al-Aqsa, par exemple) qui aurait mis le feu aux poudres, alors qu’on sait bien que le stock de roquettes (financé notamment par les commanditaires iraniens du Hamas) et les tunnels étaient déjà en place de longue date. »

La véritable nature de Manuel Valls est enfin dévoilée. On comprend aujourd’hui pourquoi les Barcelonais n’ont pas voté pour lui et ont tout fait pour le renvoyer de l’autre côté des Pyrénées !

Quelle claque !

Emmanuel Macron et son gouvernement de matamores viennent d’enregistrer un désaveu cinglant de la part du Conseil constitutionnel qui a déclaré les articles les plus emblématiques de la loi dite de ‘’sécurité globale’’ « contraires à la Constitution ».

Il s’agit notamment de l’article 24 de la loi, dicté par les plus droitiers des syndicats de police, permettant de pénaliser « la diffusion malveillante » de leur image. La décision du Conseil constitutionnel a également censuré l’article permettant l’usage de drones par les mêmes forces de police, qui renforçait les méthodes de surveillance de masse des citoyens.

La loi a fait l’objet de nombreuses manifestations, réunissant syndicats, partis politiques de gauche et associations de défense des libertés publiques pour lesquels le fameux article 24 n’assurait pas une conciliation équilibrée « entre les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée ». Les syndicats de journalistes dénonçaient aussi une atteinte délibérée au droit d’informer.

Dans son délire répressif, le président de la République s’est brûlé les ailes et son gouvernement s’est prêté à un jeu dangereux d’atteinte aux libertés fondamentales. Cependant, l’épisode montre que les luttes populaires peuvent entraver les pires desseins d’un pouvoir néolibéral soucieux de réduire les libertés pour perdurer. Il fait la démonstration que malgré sa réécriture, le projet de loi était un brûlot liberticide.

Les luttes vont pouvoir s’appuyer sur cette première victoire pour s’atteler à d’autres combats ; la loi dite ‘’sécurité globale’’, par exemple, comprend d’autres dispositions dangereuses et les projets de loi se multiplient pour nous amener rapidement dans un régime autoritaire où la police n’est plus au service de l’intérêt général mais d’un pouvoir de plus en plus décrié.

Macron, Castex, Darmanin, entre autres, ont pris une gifle magistrale. Il en faudra d’autres. Darmanin n’est-il pas déjà prêt à prendre sa revanche en déclarant vouloir réécrire l’article 24 ?

Ce régime ne connaît que le rapport de force. Montrons lui.

Paysage désolant

J’en suis de plus en plus persuadé (et dépité) : la France est malade de sa classe politique et de ses médias à leur image parce qu’à leur solde.

Pour faire moderne, nul besoin de programme (d’ailleurs, ils sont jetés à la corbeille le lendemain de l’élection). Mais besoin de petites phrases bien ciselées, apprises par cœur. Vous savez par avance que les journalistes formatés vous poseront la question vous permettant de la placer. Ensuite, elle sera reprise, ‘’twittée’’, commentée. Largement plus que votre programme.

La caricature du nouvel homme politique était incarnée par Donald Trump et ses ‘’tweets’’. Mais nous avons aussi nos champions de la petite phrase.

Xavier Bertrand, député UMP, puis ministre depuis 2002, a une longue carrière derrière lui ; il aspire aujourd’hui à la présidence de la République. Et il penche de plus en plus ouvertement vers l’extrême droite. C’est sans doute pour cette raison qu’il s’est cru autorisé à déclarer : « Il y a une forme de numerus clausus qui ne dit pas son nom en France. La justice est obligée de juger en fonction des places de prison disponibles. Je propose 20 000 places supplémentaires. »

Celui qui a eu des fonctions élevées dans l’appareil d’Etat ment en toute connaissance de cause. Son affirmation est fausse. Mais quand les policiers manifestent et dénoncent le laxisme de la justice, Xavier Bertrand sait qu’il sera entendu et repris dans les médias.

Son ex-compagnon de l’UMP, Gérald Darmanin, ci-devant ministre de l’intérieur, déclare, lui, à propos de la délinquance dans L’express : « J’aime beaucoup les enquêtes de victimisation et les experts médiatiques, mais je préfère le bon sens du boucher-charcutier de Tourcoing. » Il visait les enquêtes de l’INSEE.

La petite phrase est idiote, malgré le bon sens du boucher, mais elle est surtout insultante pour les salariés de l’INSEE et tous les chercheurs qui contredisent les mensonges relatifs à l’augmentation de la délinquance.

Dans ce concert, Philippe de Villiers a remporté la palme de la petite phrase la plus imbécile ; sur CNews, évidemment, et devant Pascal Praud aux anges, il a déclaré avoir été en contact avec le célèbre bonimenteur Didier Raoult :« Le colloque entre le malade et le grand professeur restera secret à jamais. Il ne sera même pas ouvert pour les archives de la médecine. J’ai été un cobaye. Il m’a dit : ‘’Ne vous inquiétez pas vous allez survivre’’. » Puis, il a ajouté que le charlatan lui avait prescrit un traitement au Ricard : « Je l’ai pris normalement comme on le prend à Marseille. Il faut au moins deux doses. Le premier soir, un premier verre à ballon. Le deuxième soir un verre à Ricard. Là ça allait beaucoup mieux et au bout de trois jours, j’étais guéri. C’est peut-être l’anis, je n’en sais rien. »

Comment un journaliste peut-il accréditer de telles fariboles sans réagir ? Il faut être en France sur une chaîne Bolloré !

Les élus d’extrême droite, encouragés à se dépasser pour ne pas se laisser déborder sur leur droite (c’est encore possible), doivent se distinguer. Alors, par exemple, l’élu du RN Stéphane Ravier a osé déclarer à propos du retour de Karim Benzema en équipe de France : « Qu’il joue pour l’équipe nationale, mais d’Algérie. » Rappelons que le racisme est un délit.

Enfin, les policiers se lâchent aussi, comme François Bersani, secrétaire départemental des Yvelines du syndicat Unité-SGP-FO) qui a dit en pleine manifestation : « Nul doute que si cette mobilisation s’avère très efficace aujourd’hui, les digues céderont, c’est-à-dire les contraintes de la constitution, de la loi. »

Il s’agit d’un appel à la sédition, car la Constitution et la loi sont les fondements de la démocratie. M. Bersani lance un appel semblable à l’appel des militaires. Qu’en pense le secrétaire général de la confédération FO ?

Décidément, oui, la démocratie est malade ; elle est attaquée de toutes parts et les politiques se vautrent dans l’ignominie. Autant de bêtises sont inquiétantes et sont le reflet d’une compétition, à droite et à l’extrême droite, pour pourrir le nécessaire débat des prochaines élections en apeurant les citoyens.

La télévision confisquée

Après la vente des publications du groupe Prisma à Vivendi-Bolloré, on apprend donc que TF1 va racheter M6 et RTL. En d’autres temps, on aurait parlé de séisme dans les médias. Le grand groupe allemand Bertelsmann, propriétaire de ces activités, se désengage de la France et aucun ‘’observateur’’ ne semble interpellé. Pourquoi ce départ d’un pays où les magazines, les radios et les chaînes de télévision constituaient l’un des principaux groupes de l’Hexagone ?

La fusion de la télé Bouygues avec M6, mais aussi RTL, est l’occasion d’entendre à nouveau tous les poncifs destinés à justifier une nouvelle concentration capitalistique dans le monde de la communication au sens large, mais de taire les dessous d’une affaire politico-financière.

Enfin, osent les plus intrépides, la fusion va permettre d’avoir un grand groupe français capable de concurrencer Netflix, Amazon ou Disney. Le directeur de la SACD, Pascal Rogard, censé protéger les auteurs s’est cru autorisé à dire : « Tout le monde a besoin de grands groupes capables de financer des projets ambitieux. Avec la multiplication des chaînes sur la TNT, les capacités de financement ont été fragmentées. Il vaut mieux peu d’acteurs forts que beaucoup d’acteurs faibles. »

C’est déjà ce que disait déjà Sarkozy en 2009. Pascal Rogard a des références qui vont faire frémir tous les réalisateurs audiovisuels !

Les producteurs, eux, plus réalistes balancent entre inquiétude et colère ; ils affirment : « Un seul guichet pour vendre, ça ne peut que faire peur au monde de la création » ou encore « Le marché français de la production a toujours souffert du manque de concurrence, donc la concentration qui s’annonce n’est pas une bonne nouvelle. Nous sommes très inquiets. »

Quant à la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci, elle s’est crue autorisée d’avoir elle aussi un avis et quel avis ! « Le fait que les chaînes gratuites privées se concentrent, je le vois plutôt positivement, car moi j’ai besoin d’avoir un TF1 et un M6 qui vont bien. Certes, on se bagarre pour les audiences au quotidien, mais au fond on défend la même chose : un accès gratuit à des contenus de qualité pour tous en linéaire. »

Quand Mme Ernotte a-t-elle vu des contenus de qualité sur TF1 ? Et sur le service public, les émissions qui ‘’informent, éduquent et divertissent’’ se font rares avec les Ruquier, Bern, Davant et autres. La télévision qui ne prend pas le téléspectateur pour des demeurés, assoiffés de faits divers et de sécurité, elle est sur France 5 et de moins en moins sur France 2 et France 3.

La fusion annoncée a été menée en concertation avec l’Elysée et Emmanuel Macron a mis tout son poids dans la balance, ignorant royalement Roselyne Bachelot. Quelle garantie a-t-il obtenu de Martin Bouygues et Nicolas de Tavernost pour la prochaine campagne présidentielle ?

Ceux qui applaudissent à ce cataclysme n’ont sans doute pas entendu les inquiétudes des salariés (inquiets pour leur emploi quand on parle déjà d’économies d’échelle), des journalistes (inquiets pour le pluralisme et l’indépendance rédactionnelle) et des créateurs. Les affaires sont trop importantes pour se soucier de tels dossiers sociaux !

Dieu n’est pas catholique

J’ai déjà, ici, abordé la question de l’existence de Dieu. Quand je m’interroge sur son existence, je suis traité de blasphémateur et de provocateur par les catholiques (mais je n’obtiens aucune réponse) ; ma condamnation serait tout autant radicale par les islamistes, les bouddhistes, les juifs et combien d’autres. Si je ne peux pas apporter les preuves que Dieu n’existe pas, les croyants sont dans la même incapacité de prouver le contraire, malgré les prétendus miracles sur lesquels ils ont bâti une foi inébranlable.

Voilà que les journalistes de l’émission Le Temps du débat (France Culture) me plongent dans un abîme de perplexité à propos de Dieu. Eternelle question !

Durant tout le confinement, Emmanuel Laurentin et Rémi Baille ont invité des intellectuels à leur adresser des contributions pour alimenter une Conversation mondiale. Autant dire que les textes reçus sont de haute volée. L’un des derniers est venu d’Italie (ou plutôt des Etats-Unis) et de Carlo Ginzburg, professeur d’histoire moderne à l’université de Californie à Los Angeles, un esprit éclairé et brillant, sur le thème de la laïcité et de ses origines.

Son titre m’est apparu provocateur et blasphémateur : ‘’Dieu n’est pas catholique’’.

Ginzburg débute ainsi sa contribution :

« Dans le Dictionnaire des intraduisibles dirigé par Barbara Cassin, on lit, à la fin de l’article ‘’Sécularisation’’ (par Marc de Launay) que la laïcité peut être comprise soit ‘’comme une conséquence de la sécularisation lato sensu’’, soit ‘’comme une solution imparfaite de la question de la sécularisation. Dans les deux cas, la notion de sécularisation englobe la nation de laïcité. Mais qu’est-ce qu’on entend par ‘’sécularisation’’ ? »

Ginzburg explicite alors le titre de sa contribution.

Dans un numéro du quotidien Repubblica, en 2013, il était tombé sur un article , un dialogue entre Eugenio Scalfari, le fondateur du journal, et le pape Bergoglio, au cours duquel le pape avait prononcé la phrase-titre : ‘’Dieu n’est pas catholique’’.

Ginzburg, étonné, avait alors effectué des recherches et découvert qu’elle avait été prononcée par l’archevêque de Milan Carlo Maria Martini et que celui-ci était un jésuite, comme le pape Bergoglio.

En remontant encore plus loin, Ginzburg trouve l’origine de cette affirmation dans le catéchisme d’un missionnaire jésuite en Chine en 1603 ; celui-ci, Matteo Ricci présentait alors le christianisme sans la crucifixion du Christ, ni sa résurrection. Ginzburg cite alors une des Lettres provinciales de Pascal dans laquelle il fait observer que les jésuites « suppriment le scandale de la Croix, et ne prêchent que Jésus-Christ glorieux et non pas Jésus-Christ souffrant ».

Ginzburg en conclut alors en écrivant que « la stratégie missionnaire de la Compagnie de Jésus a été interprétée, de manière tour à tour favorable ou hostile, comme une ‘’heureuse synthèse’’ entre l’Evangile et la culture des autres peuples, ou bien comme une trajectoire vers la religion naturelle. C’est là une énigme – pour ceux aussi qui considèrent le pape Bergoglio, le premier pape jésuite, comme le dernier anneau d’une chaîne historique. »

Ginzburg termine en s’interrogeant : « Est-ce qu’on pourrait regarder la phrase ‘’Dieu n’est pas catholique’’ comme un épisode – imprévisible et ambigu – de la sécularisation ? Peut-être. Après tout, la sécularisation implique l’appropriation des instruments des religions – et l’inverse aussi, pourquoi pas ? L’adaptation est une forme de lutte. »

L’exposé est brillant. Et à lire religieusement!

Retour à la normale

La crise ? Quelle crise ?

Les ultra-riches, eux, ne connaissent pas le mot : un tableau de Picasso, Femme assise près d’une fenêtre, représentant Marie-Thérèse Walter, a été vendu 103,4 millions de dollars (93,32 millions d’euros) lors d’enchères chez Christie’s à New York jeudi dernier.

Il avait été acheté huit ans plus tôt 44,8 millions de dollars.

Qui osera dire que l’art n’est pas objet de spéculation quand un tableau, même de Picasso, se vend plus de deux fois son prix d’il y a huit ans ?

Christie’s se frotte les mains et le résultat de l’enchère faire dire à Bonnie Brennan, présidente pour l’Amérique de la société achetée par François Pinault en 1998, que la bonne tenue de la séance de jeudi « signale un vrai retour à la normale ».

La normale pour les ultra-riches, c’est quand le nombre de pauvres ne cesse de s’enfoncer dans plus de pauvreté et quand ils peuvent satisfaire leurs caprices. Il y a dans le retour à la normale toute la morgue insupportable des premiers de cordée.

François Pinault, qui ouvre son musée personnel à Paris dans l’ancienne Bourse du commerce, se frotte les mains. C’est déjà Christie’s qui avait vendu le tableau le plus cher du monde, le Salvator Mundi attribué à Léonard de Vinci, pour 450,3 milliards de dollars en 2017.

Les ultra-riches ne sont nullement gênés que Picasso fût communiste ; peu importe, ils achètent, ils dépensent sans compter, ils gaspillent leurs fortunes, ne paient que très peu d’impôts et n’ont que mépris pour les pauvres. C’est le monde ultra-libéral. A vomir 

Bezos remercie le Luxembourg

Connaissez-vous les rescrits fiscaux du Luxembourg ? Non. Mais les multinationales, elles, en connaissent toutes les subtilités. Quant à la Cour de justice de l’Union européenne, elle ferme les yeux et, bien au contraire, par ses jugements elle vise à les pérenniser.

Le 13 ami, elle a rendu un verdict très attendu dans un litige opposant l’Union européenne à Amazon. Le groupe de Jeff Bezos était soupçonné de montages fiscaux illégaux au Luxembourg avec la complicité du premier ministre du Grand-Duché, Jean-Claude Juncker. Les montages, baptisés LuxLeaks, avait été mis au grand jour grâce aux investigations du Consortium international des journalistes d’investigation du Center for Public Integrity.

L’accord entre Amazon et le Luxembourg avait été signé en 2003 et reconduit en 2011 ; la Commission avait estimé les avantages à 250 millions d’euros.

Le Luxembourg et Amazon avaient déposés un recours. Aujourd’hui, la Cour de justice conclut qu’«aucun des constats exposés par la décision attaquée ne (suffisait) à démontrer l’existence d’un avantage (…) de sorte qu’il y (avait) lieu de l’annuler dans son ensemble ». Amazon crie victoire et le Luxembourg s’est réjoui d’un arrêt « qui confirme que le traitement fiscal (…) en question (…) n’était pas constitutif d’une aide d’Etat ».

L’ONG Oxfam, de son côté, estime que « La décision d’aujourd’hui est un coup dur. Elle montre une fois de plus que les enquêtes au cas par cas ne permettent pas de résoudre le problème de l’évasion fiscale (…) La pandémie pousse les gens dans la pauvreté, tandis que les profiteurs de la pandémie, comme Amazon et Jeff Bezos, continuent de voir leur fortune atteindre des sommets sans payer leur juste part d’impôt».

Amazon a domicilié son siège principal pour l’Europe, LuxOpCo, au Luxembourg et cette société bénéficie d’un impôt dont le plafond est fixé à 0,55 % du chiffre d’affaires réalisés dans l’ensemble des pays de l’Union. Quant à la filiale en commandite luxembourgeoise, Lux SCS, elle n’est carrément pas assujettie à l’impôt. On comprend pourquoi Bezos était si impatient de connaître le verdict de la justice et jubile aujourd’hui.

Les multinationales et leurs innombrables filiales ont encore de beaux jours devant elles dans l’Union européenne, avec des Etats-voyous comme le Luxembourg qui ne sont pas considérés comme des paradis fiscaux. Quant aux autres Etats, ils ne se précipitent pas pour imposer un même système fiscal dans l’Union européenne ou pour condamner le Luxembourg ou l’Irlande ; l’ultra-libéralisme règne, sans partage.

Soutenir le peuple palestinien

C’est en France que cela se passe :

A la sortie du ministère des affaires étrangères d’une délégation composée de députés (Elsa Faucillon pour le PCF, Sabine Rubin pour la France insoumise), de la sénatrice Raymonde Poncet-Monge (EELV), du syndicaliste Pierre Coutaz (CGT), de Jean-Guy Greisalmer, de l’Union juive française pour la paix et de Bertrand Heilbronn, président de l’Association France Palestine solidarité (AFPS), ce dernier a été arrêté mercredi soir en conduit menotté au commissariat du 7earrondissement. Motif : manifestation interdite. Il a été placé en garde à vue et n’a été libéré que dans la nuit.

La délégation venait de demander à la France d’agir pour dénoncer la répression contre les jeunes Palestiniens à Jérusalem.

Le préfet de Paris, Didier Lallemant, égal à lui-même, a considéré « qu’il existe un risque sérieux que les affrontements violents qui se sont produits ces dernières heures entre Palestiniens et forces de l’ordre israéliennes ne se transportent sur le territoire national et que, dans ce contexte de fortes tensions, cette manifestation soit l’occasion de troubles graves à l’ordre public entre partisans de l’une ou l’autre des parties au conflit ».

Le gouvernement français se garde bien de dénoncer la brutalité des représailles de l’armée israélienne et tente de réduire au silence les partis, syndicats et associations qui condamnent la politique d’un Netanyahou incapable de former un gouvernement mais qui peut encore donner ordre à l’armée de tuer des Palestiniens.

Pis encore, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a demandé au préfet (qui n’en demandait pas tant) d’interdire les manifestations organisées samedi. Et le petit conseiller municipal de Barcelone, Manuel Valls, en rajoute dans l’ignominie en apportant son soutien à Israël et en demandant lui aussi l’interdiction des manifestations « de soutien au Hamas (…) qui seront une nouvelle fois des rassemblements antisionistes et antisémites. »

Si Darmanin persiste dans l’odieux, Valls, lui, se complaît dans l’imbécilité en parlant de manifestations de soutien au Hamas alors qu’il s’agit de soutien au peuple palestinien privé de reconnaissance et de ghettoïsation par Israël. Et Macron se tait.

C’est en France que cela se passe. Et c’est odieux : soutenir le peuple palestinien n’est pas un délit et condamner la politique d’Israël ne relève pas de l’antisémitisme.

Le business de la santé

« Le laboratoire pharmaceutique Sanofi est, par exemple, l’un des plus gros distributeurs de dividendes en France. Il en a versé, en 2017, 5,66 milliards d’euros, ce qui le place juste derrière Total (6 milliards) et devant BNP Paribas (3,37 milliards). Mais, à vouloir gagner toujours plus, les laboratoires sont conduits à augmenter sans cesse leurs prix, au point que, pour la première fois, en 2014, la France a dû décider de ne pas fournir à tous les patients en ayant besoin un traitement contre l’hépatite C (le Sovaldi du laboratoire Gilead, et ce, pour des raisons financières. Le Sovaldi a été mis en vente à un prix de 56 000 euros le traitement. Entre 2014 et 2016, la Sécurité sociale française a ainsi versé 702 millions d’euros à Gilead. »

Ces quelques phrases sont extraites du chapitre ‘’La santé, un business’’ du ‘’Manuel indocile des sciences sociales. Pour des savoirs résistants’’, paru en 2019 sous la direction de la Fondation Copernic aux Editions La Découverte.

Je n’ai pas choisi par hasard cet extrait d’un livre d’un peu plus de 1000 pages qu’il faut lire et relire. Sanofi engrange les profits et distribue des dividendes mais s’avère incapable de mettre au point un vaccin anti-Covid19 et se permet de licencier en pleine pandémie des dizaines de salariés de ses laboratoires de recherche.

Délire du capitalisme financier. Délire des acteurs financiers avides de dividendes.

La France de Macron investit des milliards pour acheter des vaccins aux laboratoires américains et se fait le complice des laboratoires français qui sacrifient la recherche, mais se gavent de subventions sous forme de Crédit impôt recherche (CIR).

Emmanuel Macron n’a fait aucune déclaration pour condamner l’attitude de Sanofi et pour remettre en question le scandaleux CIR égal à 30 % des dépenses inférieures ou égales à 100 millions d’euros ou de 5 % au-delà de 100 millions et déduit directement de l’impôt sur les sociétés.

En conclusion, les auteurs de ce chapitre du Manuel de Copernic écrivent : « La santé est donc un business. Dès que le marché ou plus largement les logiques marchandes se voient conférer trop de place pour organiser le système de santé, les conséquences sont inévitables : rationnement des traitement pour certaines pathologies, dégradation des soins et des conditions de travail à l’hôpital, ‘’reste à charge’’ plus élevé pour les patients. Plus la santé est un business, et plus les dépenses de santé et les inégalités explosent, comme c’est le cas aux Etats-Unis. »

En France aussi ; on le constate chaque jour et plus encore en pleine pandémie du coronavirus.

Déni de démocratie

Les institutions de la Ve République permettent tout, y compris les manœuvres sordides.

Mardi 10 mai, les députés étaient invités à voter le projet de loi dit « gestion de sortie de crise sanitaire » ; son article 1 prolongeait l’état d’urgence jusqu’au 31 octobre (et les restrictions des libertés) et instituait un ‘’passe sanitaire’’. Coup de théâtre, l’Assemblée rejetait l’article par 108 voix contre 103, les députés Modem s’étant joints à ceux de l’opposition.

Les députés de tous bords dénonçaient qui le mépris de la représentation nationale, qui le régime d’exception (qui a assez duré), qui une philosophie de contrôle social dangereuse.

Mais, scandaleusement, les institutions permettent au gouvernement de demander un second vote. Celui-ci en use et en abuse. Hier soir, il a revu son projet de loi à la marge, en écourtant la période de transition au 30 septembre plutôt qu’au 31 octobre. Cela a semble-t-il suffi au Modem pour être rassuré et aux responsables du parti godillot de Macron pour rameuter leurs troupes. Le second vote a permis au gouvernement de ne pas perdre la face en foulant au pied la démocratie : 208 députés votant l’article 1 rectifié, contre 85.

Il s’agit d’un nouvel épisode peu glorieux pour Emmanuel Macron, et son gouvernement, mais c’est surtout la démonstration que la Constitution de la Ve République est anti-démocratique et que les régimes libéraux autoritaires sont prêts à tout pour continuer leur sale œuvre de démolition des libertés fondamentales.

Les dénis de démocratie se multiplient en France. Dangereusement.

Les fourberies de Macron

Déborder Emmanuel Macron sur sa gauche est de plus en plus aisé ; la performance de Joe Biden n’est pas un exploit, juste le résultat d’une prise de conscience d’un (léger) glissement à gauche de l’électorat américain et du dérapage de plus en plus prononcé du président de la République française vers la droite de la droite libérale.

Joe Biden a utilisé l’expression « bien public mondial » pour justifier la levée des brevets sur les vaccins. Il ne s’est pas converti subitement en révolutionnaire, style Che Guevara ; sa prise de position est hypocrite et doit être remise dans son contexte. Mais elle a le mérite d’ouvrir un débat et de placer les dirigeants européens et notamment le locataire de l’Elysée en porte-à-faux.

Macron a profité d’un prétendu sommet social européen à Porto pour tenter de reprendre la main et de ne pas apparaître comme un étroit nationaliste vaccinal.

Il a déclaré : « Je suis ouvert sur ces questions de levée des brevets, je l’ai déjà dit, mais nous, les Européens, nous nous battons pour que le vaccin soit un bien public mondial depuis maintenant un an. Et je suis heureux que l’on nous suive. » Le seul problème est que Macron le matamore et ses collègues européens n’ont rien fait pour traduire cette belle déclaration et cette noble ambition dans les faits. Puis il a ajouté : « Ensuite, quel est le sujet actuellement ? Ce n’est pas vraiment la propriété intellectuelle. Vous pouvez donner la propriété intellectuelle à des laboratoires qui ne savent pas produire, ils ne le produiront pas demain (…) Je suis favorable à ce qu’on ait ce débat, mais il ne faut pas tuer la rémunération de l’innovation. Il faut toujours rémunérer les chercheurs, c’est important. Oui à la solidarité, mais elle passe aussi par ces mécanismes. »

Tout est dit ; l’art de dire tout et son contraire à deux phrases d’intervalle est sans doute ce qui reste du grand oral de l’ENA dans la mémoire du président de la République ultralibérale !

Pendant que Macron et les autres dirigeants européens (et même Biden) parlent, les grands laboratoires pharmaceutiques, gorgés de fonds publics, calculent rentrées d’argent colossales, profits et dividendes prodigieux.

Les fourberies de Macron ne trompent plus personne.

Célébrer Mitterrand ?

Les fidèles se sont donnés rendez-vous aujourd’hui au Creusot pour célébrer la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle le 10 mai 1981, Jospin, l’ex-gauchiste en première ligne. Mais, pour certains socialistes d’aujourd’hui dont le premier secrétaire du parti, la manifestation pour le climat leur permet d’échapper opportunément à la fête de la social-démocratie.

Ah ! On y a cru ; on débordait d’enthousiasme. Enfin, on allait sortir de 23 ans d’un pouvoir étouffant, successivement gaulliste, pompidolien et giscardien. On l’avait tant espéré ce vent de liberté et ce retour à la démocratie. Enfin, on allait tourner la page des barbouzes, de la Françafrique, des scandales immobiliers, des pressions ministérielles sur l’information, etc.

On a vite déchanté. Celui qui avait dénoncé le système politique de la Ve République dans ‘’Le coup d’Etat permanent’’ a trahi tous les espoirs. Quarante ans plus tard, nous vivons toujours sous le même système ; la démocratie a encore reculé avec la décision de Lionel Jospin de lier élection présidentielle et élections législatives. Démoniaque, Mitterrand n’hésitait pas à prédire que « les institutions de la Ve étaient mauvaises avant moi, elles le seront après moi ». De Chirac, Sarkozy et Hollande, il n’y avait rien à attendre, d’Emmanuel Macron non plus sinon que nous sombrerions dans l’ultra-libéralisme. Mitterrand n’a pas touché à un seul article de la Constitution !

L’attitude de Mitterrand n’aurait pas dû me surprendre ; un vieil ami m’avait prévenu quand jeune loup impatient j’écoutais ses conseils avisés : « Les socialistes ont toujours trahi la classe ouvrière. » Alors, pourquoi y ai-je cru en 1981 ? Pourquoi étais-je si enthousiaste en mettant un bulletin Mitterrand dans l’urne ?

En tant que journaliste, j’ai eu à subir les trahisons de Mitterrand : la prétendue loi anti-Hersant, la fin du monopole d’Etat de diffusion (ouvrant la voie aux privatisations), la création de Canal+ offerte au privé et confiée à André Rousselet, patron de combat, la création de La Cinq offerte à Silvio Berlusconi, les cadeaux faits à Jean-Luc Lagardère, etc.

Je vois encore les hiérarques des médias, notamment dans l’audiovisuel public, se précipiter pour prendre leur carte du Parti socialiste et préserver leur juteuse sinécure. Et pour que rien ne change.

Je dénonce les trahisons de Mitterrand dans mon nouveau livre, ‘’Journalistes, brisez vos menottes de l’esprit’’ (Editions Maïa). Je dis bien d’autres choses, mais en le faisant je suis enfin en paix avec ma conscience.

Je ne peux vraiment pas célébrer l’élection de Mitterrand et rejoindre ceux qui ont couvert, sinon initié, ses actes contraires aux intérêts du peuple.

Un pognon de dingue

Nicolas Sarkozy a 66 ans, un âge qui pourrait lui permettre de partir à la retraite pour s’adonner à des activités de loisirs, comme de nombreux salariés, usés par une vie durant laquelle ils n’ont pas arrêté de trimer dur.

Sa longue carrière politique, qui s’étale de 1977 (élection au conseil municipal de Neuilly) à 2016 (fin de son quinquennat présidentiel), ne semble pas l’avoir épuisé puisque Nicolas Sarkozy a opté pour une multitude de loisirs très, très lucratifs. La liste de ses activités est impressionnante ; quelle énergie et quel agenda pour gérer autant de réunions, de dossiers, de rendez-vous, de voyages ! Un conseil : attention à la crise cardiaque et au surmenage.

Le magazine Capital a dressé la liste des activités du ministre au Karcher : administrateur chez Accor, Barrière, Lagardère, Lov Group Invest (holding de Stéphane Courbit), conseil chez Natixis (membre de l’International advisory network, un titre qui en jette !), membre de l’advisory board de Chargeurs (le groupe textile), membre de l’advisory board d’Axian (groupe malgache), enfin, couronnement personnel pour un homme qu’on imagine exceptionnel pour s’attacher ses services, membre du Berggruen Network, un think tank inutile mais où il peut croiser (et échanger des souvenirs) Tony Blair, Gordon Brown, Gerhard Scröder, Fernando Cardoso, Jacques Delors, Pascal Lamy, Jacques Attali, Bernard-Henri Lévy, Mario Monti, Romano Prodi, Elon Musk, Jack Dorsey, Alain Minc, James Cameron (la liste fait immédiatement penser à une maison de retraite de luxe pour vieux hommes d’affaires cacochymes et politiciens nostalgiques de leurs années de pouvoir).

Le petit Nicolas n’est pas le retraité démuni comme le sont ceux qui voient leur pension diminuer à chaque réforme. Il bénéficie d’une retraite d’ancien président de la République (6 220 euros brut par mois), qu’il cumule avec celle de député, etc. L’Etat prend aussi à sa charge son bureau et ses 7 collaborateurs permanents (qui ne doivent pas chômer pour gérer son agenda aux frais du contribuable) et sa voiture de fonction. Ajoutons que son cabinet d’avocat ne s’est jamais si bien porté.

En fait, tout cela n’est que l’argent de poche de Nicolas Sarkozy, car Capital a détaillé ses revenus dans les affaires : 61 081 euros de jetons de présence du groupe Accor en 2020 et 49 939 euros de Lagardère ; Les autres ont eu la délicatesse de taire les montants versés à un dirigeant si demandé, tant adulé, mais tous déclarent que leurs rémunérations sont « alignées sur les pratiques du secteur financier en la matière ». On s’en doute. Dans le secteur financier on ne paie pas des collaborateurs aussi prestigieux que Sarkozy au SMIC !

C’est à ces largesses qu’on mesure combien la politique économique et fiscale de Nicolas Sarkozy tout au long de sa carrière méritait bien de si belles récompenses.

Et il n’y a rien d’illégal dans toutes ces opérations, même si la morale est foulée aux pieds.

Napoléon et Napoléon le petit

Emmanuel Macron a choisi : il commémore la mort de Napoléon plutôt que le Commune. A chacun ses valeurs. Son entourage tente de faire diversion en précisant benoitement que commémorer n’est pas célébrer. Foutaise.

Le discours du président de la République a une haute portée symbolique, deux jours après la Journée mondiale de la liberté de la presse pour laquelle il s’est contenté d’un court message de soutien aux journalistes. Les lois liberticides de son quinquennat ne l’autorisaient guère à faire plus.

Dans son discours il a oublié de rappeler que Napoléon a été le pire ennemi des journalistes. Après le coup d’Etat du 18 Brumaire (9 novembre 1799), il déclarait : « Si je lâche la bride à la presse, je ne resterai pas trois mois au pouvoir. »

Dès les premiers jours du Consulat, un décret du 27 Nivôse An VIII (17 janvier 1800) supprimait soixante-treize journaux du département de la Seine, et en limitait le nombre à onze (il sera réduit à quatre en 1810), rétablissait l’autorisation préalable, abolie en 1789, et instaurait la censure. Puis il autorisa un seul journal par département.

Avec Napoléon, tous les moyens d’expression furent l’objet de contrôles stricts, tatillons et les procédures se multiplièrent pour faire taire ceux qui osaient la moindre critique.

Emmanuel Macron n’aura pas un mot pour évoquer la situation de la presse sous le règne de Napoléon ; peut-être parce que toute ressemblance avec la situation actuelle n’est sans doute pas fortuite !

Si Napoléon a gommé rageusement les libertés instaurées par la Révolution, Macron, lui, est en train de gommer l’esprit des Ordonnances de 1944 sur la presse.

Le pouvoir vertical applique décidément toujours les mêmes recettes pour se maintenir au pouvoir.

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