La Chouette qui hioque

Mois : janvier 2025

Les copieurs

La copie présentée par Michel Barnier avait été sévèrement notée par les députés : 0/20. Son successeur a présenté une copie quasi identique au même jury. L’ex-professeur de lettres aurait dû savoir que les copieurs sont sévèrement sanctionnés ; son pensum a été gratifié d’un 0/20 pointé.

Drôle de jeu auquel s’adonnent les créatures choisies par Emmanuel Macron, qui ont tellement peu d’imagination qu’ils en sont réduits à se copier depuis des années en recopiant (mal) les mêmes livres des mêmes auteurs et à ressortir les mêmes enseignements des mêmes établissements.

Drôle de jeu, mais qu’on oubliera vite pour se plonger dans le Drôle de jeu de Roger Vailland autrement plus passionnant et plus brillant.

L’ex-professeur de lettres est aussi un piètre orateur (même quand il se perd dans ses feuillets) et le premier ministre un piètre politicien. On le savait ; on n’est pas déçu.

Il avait fait croire à l’un de ses examinateurs, le Parti socialiste, que la loi sur la réforme des retraites serait ou abrogée ou suspendue. Mais c’était sans compter sur les pressions de ses maîtres à penser, la droite et celle qui est encore plus extrême, puis celle du patronat

A croire que ces ‘’écoles’’ mettent des œillères à leurs étudiants !

La CGT a aussitôt tiré le signal d’alarme : François Bayrou est un authentique homme de droite, malgré son masque d’homme du centre, multipliant les promesses selon ses interlocuteurs. Mais, devant les députés, il a quitté le masque et prononcé une déclaration de politique générale qui ne tranche pas avec le discours et rappelé son allégeance au grand capital.

Avec François Bayrou, Emmanuel Macron est rassuré ; le maire de Pau appliquera une politique libérale dans tout ce qu’elle a d’antisociale. Les dogmes du parti de l’argent sont bien gardés par le groupuscule LR et les macronistes dont les ministres lorgnent ostensiblement vers le Rassemblement national, à l’image de Retailleau, Darmanin, Dati, Valls, Tabarot, etc.

Le Parti socialiste, lui, se déchire en trois tendances et tergiverse, retrouvant ses vieux démons. Au risque de perdre son électorat se réclamant de la vraie gauche. La peur de voir Macron démissionner et provoquer une élection présidentielle comme l’espère Jean-Luc Mélenchon n’a jamais fait une politique.

On assiste à la paupérisation de l’hôpital, de l’enseignement, des infrastructures, à l’explosion des licenciements, des faillites dans le petit commerce et dans l’artisanat, etc. A gauche, tout le monde s’accorde à dénoncer la situation et les reculs de la France, alors peut-on se permettre de tergiverser ?

Pour sauver la France et les Français, il faut se tourner vers d’autres écoles, c’est-à-dire se plonger dans les livres, aujourd’hui interdits, de ceux qui ont une autre lecture du monde.

Et les droits de l’Homme !

Le profond mépris d’Emmanuel Macron envers les privés d’emploi s’était exprimé en septembre 2018 quand il avait lancé à un jeune horticulteur au chômage : « Je traverse la rue, je vous en trouve (…) Si vous êtes prêt et motivé, dans l’hôtellerie, les cafés, la restauration, dans le bâtiment, il n’y a pas un endroit où je vais où ils ne me disent pas qu’ils cherchent des gens (…) Ils veulent simplement des gens qui sont prêts à travailler. Avec les contraintes du métier. »

Pour le président de la République (et toute la droite) les chômeurs sont des fainéants, des assistés qui se complaisent à vivre avec le RSA. C’est l’argument ressassé par toutes les droites jusqu’à la nausée !

Un pas a été franchi pour mettre un terme à ce qu’ils appellent l’assistanat en multipliant les réformes de l’indemnisation des chômeurs. Alors qu’ils sont désavoués dans les urnes, les réactionnaires de tout poil ont osé aller encore plus loin en faisant signer un contrat d’engagement prévoyant 25 à 20 heures d’activité non rémunérée à tout bénéficiaire du RSA. Ils ont osé parler ‘’d’accompagnement rénové des allocataires’’. 

Mais nous sommes en France et, si la démocratie est en lambeaux, il reste encore des institutions pour veiller. C’est le cas de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) qui vient d’infliger un camouflet au président de la République et aux réactionnaires. Dans une déclaration adoptée le 19 décembre dernier à l’unanimité moins une abstention, elle conclut en termes solidement étayés que « l’obligation d’heures d’activité en contrepartie du RSA porte atteinte aux droits humains ». Rien que ça !

La commission (qui n’est que consultative, évidemment) parle de carence méthodologique, de faire courir aux chômeurs plusieurs risques aux droits des personnes ; elle rappelle le droit à une insertion sociale et professionnelle librement choisie et à des moyens convenables d’existence, fondé sur la reconnaissance de la dignité.

Les mots ont été pesés pour dénoncer « fermement tout dispositif qui subordonne le versement d’un revenu minimum de subsistance à la réalisation d’une contrepartie » et « une relégation inacceptable des droits humains derrière les priorités économiques dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques sociales ».

Les conseillers du président de la République n’ignorent rien de tout cela ; néanmoins Emmanuel Macron a promulgué la loi sans hésitation. Le Parlement est entouré de juristes avertis ; néanmoins, députés et sénateurs ont voté la loi, sans honte.

Et les médias, si prompts à dénoncer les atteintes aux droits de l’homme hors de France, ne se sont guère mobilisés pour commenter la déclaration de la commission des droits de l’Homme ici, en France.

Les droits de l’Homme ne sont sans doute pas les mêmes ici et ailleurs ?

Pas si fous que ça !

Le sentiment général est que Donald Trump et Elon Musk sont fous. Leurs déclarations avant même l’investiture de la nouvelle équipe à la Maison Blanche relevant, à première vue, d’esprits dérangés ou déséquilibrés.

Demander à annexer le Groenland (et ses richesses minières), de faire du Canada le 51e Etat étatsunien et de s’emparer du canal de Panama, voilà qui ressemble étrangement aux précédentes déclarations de Trump concernant la paix dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine ou entre Israël et le Hamas, le Hezbollah. Elon Musk, lui, a des rêves d’aller vivre sur Mars ou sur la Lune et d’avoir des voitures sans chauffeur ; il délire.

Que ces deux esprits soient à ce point imprégnés du fameux ‘’Make America Great Again’’ (MAGA) est inquiétant.

Mais est-on sûr qu’ils sont fous ?

Il faut remarquer que personne dans le camp républicain n’est venu contredire les déclarations belliqueuses des Trump et Musk, voire s’en offusquer. Les Républicains sont imprégnés d’une idéologie digne des pires moments de la conquête de l’Ouest, c’est-à-dire de la loi du plus fort. D’une idéologie où les plus riches peuvent tout acheter et tout diriger.

En cela, ils rejoignent les pires dictateurs que la terre a pu engendrer et subir.

Sont-ils fous, les Trump, les Musk et ceux qui les soutiennent ? Pas vraiment. Sont-ils les idéologues définitifs de la race blanche, suprémaciste ? Sans aucun doute.

C’est bien pour cela qu’il faut s’inquiéter et combattre ce qu’ils représentent pour revenir à la démocratie. Car, en France même, l’extrême droite et la droite puisent de plus en plus leurs idées chez ces gens-là.

Mort d’un pourri

Il était raciste et a édité un disque de chants nazis (Voix et chants de la révolution allemande). Il a créé le Front national avec d’anciens collabos. Il a été condamné pour ‘’antisémitisme insidieux’’. Il a osé affirmer que les chambres à gaz étaient un détail de l’histoire. Il abusait des jeux de mots salaces comme l’ignoble ‘’M. Durafour-crématoire’’ ou invitait à décapiter Catherine Trautmann. Il insultait régulièrement les citoyens à la peau noire et les Arabes, les Roms, les homosexuels. Il a toujours fait campagne en dénonçant les invasions menaçant la France. Il a été condamné 11 fois par la justice, y compris pour redressement fiscal. Un délinquant récidiviste.

Jean-Marie Le Pen, qui a revendiqué la torture en Algérie, n’hésitait pas aussi à donner du coup de poing, y compris aux femmes.

Cet homme-là est abject et sa disparition m’a aussitôt fait penser au film de Georges Lautner, Mort d’un pourri.

Son idéologie a prospéré, hélas. Son œuvre est poursuivie par sa fille. Marine Le Pen, ne l’oublions pas, a été l’invitée d’honneur du bal de l’Olympia, une corporation secrète interdite aux Juifs et, en principe, aux femmes, à Vienne en 2012. Le groupe cultive une germanité mythique proche du néonazisme autrichien.

Le Pen, le nauséabond, a été aidé par les grands médias, qui ont trop souvent vu en lui un ‘’bon client’’, qui faisait de l’audience ; la profession a eu trop de mansuétude pour un homme qui n’hésitait pas à insulter les journalistes et, notamment, ceux qui étaient censés être juifs. En 1985, à l’occasion de la fête de son parti, il avait osé déclarer : « Je dédie votre accueil à Jean-François Kahn, à Jean Daniel, à Yvan Levaï, à Elkabbach, à tous les menteurs de la presse de ce pays. Ces gens-là sont la honte de leur profession. Monsieur Lustiger me pardonnera ce moment de colère, puisque même Jésus le connut lorsqu’il chassa les marchands du temple, ce que nous allons faire pour notre pays. » Malgré cette déclaration, le Front national et ses descendants du Rassemblement national sont toujours l’objet d’une attention vénéneuse de la part des médias.

Jean-Marie Le Pen ne mérite que mépris et condamnation ; j’ai honte quand certains hommes politiques ont vu en lui un combattant. Non, ce triste individu doit être dénoncé pour tout ce qu’il a fait. Il est une honte pour la République ; il ne mérite aucun hommage.

En revanche, il faut marteler sans cesse que son fantôme habite toujours le Rassemblement national de sa fille.

N’oublions rien

Invoquer l’islam pour commettre des massacres et ‘’venger le prophète’’ ; faut-il être fou.

Ceux qui ont armé et fanatisé les tueurs sont toujours là ; ceux qui financent leurs réseaux sont parfois reçus avec les honneurs (au nom des nécessaires marchés commerciaux).

Les terroristes de Charlie Hebdo sont morts, mais d’autres sont prêts à les imiter. Sont-ils à ce point ignorants pour ne pas voir vers quel type de civilisation les prêcheurs les entraînent et veulent nous entraîner ? Sont-ils aveugles au point de ne pas voir ce qui se passe en Afghanistan et en Iran, où les femmes sont enfermées et voilées, interdites de travailler, de chanter, de sortir non accompagnées ?

Dans un certain nombre de pays qui se sont tournés vers ce prophète-là, la liberté d’expression n’existe plus ; combien de dictatures se réclament de la religion en confisquant les libertés publiques.

J’ai connu et côtoyé deux des dessinateurs de Charlie Hebdo, Georges Wolinski et Philippe Honoré. J’ai partagé leurs combats pour le droit au blasphème, à l’ironie vacharde et corrosive, sans méchanceté mais avec humour. Ils avaient un talent fou pour tenter d’élever le niveau de conscience et l’esprit critique par un dessin plus direct qu’un long éditorial. Mais, par-dessus tout, ils ont mené un beau combat pour la liberté d’expression en France aussi. Un combat jamais terminé, toujours d’actualité.

Aujourd’hui, dix ans après une horrible tuerie, les assassins n’ont pas réussi à tuer la liberté d’expression car Charlie Hebdo est toujours là. Mais la liberté d’expression a reculé quand les grands médias sont dominés par des milliardaires idéologues comme Bolloré.

Nous ne devons pas oublier Charlie Hebdo ; nous ne devons pas oublier que les ‘’tueurs’’ de la liberté d’expression sont encore là, de plus en plus puissants.

N’oublions rien.

Malgré tout

Nicolas Sarkozy est une nouvelle fois devant les juges. Il est poursuivi pour corruption (avec Mouammar Kadhafi, un dictateur sanguinaire), recel de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne et association de malfaiteurs. Rien que ça. 

Le dossier de renvoi des juges d’instruction est lourd de 555 pages et, pourtant, l’enquête, longue de dix ans, n’a pas permis de faire toute la lumière sur une affaire crapuleuse. Les deux juges ont dénoncé les énormes difficultés rencontrées au cours de leurs investigations, au cours desquelles ils ont dû rédiger pas moins de 4759 procès-verbaux. Ils ont dénoncé de nombreuses déstabilisations, tentatives de manipulation et refus de déclassification de notes des services secrets.

Malgré tout, Nicolas Sarkozy est, une nouvelle fois, devant les juges.

Il a encore quelques cartes à jouer pour retarder le cours de son procès historique, mais, enfin, ce sombre personnage, vantard, vibrionnant, capable de tout, menteur et piètre homme politique est jugé une nouvelle fois.

Déjà condamné dans l’affaire des écoutes du téléphone du mystérieux Paul Bismuth, il n’en aura pas fini avec la justice. Cependant, il continue à mener un grand train de vie, peut partir en vacances aux Seychelles ou au Cap Nègre, percevoir une ‘’retraite’’ plus que confortable payée par les citoyens français qui l’avaient renvoyé en 2012.

Il pérore, ose prendre la parole à propos de tout (le trop grand nombre d’enseignants, par exemple) et ne baisse pas la tête quand sa situation judiciaire devrait l’amener à s’effacer et à raser les murs.

Je n’ai apprécié ni l’homme, ni le politique, flirtant souvent avec l’extrême droite ; je crois que chaque procès me le rend encore plus antipathique, de la trempe de ceux qui détournent de la chose publique. Comment a-t-il pu être élu président de la République ? Comment des citoyens peuvent-ils encore l’encenser et acheter ses livres de mensonges ? Pauvre France.

Malgré tout, il comparaît une nouvelle fois et je suis rassuré par des juges intelligents, opiniâtres, courageux qui n’ont pas hésité à l’envoyer devant un tribunal pour des agissements délictueux graves.

Malgré tout !

Mesurer la richesse

L’année 2025 commence sans se différencier des précédentes. Avec le même président de la République, un gouvernement semblable au précédent, une situation sociale en berne et une dette abyssale.

Seuls les riches ont des raisons d’être sereins.

On en a pour preuve un billet de Stéphane Sahuc, journaliste à L’Humanité ; il a trouvé l’information sur une très originale vidéo d’un citoyen suisse. « Son point de départ est une simple question : ‘’Ça représente quoi un milliard d’euros ?’’ »

Le journaliste écrit : « Notre youtubeur propose donc pour visualiser ce que représente un milliard d’euros un petit exercice de mathématique élémentaire. « Un billet de 100 euros fait un dixième de millimètre d’épaisseur. Ce qui veut dire que 10 billets de 100 euros, donc 1 000 euros, ça fait 1 millimètre d’épaisseur. » Et de poursuivre, « un million, soit 10 000 billets de 100 euros, cela fait une pile d’un mètre de haut ». Et d’en arriver enfin au milliard d’euros, « soit 1 000 millions, et la pile de billets de 100 euros fait alors 1 000 mètres de haut, donc 1 kilomètre ». Dis autrement : « Un millionnaire, c’est un peu plus haut qu’une table, un milliardaire, c’est plus de trois fois la tour Eiffel. » En poursuivant ce petit jeu, on se rend compte, en lisant le classement Forbes 2024 des milliardaires français, que la pile de billets de 100 euros qu’ils possèdent culmine à 637 kilomètres. Mais, même entre milliardaires, il y a les petits et les grands. La fortune « thermosphérique » de Bernard Arnault s’élève à 215 kilomètres quand un Robert Peugeot ou un Christian Louboutin dépasse à peine le kilomètre. Un kilomètre de billets de 100 euros empilés les uns sur les autres, c’est aussi ce que se sont partagé cette année les Mulliez. »

La conclusion ne manque ni d’esprit, ni de saveur : « Pendant ce temps, un salarié de la même entreprise, avec dix ans d’ancienneté, gagne en moyenne et en brut deux millimètres par mois. Un professeur agrégé touchera trois millimètres mensuels après trois ans d’ancienneté et finira sa carrière avec, au mieux, cinq millimètres. Il est temps de raboter de quelques dizaines, voire centaines de mètres ces fortunes indécentes. »

Si même les inégalités peuvent être mesurées, la révolution peut être envisagée à court terme pour régler le problème sans avoir recours à l’intelligence artificielle et à ChatGPT.