La Chouette qui hioque

Mois : janvier 2020

Trump et Netanyahou, tristes clowns

L’image restera : deux repris de justice et néanmoins chefs d’Etat, côte à côte, souriants du bon coup qu’ils viennent de faire et se congratulant.

C’était hier, à la Maison Blanche ; le locataire, Donald Trump, s’extasiait devant son prétendu plan de paix pour mettre un terme au conflit israélo-palestinien. Une honte qui lui permet de faire oublier la procédure de destitution dont il est l’objet. Benyamin Netanyahou, jubilant à ses côtés, oubliait lui aussi ses démêlés judiciaires pour corruption.

L’image restera et elle est hautement symbolique de l’état de déliquescence du monde capitaliste qui a porté de tels voyous à la tête de leurs pays respectifs.

Trump en attribuant la souveraineté d’Israël sur les territoires palestiniens et Netanyahou s’en félicitant en dépit du droit international et des décisions de l’ONU, foulent au pied toutes les valeurs démocratiques.

Les deux voyous ont entériné des méthodes de voyous, pantins ridicules, capables du pire et de tout. Au risque de faire courir un grave danger à toute la planète.

C’est Docteur Folamour à la Maison-Blanche ; mais il ne s’agit pas, cette fois, d’un divertissement. Il est interdit d’en rire tellement l’heure est grave.

Cela a dû échapper à Emmanuel Macron et aux prétendues démocraties, qui n’ont pas eu un mot pour dénoncer cette farce tragique.

Si la justice ne les arrête pas, les deux voyous rejoueront leur duo. Et continueront à en rire.

Les clowns, aujourd’hui, sont tristes.

Ubu président

L’avis du Conseil d’Etat mérite mieux que le mépris affiché autant par Emmanuel Macron que par Edouard Philippe, et par son traitement a minima dans les médias.

Le Conseil d’Etat fait toujours preuve d’une grande prudence dans la formulation de ses avis et un événement inédit s’est produit à l’occasion de l’étude du projet de loi sur les retraites.

Il est incontestable que l’avis des juristes du Conseil d’Etat est une condamnation sans précédent d’un projet gouvernemental.

On peut comprendre que le président de la République ne tienne pas à étaler sa rancœur et son courroux (Anicet Le Pors parle à juste titre de maltraitance de l’Etat de droit) ; son silence démontre son mépris vis-à-vis d’une institution qui joue un rôle essentiel dans le fonctionnement de l’appareil législatif.

La faiblesse du travail du gouvernement est férocement pointée (à l’école, cela vaudrait un zéro pointé !) ; le contenu de la réforme est déclaré inacceptable avec des arguments forts et définitifs.

En revanche, les médias se comportent une nouvelle fois comme des agents de propagande. L’avis du Conseil d’Etat ? Silence, on ne gène pas Macron et sa réforme, décrétée dès le début indiscutable et nécessaire.

Après avoir maltraité les grévistes, les médias terminent leur sale besogne. Peut-on imaginer un gouvernement de gauche (une vraie gauche) se faisant étriller par le Conseil d’Etat pour avoir vidé un projet de loi et prévoir 29 ordonnances pour en fixer les modalités d’application ? Les grands médias auraient crié au scandale et, sans doute, à la forfaiture.

Ils ne se sont pas jetés sur l’avis en question démontrant la dangerosité de Macron ; certains comme le quotidien économique de Bernard Arnault, Les Echos, ont même osé prétendre que l’avis n’était pas aussi négatif que cela. Le procédé est osé.

Emmanuel Macron est un récidiviste ; en Israël, il avait osé critiquer la décision de la cour d’appel de Paris qui avait déclaré pénalement irresponsable le suspect du meurtre de Sarah Halimi assassinée en 2017. La présidente et le procureur général de la cour de cassation ont, eux aussi, recadrés vertement le président de la République en rappelant que « l’indépendance de la justice, dont le président de la République est le garant, est une condition essentielle du fonctionnement de la démocratie ».

Comme à son habitude, Macron n’a pas dérapé. Il entend imposer aux institutions de se conformer à sa philosophie de démocratie autoritaire avec un fonctionnement vertical. On y revient.

L’exemple de l’autoritarisme de la Pologne n’est pas loin. Ubu non plus.

Régime (très) autoritaire

La France n’est pas une dictature, mais est-elle encore une démocratie ? Emmanuel Macron n’apprécie pas que l’on pose la question.

Dans l’avion qui le ramenait d’Israël, il a confié à un journaliste de Radio J :

« Mais allez en dictature ! Une dictature, c’est un régime où une personne ou un clan décide des lois. Une dictature, c’est un régime où on ne change pas les dirigeants, jamais. Si la France c’est cela, essayez la dictature et vous verrez ! »

Certes, la France n’est pas l’Espagne de Franco, le Chili de Pinochet ou, aujourd’hui la Turquie du sinistre Recep Tayyipp Erdogan. Les opposants ne sont pas jetés en prison ; les journalistes ne sont pas à l’image de leurs collègues turcs, maltais, slovaques, mexicains, saoudiens, russes, assassinés ou emprisonnés au seul motif que leur travail a déplu aux hommes du pouvoir. Mais…

Quand les journalistes sont interpellés sur les manifestations, malmenés et blessés par les forces de l’ordre, vilipendés par le président de la République, ses ministres et ses députés, sommes-nous encore en démocratie ?

Quand les lois liberticides se multiplient après chaque événement sanglant, sommes-nous encore en démocratie ?

Quand on légifère par ordonnances en niant le rôle du Parlement, sommes-nous encore en démocratie ?

Quand les médecins et soignants hospitaliers, les enseignants, les chercheurs, les avocats, les cheminots, les gaziers et électriciens, les pompiers et tous les fonctionnaires sont traités comme ils le sont aujourd’hui et mis dans l’incapacité de remplir leurs missions au service du peuple, sommes-nous encore en démocratie ?

Quand les services publics de proximité sont fermés dans les territoires, les impôts productifs des territoires sont supprimés sans concertation, sommes-nous encore en démocratie ?

Quand les aéroports sont menacés de privatisation sans consultation des élus et des citoyens, sommes-nous encore en démocratie ?

Quand la tradition d’accueil de la France est foulée au pied et les candidats à l’immigration reconduits dans les pays qu’ils ont fui, sommes-nous encore en démocratie ?

Pour paraphraser une expression utilisée par Emmanuel Macron à propos des relations de l’Eglise catholique et de l’Etat, on peut se permettre de dire que la démocratie a été abîmée par un président de la République adepte d’un pouvoir vertical, où tout émane du chef.

La France n’a pas sombré dans la dictature, la France est un régime autoritaire. Et c’est aussi pour cela que des centaines de milliers de citoyens manifestent aujourd’hui.

Les amis américains

Certes, Macron ne parle pas franchement ; il est même très habile pour masquer ses véritables intentions, notamment en matière de politique sociale. Par exemple, qui connaît la vérité sur la réforme des retraites ?

Seuls ceux qui ont une conscience de classe aiguisée et un solide bon sens, c’est-à-dire ceux qui triment dur pour gagner leur vie (parfois en-dessous du seuil de pauvreté) ont compris ce que signifient des termes comme ‘’âge d’équilibre’’.

Les éditorialistes, eux, n’ont pas compris ou feignent de ne pas avoir compris.

Une seule chose est claire, avec Macron, les fonds de pension et les assureurs se frottent déjà les mains. Depuis fort longtemps puisqu’ils sont les auteurs du projet de loi et du programme du candidat Macron.

BlackRock, le fonds d’investissement qui gère une masse de plus de 7000 milliards de dollars, a des dirigeants très intimes avec Emmanuel Macron. Ils ont table ouverte à l’Elysée et, dans un rapport remis au président de la République au cours de l’été 2019, ils n’hésitaient à reprendre les slogans de la BNP datant de 1974, nullement démodés : « Pour parler franchement, votre argent m’intéresse » et « Vous prenez l’argent au sérieux : nous allons nous entendre. »

Il se trouve que les Français pas si idiots que Macron le croit, ont dénoncé la morgue de BlackRock ; alors pour se refaire une (petite) virginité, le fonds américain a créé avec les gouvernements français et allemand (mais aussi quelques fondations) ce qu’ils ont appelé un ‘’outil d’investissement destiné à orienter les capitaux vers des projets liés au climat dans les pays du Sud‘’. Il a été baptisé Climate Finance Partnership (CFP), pompeusement.

L’objectif de départ est modeste, 100 millions de dollars, dont 30 millions pour chacun des deux gouvernements. C’est dire que BlackRock n’investira que quelques poignées de billets verts. Une goutte d’eau scandaleuse quand on sait que dans 25 des groupes dont il est actionnaire en France (comme Bouygues, Unibail Rodamco, Safran, Engie, Air Liquide, Sanofi, Vinci, Lagardère, Total, etc.), il a touché environ 1,2 milliards de dividendes pour la seule année 2019.

Il ne faut pas fâcher ses amis américains !

Dans le même ordre d’idées, Emmanuel Macron, ‘’pour parler franchement’’, avait pris une mesure qui le hantait : faire payer une taxe (dérisoire au demeurant) sur les bénéfices enregistrés en France par les GAFA. Donald Trump lui a fait les gros yeux et l’a menacé de le punir d’une telle audace. A Berlin, les deux hommes se sont rencontrés et Macron a rangé sa taxe dans sa poche.

Entre capitalistes mondialisés, on se comprend à demi-mot.

BlackRock pourra s’adonner à quelques projets philanthropiques avec l’argent des salariés français qui gagnent plus de 10 000 euros par mois, Amazon pourra continuer à narguer le fisc, Google à étendre ses activités dans le divertissement, etc.

Le tout en parfaite bonne conscience. Pendant ce temps-là, la terre continuera de brûler et les travailleurs à s’appauvrir en trimant de plus en plus longtemps.

Taha Bouhafs et les autres

Les grands éditorialistes asservis aux milliardaires qui contrôlent les grands médias sont en furie ; Taha Bouhafs se prétend journaliste. Pour eux, il est un militant, pas un journaliste. Le jugement est définitif ; une seule voix s’est élevée dans le chœur de ceux qui attribuent les qualifications au nom de toute la profession, celle de Jean-Michel Apathie. 

Cette fureur n’est guère étonnante ; Taha Bouhafs dévoile des choses qu’eux n’ont jamais dévoilé : ils sont, eux, des militants de la pensée d’Emmanuel Macron et du libéralisme absolu et ils affichent le même mépris que le président de la République vis-à-vis des ‘’soutiers’’ de l’information. Et ils se permettent d’excommunier ceux qui ne partagent pas leurs analyses.

Pour être reconnu par le cénacle, il faut par exemple se déchaîner contre les salopards de grévistes, et contre les dangereux manifestants. Il faut se tenir à distance de ceux qui n’ont rien et adorer maîtres et serviteurs. Leur journalisme ne sort ni de leurs bureaux, ni de leurs studios. Leur courage est très limité : ils ne débattent pas, sinon entre eux, et ne sortent que rarement de leur ‘’entre soi’’.

Ils nient leur militantisme pour le libéralisme (militant est un gros mot !). Ils se vautrent dans la compromission, préservant ainsi leurs salaires plus que confortables et leurs collaborations multiples (dont ils prétendent qu’ils ne les doivent qu’à leur talent ; quelle prétention !). Ils sont les laquais des Arnault, Pinault, Drahi, Niel, Lagardère, Kretinsky, Bouygues. Sans vergogne.

Quoi qu’on pense de Taha Bouhafs, qu’on partage ou non son traitement de l’information, il faut se féliciter que de tels journalistes existent encore.

Mais pour combien de temps dans un paysage médiatique en voie de normalisation par le fric et la pensée libérale ?

Macron et ses amis sont en train de verrouiller l’information et encouragent toutes les opérations de prise de contrôle par ses obligés, même pour des quotidiens régionaux en perte de vitesse (Capton à Paris-Normandie, Niel à Nice-Matin, etc.).

Nos brillants éditorialistes n’en parleront pas. Silence, on encadre l’information.

L’explosion sociale

Un mois et demi de grèves et Emmanuel Macron ne cède rien ; particulièrement imbu de sa personne et se croyant investi d’une mission, l’énarque-président entend passer en force en ignorant les organisations syndicales (y compris la CFDT) qu’il considère comme un obstacle à sa politique de réforme de l’Etat et des règles sociales.

Il a d’ailleurs délégué à son premier ministre, le très réactionnaire et droit dans ses bottes Edouard Philippe, le soin d’entretenir une illusion de concertation que lui refuse.

Il a affirmé avoir été élu pour réformer et, par conséquent, il nie l’existence de toutes les instances qui pourraient s’opposer à son grand dessein, une sorte de grand remplacement de la protection sociale par l’ordre néolibéral.

Au nom de la fameuse théorie de la démocratie verticale, tous les pouvoirs sont détenus par le chef Macron et ses obligés. C’est en vertu de sa théorie qu’il prétend pouvoir contourner le pouvoir législatif du Parlement et agir par ordonnances, mais aussi réduire le champ d’intervention des organisations syndicales aux branches professionnelles et aux entreprises.

Comment dans une tel climat s’étonner des tensions que l’on peut constater chaque jour et de l’exaspération des grévistes insultés et humiliés.

L’explosion sociale n’est pas loin.

Faut-il s’étonner que des citoyens énervés s’introduisent au siège de la CFDT, que le théâtre des Bouffes du Nord (où le couple présidentiel assistait à la représentation de La Mouche) ait vu un rassemblement d’opposants à la réforme des retraites ou encore que la brasserie de La Rotonde ait été incendiée ?

La CGT a aussitôt condamné l’intrusion de manifestants au siège de la CFDT :

« Quels que soient les désaccords possibles entre organisations syndicales, la CGT ne cautionne pas ce type d’action. Chaque organisation syndicale est libre de son mode de fonctionnement, de son orientation et de ses revendications. La CGT réaffirme que son combat est celui contre la réforme des retraites par points et le gouvernement qui l’a décidée, rédigée et qui s’entête à vouloir la faire passer malgré les mobilisations et l’opposition majoritaire dans ce pays. »

Et le secrétaire général des cheminots CGT a en quelque sorte complété la prise de position de sa confédération :

« Les actions ciblant les réformistes sont des erreurs. Elles leur redonnent la parole dans les media sur un thème qu’ils adorent (la victimisation) alors qu’ils galéraient à expliquer leur compromission sur l’âge pivot. Restons sur nos critiques de la réforme des retraites. »

Ces réactions syndicales, frappées du sceau de l’intelligence, se démarquent de celle d’Emmanuel Macron, pitoyable et, comme d’habitude, mensongère :

« Il est clair que le débat démocratique n’est possible que dans le calme et dans le respect (…) Dans une démocratie, les idées peuvent s’échanger. On vote pour choisir ses dirigeants, ce sont nos représentants qui votent nos lois. »

Comment ose-t-il prétendre que les idées peuvent s’échanger quand il ignore les organisations syndicales porteuses d’un autre projet que le sien ? Quand il ressasse que le vote terminé, le chef n’a plus de compte à rendre ?

Et que penser de la réaction de la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, qui ose affirmer avec son aplomb habituel :« Sans syndicats, pas de démocratie sociale. »

Aujourd’hui, Sibeth Ndiaye a raison, mais sans doute est-ce un lapsus de sa part : il n’y a pas de démocratie sociale puisque les organisations syndicales sont mises sur la touche et privées de réelles négociations.

Hélas, d’autres actions violentes sont à redouter, malgré la politique de répression auquel s’adonne le pouvoir. L’explosion sociale est proche.

Les violences seront condamnées et condamnables, mais la violence d’Etat ?

Faim d’information

Le 7/9 de France Inter tient, paraît-il, le haut du pavé radiophonique. Si l’on en croit les sondages, foutus sondages, c’est la radio la plus écoutée sur cette tranche horaire.

Le tandem Nicolas Demorand – Léa Salamé s’est extasié de cette réussite, s’attribuant tous les mérites, passant sous silence ses interviews complaisantes des grands autoproclamés de la Macronie et ses interviews vachardes des syndicalistes de combat et des politiques de gauche.

A écouter le duo, ils auraient décroché leur troisième étoile au Michelin de l’information. En toute modestie.

Où il est prouvé que nul n’est parfait !

Le journal de 8h de Florence Paracuellos est présenté comme un modèle du genre et une des clés de la réussite du 7/9. Ce jour, la journaliste-présentatrice a malmené la hiérarchisation de l’information. Sur le service public.

L’information du jour, donc, celle qui ouvre le journal ? La perte de sa troisième étoile par le restaurant de Paul Bocuse. Ce qui a valu aux auditeurs une longue intervention du critique gastronomique de France Inter.

Alors que la terre brûle, de l’Australie au Brésil, en passant par la Sibérie et l’Afrique centrale ; alors que la France du travail refuse depuis plus de quarante jours la réforme des retraites d’Emmanuel Macron, alors que la guerre fait des victimes dans de nombreux pays comme la Syrie ou le Yémen ; alors que la pauvreté ne cesse de toucher de plus en plus de citoyens, y compris des salariés appelés travailleurs pauvres, dans toute l’Europe, il faudrait s’émouvoir de la perte de sa troisième étoile par le restaurant Paul Bocuse.

Nicolas Demorand, Léa Salamé et Florence Paracuellos prendront-ils la tête d’une puissante manifestation pour le rétablissement de sa troisième étoile ?

Mais qui fréquente ce restaurant ? Quel crédit accorder au trop fameux Guide Michelin ? Silence radio.

Les manifestants de la région lyonnaise se contentent, eux, d’un sandwich merguez-frites ; leurs revenus ne leur permettent même pas de rêver à une table d’un ‘’trois étoiles’’. Surtout après des grèves qui vont amputer leur maigre salaire, les gens qui n’ont rien ne rêvent même plus, leurs poches sont vides.

Le petit peuple de France a une faim de loup, mais d’information vraie, pas de cuisine pour riches spéculateurs et patrons qui font payer l’addition à leur entreprise, pour bobos m’as-tu vu et pour petits-bourgeois en recherche de notoriété. Le petit peuple vient de le signifier dans un autre sondage, celui de la Croix, sa défiance envers les journalistes ; elle est grandissante et inquiétante.

Les résultats de France Inter sont comme les étoiles du Michelin, parfois filantes. Surtout si les chefs ont dénaturé la recette de l’information citoyenne, vérifiée, hiérarchisée, complète et mise en perspective.

La haine du Point

Pourquoi parler de l’hebdomadaire Le Point du milliardaire François Pinault et de son éditorialiste Franz-Olivier Giesbert, alors qu’ils ne méritent que mépris ?

Parce que son dernier numéro est digne des publications d’extrême droite d’avant-guerre (comme Je suis partout, le Franciste, le Nouveau siècle) et de Valeurs actuelles d’aujourd’hui.

Son titre de « une », « Comment la CGT ruine la France » donne le ton (mais c’est du réchauffé) ; l’éditorial de Giesbert (La CGT, syndicat anti-pauvres) est de la même veine et les huit pages du dossier consacré au syndicat écrites à 8 mains (Béatrice Parrino, François-Guillaume Lorrain, Marc Vignaud et Géraldine Woessner) sont dignes des journaux de caniveau britanniques.

Le Point suinte la haine et va fouiller dans les poubelles pour alimenter une répulsion du syndicat en première ligne contre la réforme des retraites.

Que Le Point et Giesbert éructent serait plutôt un bon signe : ils sont ulcérés de voir ainsi la CGT gagner la bataille des idées et s’opposer à la réforme du tandem Macron-Philippe.

Mais quand les arguments sont aussi dégueulasses, cela ne grandit pas le journalisme, ni les journalistes de l’hebdomadaire, ni le propriétaire milliardaire d’un organe d’information gavé d’aides d’Etat.

Giesbert, 71 ans quand même, ose insulter ce qu’il appelle la caste des grévistes professionnels des transports publics (lui qui ne doit pas prendre souvent le métro ou le train) ; il compare la CGT au syndicat des camionneurs américains, « à ce détail près que sa direction ne comprend pas de mafieux mais des bras cassés crypto- ou islamo-gauchistes ». Et, sans peur du ridicule, il affirme que « dans les conflits nationaux, la CGT fait de la figuration en se radicalisant ». Alors pourquoi si ce syndicat est si ridicule lui consacrer autant de pages…

L’article des quatre journalistes vole aussi bas, peinant à sortir de la fange et de la boue.

Giesbert se prétend journaliste ; j’ai honte pour lui.

Vous voulez savoir ce que pense la famille Pinault du mouvement social, lisez Le Point.

Le Point, la danseuse d’un pauvre milliardaire, est en perte de vitesse, aussi se vautre-t-il dans l’idéologie d’extrême droite pour, en même temps, tenter de déconsidérer la CGT, et tout le mouvement social, et retrouver les lecteurs qui refusent sa prose honteuse.

L’ère de la confusion

La société française va mal au plus haut de la représentation des citoyens ; président de la République, premier ministre, ministres, médias, tout mentent et cachent la vérité sur la réalité du projet de loi relatif aux retraites. Et sur l’ensemble de leur politique de casse sociale.

Jamais, dans toute l’histoire de la presse, le nombre d’éditorialistes n’a été aussi important, mais, hélas, univoque. Ils tirent à boulet rouge sur les grévistes et particulièrement sur ceux de la CGT (ce n’est pas vraiment sympathique pour ceux de FO, de Solidaires, de la CGC, etc.). Ils ressortent de leur cercueil les bolcheviques, les staliniens pour faire peur.

Ils n’ont d’yeux (et de qualificatifs flatteurs) que pour Laurent Berger, digne successeur de Nicole Notat ; la CFDT qui s’est transformée en champion de la dette sociale à payer pour avaler tous les reculs et toutes les compromissions avec les libéraux est encensée par les prétendus journalistes (qui ont troqué l’éthique pour une propagande telle que même le MEDEF n’aurait pas les moyens de payer).

Mais la confusion s’est insinuée partout. Et pas seulement dans les cerveaux des éditorialistes.

Un seul exemple suffira. Après Léa Salamé qui a fait le déplacement à Beyrouth pour recueillir les bonnes paroles de Ghosn, c’est Anne-Elisabeth Lemoine (présentatrice de C à vous sur France 5) qui a fait le voyage pour une interview d’une heure, là où Léa Salamé n’avait obtenu qu’une vingtaine de minutes. Le service public a déroulé le tapis rouge à celui qui ose traîner Renault devant les prud’hommes.

Rien ne sera épargné aux citoyens honnêtes.

Et pour terminer ce billet effrayant, on apprend que la publication par une personne anonyme d’une photo (avec commentaires hideux sous un pseudo) sur Twitter d’un salarié de la société Derichebourg a entraîné son licenciement.

Les dénonciations anonymes ? On sait où cela a conduit pendant la Seconde guerre mondiale.

Que savait-elle cette courageuse calomnieuse du salarié ? Rien. Que lui reproche-t-elle ? Tout. Sans connaître ni l’infortuné salarié, ni la société employeuse, ni le contexte. Rien. Mais il s’agit d’un motif de licenciement.

Les uns mentent, cachent la vérité ; les autres se vautrent dans la propagande ; les derniers s’adonnent à la dénonciation anonyme. L’ère de la confusion nous entraîne sur une pente dangereuse ; fertilisant les germes d’une dictature dite démocratique.

Le crime contre la valeur travail

L’économie française se porte merveilleusement bien. Au-delà de toute espérance, mais peut mieux faire. Le marché se porte merveilleusement bien. Au-delà de toute espérance, mais si les salariés pouvaient accepter de travailler plus longtemps et se contenter de petites pensions de retraite, elle se porterait encore mieux et l’argent pourrait ruisseler ; le marché pourrait corriger toutes les inégalités et nous pourrions vivre dans le plus beau pays du monde, heureux, nantis.

Emmanuel Macron aurait-il raison contre ces grévistes qui ne comprennent rien, contre ces salariés qui ne veulent pas lâcher leurs privilèges, contre ces syndicats qui ne représentent rien ?

Ce qui est en train de se passer vient contrarier ce conte des temps modernes ; les salariés ne rêvent pas, ni ne croient plus aux beaux rêves des capitalistes.

Aujourd’hui, ils constatent que le marché autocorrecteur n’est qu’une billevesée. Les citoyens ordinaires qui défilent ont appris à lire et ils ont un esprit suffisamment averti pour décrypter les informations.

Le quotidien économique de Bernard Arnault, première fortune du monde, ose tout. Dans son édition du 9 janvier, on peut y lire :

« A 60 milliards d’euros, les liquidités restituées aux actionnaires du CAC 40 dépassent le niveau record de 2007. Elles ont augmenté de 12 % par rapport à l’année dernière. Compte tenu des bons résultats 2019 attendus, les dividendes et les rachats d’actions devraient encore progresser cette année. »

Les mots ont un sens : les liquidités des groupes du CAC 40 auraient été ‘’restituées’’ ; vérification faite, le verbe restituer signifie rendre quelque chose à son propriétaire légitime. Les actionnaires, dont Les Echos reconnaît qu’ils « n’ont jamais été aussi bien rémunérés », seraient donc les seuls propriétaires des profits. Ce choix sémantique en dit long sur la philosophie des actionnaires qui semblent ignorer que ce sont les salariés qui créent les richesses. Pas eux.

Les groupes du CAC 40 ont distribué 60 milliards de dividendes, mais combien de milliards ont été planqués dans des paradis fiscaux et des comptes numérotés, échappant au fisc, à l’impôt, grâce à une ingénierie financière immonde mais légale.

Les salariés sont invités à travailler plus, à voir leurs salaires bloqués depuis plusieurs années, pour qu’une caste de nantis soit encore plus riche et encore plus méprisante pour les pauvres.

Le SMIC, lui, a été augmenté de 1,2 % au 1er janvier quand les dividendes ont bondi de 12 % et progressé plus vite que les résultats nets des entreprises et il faudrait de satisfaire d’une telle anomalie ?

Les décisions d’augmenter les dividendes sont prises dans les conseils d’administration par des spéculateurs, des banquiers, des assureurs, avec la complicité des gouvernements qui réduit le taux d’imposition de ces dividendes grâce à une réforme de 2018 (la flat tax) de 36,5 % à 30 %. Merci M. Macron.

Si l’économie française se porte bien pour pouvoir se montrer aussi généreuse avec ses actionnaires, c’est grâce aux salariés, précaires ou pas, mais mal payés et dont l’implication dans la marche des entreprises est bafouée.

Ces informations sont traitées avec beaucoup de retenue par les grands médias. Par Emmanuel Macron et Edouard Philippe aussi.

Les comportements de la finance sont criminels ; le crime est perpétré contre la trop mal nommée ‘’valeur travail’’ dont on nous rebat les oreilles en permanence.

Les grandes heures de la radio

La ‘’très grande journaliste’’ Léa Salamé ne manque pas de culot ; elle vient de réaliser une interview qu’elle qualifie d’exclusive de Carlos Ghosn à Beyrouth. Exclusive ? Comme celle accordée à François-Xavier Ménage de TF1 sans doute ?

Voilà qui évoque la fausse interview exclusive de Fidel Castro par Poivre d’Arvor.

La ‘’très grande journaliste’’ Léa Salamé, donc, a tendu le micro (comme à son habitude avec les grands de son monde) avec condescendance à un homme qui a fui la justice, qui est sous le coup d’une enquête en France et d’une autre au Liban. Les questions étaient si insidieuses qu’elles ont permis à l’homme en fuite de nier toutes les accusations en bloc.

La complaisance du service public est honteuse.

Les propos de Carlos Ghosn ont été recueillis en pleine grève des personnels et, de Beyrouth, Léa Salamé n’a donc pas pu voir le Chœur de Radio France menacé de suppressions de trente voix interrompre les vœux de sa patronne, Sybile Veil en interprétant le célèbre Chœur des esclaves (Va pensiero) du Nabucco de Verdi, devenu un hymne à la liberté en Italie et ailleurs.

Quand on est une ‘’très grande journaliste’’ on ne fait pas grève avec les soutiers.

Grâce à la ‘’très grande journaliste’’ Léa Salamé, Carlos Ghosn a réussi à occulter une manifestation non violente, et qui ne manquait pas de panache, d’un personnel qui refuse les coupes drastiques dans le fonctionnement de la radio la plus écoutée de France, une manifestation pour conserver un joyau du service public de la culture.

Mais pour revenir à l’interview exclusive de l’ex-patron de Renault-Nissan, il faudra relever un grand moment, celui au cours duquel la ‘’très grande journaliste’’ a osé demander au patron en fuite :

« Votre évasion fascine absolument tout le mondePour beaucoup d’enfants, vous êtes l’homme qui a voyagé dans la malle (…) Vous avez vraiment voyagé dans la malle ? (…) Allez, un petit indice… Tout le monde rêve de savoir ça ! »

On veut bien croire que Léa Salamé était fascinée (elle ne l’est que par les riches et les gens de pouvoir) et qu’elle se comportait comme une enfant devant Ghosn, mais les auditeurs, eux, étaient médusés devant une telle audace, comment dire, ridicule.

Il n’y a que Catherine Nayl, directrice de la rédaction de France Inter, pour oser défendre ce moment d’anthologie en écrivant sur son compte Twitter :

« N’en déplaise aux donneurs de leçons, à ceux qui électrisent ou condamnent, OUI le service public fait son travail en questionnant Carlos Ghosn et NON Léa Salamé ne fait preuve d’aucune complaisance, jamais. »

Catherine Nayl volant au secours de Léa Salamé a quelque chose de pathétique. Mais la directrice de l’information aux ordres peut avancer des excuses.

Le 24 novembre 2015, un jury présidé par Jean-Noël Jeanneney et composé de journalistes, a attribué le prix Philippe Caloni à Léa Salamé. Le prix distingue l’intervieweur de l’année.

Laurence Bloch, directrice de France Inter jubilait et ne manquait pas de mots pour tresser des louanges à l’adresse de l’impétrante :

« En une saison, son entretien du 7h50 a devancé tous les concurrents. Rapide, tenace, efficace, Léa sait aussi surprendre, séduire, dérouter. Elle est à l’antenne comme elle est dans la vie, fonceuse, inquiète, fantasque, bosseuse. Une vraie et très grande journaliste. »

Puisqu’un jury de professionnels a distingué Léa Salamé et l’a intronisée intervieweuse de l’année, puisque la directrice de France Inter l’avait reconnue comme une ‘’très grande journaliste’’, la cause était entendue : Radio France avait la chance d’employer le plus grande journaliste de France et de Navarre. Et ceux qui osent le contester ne peuvent être que des jaloux et des ’’donneurs de leçons’’.

Le service public ne manque pas de culot, comme Léa Salamé. Ni de mépris pour les auditeurs. Ni pour ceux qui ont une certaine idée du journalisme de qualité, au service du citoyen. Un journalisme éthique.

Léa Salamé, une suggestion : à quand une interview de Patrick Balkany en direct de la prison de la Santé ? C’est un moment qui manque dans le florilège des grandes heures de la radio.

La démocratie usurpée

Bolsonaro et la déforestation de l’Amazonie, Erdogan et l’envahissement de la Libye, Johnson et le Brexit, Kim Jong Un et la fin du moratoire sur les essais nucléaires, Macron et le scandale BlackRock, Netanyahou et son immunité parlementaire, Trump et l’assassinat du général iranien Soleimani : l’année 2020 ressemble à s’y méprendre à la précédente.

Les desseins des sept dirigeants de présumées grandes nations plongent le monde dans les plus grandes incertitudes et font douter des bienfaits de la démocratie.

Les voyous du pouvoir personnel ci-dessus (le pouvoir vertical, disent-ils) ont été élus à l’issue d’un processus supposé démocratique ; les pourfendeurs des conquis sociaux et les hommes liges de la finance mondialisée n’ont pas caché leur programme électoral. Les citoyens ont pu choisir et ce sont ces menteurs qu’ils ont préférés à d’autres candidats.

Ces citoyens-là sont intelligents ; alors pourquoi ont-ils élu des hommes (on relèvera qu’il n’y a pas de femme dans la liste épouvantable) qui vont leur pourrir la vie et, pour certains d’entre eux, la leur faire perdre ?

La situation est d’ailleurs paradoxale avec de puissants mouvements de contestation de leurs politiques !

Tous ont attenté et attentent aux libertés fondamentales, mais ils l’avaient annoncé. Tous ont bénéficié des largesses des groupes industriels mondialisés pour mener campagne et de leur proximité avec les médias écrits et audiovisuels pour vanter leurs immenses mérites, certes, mais il n’y a rien de nouveau en la matière et les peuples ont su parfois s’en défaire.

Alors, quoi ?

Ils n’ont pas usurpé leur pouvoir, même s’ils en font un usage immodéré. Ils se retranchent derrière le peuple souverain pour justifier leurs choix funestes. Leurs peuples ont une parfaite connaissance de l’acte électoral et ils connaissent désormais toutes les pratiques mises en œuvre pour les tromper. La démocratie a même institué des contrôles pour rassurer sur d’éventuels manquements.

Le pouvoir de dissimulation de ces dirigeants a réussi à tromper les citoyens ou à les attirer vers eux plutôt que vers leurs adversaires.

Stéphane Hessel avait appelé les Français à s’indigner ; il s’avère que l’indignation est insuffisante. Face à un adversaire dissimulateur et menteur, il faut aujourd’hui s’engager, pleinement, totalement, les yeux (et les oreilles) ouverts pour glisser les bons bulletins de vote dans l’urne et rétablir une démocratie authentique.

Sans commentaires superflus

Le 25 juin 2019, Jean-François Cirelli, patron de BlackRock France, est interviewé par Jean-Paul Chapel sur France Info ; il déclare :

« C’est l’intérêt de ce nouveau texte du gouvernement, de la loi, de permettre aux Français, enfin, de s’approprier l’épargne-retraite. »

La séquence a été rediffusée le 2 janvier au cours du journal de 20h.

Le 6 décembre, le Canard enchaîné dévoile ‘’Comment l’Elysée a déroulé le tapis rouge au roi de Wall Street. Durant une journée, les salons du Château ont été privatisés pour célébrer les patrons de BlackRock’’.

L’article de l’hebdomadaire raconte :

« Le 25 octobre, le président Macron a convié au Château le gratin de la finance mondiale, représenté par les dirigeants de BlackRock, le plus gros investisseur du monde, et par 21 gestionnaires de fonds (…) Comme rien n’est trop beau pour ces messieurs de Wall Street, le Président a mis à leur disposition le salon Murat – au rez-de-chaussée du palais de l’Elysée, s’il vous plaît ! Une première : jusqu’alors, aucun président n’avait osé privatiser le lieu qui abrite le conseil des ministres depuis Georges Pompidou, au profit d’un groupe financier américain. »

Plus loin, le Canard révèle aussi le contenu d’une note confidentielle de présentation de la « fiesta, signée Larry Fink, le président fondateur de BlackRock »:

« Il s’agit d’un moment charnière pour la France et pour l’Europe, et nous discuterons toute la journée de la vision de la transformation du président Macron avec des représentants de son cabinet qui éclaireront leurs priorités clés. »

Le 11 décembre 2019, L’Humanité révèle que BlackRock a remis à l’Elysée au mois de juin un document de 15 pages, intitulé ‘’Loi Pacte : le bon plan Retraite’’, dans lequel on peut lire :

« La loi Pacte vise spécifiquement à combler les lacunes structurelles du régime d’épargne retraite volontaire existants. Elle permet à l’épargnant : de bénéficier d’un allègement fiscal pour les cotisations versées en réduisant sa base imposable sur le revenu, d’accéder à son capital avant la retraite dans certains cas prédéfinis, d’opter librement pour une sortie de rente ou un retrait du capital ou une combinaisons de ceux-ci lors du départ en retraite, de transférer son patrimoine à une entité plus concurrentielle dans frais de transfert après 5 ans, et de bénéficier automatiquement de solutions d’investissement efficaces comme la gestion pilotée pendant toute la phase d’accumulation ? »

Nos recommandations s’adressent au gouvernement français et à d’autres acteurs clés tels que les employeurs, les représentants du personnel et les acteurs du marché du secteur financier… »

Le 1er janvier 2020, le Journal officiel de la République publie la liste des promus dans l’ordre de la Légion d’honneur. Le patron de BlackRock France, Jean-François Cirelli, se voit promu au grade d’officier ; il est présenté comme « président d’une société de gestion d’actifs, ancien vice-président et directeur général délégué d’un groupe industriel énergétique ».

Tout commentaire semble en effet superflu !