La Chouette qui hioque

Mois : décembre 2021

Michel et Bruno, deux copains

Qu’est-il arrivé à Ariane Chemin, grand reporter au Monde ? Elle signe un article sous le titre ‘’Grâce à Michel Houellebecq, l’autre rentrée de Bruno Le Maire’’, dont on ne sait pas si on doit le lire au premier ou au second degré (voire au troisième ou quatrième).

Pour ma part, je me demande qui a bien pu laisser publier cet article. On peut y lire, par exemple :

« Le ministre de l’économie, piqué de littérature, ne cache pas sa fierté d’avoir inspiré cet écrivain qui le campe en présidentiable sincère et surdoué dans son dernier roman, ‘’Anéantir’’. »

Comme il ne s’agit pas pour la journaliste (chevronnée) de faire la promotion du livre de Michel Houellebecq avec lequel elle a eu quelques démêlés judiciaires après la publication d’une enquête en six volets en 2015, s’agit-il alors de se payer la tête du ministre de l’économie et des finances ?

On peut le supposer en lisant encore ceci : 

« On pourrait presque parler d’un hold-up. En pleine campagne présidentielle, Bruno Le Maire fait sa rentrée de janvier de manière très… décalée. Une rentrée littéraire, mais pas comme auteur attendu (…) C’est en héros romanesque que le patron de Bercy effectue ce retour de vacances triomphant. Dans la petite comédie humaine de Michel Houellebecq (qui place Balzac au-dessus de tous) manquait la figure d’un ministre. C’est chose faite avec son dernier roman, livre puissant et triste qui paraîtra le 7 janvier chez Flammarion. Bruno Le Maire sert de modèle à l’un des principaux protagonistes d’Anéantir, Bruno Juge (presque un nom balzacien). Quel beau cadeau de Noël pour un ministre qui se pique de littérature (« Richelieu écrivait en agissant »), et aime tant fréquenter les écrivains (« Jean-Christophe Rufin, Sylvain Tesson, Philip Roth quand il était vivant, Marie Darrieussecq… ») ! Le 22 décembre, dans son bureau de Bercy, ses joues semblent encore plus roses qu’à l’ordinaire. « Se retrouver ainsi dans ce qui est peut-être le plus grand roman de Michel… » 

La chute de l’article est dans le même ton et on atteint au sommet de la flagornerie :

« Vertigineuse mise en abyme dont Bruno Le Maire s’étourdit presque, tant il est convaincu que le Prix Goncourt n’a pas bâti ce « jeu de miroirs » par hasard. « Vraiment, c’est quelque chose de très troublant de devenir le personnage d’un auteur qui marquera le XXIe siècle littéraire comme Proust et Céline en leur temps, confie-t-il. Michel d’ailleurs mérite le Nobel… » 

Toujours selon Ariane Chemin, les deux hommes, l’écrivain et son modèle, sont de vieux copains et les renvois d’ascenseurs seraient donc dans la nature des choses. Houellebecq dépeint son ministre de modèle comme « un type bien », austère, bosseur, « surdoué », pédagogue, jamais « cynique » (contrairement au Président), capable de réciter des vers de Musset dans le texte et en pleine nuit. Et présidentiable. »

L’écrivain et son modèle se fréquentent et fréquentent les mêmes milieux réactionnaires ; Ariane Chemin ne passe pas sous silence qu’ils ont animé « lors d’une soirée épique sur la piste du Cirque d’hiver, au printemps 2019, un show sur l’Europe organisé par les jeunes catholiques traditionalistes des Eveilleurs d’espérance et l’hebdomadaire Valeurs actuelles. »

Détail qui suffit à lui-même pour se détourner des deux compères et combattre leurs idées rances et nauséabondes.

Article étonnant et déplacé dans un journal comme Le Monde quand de multiples faits, tus aujourd’hui, auraient mérité d’être traités.

Ainsi va Le Monde ; ainsi hiérarchise-t-il l’information ! Car l’histoire des deux copains, Michel et Bruno, on s’en fout !

L’Europe sponsorisée

Ah ! Qu’il est fier le président de la République française ; il va gravir un échelon dans la hiérarchie en devenant le 1er janvier et pour six mois (sauf cas de non réélection) le président du Conseil de l’Union européenne. En année électorale, il compte sur ce titre ronflant pour améliorer son image et glaner quelques voix supplémentaires.

Il est fier, mais est-ce sérieux ? A l’écouter, il serait le président de l’Europe (comme Valéry Giscard d’Estaing l’avait rêvé avant lui), mais il n’est qu’un roitelet : il ne présidera, durant six mois seulement, que l’une des trois institutions de l’Union européenne avec la Commission et le Parlement. A la tête de la Commission, Ursula von der Leyen revendique elle aussi le rôle de présidente de l’Europe ; de quoi alimenter quelques brouilles avec Macron l’orgueilleux et quelques problèmes protocolaires dont tout le monde se moque. Sauf les intéressés.

D’autres présidents que Macron ont présidé ce Conseil, De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac et Sarkozy ; autant de présidences qui n’ont pas marqué les esprits. Le petit Emmanuel devrait revenir à plus de modestie. Mais en est-il capable ?

La présidence française n’a cependant pas fini de faire parler d’elle. Comme ses devancières, elle a reconduit le recours aux groupes privés pour son financement. Renault et Stellantis mettront 220 véhicules électriques et hybrides à sa disposition pour transporter les délégations.

Imagine-t-on De Gaulle faisant appel aux sponsors ? Macron, comme Sarkozy avant lui, ont succombé à la pression des lobbys et des grands groupes pour financer les activités de la présidence. Certes, d’autres ont fait pire en faisant appel à Coca-Cola (la Roumanie), Microsoft (Finlande), Air Malta, des groupes pétroliers, ou encore Audi, BMW, Mercedes.

L’Observatoire des multinationales a dénoncé le scandale : « Le sponsoring privé des présidences de l’UE offre à des entreprises comme Renault ou Coca-Cola un accès privilégié aux décideurs, pour mieux faire passer leurs idées et leurs priorités et imposer leur agenda politique. »

Et de rappeler que des mesures sont envisagées pour limiter les émissions de CO2 de leurs véhicules SUV et que les constructeurs automobiles ont été poursuivis dans le cadre du ‘’dieselgate’’. Le sponsoring pourra aider à rétablir son image et, surtout, à faire pression pour sauver ses SUV !

Tout cela fait désordre ; cela n’empêche pas une fondation (Robert Schuman) d’écrire : « La présence des groupes d’intérêt n’est pas nouvelle. Leur rôle est incontestable. La complexité et la mutation des modes de prise de décision communautaire, la multiplication des instances, (…) la technicité des dossiers, sont aujourd’hui plus qu’auparavant favorables à la présence de tels groupes d’intérêts ».

La directrice de l’ONG Foodwatch qui était intervenue pour demander à la France de refuser les sponsors, a dénoncé la situation : « Il n’est absolument pas anodin pour la France d’associer une marque d’entreprise à une présidence au plus haut niveau des institutions de l’Union européenneTout risque de conflit d’intérêt au plus haut niveau de l’Europe est à proscrire. C’est une question de principe, une ligne rouge non négociable. » Elle n’a pas été entendue par un président au service des grands groupes.

On ne s’étonne plus des connivences entre politiques et grandes entreprises. L’ex-premier ministre, François Fillon ne vient-il pas de rejoindre le conseil d’administration du groupe russe de pétrochimie, Sibur, dirigé par un ami de Poutine.

Avant lui, Tony Blair, Gerhard Schröder, José Manuel Barroso et d’autres, ont rejoint de grandes banques américaines ou des groupes pétroliers et donnent des conseils à des gouvernements du Moyen Orient, etc.

Macron ne se distingue pas de ces hommes politiques corrompus, qui entretiennent la confusion entre intérêts publics et intérêts privés, la marque indélébile du pouvoir néolibéral.

Encore une chose à ne pas oublier en avril prochain !

Le record du CAC 40

Je ne sais pas si son quotidien économique, par un effet psychanalytique, traduit la pensée profonde de Bernard Arnault, mais les Echos s’extasient, se félicitent, exultent, jubilent et, proches du délire, encensent l’ultra-libéralisme triomphant : le CAC 40 bat son record historique !

Le plumitif de service aux ordres du milliardaire écrit : « Il y a comme un air de fête sur les marchés en cette fin d’année. » Il explique : « Les indices boursiers sont repartis à l’assaut de leurs records en décembre, faisant fi de la déferlante Omicron. »

Les soignants dans les hôpitaux, eux, ne font pas la fête ; ils sont exténués et tirent le signal d’alarme une nouvelle fois. Les intermittents du spectacle eux non plus n’applaudissent pas aux annonces d’un gouvernement englué dans une politique favorisant l’économie au détriment de la santé, plus attentif à « ceux qui réussissent » qu’à « ceux qui n’ont rien ». Petits artisans, petits commerçants sont parfois à l’agonie.

Seuls les riches feront la fête pour le passage de la nouvelle année ; les gueux ne mangeront pas tous à leur faim pour le réveillon. En revanche, Les Echos avancent que « l’explosion du nombre de contaminations dans le monde n’a de toute évidence pas entamé l’appétit des investisseurs pour le risque, même si les volumes restent limités en cette période de fêtes. »

Le CAC 40, donc, a bondi de 29,3 % depuis le 1er janvier, malgré le ralentissement de la production économique puis son rebond. Les marchés sont insensibles à la misère humaine qui ne cesse de battre, elle aussi, des records. Les riches regardent les milliards accumulés et restent sourds aux revendications salariales qui s’expriment partout. Ils restent sereins : ils sont entendus par Emmanuel Macron et Les Echos vendent la mèche : « Il faut dire que les mesures prises pour contenir l’épidémie ne semblent pas de nature à remettre en cause la dynamique économique. »

Le CAC 40 pourra donc continuer à battre son record.

Combien de temps la fête durera-t-elle chez les riches, les actionnaires du CAC 40 ; il semble qu’un vent de fronde et de revendications se lève. Enfin.

Duda et Macron

Le président polonais Andrzej Duda a mis son veto à une loi votée le 17 décembre dernier, limitant les participations des entreprises non européennes dans les médias de son pays.

La loi visait précisément la chaîne TVN24, propriété du groupe américain Discovery, très critique, et c’est surprenant, vis-à-vis du gouvernement et du parti Droit et Justice, le PIS.

Les restrictions des libertés fondamentales s’accélèrent en Pologne, la mise au pas des médias rejoignant la mise au pas de la justice. Le tribunal constitutionnel de Varsovie a contesté récemment la primauté du droit européen sur le droit national.

Les démocrates polonais (il sont encore nombreux) étaient descendus dans la rue pour contester ces atteintes à la liberté, ce qui a sans doute encouragé le président Duda à prendre sa décision ; encore faut-il relativiser cette dose de courage, sachant que le président américain a exercé une forte pression sur son homologue au nom de la solidarité des états membres de l’Otan, alors que les tensions sont fortes entre l’organisation atlantique et la Russie.

Néanmoins, ici, en France, on appréciera le geste du président polonais s’opposant à une loi liberticide sur les médias quand Emmanuel Macron multiplie, lui, les lois liberticides ou reste spectateur devant la démonstration de force de Vincent Bolloré, prenant le pouvoir dans le groupe Lagardère et transformant ses médias en autant de caisses de résonnance pour le fasciste Eric Zemmour.

Il faut remonter à la cohabitation Mitterrand-Chirac pour voir un président mettre son veto à une loi. Depuis la modification de la chronologie des élections présidentielle et législatives, le président peut compter désormais sur une majorité durant tout son mandat. Emmanuel Macron y a trouvé un terrain favorable à l’exercice d’un pouvoir absolu et autoritaire. Comme Le PIS.

Les situations ne sont pas identiques en Pologne et en France, le PIS est plus brutal que le pouvoir jupitérien, mais les institutions de la Ve République menacent gravement les libertés fondamentales. Si les moyens mis en œuvre pour réduire les libertés ne sont pas identiques, les finalités sont les mêmes : réduire la démocratie à une vitrine et étouffer les critiques pour favoriser les plus riches et leurs entreprises.

Mourir à Calais

Les associations humanitaires dénoncent et condamnent depuis des années et des mois, « la dégradation des conditions de vie des personnes exilées à Calais, alors que le harcèlement dont elles font l’objet est quotidien et que la violence exercée par l’Etat est toujours plus forte, Philippe. » Trois membres de ces associations admirables qui apportent leur soutien aux exilés, Philippe, Anaïs et Ludovic ont entamé une grève de la faim depuis le 11 octobre devant l’église Saint-Pierre de Calais.

« Nous assistons quotidiennement, écrivent-elles, à des formes de violences psychologiques et physiques à l’encontre des personnes exilées : expulsions toutes les 48h voire quotidiennes ; confiscation et destruction des effets personnels ; multiplication des arrêtés anti-distribution de nourriture et d’eau ; humiliations ; coups et blessures de la part des forces de l’ordre… Et l’escalade de la violence ne s’arrête pas. Il y deux semaines, des nouvelles mesures ont été mises en place. A quatre reprises, l’État a posé des rochers sur un lieu de distribution de Coquelles empêchant tout accès aux associations pour distribuer des denrées de première nécessité aux personnes exilées. Des interdictions se sont multipliées ensuite sur l’ensemble des lieux de vie des personnes, rendant illégales toutes distributions. »

Pétition, largement relayée, et grève de la faim ne font pas bouger les représentants de l’Etat. Ceux-ci restent sourds à leurs demandes : « Suspension des expulsions quotidiennes et des démantèlements de campements durant la trêve hivernale ; arrêt de la confiscation des tentes et des effets personnels des personnes exilées ; ouverture d’un dialogue citoyen raisonné entre autorités publiques et associations non mandatées par l’État, portant sur l’ouverture et la localisation de points de distribution de tous les biens nécessaires au maintien de la santé des personnes exilées. »

La situation à Calais (et ailleurs) est intolérable ; et rares sont les candidats à la présidence de la République à condamner la politique actuelle de rejet de l’autre, alimentée par Le Pen, Zemmour ou Pécresse ; au contraire. Ils sont sourds aux appels, y compris à celui du pape François.

Le prétendu président ni de droite, ni de gauche, élevé dans les meilleures écoles catholiques d’Amiens, disciple d’un philosophe, Paul Ricoeur, qui se réclamait du christianisme social (même s’il eut un bref passage chez les pétainistes) est le maître d’œuvre de cette politique d’une violence inouïe à l’égard des exilés. Il ne renie rien et prône toujours plus de fermeté au sein de l’Europe pour fermer les frontières. Sans vergogne. 

Les exilés ne doivent plus mourir à Calais.

N’oublions pas !

C’était le 23 décembre 1951, les curés de Dijon publiaient un communiqué ahurissant, expliquant pourquoi ils avaient brûlé le Père Noël : « Pour nous, chrétiens, la fête de Noël doit rester la fête anniversaire de la naissance du Sauveur », ajoutant : « Le Père Noël a été sacrifié en holocauste. A la vérité, le mensonge ne peut éveiller le sentiment religieux chez l’enfant. »

En cette date anniversaire, un professeur d’histoire contemporaine à l’université de Dijon, Philippe Poirrier, rappelle que « le porte-parole de l’épiscopat a appuyé cette action symbolique sans ambiguïté. » L’édition de France-Soir du 24 décembre 1951 avait publié la déclaration du même porte-parole : « Le Père Noël et le sapin se sont introduits dans les écoles publiques alors qu’ils sont la réminiscence de cérémonies païennes qui n’ont rien de chrétiennes tandis que, au nom d’une laïcité outrancière, la crèche est scrupuleusement bannie des mêmes écoles. »

Toute ressemblance avec les déclarations des catholiques intégristes et autres réactionnaires d’extrême droite (incluant une partie des Républicains), souvent supporters acharnés de Zemmour, Le Pen ou Valérie Pécresse, à propos de la laïcité et de l’école publique ne sont donc pas fortuites.

Le Père Noël n’est plus leur seul ennemi ; ils ont une aversion prononcée pour les réfugiés, notamment ceux qui se réclament de l’islam, mais aussi pour toute idée progressiste, tout ce qui relève des services publics, particulièrement l’école laïque.

N’oublions pas que le Bien Public, le quotidien réactionnaire, avait lui aussi applaudi et fait sa ‘’une’’ sur l’événement, du ‘’pain béni’’ pour faire de l’audience, comme CNews fait le buzz avec Zemmour.

La bête immonde rôde à nouveau en France, qui voit des usurpateurs et des hérétiques partout, des ennemis dans ceux qui ne sont nés français, un péché immonde dans le droit à l’avortement pour les femmes, etc.

N’oublions pas. N’oublions rien.

Le Guépard

Dans l’admirable film de Luchino Visconti, Palme d’or à Cannes en 1963, les ‘’guépards’’ sont les nobles qui, après le débarquement des hommes de Garibaldi en Sicile, prennent conscience que leur règne est proche de la fin.

Aujourd’hui, le ‘’Guépard’’ est le nom de baptême du nouvel hélicoptère de l’aviation qui va remplacer les Gazelle, Alouette, Dauphin, Fennec et autres Panther. Décidément, les militaires français sont portés sur les animaux sauvages !

Le ministère de la défense a signé une commande à Airbus pour la fourniture de 169 de ce nouvel appareil (« dont les 30 premiers en tranche ferme », précise un communiqué), pour un montant de 10 milliards d’euros. Une somme importante !

Le quotidien patronal Les Echos ajoute que le contrat comprend la « fourniture du système de soutien et de formation » et « le maintien en condition opérationnelle pendant dix ans » du Guépard, version militarisée d’un appareil civil. A ce prix-là, c’est bien le moins qu’on peut attendre du fournisseur…

Le chiffre de 169 appareils interpelle lui aussi ; leurs missions également. L’armée française a-t-elle vraiment besoin de nouveaux hélicoptères semeurs de morts ? Pour quels théâtres d’opération ?

Avec Emmanuel Macron, la France a retrouvé un esprit guerrier et multiplie les ventes d’armes au moment où la planète a besoin de paix pour éradiquer la misère et sauver son climat. L’argent coule à flot quand il s’agit de l’armée. Plus que pour les services de santé, pour l’enseignement, la recherche, l’accueil des réfugiés, etc.

Macron ne semble pas avoir compris qu’il est de la race des guépards de Visconti et que les peuples n’en peuvent plus de sa politique néolibérale, belliqueuse et porteuse de recul de civilisation.

Bientôt (mais quand ?), il faudra bien que les populations reprennent le pouvoir et bannissent la guerre. Sans Garibaldi, ni ses Chemises rouges, mais avec un bulletin de vote.

Comediante ! Tragediante !

Pour la Lettre A, une publication généralement très bien informée, l’accélération de la reprise du groupe Lagardère par Vivendi serait quasiment réglée. Si Vincent Bolloré se précipite, sans attendre les autorisations des autorités européenne et française, c’est qu’il est sûr de son coup ; un coup à la Bolloré pour éviter d’avoir des pans d’activités à céder pour cause de position dominante.

Il veut être le seul décideur et le maître du temps !

Il s’attribuerait la totalité du groupe Hachette, plus prestigieux que son propre groupe d’édition, Editis. Hachette est le troisième éditeur mondial de livres, avec des perspectives de rachats, et un chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’euros en 2020. Le chiffre d’affaires d’Editis (725 millions) est trois fois moins élevé et, surtout, l’implantation internationale d’Hachette est sans commune mesure avec celle d’Editis.

Quoi faire alors d’Editis ? Le céder à Joseph Oughourlian, le patron du fonds d’investissement Amber Capital, qui a été un allié ô combien utile au raid de Vincent Bolloré sur Lagardère. Il s’agit d’un très beau cadeau de Bolloré à celui avec lequel il est désormais en affaire.

Joseph Oughourlian, homme d’affaires d’origine libano-américaine, est devenu le principal actionnaire (29,84 %) du groupe espagnol Prisa propriétaire du  prestigieux quotidien El Pais, de revues et de chaînes de télévision et de radio. Et, preuve que les deux hommes sont de fieffés amis, Oughourlian a fait entrer Vivendi (donc Bolloré) dans le capital de Prisa en janvier 2021 à hauteur de 7,6 % du capital (9,93 % aujourd’hui).

Oughourlian n’est que le faux nez de Bolloré qui, en entrant dans le capital de Prisa, s’ouvre le marché hispanophone pour la diffusion de ses contenus audiovisuels.

Bolloré avait également bénéficié de la complicité d’Oughourlian dans un autre dossier, celui qui avait permis au premier de prendre le contrôle de Gameloft en 2016.

Les connivences entre les deux hommes ne sont donc ni de circonstances, ni une nouveauté. Arnaud Lagardère et son entourage n’ont rien vu venir quand le tandem l’a déstabilisé et l’a fait vaciller. Un tel niveau d’incompétence est grave, mais, en ce qui concerne l’héritier de Jean-Luc Lagardère, il n’est plus surprenant, tant il a fait preuve de désintérêt pour l’avenir du groupe dont il avait la charge depuis son entrée en fonction en 2003.

Quant au tandem Bolloré – Oughourlian, quelle démonstration des mœurs malsaines et sordides du monde des affaires. On n’applaudira ni à sa victoire, ni à sa stratégie démoniaque. On reprendra seulement l’expression attribuée au pape Pie VII à propos de Napoléon : « Comediante ! Tragediante ! »

L’union à gauche pour oublier Pinochet

Quelle bonne nouvelle ! Gabriel Boric vient d’entrer dans l’histoire du Chili en remportant une victoire écrasante à la présidence du pays. Avec lui, c’est le retour de la gauche au palais de la Moneda, mais surtout à la démocratie.

Son adversaire au second tour de l’élection, José Antonio Kast, un nostalgique de Pinochet, a été largement devancé de 12 % des votants. Au fond, on ne s’en étonnera guère quand on se rappelle que le résultat du référendum d’octobre 2020 avait démontré la volonté des Chiliens d’en finir avec la dictature en se prononçant pour une nouvelle constitution : 78 % des votants s’étaient prononcés pour balayer un texte hérité du sanguinaire Pinochet.

Gabriel Boric est jeune (35 ans) ; son père est issu d’une famille d’origine croate, installée au Chili depuis la fin du XIXe siècle. Sa mère, elle, est d’origine espagnole. Il a effectué des études de droit et a été le leader de la Fédération des étudiants, avant de militer au sein du mouvement Gauche autonome et d’être élu député pour le parti Convergence sociale.

Gabriel Boric a remporté une primaire au sein des partis de gauche et il l’a emporté avec 60,42 % des voix devant le candidat communiste, Daniel Jadue (39,58 %)

Il a promis des réformes fondamentales, annonçant même vouloir faire du Chili le tombeau du néolibéralisme. Parmi les premières mesures annoncées, la suppression des retraites à capitalisation individuelle privée et l’instauration d’un régime public et autonome. Puis, un système de santé universel. Gabriel Boric entend également taxer les plus grandes fortunes, augmenter le salaire minimum et réduire la semaine de travail. Autant de mesures qui devraient être au centre de la campagne présidentielle en France pour faire échec aux funestes visées d’Emmanuel Macron et des candidats de droite et d’extrême droite.

La gauche est revenue au pouvoir au Chili en ne présentant qu’un candidat (qui a fait le plein des voix de tous les partis)

Hier soir, après la proclamation des résultats, le peuple de Santiago en liesse est descendu dans la rue et a repris les chants de luttes et, notamment, le célèbre « El Pueblo unido, jamas sera vencido », comme un message adressé à tous les peuples victimes du néolibéralisme sur la planète. Y compris en France, où la pluralité des candidats, désespérante, assure le succès à la droite ou à l’extrême droite.  

L’espoir habite à nouveau le peuple chilien. Gabriel Boric a fait des promesses ; espérons qu’il les tiendra pour faire oublier vraiment Pinochet.

Est-il si difficile d’imiter l’exemple chilien en France ?

Prière adressée à Dieu

Peut-on tout dire quand on participe à la campagne électorale pour la présidence de la République ? A la lecture de quelques déclarations, je suis stupéfié et certaines petites phrases me rappellent une saillie de François Morel sur France Inter parlant de Luc Ferry : « Comment peut être aussi intelligent et aussi con ? »

Valérie Pécresse est une personne bien née et intelligente, mais comment a-t-elle pu déclarer sur France 3 : 

« Moi je vais vous dire, si être Français c’est ne plus avoir de sapin de Noël, c’est ne plus manger de foie gras, c’est ne plus avoir la chance d’élire Miss France et de voir des filles belles et intelligentes une fois par an et ne plus avoir le tour de France… »

Valérie Pécresse, née Roux, a été élevée dans les meilleures écoles catholiques, Sainte-Marie de Neuilly et Sainte-Geneviève de Versailles, ceci explique peut-être cela. C’est-à-dire un mépris de classe inculqué par sa famille responsable de son éducation ; père dirigeant de Bolloré Telecom, mari, Jérôme, homme d’affaires et Pdg de General Electric Renewable Energy, qui s’est illustré par un plan de licenciement de 800 salariés en 2016, etc.

J’ai particulièrement apprécié la répartie de Clémentine Autain en réponse à celle qui fut à trois reprises ministre de Nicolas Sarkozy :

« La France, c’est Liberté, Égalité, Fraternité et pas sapin de Noël, foie gras et Miss France. »

Sans omettre de signaler à la présidente de la région Ile-de-France, que tous les Français n’auront pas les moyens de manger du foie gras à Noël ou d’avoir un sapin. On fera également remarquer à la ‘’bourge’’ versaillaise que sa conception de la culture et du divertissement, ramenée à Miss France et au Tour de France, est indécente et même une insulte à tous les artistes qui ont fait ou font que la France a été et reste encore le pays des Lumières.

Je suis parfaitement agnostique mais si j’avais une prière à lui adresser, je demanderais à Dieu : « Faites que Valérie Pécresse ne soit jamais élue présidente de la République. »

Ainsi soit-il !

Notre agriculture se meurt !

La France a perdu 100 000 exploitations agricoles en dix ans, selon le dernier recensement agricole qui date de 2020. Aujourd’hui, on ne dénombre plus que 389 000 exploitations en métropole.

Les chiffres, secs, sont inquiétants. Mais ils dissimulent une autre réalité : nous importons chaque jour davantage de quoi nous nourrir ; par exemple nous achetons à l’étranger plus de 50 % de la viande ovine, 35 % des volailles, 27 % de porcs, 22 % de bœufs, mais aussi 41 % de fruits dits tempérés et, surtout, 94 % de poissons et produits de la mer.

L’assiette française dépend de la production étrangère, alors que le pays reste le premier producteur agricole de l’Union européenne et que les statistiques révèlent quelques aberrations inquiétantes, citées par le cabinet d’expertise économique Xerfi. « Alors que la France est le premier exportateur mondial de pomme de terre et dégage un confortable excédent de 591 millions d’euros, elle est déficitaire de 322 millions d’euros pour les produits transformés à base de pomme de terre, hors fécule. Idem, le solde est positif de 300 millions d’euros environ pour les pommes mais négatif pour le jus de pomme de 85 millions d’euros. »

L’industrie agro-alimentaire française est passée sous contrôle de grands groupes multinationaux qui n’hésitent pas, comme dans d’autres secteurs d’activité, à délocaliser dans des pays comme l’Allemagne et la Hollande qui font massivement appel aux travailleurs détachés et précaires, sous-payés et placés dans un état proche de l’esclavagisme moderne.

L’union européenne n’y voit rien d’anormal. Le gouvernement français non plus, pour qui la loi du marché est la seule référence.

La France a perdu son potentiel industriel et perd son potentiel agricole. Inquiétant.

Le communiqué qui tue

Arnaud Lagardère est, au fond, touchant de bêtise et de fausse naïveté. Voilà qu’il publie un communiqué, « à titre personnel », a-t-il tenu à préciser, en tant qu’actionnaire du groupe qui porte son nom. Actionnaire, certes, mais plus décisionnaire.

Pour dire quoi ?

En premier lieu que « « l’’accélération du calendrier de l’opération efface les spéculations qui ont pu avoir lieu ces derniers mois. Ces doutes sont désormais derrière nous et c’est une bonne chose ». On reste éberlué devant une telle contre-vérité. N’a-t-il pas sollicité l’aide de Bernard Arnault pour s’opposer au raid de Vincent Bolloré ? Les doutes sont effectivement effacés, Bolloré étant désormais le seul patron du groupe Lagardère SA.

En second lieu que « depuis ce 30 juin 2021, j’ai pu mesurer le soutien sans faille du management de Vivendi et de son premier actionnaire, la famille Bolloré. Ces derniers ont toujours été, depuis les premiers titres acquis par Vivendi en 2020, fidèles à leurs engagements et loyaux à l’intérêt social du groupe Lagardère (…)Je dis sans retenue que notre actionnaire Vivendi et la famille Bolloré sont à la hauteur de l’héritage que nous a laissé Jean-Luc Lagardère ».

On pourrait croire que Vincent Bolloré lui-même a écrit ce communiqué et contraint Arnaud Lagardère à le signer ! Pour lui conserver un job de représentation très cher payé ?

Bolloré n’est pas plus à la hauteur que le fils prodigue de l’héritage de Jean-Luc Lagardère. Et l’avenir s’annonce sombre, très sombre.

Crime contre l’humanité ou pas ?

Qui croire ? Le président de la République qui déclarait à Abidjan : « Trop souvent aujourd’hui la France est perçue » comme ayant « un regard d’hégémonie et des oripeaux d’un colonialisme qui a été une erreur profonde, une faute de la République » ou Emmanuel Macron qui, au lendemain du troisième référendum en Nouvelle-Calédonie, dit, dans une intervention télévisée pour commenter un résultat trompeur (43,9 % des habitants seulement ont voté) : « Les Calédoniennes et les Calédoniens ont choisi de rester Français. Ils l’ont décidé librement. Pour la Nation entière, ce choix est une fierté et une reconnaissance. Ce soir, la France est plus belle car la Nouvelle Calédonie a décidé d’y rester » ?

Quelle outrecuidance ! Quel mépris pour ceux qui, majoritairement, ont décidé de boycotter les urnes ! 

En février 2017, celui qui n’était encore qu’un candidat à l’Elysée, avait eu des mots encore plus forts qu’à Abidjan à la télévision algérienne en qualifiant le colonialisme de « crime contre l’humanité » et de « vraie barbarie ».

Aujourd’hui, le candidat à un deuxième mandat multiplie les phrases cocardières et qui fleurent bon le langage des colons ; il a parlé des « défis de cet Océan Pacifique qui fait partie intégrante de notre espace national » ou encore de la France « fière d’être votre Patrie », qui renouvelle « son engagement à vous protéger, à vous accompagner, quelles que soient les circonstances. »

La France protectrice des kanaks ? Ou des intérêts de quelques-uns ?

Emmanuel Macron, au nom de la France, a reconnu « ce qu’elle doit aux kanaks, peuple premier reconnu par l’accord de Nouméa ».  De quelle liberté ose-t-il parler quand les Caldoches ont accaparé l’essentiel de toutes les richesses du Caillou ?

Ce qui était vrai en Algérie ou en Afrique sub-saharienne, ne l’est plus en Nouvelle-Calédonie ? Le colonialisme est-il un crime contre l’humanité ou pas ?

Bolloré, l’idéologue pressé

Vincent Bolloré accélère sa prise en main du groupe Lagardère : il aura finalisé le rachat des actions du fonds Amber Capital le 15 décembre (il détiendra alors 45,1 % du capital) et il déclenchera l’OPA sur les actions qu’il ne détient pas en février prochain.

Le calendrier est calculé ; Bolloré affirme ainsi qu’il est désormais le seul propriétaire de Lagardère. Cela vaut avertissement pour les rédactions d’Europe 1, Paris Match, Le Journal du dimanche en pleine période électorale, mais aussi sur Hachette et la filiale Lagardère Travel Retail (points de vente Relay entre autres), mais cela vaut aussi pour les différents organismes qui devront se pencher sur les cessions d’actifs à envisager dans les activités où le nouveau groupe sera en position dominante (Autorité de la concurrence européenne, Autorité de la concurrence française et CSA).

Bolloré démontre sa volonté d’aller au plus vite vers une intégration de Lagardère dans le groupe Vivendi et se déclare donc maître du temps.

L’idéologue d’extrême droite s’affirme en outre comme un acteur déterminant dans le jeu politique et assure Eric Zemmour de pouvoir compter sur toute son aide avec les médias qu’il contrôle : chaînes de télévision, radio, journaux, magazines, etc.

A la manière de Robert Hersant qui se déclarait toujours en avance d’une loi, Vincent Bolloré, l’entrepreneur que rien ne doit entraver, est en avance sur toutes les lois censées assurer information pluraliste, limitation de la propriété des médias, etc.

Vivendi en avalant Lagardère à un prix dérisoire peut se revendiquer comme le leader mondial de la culture, du divertissement et de la communication.

Pendant qu’il bâtissait son empire, les gouvernements successifs ont regardé passer les trains ; aujourd’hui, Bolloré se permet de les narguer et d’afficher sa puissance au service d’une idéologie inquiétante et réactionnaire.

La morgue de Bolloré est incommensurable ; il est temps d’exiger un débat dans les meilleurs délais pour assurer un véritable droit à l’information du citoyen, en mettant fin à la valse des concentrations entre les mains de quelques milliardaires, en assurant la pérennité du service public de l’audiovisuel, l’indépendance de l’AFP, etc.

Les paroles de François

Le pape François, parfois, ne manque pas de panache. En visite dans le ‘’camp d’exilés’’ de Mavrovouni sur l’île de Lesbos, il a eu des mots terriblement justes et émouvants.

Lui, l’enfant d’exilé italien, a rappelé que la Méditerranée a été le « berceau de tant de civilisations », mais qu’elle « est en train de devenir un cimetière froid sans pierres tombales ». Puis il a adressé un message très chrétien aux dirigeants européens : « Je vous en prie, arrêtons ce naufrage de civilisation », devant la présidente grecque, Katerina Sakellaropoulou et le vice-président de la commission européenne, Margaritis Schinas.

De nombreux dirigeants européens se réclament de la civilisation chrétienne ; En France aussi. Mais combien ont entendu les paroles du pape quand ils ferment leurs frontières avec des murs de barbelés, entassent les exilés dans des camps indignes de la condition humaine, renvoient les pauvres vers leur pays d’origine au risque de les exposer aux tortures ou à la faim.

François a fustigé cette Europe « déchirée par les égoïsmes nationalistes ». Que répond la très catholique Valérie Pécresse ? Que rétorque Eric Ciotti, dont la pensée politique est réduite à deux mots : « Prison, avion » ? 

Quand le pape en aura fini (s’il y arrive) avec l’Europe, il lui restera peut-être un peu de forces pour aller aux Etats-Unis où les valeurs chrétiennes sont manipulées par les racistes républicains pour alimenter la haine de l’autre et légiférer à la manière des fous de dieu polonais ou hongrois.

Le gouverneur du Texas, Greg Abbott, et un élu de la Chambre des représentants de cet Etat, Matt Krause, se livrent à une surenchère pour interdire une liste de 850 livres dont les auteurs sont issus de la diversité et traitent de thèmes comme le racisme, les violences faites aux femmes, l’homosexualité, etc.

A quand les autodafés ? A quand le retour à l’Inquisition ? A quand le retour des bûchers pour éliminer les mécréants ? La bête immonde rôde et ne se cache même plus ; elle s’exprime largement dans tous les médias !

Ceux qui se livrent à cette surenchère rétrograde sont les supporters d’un Donald Trump qui vient de se vanter d’avoir ‘’levé’’ un milliard de dollars pour créer un nouveau réseau social auprès de grandes entreprises, qui, comme en 1933 en Allemagne, ont soutenu Hitler.

Devant ce naufrage de civilisation, il ne faut pas laisser le pape François seul à prêcher dans le désert. Sa parole doit être relayée. Vite et fort.

Mario Vargas Llosa confirme !

Et dire que j’ai lu avec avidité La ville et les chiens ou La Maison verte, et quelques autres œuvres de Mario Vargas Llosa !

Ses critiques de la société péruvienne et des politiques de répression étaient flamboyantes, intelligentes, enthousiasmantes. Bref, l’écrivain au talent fou avait ma sympathie. A un degré moindre que Gabriel Garcia Marquez, Jorge Amado ou José Saramago, certes, mais il figurait quand même dans mon panthéon des écrivains.

Son soutien à l’extrême droite péruvienne en octobre dernier n’avait plus rien de stupéfiant, tant le prix Nobel de littérature 2010 avait renié les idées progressistes de sa jeunesse. Mais, aujourd’hui, le tout nouvel académicien français franchit une nouvelle ligne rouge en apportant son soutien à José Antonio Kast, nostalgique de la dictature de Pinochet à l’élection présidentielle chilienne.

Vargas Llosa estime que l’élection de Kast permettrait au Chili « de reprendre la tête et de montrer ce qu’est le centre droit, la liberté, le soutien aux entrepreneurs, l’ouverture aux investissements étrangers ».

A preuve du contraire, Mario Vargas Llosa n’est pas chilien ; de quel droit se permet-il d’intervenir dans les affaires intérieures de ce pays et de prôner le retour aux investissements étrangers, ce qui signifie ouvrir en grand l’exploitation des ressources aux conglomérats des Etats-Unis ?

Vargas Llosa, 85 ans, est devenu un vieillard cacochyme, qui renie tout son passé de jeunesse, partisan de la libération du sous-continent sud-américain du joug étatsunien. A-t-il à ce point perdu la mémoire pour ne pas se rappeler que la dictature sanglante de Pinochet a été installée par la CIA et qu’elle a assassiné des milliers de chiliens et contraint des milliers d’autres à l’exil ?

Et dire que cet auteur siège aujourd’hui à l’Académie française ! Ceux qui lui ont apporté leurs voix partagent-ils ses orientations politiques et ont-ils voté en pleine connaissance de cause ? Je n’ose pas y croire.

Inquiétante militarisation

Mais que vont pouvoir faire de 80 Rafale les Emirats Arabes Unis (EAU), la petite fédération de sept émirats du Golfe, peuplé d’un peu moins de 10 millions d’habitants dont 90 % issus de l’immigration ?

Le chiffre donne le tournis, d’autant que le président de cette monarchie constitutionnelle avait déjà signé un contrat avec les Etats-Unis en 2020 pour l’achat de 50 chasseurs furtifs F35.

Immensément riche, le président, cheikh Mansour ben Zayed Al Nahyane, ne sait pas quoi faire de son fric : il a pris le contrôle de 10 clubs de football, dont Manchester City (qui a battu récemment le PSG des Qataris) et l’ES Troyes AC, aux quatre coins de la planète. En revanche, d’une part, ses achats d’avions de guerre et, d’autre part, l’instauration du service militaire sont le reflet d’un esprit autrement plus belliqueux et inquiétant que le ballon rond.

Avec ses 130 avions de combat supplémentaires (mais qui les pilotera ?), il est en mesure de semer la mort comme il l’a fait en Libye et, récemment encore, au Yémen.

Emmanuel Macron n’a pas le triomphe modeste ; il affiche un air ravi et multiplie les déclarations vantant son action internationale et le poids économique des accords signés avec les monarchies du Golfe.

En se vautrant devant de tels dirigeants et en multipliant les ventes d’armes (la France n’a-t-elle plus rien d’autre à offrir ?), il participe à l’inquiétante militarisation mondiale et au réarmement des pouvoirs autoritaires.

Ce président-là n’est pas digne du pays des droits de l’homme et de ses luttes pour la paix.

Peut-on, à quelques jours d’intervalle, faire entrer Joséphine Baker au Panthéon et aller vendre la mort au Moyen-Orient ?

Google protège les enfants

Ou comment un problème de société, à savoir les risques engendrés par l’usage des outils numériques par les enfants, devient une vache à lait pour Google, avec la bénédiction du gouvernement.

Le ministère de l’éducation nationale a été très critiqué, à juste titre, par les milieux enseignants et d’autres, pour avoir signé des contrats avec Microsoft et privilégié les logiciels payants plutôt que les logiciels libres (il y en a à foison, malgré le peu d’aides des pouvoirs publics).

Aujourd’hui, c’est le secrétaire d’Etat chargé de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, qui est chargé de la campagne publicitaire de Google pour « prémunir nos enfants contre les dangers du numérique pour éviter qu’ils ne s’y perdent, et ainsi leur apprendre à développer des usages qui leur permettent de devenir, demain, des citoyens épanouis et responsables ».

Adrien Taquet, dont le nom est ignoré de la grande majorité des Français, signe ces quelques mots, extraits de l’éditorial d’une petite brochure publicitaire distribuée aux abonnés de Télérama et dont le titre est alléchant pour qui est inquiet : « Bien vivre le numérique en famille ».

La brochure est évidemment trompeuse et pas seulement son titre, comme toute publicité. Pour faire plus vrai, les promoteurs de l’opération ont convoqué l’Union nationale des associations familiales (UNAF), l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open) et, donc, le gouvernement, avec sa plateforme ‘’jeprotegemonenfant.gouv.fr’’.

Il faut attendre les deux dernières pages pour savoir que l’outil de contrôle familial proposé, Family Link, est une « application de Google, disponible sur Google Play et téléchargeable dans l’App Store, nécessitant un compte Google ».

Après Microsoft, Google. Faut-il s’en étonner quand le président d’une République ‘’start-up nation’’ reçoit régulièrement les géants de la Tech à l’Elysée. Le sommet (sic) Tech for Good, par exemple, est un ensemble de tables rondes sur le travail, l’éducation et l’inclusion. Choose France est présenté comme le forum des grands investisseurs étrangers ; Emmanuel Macron s’y réserve des entretiens bilatéraux avec les grands dirigeants de Google, Microsoft, Netflix, Facebook, Amazon, etc.

Google peut dire merci à Emmanuel Macron et à Adrien Taquet. Les chercheurs français qui travaillent sur des logiciels libres, eux, n’ont-ils plus d’autre horizon que d’envoyer leur CV aux GAFA ?

Quant aux lecteurs de Télérama, sensibilisés aux dangers des géants des technologies numériques par les journalistes de l’hebdomadaire, ils sont déboussolés et en colère !

Liberté d’association

Un décret du 20 octobre dernier a dissous l’association ‘’Coordination contre le racisme et l’islamophobie’’. De nombreuses associations et syndicats se sont insurgés contre la décision gouvernementale, rappelant « qu’il nous appartient – et à nous seuls – de décider si nous voulons, ou non, dénoncer et combattre, parmi d’autres discriminations et stigmatisations, cette injustice particulière nommée islamophobie. »

Les signataires d’un communiqué commun déclare ensuite « Nous continuerons à choisir librement l’objet de nos combats ainsi que les termes que nous considérons pertinents pour analyser l’état de la société et critiquer les politiques comme les pratiques des pouvoirs publics. Nous revendiquons le plein exercice de la liberté d’opinion, qui inclut la libre contradiction et exclut toute police des idées. Nous entendons, tout simplement, que soit respectée la liberté d’association. »

Les associations ont en effet lu avec attention les considérants du décret. Pour le gouvernement « sous couvert de dénoncer des actes d’islamophobie, la CRI distille par ses publications en ligne et l’instrumentalisation de tout évènement mettant en cause des personnes de confession musulmane ou affectant, d’une manière ou d’une autre, l’image de l’islam, un message incitant à percevoir les institutions françaises comme islamophobes, alimentant ainsi un soupçon permanent de persécution religieuse de nature à attiser la haine, la violence ou la discrimination envers les non-musulmans. »

Elles ont alerté les citoyens sur les dangers du décret : « Des associations sont dissoutes par le gouvernement au motif absurde que dénoncer une injustice ce serait justifier rétrospectivement – ou se rendre complice par avance – des actes violents, voire des actes de terrorisme, que d’autres ont commis ou commettront peut-être un jour en invoquant cette même injustice. »

Elles en tirent la conclusion que « une addition de présupposés, d’hypothèses et de supputations permet d’affirmer qu’une association ‘’doit être regardée comme cautionnant’’ des propos provoquant à la violence ou à la discrimination et que cette prétendue caution suffit elle-même à caractériser des ‘’agissements’’ de provocation à la violence ou à la discrimination, seuls susceptibles de justifier une dissolution. »

Le ministre de l’intérieur à l’origine du décret n’a été rappelé à l’ordre ni par le président de la République, ni par le premier ministre. On peut en conclure qu’il s’agit donc d’une nouvelle régression de nos libertés fondamentales et d’une décision nous entraînant à bas bruit vers un état autoritaire.

Emmanuel Macron vient de donner un gage supplémentaire à la droite la plus réactionnaire. Un acte grave qu’il ne faudra pas oublier le moment venu.