La Chouette qui hioque

Mois : mai 2023

La ploutocratie de Macron

Les manœuvres autour du projet de loi déposée par le groupe LIOT pose clairement la question centrale du pouvoir aujourd’hui en France. Qui le détient aujourd’hui quand les députés sont dépouillés de leur prérogative de voter les lois.

La démocratie, c’est-à-dire le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple, est foulée aux pieds par une minorité sans vergogne et un président de la République qui fait un usage d’autant plus immodéré de son pouvoir vertical que ses décisions font l’objet d’une contestation grandissante.

Emmanuel Macron est le capitaine d’un bateau ivre, une France surendettée et qui voit les taux financiers menacer les engagements pris à Bruxelles de réduire le déficit d’un pays qui peine à se ré-industrialiser, malgré les quelques inaugurations tonitruantes et grandioses.

Il manipule la Constitution et prend des décisons incompréhensibles aux yeux du peuple, mais toutes orientées vers l’augmentation des profits des grands groupes industriels et financiers. 

Il tance celle qu’il a nommée à Matignon pour, ensuite, lui réitérer sa confiance ; il laisse quelques chevau-légers, Darmanin et Attal, donner l’assaut aux principes démocratiques et humanistes, au risque d’exacerber les tensions sociales.

Quand Elisabeth Borne rappelle que le Rassemblement national est bien l’héritier du pétainisme, un fait avéré, Emmanuel Macron vole au secours de Marine Le Pen. Prétendre combattre ce parti sur le terrain de la compétence n’empêche pas de rappeler son histoire et la véritable nature de ses dirigeants.

Il manipule la commission d’enquête parlementaire sur les liens entre le président de la République avec la plateforme Uber. Un député, Benjamin Haddad, membre du parti présidentiel et atlantiste invétéré, y met fin dès que le soutien indéfectible et de longue date d’Emmanuel Macron avec la firme américaine est sur le point d’être révélé.

L’évasion fiscale atteint des niveaux records, se chiffrant en dizaines, voire des centaines de milliards, et mettant en cause tous les grands groupes. Le président invite le ministre des comptes publics à annoncer sa volonté de s’attaquer à la fraude sociale en fusionnant carte d’identité et carte d’identité. Mesure ridicule quand des rapports apportent la preuve irréfutable que la fraude sociale est une goutte d’eau (même si elle est condamnable) quand un tiers des foyers éligibles au RSA, les plus vulnérables, n’y ont pas recours.

La droite réactionnaire et décomplexée, de Ciotti à Le Pen en passant par Zemmour, agite les spectres éculés des peurs ancestrales et injustifiées envers ceux qui ne sont pas des mâles blancs. Elle déverse sa haine envers les immigrés et les individus ‘’différents’’ et, aussitôt, Gérald Darmanin prépare une nouvelle loi pour attiser l’aversion d’époque, comme la qualifie François Cusset.

Emmanuel Macron a usurpé un pouvoir qu’il ne tient qu’au vote contre la peur du fascisme ripoliné. Il multiplie les ennemis pour justifier sa politique de classe, au profit du ‘’marché’’ économique et financier dont il est le plus sûr garant. Ce marché nous échappe en s’arc-boutant à ses privilèges quand la majorité de peuple souhaite le subordonner à l’intérêt général en le régulant.

Macron est le gérant consentant d’une ploutocratie mondialisée.

Estomaquée et culottée !

Rima Abdul-Malak a été estomaquée, dit-elle, par l’intervention de Justine Triet à Cannes. Elle y a vu « clairement un fond idéologique d’extrême gauche ».

D’autres voix de la droite rance se sont jointes à la sienne, comme celle d’Eric Woerth qui a cru intelligent de faire un bon mot en parlant d’anatomie d’un naufrage. Le sous-ministre de l’industrie, Roland Lescure, n’a pas été plus brillant en invoquant une anatomie de l’ingratitude (qu’en pense son frère, Pierre, président du Festival de 2014 à 2022 ?).

La palme de l’indécence revient néanmoins à un élu Renaissance (la clique à Macron), Guillaume Kasbarian, qui a appelé à « arrêter de distribuer autant d’aides à ceux qui n’ont aucune conscience de ce qu’ils coûtent aux contribuables », fustigeant une réalisatrice aussi talentueuse que Justine Triet, porte-drapeau d’un « petit microcosme biberonné aux aides publiques ».

Ces saillies ne grandissent pas leurs auteurs !

La ministre de la culture de Macron, elle, est culottée. Elle a été conseillère culture à l’Elysée de décembre 2019 à sa nomination à la rue de Valois en mai 2022. A ce titre, elle a dû étudier (on l’espère) le rapport Boutonnat sur le financement privé de la production et la distribution cinématographiques et audiovisuelles remis en décembre 2018 à Roselyne Bachelot. En revanche, il est avéré qu’elle ne s’est pas opposée à la reconduction de son auteur à la tête du CNC en 2022 !

Mme Abdul-Malak a oublié que Boutonnat, gestionnaire de fonds d’investissement et soutien financier de la campagne de Macron, dénonçait dans son rapport un système qui encouragerait la production de trop de films avec un taux de réussite en termes d’entrées ou en termes de profitabilité trop faible. Il préconisait également d’accélérer la concentration de la filière, en encourageant la création de grands groupes opérant sur tous les échelons de la production, distribution, voire exploitation, en partant d’un meilleur financement privé des sociétés de production, possible par une meilleure opportunité de générer des dividendes pour les actionnaires. Ceci serait rendu possible par une maitrise des coûts, mais aussi par la constitution de catalogues gérés par le producteur comme il l’entend, avec une chronologie d’exploitation à peine régulée, et où la sortie en salle pourrait être éliminée. Pour Boutonnat, le modèle qui a réussi à faire du cinéma français le premier en Europe, basé sur la valorisation de l’œuvre, est considéré comme dépassé, devant être remplacé par un soutien à un producteur de catalogue, censé être plus attractif aux investisseurs car moins risqué.

Le rapport Boutonnat n’était donc qu’un brûlot destiné à justifier une nouvelle politique, libérale, en matière de cinéma et d’audiovisuel.

L’intervention de Justine Triet avait tout pour contrarier la politique de Macron et de Rima Abdul-Malak ; cependant elle visait juste en déclarant : « Ce prix, je le dédie à toutes les jeunes réalisatrices et à tous les jeunes réalisateurs, et même à ceux qui aujourd’hui n’arrivent pas à tourner. On se doit de leur faire de la place. Cette place que j’ai prise il y a quinze ans dans un monde un peu moins hostile où il était encore possible de se tromper et de recommencer. Le pays a été traversé par une protestation historique extrêmement puissante et unanime de la réforme des retraites. Cette contestation a été niée et réprimée de façon choquante par et ce schéma de pouvoir dominateur de plus en plus décomplexé éclate dans plusieurs domaines. Socialement, c’est là où c’est plus choquant mais on peut aussi voir ça dans toutes les autres sphères de la société et le cinéma n’y échappe pas. La marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend est en train de casser l’exception culturelle française sans laquelle je ne serais pas là devant vous ».

Le rapport Boutonnat, prétexte à la marchandisation de la culture, ce n’est pas une vue de l’esprit de Justine Triet ; n’en déplaise à la ministre d’une culture-divertissement, où le bon peuple doit consommer des sous-produits culturels regardés sur des terminaux mobiles, rapportant des dividendes à deux chiffres aux financiers.

Curieuse circonstance, le soir de la proclamation du palmarès du Festival de Cannes, Rima Abdul-Malak était l’une des invitées de l’émission de Léa Salamé. Là, elle ne risquait pas d’être estomaquée, la star autoproclamée de France 2 et de France Inter avait sorti sa plus belle brosse à reluire pour encenser la ministre.

Rima Abdul-Malak estomaquée par Justine Triet, peut-être, mais culottée de préférer l’émission de Léa Salamé à la cérémonie du Festival de Cannes ! A chacun sa culture.

La culture, celle qui grandit l’homme et qui n’est pas qu’une industrie soumise aux seules règles du marché, est en grand danger ! Et Justine Triet a été bien inspirée de le rappeler.

Bateau ivre

Emmanuel Macron traverse une période de forte dépression et il ne contrôle plus rien ; mais sans l’avouer. Il s’est chamaillé avec un grand nombre de ceux qui lui avaient élaboré son programme pour l’élection présidentielle de 2017.

L’économiste Jean Pisani-Ferry a pris ses distances avec Macron, critiquant sa politique en termes fermes, à défaut, néanmoins, de remettre en cause le néo-libéralisme.

Macron a été ébranlé plus fortement qu’il ne l’avoue par le profond mouvement social soulevé par la loi sur la réforme des retraites. Sa rigidité a excédé ses anciens ‘’conseillers’’ qui le lui ont fait savoir, ses ministres et quelques autres personnages de son entourage aussi. Le malaise est criant ; le pouvoir s’est retranché dans les salons de l’Elysée et semble ne plus savoir où aller.

Emmanuel Macron tente donc de renouer les liens avec quelques anciens compagnons de campagne et décrété les 100 jours pour tenter de reprendre la main en lançant réformes du travail, de l’immigration, de la réduction de la dette, de la baisse de la dépense publique et de la transition écologique. Jean Pisani-Ferry a ainsi hérité de la mission d’évaluer les « incidences économiques de l’action pour le climat. » La tâche est inatteignable et risque de ne déboucher que sur des effets d’annonces.

Pisani-Ferry a rendu son imposant rapport, qui, on s’en doute, va irriter tous les libéraux. Pour cet ordo-libéral, la dette, 111 % du PIB, la plus élevée de l’Europe, risque de se creuser davantage si des mesures drastiques ne sont pas envisagées.

Mais les mesures avancées par l’économiste sont celles que Macron et Le Maire ou Attal se refusent à envisager, à savoir réinventer l’Impôt sur la fortune, affublé d’une autre appellation pour ne pas perdre la face et temporaire pour ne pas effrayer les ultra-riches.

Le choix de prélèvements exceptionnels et explicitement temporaires sur le capital, écrit le rapport, « répond par ailleurs à l’impératif d’équité » conditionnant « l’acceptation par les Français des efforts que va leur demander la transition climatique ».  Pisani-Ferry suggère donc un impôt « assis sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés ».

Il ajoute une note dans laquelle il écrit : « L’actif financier net des ménages était de 4 700 milliards d’euros en 2021, dont 3.000 milliards pour les 10 % les mieux dotés. Un prélèvement forfaitaire exceptionnel de 5 %, dans une fenêtre de trente ans, rapporterait donc 150 milliards, soit un peu plus de 5 points de PIB au total ».

Un (très petit) effort qui ne risque pas de réduire les inégalités, certes, mais qui contrevient au dogme macronien. Un effort qui ne répond pas à la demande populaire d’augmentation des salaires, mais qui a pour seul mérite d’acter que les ultras-riches peuvent payer.

Emmanuel Macron osera-t-il suivre ce conseil ou continuera-t-il à rester droit dans ses bottes ? Osera-t-il ranger ce rapport dans un tiroir de son bureau comme il l’a déjà fait pour d’autres rapports ?

Le pouvoir vacille ; le mouvement social saura-t-il, lui, en profiter pour imposer de véritables mesures sociales et environnementales ?

Le quinquennat est à un tournant.

Reprise en main

La lecture d’un entretien de deux journalistes du Monde avec la nouvelle patronne de France Inter est édifiante : Sybile Veil a trouvé en Adèle Van Reeth une nouvelle ‘’chienne de garde’’ pour aseptiser la radio publique.

La philosophe avoue qu’elle poursuit le travail de Laurence Bloch en « ajoutant mes propres intuitions ». Comme si une grille de programme se construisait sur des intuitions. Quelle vanité pour une néophyte !

Ensuite, elle flatte ceux et celles qu’elle promeut à coup de formules pompeuses.

Sonia Devillers ? Elle a « développé un savoir-faire hors-pair dans la manière d’interviewer (…) sa façon de réinventer un rendez-vous emblématique ». Elle hérite donc de l’interview de 7h50.

Léa Salamé ? Elle « avait envie de nouveaux challenges ». La patronne répond aussitôt à ses caprices de star autoproclamée : « Elle assurera donc une interview quotidienne d’un quart d’heure, à 9h20, avec la liberté et le talent qu’on lui connaît ». En écartant, au passage, Nicolas Demorand. Il faisait de l’ombre à la star ?

Rebecca Manzoni ? Elle perd l’animation de Totemic chaque jour à 9h30, mais « elle reprendre Le Masque et la Plume (…) Nous sommes impatients de créer cette rencontre entre cette émission patrimoniale et la modernité qu’incarne Rebecca Manzoni, qui est adorée des auditeurs ». Elle est tellement adorée qu’elle perd son émission quotidienne pour une hebdomadaire qui n’a pas le même public.

Charline Vanhoenacker ? Là, Adèle Van Reeth atteint des sommets d’hypocrisie en affirmant que « les chiffres d’audience de son émission étaient en baisse depuis quelques années ». Le limogeage de la pétillante Belge passe mal auprès d’auditeurs appréciant son humour décalé et critique de l’ordre établi. Charline Vanhoenacker se trouve reléguée, elle aussi, le dimanche. Pour faire passer cet ‘’exil’’ « elle garde son billet dans la matinale du jeudi (…) et nous réfléchissons à une touche quotidienne pour que le fil soit maintenu d’un dimanche à l’autre ». Alors, pourquoi changer ?

Charline Vanhoenacker est écartée pour faire une grande place à Matthieu Noël ; en revanche, Adèle Van Reeth se moque du monde en affirmant : « Nous concevons en ce moment un nouveau rendez-vous pour 17 heures, un programme très fidèle à l’état d’esprit dont nous avons besoin sur cette antenne. Un endroit extrêmement libre, extrêmement incsif, où la satire politique, l’outrance, la caricature auront toute leur place. Peut-être avec Matthieu Noël » Mais pourquoi avoir éliminé les ‘’Belges’’ qui répondaient strictement à cette définition, alors que Matthieu Noël est lisse, consensuel et beaucoup moins corrosif.

France Inter reprise en main, c’est tout un symbole de la dérive des services publics.

Merci Mme Van Reeth de l’avouer aussi clairement.

La valse des milliards

Ô les beaux jours pour les ultrariches ! Ils sont pris dans le tourbillon effréné de la valse des milliards.

L’AFP nous apprend en effet que les dividendes versés aux actionnaires dans le monde capitaliste au cours du premier trimestre ont battu un nouveau record : 326,7 milliards de dollars, dont 28,8 milliards de dividendes exceptionnels !

Les groupes les plus généreux, ce n’est pas un hasard, sont les banques, les pétroliers et, plus surprenant, les construteurs automobiles (qui ont multiplié leurs largesses par 10, à l’image de Volkswagen qui a versé un dividende exceptionnel de 6,3 milliards).

Le gestionnaire d’actifs Janus Henderson est surpris par cette distribution extraordinaire « d’autant plus impressionnante que 2022 a été une année difficile pour l’économie mondiale avec une inflation élevée , des taux d’intérêt en hausse, des conflits et le maintien de certains confinements face à la Covid-19 ».

L’argent coule à flot, mais ne ruisselle pas. Les groupes se refusent toujours à augmenter les salaires et les dirigeants politiques, comme Emmanuel Macron, tentent de désamorcer le mécontentement en priant les patrons de verser primes et intéressement. Rien n’y fait, la colère gronde.

Les ultrariches sabrent le champagne (fourni par Bernard Arnault) quand les pauvres se privent de repas et voient les bulldozers écraser leurs bidonvilles, comme à Mayotte.

La valse des ultrariches est outrageusement scandaleuse alors que l’inflation mondiale galope ; elle témoigne d’un mépris démesuré. Et fait penser à la scène-culte du Guépard de Luchino Visconti en 1963, la valse du bal grandiose donné par Don Fabrizio, le dernier avant l’effondrement de la noblesse.

Le capitalisme, malgré la valse des milliards de dividendes en 2023, ne peut cacher sa crise, mondiale, prémisse d’un krach financier.

Notre argent les intéresse

L’Eglise catholique est en crise. Les églises se vident et les coûts de l’énergie ont sérieusement affaibli ses ressources. La hiérarchie portant la mitre a donc lancé un appel à ses fidèles pour les prier d’augmenter de 20 % leur versement au denier du culte.

Le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, a longuement négocié un protocole avec l’enseignement catholique visant à favoriser la mixité sociale et scolaire dans les établissements privés sous contrat.

Le protocole a été vidé de toute obligation et ne parle que d’incitation. Les écoles cathos conserveront leur liberté d’inscription et les familles leur libre choix.

Plus simplement, rien ne changera. La mixité qui fait nation n’est pas pour demain ! Les grenouilles de bénitier s’accrochent à leurs chapelets et multiplien les prières. Elles ont d’ailleurs sonné aux oreilles d’Emmanuel Macron.

Le président de la République qui a fait toute sa scolarité dans des établissements catholiques (où il a côtoyé sa future épouse, professeur) est intervenu pour dicter le protocole à son ministre ; ainsi Pap Ndiaye qui se prétend défenseur à tout crin de la laïcité a été désavoué ; cependant il n’envisage même pas de démissionner ; il a dû avaler une ostie et faire pénitence !

En revanche, l’enseignement catholique a saisi l’opportunité qui lui était ainsi offerte pour demander au ministère de ‘’sensibiliser’’ les collectivités territoriales à l’octroi de subventions aux établissements accueillant des éléves boursiers et aux collectivités locales de prendre en charge leurs repas des pauvres boursiers.

On est tenté de faire un rapprochement entre les événements : régions, départements, communes sont invitées à octroyer de nouvelles subventions aux écoles catholiques au moment où l’Eglise de France est en manque de ressources. Et après que l’Etat diminue les dotations.

Pas très catholique tout ça ! Les athées sont priés de se taire et de sacrifier davantage l’école publique, laïque, gratuite et obligatoire.

Où est la Gauche ?

L’une est politiste, Julie Gervais, l’autre est historienne, Claire Lemercier ; elles sont les autrices de ‘’La Valeur du service public’’ (La Découverte), dans lequel elles ont témoigné des dégradations des services publics.

Télérama revient avec elles deux sur l’évolution de cette déliquescence organisée.

« Les modes de gestion des services publics fort différents les uns des autres sont de plus en plus dictés d’en haut, de façon uniforme, par des décideurs qui restent dans leurs bureaux et cadrent les moyens et les objectifs dans des tableaux Excel, sans prendre en compte les contraintes du quotidien. »

A la question de savoir comment et par qui les réformes sont conçues, la réponse est cinglante :

« Par de très hauts fonctionnaires, qui souvent vont pantoufler dans le privé ; mais aussi des consultants de cabinets de type McKinsey ; des banquiers travaillant de façon temporaire dans les ministères ; des dirigeants d’entreprise, sollicités pour amender les programmes scolaires – des Ponts et Chaussées par exemple ; etc (Tous ces gens forment, avec les responsablespolitiques au sommet de l’Etat, ce que nous appelons la NMPP : la ‘’noblesse managériale publique-privée’’ – pour reprendre le concept bourdieusien de ‘’noblesse d’Etat’’, en l’adaptant aux réalités d’aujourd’hui. »

Le constat est accablant et grave ; les deux autrices ont observé que « la carte de la désertification des services publics coïncide avec celle des succès électoraux du Rassemblement national ».

Que fait la Gauche pour s’opposer à la politique mortelle de Macron ?

L’intolérance pas toujours partagée !

Le Monde a consacré un échange avec ses lecteurs, en direct, sur son site à l’occasion du dixième anniversaire de la promulgation de la loi sur le mariage pour tous.

Echange surprenant. 

Un lecteur affirme : « Je n’ai rien oublié de cette période du mariage pour tous. J’avais treize ans, j’avais grandi dans un milieu classique et je faisais alors partie de ceux qui défilaient avec leurs parents contre le mariage pour tous. Dix ans plus tard, je suis en couple avec un garçon, avec toutes les difficultés que cela peut susciter dans une famille croyante. Et je regarde amèrement cette période de manifestations dont nous ne parlons plus en famille. » 

Le témoignage fait écho aux paroles d’une sociologue, Céline Béraud, qui, dans un entretien dans le même quotidien, affirme : « Beaucoup de catholiques ne veulent plus entendre parler de La Manif pour tous. Pourtant, au début, en 2012-2013, régnait un certain enthousiasme. Il y avait cette idée qu’il s’agissait d’un regain de vitalité du catholicisme, avec un engagement de jeunes. Mais, au fil des mois, avec la politisation du mouvement et sa radicalisation, une prise de distance s’est opérée. Si dans un premier temps l’unanimité a semblé l’emporter, comme si être catholique ne pouvait signifier que désapprouver le mariage pour tous et descendre dans la rue pour le faire savoir, le trouble suscité par la mobilisation et son homophobie est devenu de plus en plus perceptible au sein du catholicisme français, qui s’en est trouvé clivé. »

Quand l’intolérance est battue en brèche par la réalité !

Les réactionnaires ont trouvé de nouveaux terrains pour manifester leur intolérance. Leur haine s’est déplacée vers les immigrés, surtout, et perdure à l’encontre d’un certain cinéma et de nombreux livres. Beaucoup d’entre eux crachent sur la République. Mais leurs outrances ne sont pas toujours partagées. Dieu merci !

Néanmoins, les exemples récents témoignent que la ‘’bête immonde’’ est toujours vivante.

Intolérance et fanatisme

Le quotidien suisse Le Temps se pose la question que doivent se poser tous les démocrates, qui ont encore un peu d’humanité et de bon sens : Où va la France ?

L’auteur de l’article est professeur à l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève (IEHID), mais il est français et il ne mâche pas ses mots :

« Emmanuel Macron, tout à son style « jupitérien », aggrave l’aporie dans laquelle est tombée la France. Il n’a jamais rien eu de « nouveau », et sa posture d’homme « providentiel » est une figure éculée du répertoire bonapartiste. Il n’imagine pas autre chose que le modèle néolibéral dont il est le pur produit, quitte à le combiner avec une conception ringarde du roman national, quelque part entre le culte de Jeanne d’Arc et la fantaisie réactionnaire du Puy-du-Fou. »

Où va la France, en effet, avec un président dont l’idéologie réactionnaire côtoie dangereusement les fanatismes de toutes sortes.

Les maires de Callac, Carnac et Saint-Brévin-le-Pins peuvent témoigner de l’essor des Ligues traditionnalistes et le manque d’attention de l’Etat. N’est-ce pas Macron qui téléphone à Eric Zemmour quand il est agressé et qui ignore la situation de Yannick Morez qui ne voulait plus subir les agressions de l’extrême droite à propos de la création d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile.

Où va la France quand le préfet de Paris autorise un colloque et une manifestation de l’Action française, qui s’est signalée par des cris hostiles à la République et finit la soirée à Saint-Cyr-l’Ecole par un concert avec trois groupes de rock aryen, bras tendus en l’air, dans une ‘’ambiance IIIe Reich’’, comme le rapportent certains quotidiens.

Où va la France quand Civitas multiplie les actions pour s’opposer à la tenue de concerts ou à des expositions, en parlant de blasphèmes, de profanation ou de satanisme. Les ligues catholiques usent des mêmes arguments et des mêmes mots en Hongrie, aux Etats-Unis ou en Pologne. Les livres sont censurés, les enseignants menacés, la culture entravée.

Faut-il faire lire à Macron, Darmanin, Nunez et autres le Traité sur la tolérance de Voltaire, s’ils ne l’ont pas lu ?

Faut-il leur en rappeler quelques phrases écrites en 1763, il y a donc 260 ans, mais qui sont d’une troublante actualité :

« Il est facile au fanatisme d’arracher la vie à l’innocence, et difficile à la raison de lui faire rendre justice (…) On respecte toutes les confréries : elles sont édifiantes ; mais quelque grand bien qu’elles puissent faire à l’État, égale-t-il ce mal affreux qu’elles ont causé ? (…) On sait assez ce qu’il en a coûté depuis que les chrétiens disputent sur le dogme : le sang a coulé, soit sur les échafauds, soit dans les batailles, dès le IVsiècle jusqu’à nos jours (…) Il y a des gens qui prétendent que l’humanité, l’indulgence, et la liberté de conscience, sont des choses horribles (…) La fureur qu’inspirent l’esprit dogmatique et l’abus de la religion chrétienne mal entendue a répandu autant de sang, a produit autant de désastres, en Allemagne, en Angleterre, et même en Hollande, qu’en France (…) L’intolérance a couvert la terre de carnage. »

La politique ultralibérale, verticale, jupitérienne, autoritaire (stoppons-là tous les qualificatifs) secrète l’intolérance et justifie toutes les répressions. Et, au fond, tous les fanatismes comme ceux qu’on est amené à observer au quotidien.

La princesse de Clèves en état de sidération

Le monde de l’édition est en effervescence dans l’attente de la décision de Bruxelles concernant la prise de contrôle de Groupe Lagardère (et, par voie de conséquence, d’Hachette) par Vincent Bolloré (et, par ricochet, la vente d’Editis à Kretinsky). Les œuvres de l’esprit sont en jeu. Avec Bolloré, il s’agit d’un jeu cruel pour les esprits libres et contestataires.

Dans ce contexte d’agitation extrême, il est prudent de se méfier des rumeurs. Mais, en lisant un article de Nicolas Gary sur l’excellent site Actualitté, tout esprit sensé frémit :

« Les auteurs — les faiseurs — qui auront observé comment Vivendi a su jouer de ses atouts pour valoriser les écrivains d’Editis, considéreront avec d’autant plus d’intérêt le groupe Hachette. Peut-être pas si Nicolas Sarkozy en devient le directeur général, comme cela se dit depuis quelque temps. Mais encore que. »

Peut-on imaginer Nicolas Sarkozy s’installer dans le bureau de directeur d’Hachette ? Et succèder (même de très loin) à Louis Hachette dont la devise, « Sic quoque docebo » (« Ainsi j’enseignerai quand même »), était un engagement majeur dans une époque où l’école n’était pas encore obligatoire.

Il faut se rappeler la saillie du candidat à la présidence de la République le 23 février 2006 à Lyon, « L’autre jour, je m’amusais – on s’amuse comme on peut – à regarder le programme du concours d’attaché d’administration. Un sadique ou un imbécile avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est arrivé de demander à la guichetière ce qu’elle pensait de La Princesse de Clèves. Imaginez un peu le spectacle ! »

Elu président de la République, il récidivait, en juillet 2008 en faisant l’apologie du bénévolat ; en croyant faire un bon mot, il osait déclarer : « Ça vaut autant que de savoir par coeur La Princesse de Clèves. J’ai rien contre, mais… bon, j’avais beaucoup souffert sur elle. »

La princesse de Clèves est en état de sidération et nous aussi !

Si, par malheur, l’information d’ActuaLitté n’était pas une fausse nouvelle, ce serait affligeant, inquiétant et surtout la confirmation de la signification de la Croisade idéologique de Vincent Bolloré.

Défense de rire

Emmanuel Macron, le ‘’vertical’’, n’aime pas l’humour et le poil à gratter.

Adèle Van Reeth, philosophe (non agrégée) et nouvelle patronne de France Inter, non plus. 

Ce trait de caractère est l’un des points communs aux deux quadragénaires.

Le président de la République et la compagne de Raphaël Enthoven (lui aussi philosophe et l’un des ex de Carla Bruni) sont arrivés à des postes qui crispent et font perdre toute vélléité de s’octroyer des moments de franches rigolades.

Avant de les élire ou de les nommer, on devrait s’assurer qu’ils sont capables de rire et, plus encore, de rire de leurs propres travers. Or, il semble bien que les deux hauts personnages dont il est question n’acceptent pas de rire quand on parle d’eux et de leurs actes. Il est vrai que la réforme des retraites, par exemple, serait plutôt à pleurer !

C’est sans doute ce qui vaut aujourd’hui à Charline Vanhoenacker et à sa bande (Guillaume Meurice, Alex Vizorek, Juliette Arnaud, Clara Dupond-Monod et André Manoukian) de perdre l’émission quotidienne C’est encore nous.

Charline a tenu à préciser : « Ce n’est pas ma décision. Je vous confirme que la quotidienne s’arrête. » Deux phrases pleines de sous-entendus.

L’émission réunit chaque jour 1,25 million d’auditeurs. Mais Adèle Van Reeth a décidé (seule ?) de confier la tranche horaire au transfuge d’Europe 1, Matthieu Noël, beaucoup plus consensuel que la bande des Belges. Sans explication.

Le changement interroge et pas seulement dans les studios de la Maison ronde. Les auditeurs qui goûtaient l’humour corrosif de Charline apprécieront !

Décidément, à l’Elysée, on veille à tout et on ne rit pas.

La fin d’un monde

Jean-Michel Aulas, le président de l’équipe de football de l’Olympique lyonnais, limogé par le nouveau propriétaire, John Textor, un Américain, après 36 ans à sa tête, ce n’est même pas une surprise. L’Américain a investi, il prend le pouvoir ! C’était écrit.

Vikash Dhorasoo, ex-international et ancien joueur du club lyonnais, a pu regretter que « aujourd’hui, le foot est vendu à des fonds de pension, à des milliardaires qui viennent de plein d’endroits de la planète et qui n’ont aucun ancrage localement (…) Jean-Michel Aulas était un des derniers présidents vraiment attachés à sa ville, à son club et à sa région. C’est vraiment un changement d’époque. »

Le football est devenu une activité commerciale dans laquelle les financiers se sont engouffrés, encore faut-il que l’investissement se transforme en dividendes et en notioriété. Ils pensent que le jeu de football (où il y a toujours un vainqueur et un perdant) peut se gérer avec les recettes de n’importe quel secteur industriel.

Jean-Michel Aulas, patron millionnaire, qui fut aussi un dirigeant du MEDEF local, en fait l’amère expérience. Il est une ‘’victime’’ consentante du capitalisme financier qui a sonné le glas du patronat familial dans tous les secteurs d’activités.

On ne le plaindra pas, il a pleinement préparé le terrain. Mais le football, lui, est le grand perdant de ces petits arrangements entre financiers.

Prière pour la pluie !

Si François Cusset constate que quelque chose se lève face aux Croisés anti-woke, on peut néanmoins s’inquiéter que l’obscurantisme devienne de plus en plus militant. Et ose se manifester dans l’espace public avec le soutien des droites des peurs.

Après la procession organisée récemment par le diocèse Perpignan pour « demander la pluie » (sic), c’est celui de Draguignan qui a sorti les statues de Sainte-Roseline pour implorer son Dieu d’apporter un peu de précipitations dans une région particulièrement touchée par la sécheresse.

Implorer Dieu comme remède au réchauffement climatique n’est pas le signe évident d’un progrès de l’intelligence, mais plutôt le retour à de vieilles traditions où l’Eglise catholique s’opposait aux connaissances scientifiques, à l’instruction et au progrès pour maintenir ses ouailles dans l’ignorance et la soumission. C’était l’époque des autodafés et des excommunications, l’époque où on brûlait Giordano Bruno.

On croyait avoir tourné la page de cette théocratie anti-humaniste et la voilà qui se déchaîne en se révélant à la fois raciste, patriarcale et rétrograde.

A Draguignan, c’est l’évêque de Fréjus-Toulon, Dominique Rey qui était à la tête d’une procession en compagnie du maire Richard Strambio, du député Philippe Schreck, membre du Rassemblement national, et des Sœurs de la Consolation.

L’évêque n’est pas un inconnu ; il a fait campagne avec la Marche pour la vie, la Manif pour tous, contre la PMA et l’avortement et même contre le Téléthon, au prétexte de l’incompatibilité éthique pour les catholiques entre le respect de la personne humaine et la recherche sur l’embryon humain. Un agité de la mitre forcené et persévérant !

L’évêque s’était également illustré à l’occasion de l’université d’été de son diocèse en 2015, en étant le premier à inviter un élu du Front national, Marion Maréchal, mais aussi Aymeric Pourbaix, le directeur de Famille chrétienne, appartenant à Vincent Bolloré. Puis en 2017, il avait osé conditionner « un bon accueil des migrants » à l’affirmation de leurs « racines chrétiennes ». 

Le Vatican s’est inquiété des positions réitérées de son évêque et diligenté des enquêtes, suspendant l’ordination de prêtres dans le diocèse.

Si Dieu existe, il devrait rappeler à cet inquiétant personnage et à ses ouailles les paroles du Christ, si éloigné de leur idéologie et de leur croyance.

Henri Cartier-Bresson, l’autre couronnement

La Fondation Henri Cartier-Bresson a de l’à-propos ; elle présente jusqu’en septembre une cinquantaine de photos du célèbre reporter-photographe sur le couronnement de George VI le 12 mai 1937, sous le titre ‘’Henri Cartier-Bresson, l’autre couronnement’’.

L’idée est riche car Cartier-Bresson a réalisé tout un reportage sans montrer ni le couronnement, ni le roi, en tournant le dos au cérémonial. Le service public France Télévisions aurait pu s’inspirer de l’attitude du photographe plutôt que de consacrer quasiment toute sa journée de samedi à ‘’l’autre couronnement’’ et de multiplier les mots et les phrases d’extase devant ce spectacle en abusant de tous les qualificatifs.

Le choix d’Henri Cartier-Bresson était politique ; il était l’envoyé spécial du nouveau quotidien communiste Ce Soir de Louis Aragon. Il s’est attaché à montrer le peuple britannique et lui seul (dans sa multitude). Il a donc ‘’couvert’’ tout le couronnement dos au carrosse et dos au balcon de Buckingman. Et s’il a consenti à rapporter un cliché du carrosse, il a pris soin de le fixer sur la pellicule la veille du couronnement lors d’une répétition, sans le roi.

Un Cartier-Bresson d’aujourd’hui n’aurait pas raté la manifestation de Republic, un mouvement de militants pour l’abolition de la monarchie et l’instauration d’une véritable république. Mais, aujourd’hui, nous assistons à la réhabilitation de l’information ‘’people’’, quitte à grossir l’intérêt du sujet et à s’extasier devant cette royauté de pacotille, ses privilèges et son sens des affaires. Sur France 2, les téléspectateurs ont dû subir les commentaires de Stéphane Bern (et d’un Julian Bugier tentant de se hisser au niveau du chantre de la royauté) et même d’une Adelaïde de Clermont-Tonnerre (propriétaire du magazine des rois, Point de vue, fille de Renaud de Clermont-Tonnerre et de Gilone Boulay de la Meurthe !) sur le plateau de Laurent Delahousse. 

Le couronnement de 2023 avait quelque chose de grotesque, étalage d’un monde dépassé et inégalitaire. France 2 s’en est fait, hélas, le héraut. 

Henri Cartier-Bresson et son exposition viennent nous rappeler qu’on peut être un photographe réputé et avoir encore une éthique pour traiter un sujet d’Ancien Régime sous un angle décalé et politiquement juste.

Un vent se lève

Emmanuel Macron, pensant pouvoir tourner définitivement la page de la réforme des retraites, ressort son projet de loi sur l’immigration et autorise Gérald Darmanin à user de toutes les bassesses pour préparer le terrain. Pour amener la droite de Ciotti à voter la loi sans avoir recours au 49-3.

La perspective doit inquiéter les vrais démocrates et incite à se reporter à la collection Tracts de Gallimard qui a publié en janvier un brillant réquisitoire du professeur de Nanterre, François Cusset, sous le titre ‘’La haine de l’émancipation – Debout la jeunesse du monde’’.

François Cusset campe le décor dès le préambule :

« Pourquoi tant de haine ? Pourquoi la ‘’différence’’ (sexuelle, ethnoculturelle, dans le mode de vie ou le rapport au vivant), qu’on pensait admise, conquise de haute lutte dans la seconde moitié du siècle dernier, suscite-t-elle aujourd’hui si souvent ce mélange de panique morale et de répugnance épidermique – qui ne se cache plus, et dans certains pays tient même les rênes du pouvoir ? Et puis n’a-t-on pas mieux à faire, tandis que la planète brûle, l’économie déraille, les geurres reprennent ? Mais non : partout l’air est pesant, délétère, chargé de tensions, de ce fiel qui recharge des rancoeurs anciennes et électrise les rapports sociaux. »

François Cusset dénonce deux formes de haine ; l’une qu’il qualifie d’ordinaire, véhiculée par les médias et les réseaux sociaux et l’autre, la haine extraordinaire, « celle de pamphlétaires cupides et d’idéologues de réseaux sociaux ». Il accuse ainsi, à juste titre, Philippe Val, Michel Onfray que la ministre Frédérique Vidal, etc., c’est-à-dire « des coteries de mâles blancs énervés », rejoignant les Ligues chrétiennes des Etats-Unis, animées du même venin que les haines de rue pour « fabriquer cet ‘’Ennemi unique’’, qui menacerait l’ordre du monde – qu’on l’appelle wokisme, islamo-gauchisme, communautarisme, extrêmisme minoritaire ou passion identitaire. »

L’analyse du phénomène est formidable de clarté.

Si le venin ne cesse de se répandre dans la société, François Cusset observe que « Quelque chose se lève ». Face aux Croisé anti-woke et aux droites dures ou extrêmes, les résistances des ‘’minoritaires’’ s’organisent : « ce qui se lève est jeune, incroyablement jeune (…) quelques chose d’encore éclaté, mal dégrossi, parfois naïf ou péremptoire », remarque l’auteur. Ces mouvements de fond d’une jeunesse qui refuse le vieux monde des peurs font la preuve d’une intelligence en acte qui contraste avec « une violence et une bêtise inédites ».

Néanmoins, ces résistances sont encore dispersées : « Or, l’émancipation, pour rester un horizon valable, ne peut être que celle de tous, désormais, et non plus de quelques-uns, qui en se l’accaparant la discréditent à long terme. » Elles affrontent un adversaire redoutable, « le capitalisme contemporain (…) patriarcal, discriminant, néocolonial et écocidaire ». Ce capitalisme-là a besoin de cet ‘’ennemi’’ pour maintenir ses régimes untraconservateurs.

François Cusset a écrit son essai avant que cette jeunesse (dans toute ses différences) ne rejoigne le large mouvement social de contestation, uni bien au-delà de la réforme des retraites, témoignant « d’un moment historique de renouvellement des possibles chez tous les opprimés. »

Le moment historique connaîtra-t-il un nouvel épisode à l’occasion de l’examen du projet de loi sur l’immigration ?

Pauvre Messi

Le football de haut niveau n’est pas avare de scandales. Le club de la capitale, propriété du fonds d’investissement du Qatar, le PSG, en est un pourvoyeur régulier.

Aujourd’hui, il se couvre de ridicule en ‘’licenciant’’ celui qui était présenté comme le joueur devant lui permettre enfin de remporter la Coupe d’Europe, aux côtés de Kylian Mbappé et Neymar.

Au bout du compte, quel fiasco et quel scandale financier ; dépenser des centaines de millions et offrir des salaires à ses stars que même les patrons du CAC40 n’osent pas espérer, quand le monde des pauvres est chaque jour plus pauvre, pour rien, prouve que l’argent ne rend pas intelligent.

Le Qatar n’a rien compris au football, mais il fait néanmoins école et de plus en plus d’équipes de la supposée élite sont entre les mains du monde de la finance pour qui le ballon doit tourner rond et rapporter gros.

Léo Messi a donc été remercié par le PSG quelques mois seulement après avoir été accueilli comme un roi. Les médias en font leurs choux gras : la vie des stars fait de l’audience.

Mais aucune d’eux n’a osé poser les bonnes questions : Léo Messi a vendu son âme en acceptant de faire la promotion de l’Arabie saoudite, pays moyenâgeux où les droits de l’homme (et surtout de la femme) n’existent pas, pour des millions de pétro-dollars. Alors, Léo Messi a-t-il une âme ? Est-il prêt à toutes les compromissions pourvu que le chèque se distingue par un nombre de 0 très important ? Détourne-t-il les yeux quand il se rend chez son généreux employeur pour ne pas voir la situation des travailleurs immigrés, des voleurs à qui ont a tranché une main ou une femme adultère qu’on a lapidé ?

Léo Messi manie le ballon de football avec une extraordinaire dextérité ; il est un joueur d’exception et il a désormais tout gagné avec la Coupe du monde au Qatar, mais il est définitivement un pauvre homme qui ne mérite que mépris.

Changement de l’état du droit

En quelques jours seulement, le Conseil constitutionnel s’est fourvoyé aux yeux des citoyens. Sa dernière décision, portant sur la demande d’organisation d’un référendum d’initiative partagée (RIP), est identique à la première saisine ; elle est surtout un modèle de volonté politique de ne pas entraver les réformes d’Emmanuel Macron.

La décision est résumée en une phrase, en tête du communiqué de presse annonçant le refus : « Le Conseil constitutionnel juge que ne porte pas sur une réforme relative à la politique sociale de la nation, au sens de l’article 11 de la Constitution, la proposition de loi visant à interdire un âge légal de départ à la retraite supérieur à 62 ans. »

Il fallait oser l’écrire, les ‘’Sages’’ l’ont fait. Le texte de la décision n’est qu’un mauvais habillage d’une décision pauvre en droit et un renversement.

Un professeur de droit et par ailleurs membre du Modem (donc, en principe, de la majorité présidentielle), Paul Cassia, avait envoyé une contribution au Conseil dans laquelle il dressait un réquisitoire contre sa précédente décision :

« Par votre décision n° 2023-849 DC relative au relèvement à 64 ans de cet âge, vous avez donné la plus grande marge de manœuvre possible à l’exécutif au détriment du Parlement, au prix de contorsions en tout genre comme lorsque vous avez admis contra legem, sans motivation au surplus, qu’une loi de financement rectificative de la sécurité sociale puisse avoir des effets pérennes, largement au-delà de la seule « année en cours » (…) Par votre décision n° 2023-4 RIP relative à la fixation à 62 ans au maximum de cet âge, vous avez donné au mot « réforme » de l’article 11 de la Constitution l’interprétation la plus restrictive et donc la plus défavorable possible à la mise en œuvre de l’expression de la souveraineté par voie référendaire, en jugeant pour la première fois qu’une ‘’réforme’’ existe seulement si la proposition de loi RIP emporte ‘’un changement de l’état du droit’’ ».

L’acte d’accusation du juriste est sans appel.

Paul Cassia parle donc d’un « changement de l’état du droit » constitutionnel ; lles mots employés sont graves. Surtout venant de la part d’un adhérent du Modem.

Emmanuel Macron, le président du pouvoir vertical, dicte désormais le droit au Conseil constitutionnel. Et c’est insupportable dans une démocratie.

Monde en danger

La France, pays des Droits de l’Homme ? Est-ce encore vrai ?

Aujourd’hui, 3 mai, alors qu’on célèbre dans le monde entier la Journée internationale de la liberté de la presse, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) estime qu’elle a fait un nouveau pas en arrière et que la liberté d’expression n’est pas le moteur des autres droits de l’homme qu’elle devrait être.

Alors, certes, il y a de nombreux pays où les gouvernements prennent des mesures pour entraver la liberté d’expression. Certes, il y a des journalistes tués, emprisonnés, torturés pour avoir voulu faire leur métier en Iran, en Turquie, en Chine, en Russie, en Afghanistan, etc. Mais, pour autant, peut-on se réjouir de la situation en France quand Bolloré vide des rédactions entières, quand des journalistes sont menacés comme en Bretagne, quand la ‘’parole officielle’’ est entre les mains d’éditorialistes idéologues et réactionnaires, quand le service public de l’audiovisuel a vu disparaître la redevance, etc.

Et que dire des entraves à l’accès aux sources d’information et aux documents administratifs ? Faut-il s’accoutumer à la couverture scandaleuse des manifestations par nombre de médias, des mesures législatives prises par le pouvoir pour limiter le travail des reporters sur le terrain social, de la violence policière qui s’exerce parfois contre les journalistes ?

La liberté d’expression ne se découpe pas ; aussi, on doit être révolté quand Gérald Darmanin écrit à la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté « qu’elle excède ses compétences » pour avoir osé dénoncer dans un récent rapport « une instrumentalisation des mesures de garde à vue à des fins répressives ». Dominique Simonnot avait en effet constaté, une fois de plus que, sur 281 gardes à vue à la suite de la manifestation du 1er mai à Paris, 124 ont donné lieu à un classement sans suite.

Si la guerre de Poutine en Ukraine est monstrueuse, avec ses atteintes aux droits de l’homme quotidiens et inacceptables, que penser de Thierry Breton, ex-ministre et aujourd’hui commissaire européen en charge du marché intérieur, qui se déclare « confiant que d’ici à douze moins, nous pourrons monter notre capacité de production à 1 million de munitions par an en Europe », appelant les industriels français à « passer en mode économie de guerre ».

Le commissaire rappelle que l’Union européenne doit continuer à aider l’industrie de l’armement, à hauteur d’1 milliard d’euros via la Facilité européenne de paix (FEP). On croit rêver !

Si on suit bien le discours de Thierry Breton, la paix n’est donc pas pour demain. Aux discours de guerre, nous préférons les appels à la paix et les actes pour y parvenir au plus tôt pour épargner des vies, des malheurs et des atteintes aux droits de l’homme. Plus que jamais, Jacques Prévert avait raison, « Quelle connerie, la guerre ! ».

Décidément, ce sont toutes les libertés qui sont menacées ici et ailleurs. Les citoyens de bonne volonté et humanistes doivent se lever pour exiger le respect de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Vite. La situation est grave !

Tout est encore possible

Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, a rappelé fort justement que tout n’est pas encore joué en ce qui concerne la réforme des retraites, malgré la volonté exprimée par le président de la République et les membres de son gouvernement de tourner la page et de passer à autre chose.

Sophie Binet s’est exprimée clairement sur France 2 (Télé-Matin) : « Il ne peut pas y avoir de retour à la normale si cette réforme n’est pas retirée. Ce 1er-Mai sert aussi à dire que nous voulons enfin que nos aspirations soient mises à l’ordre du jour : des augmentations de salaire, l’égalité entre les femmes et les hommes, une amélioration des conditions de travail et la prise en compte des enjeux environnementaux. » Elle a ajouté que la réduction du temps de travail et le passage à la semaine de 4 jours était également à l’ordre du jour.

Tout n’est pas joué alors que la loi a été promulguée ?

Le rapport de force est toujours du côté des citoyens et de leurs organisations syndicales (unies) ; les manifestations du 1er mai en sont une nouvelle preuve. Ensuite, un projet de loi, simple et clair, a été déposé par le groupe LIOT (rejoint par le groupe communiste). Il ne comporte que deux articles, le premier disant : « La loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 est abrogée. » Les députés vont enfin pouvoir voter sur la réforme, ce que Macron et le gouvernement ont refusé en usant et abusant des dispositions antidémocratiques comme le 49-3. Ceux qui ont hésité à voter la motion de censure du gouvernement auront ainsi l’occasion d’exprimer leur désaccord avec une réforme inutile et antisociale.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel doit aussi se prononcer sur la demande d’organisation d’un Référendum d’initiative populaire (RIP).

Tout n’est pas joué. Tout est encore possible.

C’est l’inénarrable Dominique Seux (la voix de son maître) qui donne de nouveaux arguments aux opposants dans sa chronique libérale quotidienne sur France Inter :

« Combien rapporte-t-elle, cette réforme qui prévoit le relèvement de l’âge légal de départ à 64 ans ? Eh bien, on trouve l’information dans un document du ministère des Finances adopté en conseil des ministres la semaine dernière : il s’agit du « Programme de Stabilité » que tous les pays européens doivent transmettre chaque année à Bruxelles pour indiquer aux autres pays leur politique économique – ce qui est logique quand on partage la même monnaie. En 2027, la réforme des retraites elle-même rapportera en net 8 milliards d’euros, auxquels Bercy ajoute 9 milliards d’euros : ce sont les cotisations sociales et les impôts en plus qui rentreront avec l’amélioration espéré de l’emploi des seniors et de la croissance. Soit donc un effet total 9 + 8 = 17 milliards d’euros sur les comptes publics français (…) La réforme des retraites a donc bien un objectif de redressement des finances publiques : sans elle, le gouvernement ne pourrait pas ramener le déficit public sous les 3% du PIB. »

L’argument avait été réfuté par le gouvernement ; Dominique Seux contredit ceux qu’il est censé servir ! Il n’est pas allé jusqu’à avouer que ce sont les salariés (surtout les femmes) et les retraités qui paieront pour respecter les règles ultralibérales de Bruxelles. Mais les citoyens ont compris et continueront à exiger le retrait de la loi avec plus de force encore.