La Chouette qui hioque

Mois : août 2020

Guillaume Corneille, sa vie, son œuvre

Guillaume Cornelis, alias Corneille, est un peintre hélas trop méconnu et le musée de Pont-Aven, dont on ne vantera jamais assez l’excellent travail, permet, enfin, de retracer toute son œuvre. Riche et multiple.

Riche de toutes ses rencontres, de tous ses voyages en Europe, au Mexique, en Afrique et à Pont-Aven ou Beg-Meil.

Multiple parce qu’il a participé (activement) au groupe Cobra, puis découvert l’abstraction et Picasso, s’est inspiré de dessins d’enfants, avant de revenir à la figuration, s’extasier devant la richesse de l’art mexicain, puis de l’art africain. Mais, par dessus tout, Corneille a toujours considéré Paul Gauguin comme son maître. Ses séjours à Pont-Aven et à Beg-Meil relèvent en quelque sorte du pèlerinage.

L’exposition, très pédagogique, permet de découvrir toutes les époques d’un artiste qui, quel que soit le mouvement auquel il faisait référence a su dompter les couleurs les plus chaudes pour exprimer une imagination débordante.

La dernière période de Corneille est tournée vers les oiseaux et les fleurs, peintures d’un monde merveilleux, luxuriant, paradisiaque, dans une débauche de couleurs où dominent notamment les rouges éclatants.

Corneille, trop méconnu certes ; c’est le lot de nombreux artistes qui sont éclipsés par quelques stars dont les expositions drainent les foules. Le musée de Pont-Aven ne joue pas dans ce registre-là et c’est une chance.

Dix ans après sa mort, Corneille sort de l’anonymat.

La preuve par Coman

On avait déjà sorti les drapeaux et préparé les feux d’artifice ; sans doute aussi la réception à l’Elysée.

Le Bayern de Munich a fait tout annuler.

L’ode aux vainqueurs s’est transformée en lamentations des pleureuses.

Le PSG, donc, a perdu la finale de la coupe des clubs champions de football face aux Allemands du Bayern de Munich. Victoire méritée d’une équipe solide et, on l’avait oublié, aussi talentueuse que celle du PSG.

Au fond, tout cela est anecdotique au vu de ce que nous vivons en ce moment sur une terre qui n’en peut plus du capitalisme. Mais cette défaite de l’équipe composée par le Qatar est un échec pour l’argent-roi. Mince consolation.

L’entraîneur portugais José Mourinho l’avait dit avant la rencontre : investir autant d’argent en recrutements des meilleurs étrangers pour ne pas gagner est un échec. Pour le football-business.

Et il y a une morale à cette histoire : le seul but marqué au cours de cette rencontre est l’œuvre d’un jeune Français, Kingsley Coman (bravo à lui), formé au PSG, que les dirigeants qataris n’ont pas jugé suffisamment bon pour jouer avec leur équipe.

Autre morale : quand le PSG se tourne essentiellement vers l’Amérique du Sud pour son recrutement, le Bayern, lui, se tourne vers la France ; quatre de ses joueurs sont venus de Paris, donc, mais aussi de Lyon ou de Lille.

Le ballon de football ne tourne plus rond ; le fric a tout perverti.

Causes toujours

Emmanuel Macron n’est pas en vacances au fort de Brégançon et il le fait savoir. Il travaille et ses ministres aussi. Jamais le mois d’août n’avait été autant marqué par des interventions de l’exécutif ‘’sur le terrain’’.

Le président de la République et les ministres se montrent, mais pour quoi ? Les opérations de communication se succèdent ; les conseillers à l’Elysée et à Matignon, eux, n’ont pas droit aux vacances, même à Brégançon. Ils sont fort occupés à préparer les interventions sur tous les fronts de la crise, avec l’explosion du chômage et la réforme de son indemnisation toujours repoussée, avec la crise sanitaire et de nouvelles grèves des soignants, avec les inquiétudes des enseignants avant une rentrée mal préparée et incertaine, avec le plan de relance qui peine à décoller, avec les crises au Liban, au Mali, en Méditerranée où Erdogan fait de la provocation, en Biélorussie ou Loukachenko est poussé dehors…

Le social n’est pas la priorité d’un président qui n’a aucune empathie pour ceux qui n’ont rien.

Il l’a prouvé en faisant annoncer que les mutuelles se verraient appliquer une contribution exceptionnelle pour, prétendument, boucher le trou de la Sécurité sociale, au prétexte qu’elles auraient fait des économies de remboursement à leurs adhérents en raison du report de nombreuses interventions chirurgicales. Macron va donc faire les poches des salariés cotisants, sans négociation ; c’est plus facile que de mettre les riches et les multinationales à contribution. Politique de classe.

Macron fait communiquer sur les nouvelles dispositions concernant les travailleurs détachés entrées en vigueur le 1eraoût. Il a été donné consigne de mettre en avant une « victoire européenne d’Emmanuel Macron ». Selon le ministère du travail, « le principe d’égalité de traitement est désormais affirmé : à travail égal, rémunération égale. »

En lisant attentivement l’ordonnance de transposition de la directive européenne, la victoire est toute relative et maintient de nombreuses lacunes dans les régles. Le dumping social en Europe se porte bien.

L’ordonnance de transposition de la directive ne concerne pas les chauffeurs routiers, par exemple. Quant à l’égalité salariale, elle était déjà prévue par la précédente directive de 1996, mais jamais appliquée. Les cotisations sociales et les remboursements des frais de séjour (logement, repas, transport) restent ceux du pays d’origine : en Roumanie, par exemple, le gouvernement a abaissé les cotisations patronales de 35 % à 2,25 %. Les indemnités de logement ne sont que de 15 euros et celles des repas à 5 euros et marquent une régression.

Enfin, quand la ministre ose prétendre que l’inspection du travail disposera de moyens efficaces pour sanctionner les fraudes, travailleurs non déclarés, rémunération en dessous des conventions collectives, heures supplémentaires à répétition et non payées, elle ment quand on sait que les effectifs de contrôle sont en diminution constante chaque année.

L’Europe sociale n’avance pas, elle recule. Pour le plus grand profit des patrons.

Il ne suffit pas de parler, il faut agir. Mais Macron, lui, cause.

Panem et circenses

Juvénal avait déjà constaté le déclin de l’empire romain quand il écrivit sa Satire X et utilisé une expression appelée à traverser les siècles. Jeux du cirque en 2020, c’est football, football, et encore football. Un beau sport, populaire, aux règles simples, mais aujourd’hui entre les mains des riches (on y revient) comme source de profit, politique et économique.

L’équipe du Paris-Saint-Germain fait rêver, paraît-il. Les pétrodollars de Qatar ont attiré les meilleurs joueurs du monde pour gagner ‘’la’’ coupe d’Europe et asseoir la notoriété de l’émirat. Sa qualification pour la finale est l’information du jour ; personne ne peut et ne doit ignorer l’événement qualifié d’exploit historique. Les journalistes, mes confrères (les femmes étant tenues à l’écart des rubriques sportives), usent et abusent des qualificatifs les plus ronflants. Et gonflants, quand la misère du monde s’étale devant nos yeux. On ne s’étonnera pas de voir le quotidien économique Les Echos qualifier la victoire parisienne de « revanche des investisseurs qataris » ; n’ont-ils pas englouti, sans compter, des milliards pour faire du PSG le « cinquième club le plus riche du monde » ; cela suffit au journal de Bernard Arnault pour être digne d’intérêt. A défaut d’enquêter sur les conditions de travail des immigrés sur les chantiers des stades, et ailleurs.

Exploit et cocorico ? 

Le cocorico est peut-être superflu après avoir pris connaissance de la composition de l’équipe dite parisienne : sur les 15 joueurs qui ont pris part à la demi-finale contre Leipzig, on ne trouve que deux Français ; en revanche, on dénombre 4 Espagnols, 3 Brésiliens, 2 Argentins, 2 Allemands, 1 Italien et 1 Camerounais.

Le cosmopolitisme de l’équipe est certes un beau pied de nez aux nationalistes, aux racistes qui voient dans l’autre le mal absolu, aux suprémacistes et à Marine Le Pen (et aux supporters qui se réclament d’elle), mais il est le symbole du sport-business, où la recherche du profit entraîne à des dépenses scandaleuses dans l’achat de joueurs censés faire rêver et gagner, à coups de transferts aux montants exorbitants.

L’équipe dite parisienne, donc, est à l’image des autres, toujours les mêmes, qui se disputent chaque année les plus beaux trophées. L’équipe allemande de Leipzig, par exemple, était encore plus cosmopolite que le PSG ; les 15 joueurs alignés hier soir étaient de 10 nationalités différentes et un seul joueur était allemand. Mais, cocorico, on trouvait 3 Français parmi les 15 (Faut-il aller en Allemagne quand on est Français pour jouer au plus haut niveau ?). Dans cette véritable sélection, on trouvait 2 Autrichiens, 2 Espagnols et 2 Hongrois et 1 représentant de 5 autres pays : Slovénie, Danemark, Suède, République tchèque et Etats-Unis.

Panem et circenses ? On y revient encore et toujours. Surtout quand la crise est profonde et le peuple affamé, non seulement de pain, mais de justice sociale.

Quand le capitalisme est en déclin, il n’invente rien ; il s’inspire des empereurs romains. Aussi longtemps ?

Il faut assumer

Je me demande encore comment les électeurs français ont pu porter Emmanuel Macron à la présidence de la République et combien de temps encore nous supporterons des ministres qui, en permanence, font preuve soit d’une bêtise insondable, soit d’un mépris abyssal pour le peuple.

Au cours de la fin de semaine, trois ministres ont entretenu la confusion sur des sujets de la plus grande importance ou de portée moindre ; comme je ne peux imaginer qu’ils soient d’une intelligence médiocre puisqu’ils ont été nommés par un président qui se prétend lui-même d’une intelligence bien au-dessus de la moyenne, ou qu’ils parlent en ignorant leurs dossiers, je reste coi.

Eric Dupont-Moretti, célèbre avocat, est volontiers provocateur ; il a aussi des moments de franchise. Il a accepté de signer la préface d’un livre du président de la fédération des chasseurs. Ne cherchez pas de hasard, il est lui aussi chasseur. Il y dénonce les écologistes qui seraient des illuminés, des intégristes, des ayatollahs, des extrémistes d’un dogmatisme aveugle (sic).

« Ils veulent que nous ayons honte d’être chasseur, écrit-il, nous culpabiliser d’être ce que nous sommes, car nous sommes aussi notre passion. Et depuis trop longtemps nous refusons de nous défendre, convaincus sans doute que l’intolérance et l’absurde ne méritent pas de réponse (…) Ce livre, il est fait pour que les chasseurs relèvent la tête. Enfin! (…) Ce livre, les ayatollahs de l’écologie s’en serviront pour allumer le barbecue où ils cuiront leurs steaks de soja. »

Voilà qui a le mérite de la franchise de la part d’un avocat, chasseur, que je range désormais du côté des franchouillards anti-écologistes.

La ministre de l’écologie, Barbara Pompili, aurait pu réagir aux propos de Dupont-Moretti ; elle n’en a pas eu le temps, occupée qu’elle était à tenter de justifier l’autorisation de l’usage des néonicotinoïdes accordée aux producteurs de betteraves.

Ex-élue sous l’étiquette EELV, elle a rallié le parti d’Emmanuel Macron, dont on connaît le peu d’enthousiasme pour la défense de l’environnement.

Barbara Pompili a avalé une couleuvre d’autant plus difficile à digérer que ses ex-amis ont ressorti les paroles qu’elle prononçait quand elle était secrétaire d’Etat à la biodiversité dans le gouvernement de Manuel Valls pour justifier l’interdiction de l’usage de ce pesticide: « Les néonicotinoïdes sont extrêmement dangereux. Ils contaminent les cours d’eau, la flore, y compris la flore sauvage. (…) Si on commence à dire “on interdit là où il y a des alternatives mais on fait des dérogations et on les laisse courir dans les temps”, on sait très bien que c’est la porte ouverte au fait qu’il y ait certains néonicotinoïdes qui ne soient jamais interdits ».

Assassin !

Quant à Roselyne Bachelot, supposée ministre de la culture, elle tentait d’éteindre le feu allumé par Philippe de Villiers et le préfet de Vendée au Puy-du-Fou. Avec son culot habituel, elle a osé confier au Parisien que le lieu emblématique du révisionnisme de l’histoire n’avait bénéficié d’aucun passe-droit pour accueillir 9 000 spectateurs.

Quand aucune parole ne peut venir justifier une telle décision, il ne reste qu’à tenter de flatter les pauvres ‘’cultureux’’ qui crient, eux, au scandale : « Je comprends l’émotion et la colère des professionnels et des artistes qui ont dû annuler leurs activités et c’est un véritable crève-cœur. »

Mais les comédiens, intermittents et l’ensemble du monde de la culture et du spectacle demandent plus que de la compréhension, mais des actes. Et la même politique pour tous.

Il n’est pas aisé d’être ministre de Macron. Mais tous ont accepté (certains ont accouru) et aucun d’entre eux n’a remis en cause la politique verticale de Jupiter. Alors, il faut assumer.

Du pouvoir vertical

Emmanuel Macron assume totalement la ‘’verticalité’’ du pouvoir. Plus exactement de son pouvoir. C’est-à-dire la négation du gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Il a tranché la question centrale de la démocratie (et de toute organisation sociale), confisquant et contrôlant tout ce qui participe à la vie et à l’administration de la ‘’polis’’ d’Athènes. Il a ainsi écarté du pouvoir démocratique les millions de citoyens qui ne se sont prononcés pour lui, au mépris des résultats du suffrage universel.

Le candidat Macron n’avait pas menti en prétendant n’être ni de droite, ni de gauche ; il n’est que l’obligé d’un pouvoir économique et financier opposé au gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Macron n’est que le nom du parti du ‘’marché’’, qui fait passer les intérêts de quelques-uns avant l’intérêt général.

Macron assume tout, le pouvoir vertical usurpé, les adaptations des lois aux lois du marché, sa soumission au pouvoir économique et financier parce qu’il n’y aurait pas d’alternative. Avec Macron, nous devons admettre que nous ne vivons plus en démocratie.

C’est au nom du pouvoir vertical que l’inspecteur du travail de Reims, Anthony Smith, qui avait été suspendu par sa hiérarchie pour avoir exigé la mise à disposition de masques pour des salariés de l’Aradopa, association d’aide à domicile, vient d’être muté d’office par le ministère du travail à la veille d’un jour férié et pendant les vacances. Le président de la République, dont la soumission au marché suppose la remise en cause de l’indépendance de l’inspection du travail, a été nécessairement associé à la décision.

Décision hautement symbolique, le dossier d’accusation étant particulièrement vide. Ce qui est reproché à Anthony Smith, au-delà du manque d’équipements de protection contre le coronavirus, c’est d’avoir rappelé à l’ordre une entreprise semant la terreur parmi les salariés, où les tensions étaient telles qu’une procédure de droit d’alerte avait été déclenchée le 10 avril par le syndicat pour ‘’danger grave et imminent’’.

Autre exemple scandaleux de déni de démocratie, la décision du préfet de Vendée qui a autorisé de porter la capacité d’accueil du Puy du Fou à 9 000 personnes, alors que le monde du spectacle crève partout ailleurs, que la jauge de 5 000 spectateurs reste la règle. Il a suffi d’un appel téléphonique du ‘’fou du Puy’’, comme le surnommait le Canard enchaîné, c’est-à-dire Philippe de Villiers, à Macron pour régler la question.

Enfin, si les chômeurs sont invités à traverser la rue pour trouver du travail, les amis du président n’ont pas à se déplacer ; le président veille et distribue les prébendes.

Agnès Buzyn, la brillante ministre de la santé, qui a obtenu un résultat calamiteux aux élections municipales à Paris, est déjà recasée à la présidence d’Universcience, un organisme qui gère à la fois le Palais de la Découverte et la Cité des sciences et de l’industrie. Une belle récompense, le Canard enchaîné avait déclenché une belle polémique en 2015 en révélant le salaire de celle qui occupait le fauteuil présidentiel à l’époque, Claudie Haigneré : 21 000 euros par mois.

On rappellera aussi que le mari d’Agnès Buzyn, Yves Lévy, qui avait dû quitter l’INSERM pour conflit d’intérêt avec la ministre de la santé, avait été propulsé conseiller d’Etat en service extraordinaire.

On attend avec curiosité de connaître le point de chute de l’ex-ministre du travail, Muriel Pénicaud (qui ne retournera pas chez Danone). Le poste de représentante permanente de la France à l’OCDE lui semble promis.

Quant à Frédérique Calandra, ex-maire du XXe arrondissement de Paris et aussi piteusement défaite qu’Agnès Buzyn, elle a été nommée déléguée interministérielle à l’aide aux victimes. Avec le pouvoir vertical de Macron, les choses sont claires : à ses amis les sinécures et aux gens qui n’ont rien les sanctions.

Les affaires du marché se portent bien, en France comme ailleurs ; Macron est celui qui fait régner son ordre, selon ses intérêts de classe. Mais si ce marché s’est hissé avec Jupiter sur l’Olympe, pour nous faire croire qu’il est inaccessible et nous échappe éternellement, tous les espoirs de changements radicaux ne se sont pas évanouis.

Nos ancêtres ont connu pareille situation de pouvoir vertical, et même absolu. Ils ont fait la Révolution.

La télévision de l’ego

La télévision m’ennuie. Ce qui devrait être une fenêtre grande ouverte sur le monde n’informe plus, ne divertit plus et n’éduque plus.

Dire et écrire cela aujourd’hui me vaudra sans doute plus de critiques acerbes que d’approbations. Surtout parmi le petit monde des journalistes et des animateurs. Peu m’importe.

Je ne supporte plus de voir les journalistes soit les pieds dans l’eau, soit sur les plages, soit aux péages d’autoroutes déverser des banalités. En hiver, il fait froid, en été il fait chaud. Parfois il pleut, les orages sont souvent violents. Les Français vont en vacances et s’entassent sur les plages ; cette année, nous avons droit à une variante : les Français découvrent la France. Quel bonheur !

Mais, je n’ai jamais vu un reportage pour expliquer la relation entre le réchauffement climatique, la sécheresse et le désarroi des cultivateurs. Jamais un sujet pour dire que la culture du maïs dans certaines régions où il ne pleut pas est une aberration ou que les troupeaux de centaines de vaches, de porcs, de poules ou de moutons favorisent la contamination en cas de virus. L’agriculture intensive à base de pesticides ? N’existe pas à la télévision.

La culture, les films du patrimoine, la musique classique (qui n’est pas ennuyeuse) sont ghettoïsés la nuit ou sur Arte.

Mais ce qui m’insupporte le plus, c’est de voir le même genre de magazines sur toutes les chaînes, comme J’irai dormir chez vous, Au bout c’est la mer, Echappées belles et d’autres mettre en scène l’animateur, qui se croit obligé d’aider le pêcheur, le cuisinier, le forgeron, bref les personnages rencontrés. Les gros plans sur les présentateurs se multiplient et sont désormais obligés. C’est Zone interdite sur M6 qui a installé cette mode, au point que les voix dites off (quand il y en a) sont toutes identiques. A un point tel que nous ne savons plus quelle chaîne nous regardons.

Ces magazines ont tué les vrais documentaires et imposé un style aux reportages des journaux télévisés.

Le journaliste devant l’Elysée (mais à distance réglementaire), devant Matignon, la préposée à la météo dans le parc André Citroën, le présentateur des séquences comme Dimanche 13h15 sont devenus insupportables.

J’avais déjà dénoncé ce travers en juillet à l’occasion de la diffusion d’un prétendu documentaire dit écologique d’Hugo Clément.

Le concours d’ego, ça suffit. Epargnez-nous vos gueules. Délivrez les journalistes reporters d’images et les cadreurs et laissez-les aller chercher l’information.

Bref, libérez la télévision.

Le poète a toujours raison…

Quoi que je lise, où que je regarde, je ne contemple que chaos, répression, austérité, pauvreté, confiscation des richesses, chômage, corruption, népotisme, injustice, communication, désinformation, révisionnisme, superstition, agressivité, désaffection pour les élections, résultats truqués, pollutions.

Une grande question, une seule, me taraude : où est la démocratie, c’est-à-dire le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ?

Et je retombe sur une citation du poète romantique portugais du XIXe siècle, Almeida Garrett, cité à deux reprises dans l’œuvre de José Saramago, d’abord en épigraphe de son superbe livre ‘’Relevé de terre’’, puis dans son Cahier (à la date du 30 octobre 2008) :

« Et je demande aux économistes politiques, aux moralistes, s’ils ont déjà calculé le nombre d’individus qu’il est nécessaire de condamner à la misère, à un travail disproportionné, au découragement, à l’infantilisation, à une ignorance crapuleuse, à une détresse invincible, à la pénurie absolue, pour produire un riche ? »

L’école Auchan

D’après le magazine économique Challenges, la fortune de L’Association familiale Mulliez (AFM), constituée en Groupement d’intérêt économique (GIE), s’élève à plus de 30 milliards d’euros ; elle serait classée au cinquième rang des fortunes professionnelles françaises.

On ne sait pas précisément combien le ‘’conseil de famille’’ compte de membres (on s’y perd) ; ils sont entre 550 et 700 et ils gèrent une myriade de marques et d’activités, d’Auchan à Pizza Paï, d’Alinéa à Saint Maclou, de Jules à Kiabi, de Norauto à Flunch, de Décathlon à Leroy Merlin, etc. 

Quand le ‘’conseil de famille’’ se réunit chaque année en mars, il est difficile de savoir qui est encore fidèle à la très sainte église catholique dont le patriarche, Gérard Mulliez, se réclame. Si on prie, c’est d’abord pour les affaires et pour les profits. Si l’apparence est honorable, les moyens pour gagner encore plus d’argent ne sont pas toujours vertueux. De nombreuses enquêtes se sont penchées sur les livres de comptes de plusieurs marques du groupe et ont flairé des méthodes délictueuses. Affaires (peu morales) à suivre.

Les Mulliez ont commencé à gagner de l’argent petitement, puis beaucoup, avec les filatures Phildar, dans leur région, le Nord ; les profits de la filature ont en effet permis la création d’Auchan. Peu reconnaissante, la famille vient de placer ses 115 magasins en procédure de sauvegarde. Les salariés iront donc grossir les effectifs de Pôle emploi, après lui avoir fait gagner un peu d’argent. Assez pour créer Auchan quand même ! Merci patron.

Chez les Mulliez, on prie et on adore multiplier les bonnes œuvres (surtout quand elles peuvent générer des profits). Et, parfois, chez ces gens-là on a des éclairs de mémoire. L’un de ses plus brillants cerveaux s’est rappelé du premier slogan du groupe, ‘’Tout sous le même toit’’, et a proposé d’en appliquer le principe pour attirer de nouveaux clients dans ses centres commerciaux, un peu désertés avec la crise sanitaire.

La filiale immobilière Ceetrus, qui gère pas moins de 342 centres commerciaux, a proposé de se joindre à la campagne chère au ministre de l’éducation nationale qui lui accordé le label Vacances apprenantes.

L’opération, baptisée ‘’Aushopping Campus’’ (on appréciera les anglicismes !), est organisée dans une cinquantaine de centres ; les enfants, du primaire au lycée, se voient proposer des ateliers de soutien scolaire d’une durée de deux heures en français, mathématiques, sciences et anglais, de cahiers de vacances, pendant que les parents remplissent le caddy dans les enseignes du groupe.

On ne sait pas par qui sont dispensés les enseignements, mais les professeurs, ceux de l’éducation nationale, sont inquiets. Le Mulliez ne parlent plus de ‘’tout sous le même toit’’, mais ne dissimulent pas leur stratégie de transformation du centre commercial en lieu de vie. Et même d’enseignement.

Jean-Michel Blanquer est radieux ; sa stratégie de privatisation de l’école a trouvé avec les Mulliez, un allié à la fois solide et bien-pensant.

Le Liban crie Révolution

Beyrouth, capitale intellectuelle et commerciale, a connu tous les outrages ; on y compte plus le nombre de destructions causées par les guerres. Elle s’est toujours reconstruite sur le sang de dizaines de milliers de victimes. Retrouvant à chaque fois son esprit, malgré une crise qui s’approfondit et des travaux qui ne se terminent jamais.

Rafik Hariri, l’ami et le bailleur de Jacques Chirac a arrondi sa fortune grâce à la reconstruction du centre-ville et la société créée à cet effet et dont il était actionnaire avec de riches compatriotes et des saoudiens (Solidere). Il fut ausis premier ministre.

Les habitants qui s’étaient levés contre ce projet, et toutes les innombrables malversations de la classe dirigeante (dont la famille Hariri) n’ont rien oublié, comme le dit une représentante de la classe moyenne interrogée par Le Monde :

« J’ai toujours cru au Liban, malgré tout, malgré le seuil de nos exigences qu’ils [les politiciens] nous ont obligés à rabaisser. Ils nous ont pris nos économies [en référence à la faillite financière et aux restrictions imposées par les banques], ils nous ont pris notre avenir ; mais maintenant, c’est l’avenir de nos enfants qu’ils nous arrachent, et je ne peux pas le supporter. Des criminels régissent le pays. Je n’allume pas la télévision, pour ne pas voir les politiciens faire leur petite pièce de théâtre devant moi. Je sais qu’ils ne vont ni assumer ni s’excuser. » 

Seuls les Libanais peuvent utiliser ces mots forts qu’Emmanuel Macron, lui, ne peut pas comprendre, comme en témoigne sa pitoyable opération de communication dans les rues de Beyrouth dévastée.

Le dramaturge Wajdi Mouawad est directeur du Théâtre national de la Colline à Paris ; dans une tribune, également dans Le Monde, il accuse tous les politiciens qui ont fait du Liban un territoire privilégié de leur guerre d’influence au Moyen Orient :

«  Ce pays a surtout besoin qu’on encourage ses révolutions (…) La jeunesse en premier lieu refera entendre sa soif et sa colère et elle a besoin d’être soutenue pour que ceux qui écrasent ce pays soient tous, c’est-à-dire tous, défaits de leurs places à la tête du pays. Et s’il est vrai que les pouvoirs en Iran, en Israël, en Turquie, en Russie, aux Etats-Unis, en Arabie saoudite ont fait savoir leur immense émotion et leur solidarité avec le peuple libanais, ils devront pour être conformes avec leurs larmes et leurs paroles cesser, dès aujourd’hui, de faire du Liban leur instrument, celui des Iraniens contre les Israéliens, des Israéliens contre les Syriens, des Turcs contre les Européens, des Américains contre les Russes et des Saoudiens contre les Iraniens. Bien plus que de l’argent, c’est de cela dont le Liban a besoin. Mais contre cette violence-là, on craint que l’explosion qui vient d’avoir lieu soit encore trop faible. Contre la brutalité sans nom de tels Etats, il faudrait la colère de mille soleils et depuis Sophocle nous savons que les dieux sont insensibles aux injustices, lui qui mit dans la voix d’Electre cette injonction qui résonne si fort aujourd’hui : «Mais où sont donc les foudres de Zeus, où est le soleil flamboyant, si, à la vue de pareils crimes, ils restent sans agir dans l’ombre ? »

Cet extrait de la tribune de Wajdi Mouawad en dit beaucoup sur les raisons de la précipitation d’Emmanuel Macron à se rendre à Beyrouth. Qu’il veuille se mêler à cette pitoyable farce jouée par ceux qui se croient grands est indigne du pays des Lumières.

Quand le peuple du Liban crie Révolution, la France doit convoquer Voltaire, Rousseau, Condorcet, Diderot, D’Alembert, Olympe de Gouges, et combien d’autres, plutôt que le néolibéralisme d’Emmanuel Macron et de son gouvernement de droite aux ordres du MEDEF, plutôt que Poutine, Trump, Erdogan, Netanhyaou, Ben Salman ou El Assad.

Aujourd’hui, Beyrouth, capitale intellectuelle, est plus en empathie avec des esprits éclairés qu’avec les casseurs des droits sociaux et les fauteurs de guerre.

Macron en marche au Liban

La posture adoptée par le président de la République française et les déclarations d’Emmanuel Macron à Beyrouth sont proprement stupéfiantes.

Le pied à peine posé sur le sol libanais, il s’est présenté en donneur de leçon ; il s’agit d’une attitude permanente chez lui et ce n’est pas le plus surprenant. Ensuite, il a visité les ruines du port ; il a été interpellé par un peuple qui manifeste depuis plus d’un an contre un régime corrompu et qui est affamé, au sens littéral du terme. Les Libanais scandaient « Révolution » et « Le peuple veut la chute du régime » ; Macron a eu cette réponse sidérante : « Je vais proposer un nouveau pacte politique  aux dirigeants libanais et leur demander de  changer le système, d’arrêter la division (…), de lutter contre la corruption ». Puis, il s’est enflammé en déclarant qu’il reviendrait « pour le 1er septembre, et s’ils ne savent pas les tenir (les engagements), je prendrai mes responsabilités avec vous ».

Emmanuel Macron en leader d’un Liban en marche ? Vers la révolution ? On croit rêver et on attend encore un seul commentaire critique à la radio comme à la télévision dans notre pays.

Les citoyens, eux, ne se sont pas trompés en publiant leurs réflexions en réponse sur les réseaux sociaux.

L’un écrit : « Surréaliste ! Imaginons un instant qu’un chef d’Etat étranger dise cela en France… » ; un autre s’offusque : « Venir pour exprimer au Liban le soutien de la France et se mettre à parler comme le FMI alors que le nombre de victimes n’est pas encore définitif, quelle erreur politique, quelle inhumanité. »

Il est impossible de recenser toutes les réactions sensées, mais j’ai apprécié celle-ci, tout en retenue, mais pleine de colère : « Je ne peux pas commenter la visite de Macron au Liban du point de vue libanais, mais en tant que citoyen français, il est intéressant de voir Macron célébrer les citoyens libanais qui protestent contre leur gouvernement alors que chez eux, des policiers anti-émeute sont envoyés au gaz lacrymogène contre les citoyens français protestant contre le sien. »

Tout est dit dans ces quelques phrases ; il est néanmoins nécessaire d’apporter une précision : le régime corrompu du Liban est un legs du mandat attribué à la France par la Société des Nations par le traité de Sèvres en 1920 et qui dura une vingtaine d’années. 

Faut-il croire Emmanuel Macron quand il n’a pas eu un seul mot pour voler au secours des Libanais qui manifestaient leur désarroi et leur volonté de changement du régime confessionnel pendant plus d’un an ? Faut-il le croire quand il parle comme le FMI accordant une aide en contrepartie de réformes dont on sait qu’elles sont toujours des mesures d’austérité ? Faut-il encore le croire quand la France a toujours soutenu les oligarques, comme la famille Hariri, qui ont accaparé les richesses du pays et n’ont jamais caché leurs liens avec l’Arabie saoudite ?

Il est curieux de prétendre lutter contre la corruption quand on sait qu’à eux seuls, sept milliardaires possèdent 50 % des richesses du pays. Macron n’a pas eu un mot pour les gens qui, eux, n’ont rien et dont les comptes bancaires sont bloqués.

Une fois encore, Emmanuel Macron s’est livré à une pitoyable opération de communication en se vantant d’être le premier chef d’état à se rendre au Liban, imitant, piteusement, De Gaulle.

Macron poursuit plusieurs objectifs, comme le maintien d’un lien privilégié avec le Liban pour peser face aux volontés hégémoniques de la Turquie et de l’Iran dans tout le Moyen Orient, et former un cordon de sécurité pour Israël.

Les Libanais n’ont rien à attendre de Macron, comme les Français d’ailleurs ; ils ne doivent compter que sur eux pour changer de régime. Et sur la solidarité des peuples (et pas des gouvernants) pour les aider à surmonter leurs malheurs et à revivre.

France Ô sera maintenue

La cote de popularité des politiciens varie ; comme un ludion, elle monte puis elle descend, au gré des événements.

Celle d’Emmanuel Macron n’a jamais été très élevée ; celui qui est entré à l’Elysée par effraction n’a jamais été très apprécié. Il gesticule, légifère, intervient sur tout, souvent à la place de ses ministres, il est toujours rattrapé par ses mensonges.

Aujourd’hui encore, les archives télévisuelles viennent donner un nouvel aperçu de son hypocrisie.

Les salariés en lutte de la chaîne France Ô ont ressorti une déclaration du candidat à la présidence de la République au cours d’une rencontre avec les associations ultramarines le 8 avril 2017. Emmanuel Macron déclare alors :

« France Ô sera maintenue, je vous rassure, il n’y aura pas de suppression de France Ô. Moi, j’aurai des objectifs dès le début du quinquennat pour l’audiovisuel public, qui seront exigeants et préservant son indépendance. Je l’ai dit, je pense qu’il y a une multiplication de chaînes qui parfois ne se justifiait pas. Mais France Ô a un programme et a une justification pleine et entière, je me suis déjà exprimé sur le sujet pour dire que je souhaitais tout à fait consolider dans le paysage audiovisuel français sa place, parce qu’elle reflète justement cette diversité et les enjeux que j’évoquais à l’instant.»

Voilà des phrases définitives qui ont valeur d’engagement.

Les salariés ont été avertis au plein cœur de l’été que leur chaîne arrêterait sa diffusion le 23 août. Ils sont abasourdis, en colère, mais nullement abattus. Ils sont même combatifs. Ils viennent fort à propos de ressortir les images de la rencontre des ultramarins avec le candidat et d’y ajouter un court commentaire sur les réseaux dits sociaux :

« Un petit rappel pour ceux qui auraient oublié qu’Emmanuel Macron est un menteur ! »

Bien envoyé.

Il est toujours utile de rappeler l’hypocrisie des politiques et leurs mensonges de campagne. Le pire serait de les oublier.

J’aimerais que les journalistes qui ont accès au président de la République quand il condescend à se faire interroger ne se comportent pas comme de simples porte-micro et qu’ils soient aussi pugnaces que les salariés de France Ô pour faire tomber son mur de mensonges.

Le métier de journaliste consiste à corriger les mensonges pour faire éclater la vérité. Noble et unique tâche pour informer.

Pauvre Liban

Depuis quelques mois la question était de savoir si le Liban réussirait à sortir de la crise économique la plus grave qu’ait connu le pays. Sa population, les jeunes surtout, étaient descendus dans la rue pour réclamer un autre régime politique et déchirer des accords dont ils ont pu mesurer l’ineptie et le caractère rétrograde, dont nombre de paragraphes tourne le dos à la Déclaration des droits de l’homme.

On se rêvait à croire à un ‘’Printemps libanais’’ balayant les reliques de dispositions offrant le pouvoir à des esprits pervertis par leurs croyances et, plus encore, par leurs intérêts propres.

Une détonation a, semble-t-il, anéanti une grande partie de sa capitale, Beyrouth, semant la désolation et la mort. Les images des dégâts ne donnent qu’une idée partielle de la pire catastrophe. Spectacle de désolation insupportable.

La révision de la Constitution du Liban est sans doute remise à beaucoup plus tard. Trop tard pour sauver des milliers de pauvres ; le nombre des victimes risquant d’être encore plus lourd que celui de l’explosion.

Les victimes du 4 août ne doivent pas détourner l’attention de la crise d’un système politique d’une aberration dépassant l’entendement d’un esprit laïc et éclairé, où la Constitution répartit les pouvoirs en fonction du poids estimé de chaque communauté religieuse. Le Liban reconnaît 18 religions ; chaque communauté étant éclatée en de multiples confessions, sources d’affrontements voire de guerres de religion.

Les chrétiens sont maronites, catholiques romains, grecs orthodoxes, grecs catholiques, protestants, syriaques (avec plusieurs nuances), coptes, etc. Les musulmans sont déchirés entre sunnites et chiites, mais aussi alaouites et ismaéliens. Une autre communauté se réclame des druzes, une autre encore des juifs. L’accord dit de Taëf, signé en 1989 pour mettre un terme à la guerre civile a figé la répartition des rôles ; le président doit être chrétien maronite, le premier ministre sunnite, le président de l’Assemblée nationale chiite, le vice premier ministre et le porte-parole orthodoxes. Quant aux 128 députés, ils sont élus selon un système de quota entre les confessions ; ils ont plus enclins à promouvoir leurs dogmes religieux et leur clientèle que le bien-être du peuple libanais.

Les jeunes libanais ne veulent plus d’un système enfonçant un pays riche dans la pauvreté, dirigé par quelques dynasties et oligarchies marchandes, comme celle des Hariri ou des Salam, qui ont cadenassé le pouvoir ; les prétendues élites ne s’opposent pas sur des programmes politiques, mais sur les mesures visant à maintenir l’ordre établi.

En parlant du Liban, comment ne pas rappeler quelques phrases de José Saramago extraites d’un article dans le quotidien italien La Repubblica en 2001 :

« Aucune religion, sans exception, ne servira jamais à rapprocher et à réconcilier les hommes, au contraire, elles ont été et sont toujours la cause de souffrances inénarrables, de massacres, de monstrueuses violences physiques et spirituelles qui constituent un des plus ténébreux chapitres de la misérable histoire de l’homme. »

La preuve par le Liban. Pauvre Liban !

La photo

Corentin Fohlen, reporter-photographe, vient d’écrire une nouvelle page dans le livre intitulé ‘’Emmanuel Macron n’aime pas les journalistes’’.

Donc, Christian Fohlen est envoyé par Libération pour faire ‘’la’’ traditionnelle photo de famille du gouvernement Castex ; il n’est pas venu à l’Elysée depuis 2012 et il écrit que « A l’époque, sous Sarkozy, les photographes étaient encore considérés (…) Une certaine idée de l’image politique existait. »

On suppute immédiatement que le climat a changé.

Alors, dans Libération, il raconte : « On nous convoque dès 10h30. En patientant sous un soleil de plomb, j’ai le temps de m’informer auprès des confrères, habitués du protocole « à la Macron ». Dorénavant, au palais, n’existe plus aucune liberté de photographier. Le photographe est un pion de la communication, gentiment encadré par de jeunes communicants et rudement recadré par des colosses de la sécurité. Un confrère, pour passer le temps, lève son appareil pour photographier une scène de la vie quotidienne : une employée remettant en place un drapeau français. Un policier en civil lance un glaçant : « Pas de photo ! » Le ton est donné.

« On finit par être appelés – après deux heures d’attente – pour patienter encore dix minutes dans un salon doré, encadré par six ou sept jeunes loups dont je ne comprends pas le rôle et, semble-t-il, eux non plus. Puis les portes s’ouvrent. « Vous avez quarante-cinq secondes. »

« La dizaine de photographes s’élance pour se loger derrière un cordon et des piquets. Je découvre des ministres figés. Immobiles. Des pantins. Le gouvernement a été positionné en avance sur une estrade afin d’éviter les scènes de maladresses qui faisaient autrefois le bonheur des preneurs d’images. Je sors du champ rigide de la photo de classe, pour tenter de m’éloigner sur le côté. Un garde du corps me suit de près. Le temps imparti est terminé, aucun ministre n’a bougé d’un cil. Absurdité d’une scène totalement aseptisée.

« Au moment de nous faire quitter les lieux, un communicant intime l’ordre aux ministres de ne pas bouger. Surtout pas de faux pas ! Nous sommes bousculés afin d’arrêter de photographier. « On vous dit d’arrêter ! » Des mains se plaquent brutalement sur mon appareil photo. Je réponds au cerbère que je suis en droit de choisir quoi shooter. Ma réponse l’insupporte. Je suis apparemment le seul à oser contester les directives.

« A la sortie, je réitère le droit absolu et légal de photographier ce que je souhaite dans ce haut lieu du peuple. On me fait bien comprendre que je ne suis pas chez moi, mais chez eux. Deux officiers de sécurité exigent mon identité et photographient ma carte de presse : « Vous allez voir si vous pouvez faire ce que voulez à l’Elysée », me balancent-ils d’un ton hautain et menaçant. »

Le protocole ‘’à la Macron’’ est à l’image du régime autoritaire instauré par le président d’un monde qui, effectivement, est nouveau.

Tout ça pour une photographie de groupe, la même pour tous les journalistes, figée, sans intérêt. Sauf pour le président d’une République qui n’a plus rien de démocratique.

Aux armes, journalistes. Sortez vos stylos, vos ordinateurs, vos appareils photos et témoignez !