Le quotidien économique Les Echos, propriété de Bernard Arnault exulte : «La Bourse de Paris peut ainsi s’enorgueillir d’être désormais la plus grande en Europe. » Toujours selon le journal : « La capitalisation totale des sociétés cotées à Paris a dépassé pour la première fois celle de la City de Londres. Une conséquence du Brexit, mais aussi un reflet du dynamisme des champions français de la Bourse, à commencer par le secteur du luxe, principal moteur du CAC 40. »
Nul doute qu’on a sabré le champagne (offert par le milliardaire qui contrôle les marques Moët et Chandon, Dom Pérignon, Veuve Cliquot, Krug, Mercier, Ruinart Armand de Brignac) à la rédaction ; d’autant que les motifs de satisfaction du patron se cumulent : « Le champion mondial du luxe, LVMH, est devenu en février 2021 la plus grande société cotée en Europe. Le groupe affiche aujourd’hui une capitalisation de 350 milliards d’euros, contre moins de 70 milliards en juin 2016. » Etourdissant !
Les brumes de l’alcool ou l’enthousiasme des annonces ont amené les plumitifs des Echos à passer sous silence la publication le même jour du ‘’Véritable bilan annuel du CAC40’’ établi par l’Observatoire des multinationales (ODM).
Celui-ci a bien noté que LVMH est bien la première capitalisation du CAC40, mais elle la chiffre à 328 milliards. Arnault a-t-il dissimulé 22 milliards ou s’agit-il d’une erreur de calcul de l’ODM ?
L’ODM n’a pas la même lecture des bilans que le journal de LVMH ; il note en effet que « c’est oublier que l’économie d’un pays ne saurait être réduite à ses plus grandes entreprises devenues des ‘’multinationales’’, même si celles-ci, indéniablement, ne cessent de prendre plus de poids. Il y a les petites et moyennes entreprises, dont le destin est souvent lié pour le meilleur et pour le pire à celui des grandes – en tant que fournisseurs, sous-traitants ou prestataires. Le lien entre les grandes entreprises françaises et le tissu économique dans son ensemble est réputé plus distendu en France que dans d’autres pays, notamment l’Allemagne, en raison de leurs stratégies de long terme de délocalisation et d’investissement à l’étranger. Il y a aussi l’ensemble du secteur public ou à but non lucratif, confronté à l’emprise croissante des grands groupes. »
L’ODM dénonce l’explosion des dividendes et rachats d’actions du CAC40, et constate que « noyé dans les profits, le CAC40 n’a pas choisi de les utiliser d’abord pour investir dans la transition, créer de l’emploi ou augmenter les salaires, mais a une nouvelle fois priorisé ses actionnaires. » Il a constaté notamment que les dividendes votés aux assemblées générales 2022 des groupes du CAC40 s’élèvent à 57,5 milliards d’euros, soit une augmentation de 32 % par rapport à 2020.
Les Echos ont oublié de noter que le groupe de leur patron, Bernard Arnault est le premier bénéficiaire de dividendes sur les profits 2021, soit la bagatelle de 2,41 milliards devant le fonds BlackRock avec plus de 2,03 milliards.
Après avoir noté que près de la moitié des groupes du CAC40 (16 sur 40) sont liés à de grandes fortunes, l’ODM révèle que 16 familles ont touché 5,8 milliards, mais que la contribution fiscale des groupes semble croître bien moins rapidement que leurs profits et dividendes, notant que « on ne sait même pas quelle proportion de leurs impôts revient à la France », mais que « 14,3 % de l’ensemble des filiales du CAC40 sont localisées dans des paradis fiscaux. En nombre abslu, Engie, LVMH et le Crédit agricole sont les groupes du CAC40 possédant le plus de filiales dans ces territoires fiscalement accommodants. »
Toutes ces informations (et bien d’autres) n’étant pas traitées par Les Echos, il est vivement recommandé de lire le bilan de l’ODM sur son site ! On y trouve plus d’informations qu’en lisant le quotidien de Bernard Arnault à l’orgueil mal placé.