La Chouette qui hioque

Mois : juillet 2022

Une tequila, oui, mais en Lalique !

La tequila est, paraît-il, très tendance parmi les riches. L’alcool d’agave, cultivée au Mexique, a perdu sa mauvaise réputation et, prétend L’Express, « au-delà des cocktails, elle se consomme de plus en plus pure, avec ou sans glace, et trouve sa place sur les tables et dans les clubs privés les plus prisés ». L’information ne pouvait pas être tue !

Que les riches s’arsouillent avec de la tequila ou avec d’autres boissons fortement alcoolisées, intéresse peu ceux qui n’ont rien à manger le midi, le soir et même le matin. Mais le Gotha, lui, ne doit rien ignorer des rites de son milieu.

De même, que quelques milliardaires s’affrontent pour contrôler le marché de la tequila est une information essentielle, en raison des répercussions politiques de ce combat de Titans.

Bernard Arnault, l’empereur mondial du luxe, a investi ce nouveau marché, qui, on s’en doute, sera juteux. Associé à une riche famille mexicaine, Gallardo, il a donc lancé la marque de tequila Volcan de Mi Tierra. Le patron de la co-entreprise, Julien Morel, un LVMH-boy a pu déclarer : « La tequila bénéficie d’une très forte croissance dans le monde, par le biais d’une premiumisation (sic) continue de son offre. Après un lancement réussi aux États-Unis et au Mexique, nous sommes ravis de proposer Volcan de Mi Tierra sur de nouveaux marchés, et démontrer ce que la tequila est capable d’offrir en termes de goût et de qualité. » Il doit être admis que les riches ont du goût !

L’autre grand groupe mondial des spiritueux, Bacardi, groupe familial fondé à Cuba, célèbre pour son rhum, mais aussi et surtout pour avoir commandité des tentatives d’assassinat de Fidel Castro et Che Guevarra, a racheté la marque Patron en 2018.

Aujourd’hui, Bacardi fait un pied de nez à Bernard Arnault en le devançant sur le terrain du super-luxe. La marque américaine vient de lancer sa Série 3, c’est-à-dire une vulgaire tequila, certes, mais dans une carafe d’exception façonnée à la main dans la cristallerie Lalique à Wingen-sur-Moder en Alsace. Edition limitée assurée à 299 exemplaires, au prix de 7440 euros.

Bernard Arnault est sans doute dépité de n’y avoir pas pensé. On attend sa réaction ; qu’un groupe américain puisse lui faire de l’ombre avec une bouteille en cristal français, façonnée en France, est insupportable.

Le diable s’habille en Lalique et le monde du luxe et des nuits chaudes en est tout tourneboulé.

Immense et indécent !

Le théâtre est en crise, comme le cinéma ; les salles peinent à se remplir et n’ont pas renoué avec le niveau de fréquentation d’avant la crise sanitaire.

L’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) a commandé une enquête sur ‘’les Français et leur perception du théâtre’’ pour tenter de comprendre les causes de la baisse de fréquentation.

On passera sur les détails de cette étude pour n’en retenir qu’une conclusion : le prix des places est jugé trop cher arrive en tête des raisons avancées par les sondés.

C’est tout sauf une surprise. Aujourd’hui, le pouvoir d’achat des Français subit une sévère agression que le président de la République et son gouvernement ne traitent que par des mesures aléatoires, des primes, des primes, des primes, excluant les augmentations de salaires.

Les Français sont inquiets et réduisent les budgets considérés comme moins essentiels que d’autres ; il est navrant de constater que le budget de la culture est le premier sacrifié, mais, ô, combien compréhensible !

En tempsd e crise, on a encore plus besoin de culture.

Pendant que le peuple se serre la ceinture, les riches, eux, font la fête (LVMH a vu ses bénéfices bondir de 23 % au premier semestre) et sont à la fête (Total, lui, a dégagé un profit de 18,5 milliards d’euros au cours de la même période, soit une hausse de 200 % par rapport à 2021).

L’argent coule à flot chez les plus riches et les dividendes gonflent démusérement, pendant que le Parlement et le gouvernement refusent de taxer les super-profits.

Le monde de la culture n’a pas fini de souffrir ; le commerce aussi.

L’égoïsme des riches est comme les profits immense et indécent.

La honte

Mohammed ben Salmane est à l’Elysée, palais de la République. Reçu avec tous les honneurs dûs aux hôtes de marque et pour un dîner officiel.

Comment cela peut-il advenir dans une démocratie qui affiche la Liberté, l’Egalité et la Fraternité aux frontons de ses bâtiments ? Comment recevoir le prince d’un monde moyenâgeux, reconnu comme l’assassin d’un journaliste, Jamal Khashoggi ; comment serrer la main du dirigeant d’un régime répressif envers les opposants et les homosexuels, refusant les droits les plus élémentaires aux femmes, pratiquant encore la lapidation et la peine de mort. Le pire régime qui soit aujourd’hui et qui se permet d’intervenir militairement dans un pays frontalier, le Yémen, y semant la mort et la misère avec des armes françaises ?

Mohammed ben Salmane est l’un des dirigeants les plus détestables de la planète, un dirigeant sanguinaire, encourageant la pratique de la torture et de l’assassinat au nom de ses croyances, un être infâme, considéré comme un paria il y a encore quelques semaines.

Aucun pardon n’était possible. Tous les honneurs lui sont rendus. Par Biden et par Macron, participant à une réhabilitation honteuse d’un prince du pétrole qui doit bien rire sous son keffieh taché du sang de ses opposants.

L’odeur du pétrole a-t-elle complétement anesthésié les dirigeants de ceux qui craignent pour leur approvisionnement en carburant et en gaz ? Poutine est-il moins fréquentable que ben Salmane ? Faut-il s’associer à un meurtrier pour faire plier l’étrangleur de l’Ukraine ?

Le fait est aujourd’hui que les défenseurs de la liberté, attendant beaucoup de la fraternité, éprouvent des sentiments de colère ; ceux qui ont cru à la République et à une façon de vivre dans le respect des droits de l’Homme, cru en la justice, sont trahis.

C’est en croyant aux droits de l’Homme et en usant de son droit de critique que Jamal Khashoggi a été exécuté de façon atroce par les sbires de Mohammed ben Salmane. Aucune réhabilitation n’est donc possible, ni ici, ni ailleurs. 

Où est l’essentiel ?

Les informations se bousculent et les questions essentielles qui définissent toute organisation sociale sont passées sous silence.

Le Tour de France a pris fin hier sur les Champs Elysées ; cette année, comme les précédentes, les foules étaient immenses sur les routes pour voir et applaudir des cyclistes qui font (bien) le spectacle, mais aussi une caravane publicitaire, essentielle, elle, à l’organisateur.

Les spectateurs sont admiratifs et oublient une question essentielle : comment font-ils pour aller aussi vite, toujours plus vite, pendant 3400 kilomètres ? Le dopage gangrène tout les sports (ou à peu près) mais il est interdit d’en parler. Seuls quelques esprits pervers osent s’interroger sur les performances impressionnantes de quelques non spécialistes de la montagne dans l’ascension des cols.

L’acquisition des droits de retransmission des uns et les intérêts financiers des autres engendrent une singulière omerta. « The Show must go on » disent les Britanniques !

Qu’une équipe de France de volley-ball remporte la Ligue des nations un an après après avoir été championne olympique n’est pas jugé essentiel par les commentateurs sportifs ; la victoire sur les Etats-Unis est ignorée, quand le moindre geste du footballeur Neymar fait gloser toutes les salles de rédaction.

Que les escrimeurs français reviennent des championnats du monde du Caire avec 8 médailles dont 4 en or et une première place au classement des nations, les grands médias ne jugent pas utile d’en parler.

Que la France se contente d’une seule médaille aux championnats du monde d’athlétisme à Eugène, aux USA, n’est pas jugé important, encore moins essentiel. Les pauvres athlétes sont laissés à l’abandon par un gouvernement qui a oublié d’avoir une politique en matière de sport !

Mais le président de la République n’oublie pas d’aller suivre une étape du Tour de France et de se faire admirer, toutes vitres ouvertes et sourire commercial de circonstance, dans la voiture de l’organisateur, pour ne pas passer inaperçu.

La proximité avec le peuple n’est que symbolique ; car pendant que les foules sont agglutinées sur la route du Tour, l’Assemblée nationale continue ses basses œuvres de casse des acquis sociaux ; la SNCF brade ses filiales pour renflouer sa trésorerie, le fonds américain KKR finalise le rachat du principal groupe de cliniques en France, Ramsay Santé, Gérald Darmanin expulse les ‘’étrangers délinquants’’, même innocentés, les pompiers luttent à armes inégales avec les feux de forêts, faute de moyens suffisants, la junte birmane exécute les opposants, la Tunisie vote et tremble à l’idée de laisser les pleins pouvoirs à un dictateur.

Le Tour de France et quelques autres faits servent de paravent à l’essentiel, mais il n’est pas assuré que toutes les foules du bord des routes (et celles des bouchons de la route des vacances) aient oublié l’essentiel, à savoir leur pouvoir d’achat, leur emploi, l’inflation, le prix du litre de l’essence à la pompe, le manque de professeurs pour les enfants dès la rentrée, de médecins et d’infirmiers, les oubliés de ‘’Parcoursup’’, etc.

Les politiques n’oublient pas l’essentiel ; le peuple bronze mais rien ne lui échappe. Il a un cerveau qui lui a fait prendre toute la mesure de la gravissime crise économique et financière qui sème la misère dans le monde.

S’il a pris un peu de plaisir sur le bord des routes, dans une communion païenne annuelle, s’il n’a pas encore la réponse à l’angoissante question de la solution à apporter aux convulsions du libéralisme et des nouvelles voies à ouvrir pour éradiquer les désastres, il a pris conscience qu’il ne tient qu’à lui de renverser le cours des choses. Pour retrouver l’essentiel.

Relire Camus

La lecture des quotidiens, l’écoute de la radio et le regard porté sur les journaux télévisés m’affligent chaque jour davantage. Et je me plais à relire les Actuelles d’Albert Camus et, particulièrement, ses éditoriaux de Combat au sortir de la guerre.

Le 8 septembre 1944, il écrivait très justement : « La conception que la presse française se fait de l’information pourrait être meilleure, nous l’avons déjà dit. On veut informer vite au lieu d’informer bien. La vérité n’y gagne pas. »

Quelques jours plus tôt, ses mots étaient durs pour condamner la presse d’avant guerre : « L’appétit de l’argent et l’indifférence aux choses de la grandeur avaient opéré en même temps pour donner à la France une presse qui, à de rares exceptions près, n’avait d’autre but que de grandir la puissance de quelques-uns et d’autre effet que d’avilir la moralité de tous. Il n’a donc pas été difficile à cette presse de devenir ce qu’elle a été de 1940 à 1944, c’est-à-dire la honte de ce pays. »

Que penserait Albert Camus de l’information délivrée par les médias ? Sans doute serait-il d’une infinie tristesse et rempli d’amertume en contemplant le désastre d’une presse muselée par les milliardaires qui, comme Bolloré ou Arnault, ont fait main basse sur l’information et d’un service public attendant d’être vendu au privé.

L’Assemblée nationale continue d’appliquer les dogmes néo-libéraux à l’économie et à détruire les acquis sociaux : les salariés sont priés de travailler plus pour améliorer leur pouvoir d’achat en vendant leurs RTT (un recul de plus de 20 ans) et en faisant plus d’heures supplémentaires (l’exonération fiscale va passer de 5000 à 7500 euros).

Les députés godillots d’Emmanuel Macron sont rejoints par les fascistes et la droite dure (Les Républicains) pour voter la réouverture de la centrale à charbon de Saint-Avold ou la timide et insuffisante révision de l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), qui contraint EDF à vendre sa production à ses concurrents à un prix inférieur à son coût de production.

Que dit la presse française ? L’essentiel, c’est-à-dire qu’elle relate les faits, bruts, mais sans mise en perpsective. Albert Camus militait pour un journalisme critique et pour un « commentaire politique et moral de l’actualité », toutes choses qui ont disparu.

La dédiabolisation de la présidente du parti fasciste, aussi, pourrait faire l’objet de commentaires. Pourquoi ne pas rappeler que Steve Bannon, mis en cause dans les attaques du Capitole et reconnu coupable d’entrave au Congrès, conseillant à Donald Trump de concentrer sa stratégie de mise en cause de l’élection de Biden sur la journée du 6 janvier 2021 (et déclarant la veille : « Tout l’enfer va se déchaîner demain »), fut l’invité vedette du congrès du Front national à Lille en mars 2018, éructant, entre autres : « Laissez-vous appeler racistes, xénophobes, portez-le comme un badge d’honneur ». Pourquoi ne pas rappeler que la candidate à la présidence de la République a été reçue avec les honneurs habituellement réservés aux chefs d’Etat en octobre 2021 par Viktor Orban à Budapest (avec tapis rouge, escorte policière, déjeuner privé et conférence de presse commune). L’ultra-réactionnaire dirigeant hongrois décrétant que Marine Le Pen était « incontournable » avant de lui apporter tout son soutien. Pourquoi ne pas rappeler que la même Marine Le Pen a des liens très étroits avec Vladimir Poutine, avouant entre autres : « Je ne cache pas que, dans une certaine mesure, j’admire Vladimir Poutine ». Reçue à plusieurs reprises à la Douma puis au Kremlin, elle osait déclarer le 8 février dernier : « Je ne crois pas du tout que la Russie ait le souhait d’envahir l’Ukraine ».

On revient toujours à Albert Camus : que penserait-il de ses consoeurs et confrères journalistes qui ont la mémoire si courte qu’ils omettent de livrer un commentaire un peu percutant sur les liens passés et proches de la dirigeante d’un parti ami des hommes politiques les plus sanguinaires, ennemis farouches de la liberté. La seule chose qui importe c’est sa dédiabolisation et l’envoi de 89 députés à l’Assemblée !

Quand les journalistes se libéreront-ils de menottes de l’esprit que les milliardaires leur ont passé pour revenir aux fondamentaux de l’information due au public dans une démocratie digne de ce nom ?

Quand Rachel Keke intervient

Elle n’a pas pu faire capoter l’évitement du salaire, mais elle a fait une intervention qui marquera l’histoire du Palais-Bourbon. Alors que les députés s’apprêtaient à voter le projet de loi sur le pouvoir d’achat présenté comme un moyen de lutter contre l’inflation galopante, Rachel Keke Raïssa les a vertement interpellé :

« J’aimerais savoir dans cet hémicycle qui a déjà touché 800 euros ? Qui a déjà touché 900 euros ? 1 000 euros ?  Personne ! Je suis élue députée, et je découvre un truc horrible. Vous méprisez les métiers essentiels, vous méprisez ceux qui servent la France. Quand vous arrivez dans les restaurants pour manger, quand vous allez au Monoprix, vous êtes heureux. Réfléchissez. »

Rachel Keke est une femme qui sait ce que signifie d’être miséreux ; elle a lutté toute sa vie pour faire reconnaître sa dignité. Elle a commencé à travailler (durement) à 16 ans et, au terme d’une grêve qui a débuté le 17 juillet 2019 et qui a duré 22 mois aux Batignolles, avec les autres femmes de chambre et le soutien de la CGT, elle a réussi à faire plier le groupe hôtelier Ibis. L’hémicycle ne l’intimide pas ; elle parle avec cette intelligence que les patrons et les élus de droite et d’extrême droite dénient aux Français de peu ou que Macron qualifie d’analphabètes.

Rachel Keke a dénoncé le contenu du projet de loi et elle a demandé aux députés qui allaient voter la loi de réfléchir. Comme elle l’a fait, elle, en parfaite députée et en votant en conscience.

Hélas, la réflexion des élus de droite et d’extrême droite, réunis dans un même élan, s’arrête aux intérêts de classe qu’ils ont mission de défendre coûte que coûte, à l’image d’une Marine Le Pen, qui n’a jamais connu les fins de mois difficiles dans le Parc de Montretout à Saint-Cloud. La patronne du parti fasciste a prétendu se mettre à la disposition des Français et défendre les plus pauvres ; elle aurait pu applaudir l’intervention de Rachel Keke et intervenir pour la soutenir. Elle a montré son vrai visage en votant avec le parti de Macron et les Républicains. Le RN et les autres sont démasqués. Rachel Keke a mis en évidence leur mépris.

On peut rêver du jour où d’autres Rachel Keke siégeront à la place des valets du capitalisme le plus sordide. Celui qui prétend défaire les acquis du Conseil national de la Résistance (CNR) et tous les conquis de la classe ouvrière.

Evitement du salaire

Michaël Zemmour, économiste au Centre d’économie de la Sorbonne, maître de conférences à l’université Paris-I et chercheur au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po, a publié une intéressante tribune dans Le Monde de ce soir.

En plein débat à l’Assemblée nationale, Michaël Zemmour éclaire les effets pervers du projet de loi sur le pouvoir d’achat. L’économiste écrit donc :

« La participation et la « prime Macron » ont comme point commun qu’ils sont des dispositifs d’évitement du salaire. Ces versements augmentent le revenu immédiat des salariés sans leur offrir aucune garantie : ils ne sont pas pris en compte dans le calcul des droits des salariés tels que le chômage, la retraite, les congés maternité ou maladie (…) Ces dispositifs de contournement du salaire (qui incluent l’épargne salariale, de même que les retraites et complémentaires santé d’entreprise) ne sont pas nouveaux, mais ont été renforcés récemment par la loi Pacte. Ils constituent une perte annuelle de recettes importante estimée en 2020 à 9 milliards d’euros pour la seule Sécurité sociale (…) On assiste ainsi, depuis le « travailler plus pour gagner plus » porté par Nicolas Sarkozy, à une politique de désocialisation du revenu : les gouvernements multiplient les dispositifs de définancement de la protection sociale. Simultanément, les mêmes acteurs poussent un agenda de réformes diminuant les prestations pour cause de « caisses vides » (…) On pourrait penser qu’agissant ainsi le gouvernement répond à une demande majoritaire concernant le pouvoir d’achat. C’est pourtant loin d’être le cas : dans le baromètre annuel de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, en 2021, comme les années précédentes, plus de trois personnes interrogées sur quatre se disent opposées à une baisse des prélèvements obligatoires si celle-ci est associée à une baisse des droits sociaux. Simplement, l’arbitrage sur la scène politique n’est jamais affiché aussi frontalement : dans un premier temps, on présente une « hausse de pouvoir d’achat » financée par une prime exonérée. Et dans un second temps, on expose la baisse des prestations sociales comme une impérieuse nécessité (…) Il ne s’agit pas là d’une machination obscure, mais d’une stratégie de réforme documentée : la baisse des prestations sociales n’est jamais populaire en soi, en revanche l’équilibre nécessaire des comptes sociaux est un argument massue qui fonctionne à merveille dans le débat public (…) Le cas présent n’est pas unique, ni même le plus important. Il est cependant exemplaire, car le même gouvernement, dans l’intervalle de quelques semaines, va priver l’Etat et la Sécurité sociale de quelques milliards d’euros de recettes, avant de proposer une réforme des retraites – en invoquant notamment la nécessaire stabilité des comptes. »

Pas obscure la machination ? Voire. Elle est parfaitement claire. Le patronat ne s’y est pas trompé en adhèrant avec enthousiasme au projet de loi. Quand Emmanuel Macron prétend donner du pouvoir d’achat aux salariés, c’est autant d’arguments pour s’opposer à toute augmentation dans les entreprises.

Bruno Le Maire s’est autorisé à ajouter une dose de cynisme (habituel chez lui) dans tout l’argumentaire en priant ‘’celles qui le peuvent’’ d’augmenter les salaires. La petite phrase est reprise par les médias (c’est le but), mais aucunement par des entreprises autistes. Avant qu’elles passent aux actes, il faut généralement un mouvement de grève, parfois très long, pour amener les patrons à la table des négociations avec les syndicats.

Tout ce beau monde ment ; tout ce beau monde prend les salariés pour des gogos ; tout ce beau monde a des réflexes de classe quand il s’agit de reprendre les acquis sociaux pour augmenter les dividendes !

Sauver les services publics

C’est tout à fait inhabituel dans ce blog, aujourd’hui je relaie le communiqué de 91 organisations (syndicales, politiques, associatives) engagées depuis plusieurs années dans la ‘’Convergence des services publics’’ et la campagne ‘’Un nouvel élan pour nos services publics’’. 

Parce que la situation est grave et que nul, aujourd’hui, ne peut rester au bord de la route en attendant des jours meilleurs. Il y a 12 ans déjà Stéphane Hessel lançait un appel dans un petit livre, ‘’Indignez-vous !’’ (Indigène Editions), dans lequel il prônait « l’insurrection pacifique » en rejoignant les réseaux de résistance des syndicats et associations, large collectif pour sauver les services publics.

« Faudra-t-il être riche à l’avenir pour se faire soigner, éduquer ses enfants,
affronter le réchauffement climatique ? 

À la campagne et à la ville, en métropole et en Outre-Mer, la pandémie a démontré, comme à chaque crise, l’absolue nécessité de disposer de services publics correctement dotés sur l’ensemble de notre territoire, d’une sécurité sociale solide, et d’agents publics qui ont les moyens de réaliser leurs missions au service de l’ensemble de la société. 

La baisse des impôts et la diminution du déficit et de la dette publique qui constituent le cœur du discours et de la politique portés par l’exécutif, relèvent d’un choix économique et politique qui est une grave faute historique. 

Ce mauvais choix historique et politique se manifeste dans un programme qui pousse sans cesse au démantèlement des services publics, alors que ces derniers sont un élément important de réduction des inégalités, d’inclusion sociale. Ils permettent d’agir sur le long terme pour l’intérêt général. Au moment où ils sont plus que jamais nécessaires pour répondre aux besoins de la population et assurer une nécessaire et juste transition écologique, cette volonté d’affaiblir les services publics revient à augmenter ces inégalités. Ainsi, partout où les services publics reculent, partout où les populations ont le sentiment que la puissance publique les abandonne, on constate la progression de l’extrême-droite. 

Économiquement, ce ne sont pas les mesures ponctuelles pour le pouvoir d’achat annoncées qui permettront de compenser l’inflation de cette année et de répondre aux besoins de la population. Face aux nuages qui s’amoncèlent, proposer des chèques cadeaux au lieu de développer les services publics, c’est choisir d’accepter que le salaire ne suffise plus pour vivre. Ce n’est pas non plus ainsi qu’on luttera contre le risque de récession économique lié à une baisse de pouvoir d’achat de l’immense majorité de la population. 

Le gouvernement choisit la charité pour continuer à justifier les cadeaux aux plus riches : aucune des mesures annoncées ne conduit réellement à soutenir le service public et à amplifier les solidarités nationales et locales. Pire, leur déstructuration et la diminution des moyens humains et matériels va continuer, dans tous les secteurs : santé, transports, audiovisuel, poste, énergie, éducation, culture, … Et en même temps se poursuit la casse de la Sécurité Sociale et son endettement forcé. 

Il est nécessaire et urgent que le débat public porte sur les moyens et les objectifs des politiques publiques et de leur maîtrise, l’aménagement du territoire, l’augmentation générale des rémunérations, des salaires, des retraites et des pensions, l’amélioration des conditions de travail et de vie, la réorientation de la numérisation des services publics. Et ce afin de remplacer la recherche effrénée du moindre coût et du profit par un objectif central : la couverture des besoins de l’ensemble de la population au nom de l’intérêt général. 

Il est urgent de faire des services publics et de la fonction publique des outils au service de la mise en œuvre d’une autre logique de développement, de l’égalité, du plein emploi, articulant la reconquête et la transformation de l’appareil productif et une juste transition écologique. 

C’est une exigence qui doit s’exprimer le plus largement possible : 

C’est pourquoi 90 organisations syndicales, associatives et politiques convergent pour appeler les usagers, les personnels, les élus et leurs organisations à se mobiliser pour donner un nouvel élan pour nos services publics.

Usagers, citoyens, salariés, personnels et élus, nous devons nous mobiliser pour la défense, le développement et la démocratisation de nos services publics et de notre sécurité sociale. 

Nous lançons donc ce jour une campagne pérenne avec d’ores et déjà une date de mobilisation à dimension nationale programmée les 12, 13 et 14 mai 2023 à Lure (Haute-Saône). »

Quand la terre brûle !

Jacques Chirac n’a pas dit que des petites phrases osées que l’actuel président de la République se croit autorisé à reprendre à son compte à propos de ses liens avec les patrons de la plateforme Uber.

Jacques Chirac avait eu le courage de dire non aux Américains et de refuser d’intervenir militairement en Irak. Il avait eu la lucidité de déclarer que la terre brûle. Bon, d’accord, on attend encore les actes pour lutter contre le réchauffement climatique et la terre continue à brûler ; plus dramatiquement encore.

Les incendies en cours en Gironde et, désormais, dans les Landes ne sont que le nouveau symptôme d’une catastrophe irréversible tant l’inaction des politiques libérales est insupportable.

Les feux de forêt dans le Sud-ouest progressent faute de moyens de lutte en matériel et en hommes, mais ils sont aussi le résultat de l’abandon de la filière de récolte de la résine et de l’exploitation du bois, autant que d’un manque d’entretien des sous-bois.

Le problème est semblable dans toutes les forêts. L’ONF, déjà exsangue, est même menacée.

Le réchauffement climatique a d’autres conséquences dont on ne parle pas. Devant le manque d’eau, EDF a réduit la production d’électricité de ses usines hydro-électriques dans le Sud-Est (Durance et Verdon) de 60 % pour préserver l’irrigation agricole et l’alimentation en eau potable, alors que, partout, les centrales nucléaires ont, elles aussi, diminué leur production. Il n’est pas facile de faire un tri parmi les urgences.

Devant le manque de précipitations, de nombreuses sources de montagne sont taries, contraignant des éleveurs à abandonner le pâturage et à réduire leurs revenus.

Ce ne sont que quelques exemples.

Le réchauffement climatique a des effets trop souvent tus, mais bien réels et alarmants. Mais on ne peut plus taire la catastrophe économique et sociale qui s’accentue et s’ajoute aux autres méfaits du libéralisme comme la désindustrialisation et les délocalisations destinées à servir des dividendes à quelques milliardaires.

Emmanuel Macron n’entend personne, ni le Haut Conseil pour le climat, ni les partis qui militent pour un développement soucieux de l’environnement et du climat, ni les associations, ni les chercheurs du GIEC. Combien de catastrophes faudra-il encore subir pour qu’il en prenne la mesure ?

On s’abstiendra quand même de s’écrier : « Chirac ! Reviens, ils sont fous. »

Méthode Coué

Le directeur de la rédaction de La Tribune ne manque pas d’humour pour terminer son billet hebdomadaire par : « Inflation, récession, sobriété, en attendant de voir si le pire est à venir, passons un bel été ! »

Je ne sais pas si lui passera un bel été (mais on lui souhaite, charité bien ordonnée commence par soi-même, si j’en crois ce vieux proverbe médiéval), maiq, pour les Français, l’été est déjà difficile après avoir entendu le président de la République le 14 juillet et en faisant fi des menaces sur la rentrée.

Il fallait avoir une bonne dose de culot (ou de morgue de classe) pour oser affirmer que les Français ont accordé leur confiance et validé le programme du candidat Macron. Les réalités socio-économiques l’ont rattrapé, mais ce sont les Français qui vont en subir les conséquences : inflation galopante et salaires à la traîne, sobriété énergétique et prix qui flambent, chasse au gaspi et centrales nucléaires à l’arrêt, fausse reprise de l’emploi et révision à la baisse de l’indemnisation du chômage, mal-être au travail et allongement de la durée d’activité, transition écologique à la traîne et forêts qui partent en fumée, etc. Prévert, reviens !

Emmanuel Macron désavoué par une majorité de Français s’acharne à vouloir mettre en œuvre une politique du tout-libéral mortifère. L’épisode électoral n’a-t-il donc rien changé dans la réflexion de notre président ?

Philippe Mabille a sans doute raison de souhaiter un bel été aux Français car la rentrée va être assurément troublée et dure pour ceux qui n’ont rien ou peu de choses. Il n’est pas sûr que le peuple accepte de travailler plus et plus longtemps pour des salaires de misère.

La méthode Coué du président toujours plus à droite n’est qu’illusion ; la réalité du porte-monnaie vide saura le lui rappeler. Les Français qui n’ont plus rien à perdre sont tellement imprévisibles depuis les ‘’gilets jaunes’’.

Le tract

Le tract distribué ce matin dans ma boîte aux lettres m’a interpellé ; il faut le lire en détail pour vraiment comprendre de quoi il s’agit.

Le logo de l’émetteur ne dit rien : I@D. Le slogan est plus étonnant : ‘’Pour rencontrer un conseiller immobilier, prenez un RDV, pas un RTT’’. Un astérisque placé derrière le mot ‘’conseiller’’ peut passer inaperçu, mais le renvoi en pied de page éclaire tout : ‘’Tous les conseillers IAD sont des agents commerciaux indépendants (sans détention de fonds) de la SAS I@DFrance ’’.

Ah ! La belle arnaque.

I@D est une agence immobilière, dont on ne verra jamais de vitrine. Les conseillers travaillent à leur domicile, sans salaire fixe ; ils touchent 69 % de la commission d’agence (peu élevée, car ses promoteurs se vantent d’honoraires ‘’adaptés grâce à des frais de structure réduits’’), mais ils doivent payer un pack mensuel de 163 euros pour l’utilisation des logiciels et la diffusion des annonces sur les portails immobiliers.

Le tract ne tarit pas d’éloges sur I@D, notamment ‘’ça fait du bien à l’immobilier’’. Aux initiateurs de l’agence immobilière qui a puisé l’idée de dématérialiser les annonces sur Amazon et autres plateformes numériques, sans doute, mais les conseillers ne feront jamais fortune.

Le tract ne dit pas que les conseillers sont ubérisés, mais que l’entreprise est florissante : elle a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 270 millions d’euros en 2020 et se développe allégrement à l’international.

’Etre conseiller immobilier chez I@D, c’est être son propre patron et ne pas avoir d’horaires imposés. Nous sommes donc 100 % disponibles pour vous’’, clame le tract. Il aurait été justifié de préciser que le conseiller n’a pas d’horaires, certes, mais surtout pas de droits sociaux.

Sur le site de l’entreprise, on peut lire que « I@D vous assure une large diffusion de vos annonces sur les principaux portails immobiliers nationaux, régionaux et internationaux. I@D a également négocié un certain nombre de crédits leboncoin et de boosts Seloger inclus dans votre eBouquet, ainsi que des tarifs avantageux pour les conseillers souhaitant en acheter davantage. » Pour vendre un appartement ou une maison, le conseiller doit payer des annonces supplémentaires sur les sites spécialisés. A ses frais.

Il est difficile de trouver un emploi, un vrai, tant l’ubérisation gagne du terrain. Et de ce problème-là, les deux prétendues journalistes (Anne-Laure Coudray et Caroline Roux) qui ont assuré la promotion d’Emmanuel Macron en ce 14 juillet depuis les jardins de l’Elysée, n’en ont pas parlé, ignorant superbement les sujets qui fâchent. Histoire de ne pas gâcher cette fête nationale, ponctuée par un défilé belliciste.

Fange politicienne

L’actuel président de la République (on ne doit pas oublier son nom, Emmanuel Macron) se prétend éminent, et à l’intelligence supérieure ; à l’en croire, il est le grand penseur politique actuel, en France, en Europe et même dans le monde, celui qui a su ne pas se faire écraser la main par Donald Trump. Il aurait ‘’révolutionné’’ le paysage politique en dépassant les clivages gauche-droite.

Il est en permanence en représentation ; bavard, il dispense à tout instant l’oral de l’ENA, sur tous les sujets. Bref, il est omniscient.

Voulant tout ‘’réformer’’, il voulait mettre fin aux pouvoirs de l’Assemblée nationale et du Sénat, où les débats interminables lui sont insupportables ; les ministres aussi ont été mis au pas et doivent demander l’autorisation pour s’exprimer, sous peine de s’attirer des remontrances et, parfois, des mises à pied, sans état d’âme.

Quand un consortium international de journalistes ose dévoiler quelques turpitudes et des conciliabules avec les pires patrons que la terre puisse imaginer, notre éminent homme d’Etat se fâche, arrogant comme à son habitude, et réagit en tentant de manier l’ironie. Exercice délicat pour qui n’a ni humour, ni esprit de dérision. Il n’a ni la malice de Mitterrand, ni la dérision de Chirac et ses saillies déchaînent les commentaires outragés.

A propos de ses liens avec Uber, quand il déclare : « Je suis très fier de ce que j’ai fait, du combat que j’ai mené (…)  Je le referais demain et après-demain (…) Je conçois tout à fait qu’on veuille s’attaquer à ma pomme, ça fait cinq ans et demi. Très sincèrement, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre. », on peut et se doit d’être offusqués. C’est un brigandage. Pour lui, les rendez-vous secrets, les opérations de lobbying auprès des autres ministres, rien de plus démocratique ! Emmanuel Macron a une définition très particulière du pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Et quand on remarque que le dossier des ‘’Uber Files’’ revient dans le gouvenrement au ministre délégué à la transition numérique, Jean-Noël Barrot, dont la sœur cadette, Hélène Barrot, est directrice de la communication de l’entreprise technologique américaine pour l’Europe de l’Ouest, la seule réponse consiste à dire que le ministre devra se tenir à distance. Peut-on le croire ? Peut-on prendre cette mise à l’écart au sérieux.

N’oublions jamais le nom du président de la République, il se prétend éminent, mais il patauge dans une fange politicienne, qui a largement alimenté le boycott des urnes récemment. Quant à ceux qui l’ont élu, ils ne sont pas sérieux. Hélas.

Il porte une lourde responsabilité !

Bal des maudits à Versailles

Aujourd’hui, le président de la République reçoit au château de Versailles. Les services de l’Elysée ont inondé les médias de communiqués et de dossier de presse pour vanter les mérites d’Emmanuel Macron et de son ‘’Choose France’’, qualifié de sommet de l’attractivité du pays auprès des grands investisseurs et décideurs économiques ; ils seront donc 180 grands patrons à partager les agapes avec le président renouvelé, dans un décor royal, digne du compte en banque des invités.

On n’a pas pu échapper aux ‘’cocoricos’’ sur toutes les chaînes : en amont, l’Elysée a annoncé 14 projets d’investissement pour un montant de 6,7 milliards d’euros et la création de 3 000 emplois.

A ce rythme-là, la réindustrialisation de la France n’est pas pour demain, ni après-demain ; et on peut s’interroger sur le bien-fondé de l’afflux de capitaux étrangers (pour combien de temps ?) : où sont les capitaux tricolores ?

Le cabinet Kantar a été mandaté pour interroger un panel de décideurs économiques dans le cadre de la préparation de ce sommet. On ne s’étonnera pas que tous témoignent que l’attractivité de la France s’est améliorée au cours des cinq dernières années (vive le premier quinquennat de Macron) et qu’elle va encore s’améliorer dans les prochaines années (vive le second quinquennat). Les décideurs mettent en avant l’allégement de la fiscalité et la qualité des services offerts par les pouvoirs publics. Les salariés et les contribuables français apprécieront ainsi la politique d’Emmanuel Macron !

Pour Macron, la fête risque néanmoins d’être gâchée ; pas seulement par l’examen de la motion de censure du gouvernement déposé par la gauche, mais par les révélations dites des ‘’Uber Files’’ par le Consortium international des journalistes d’investigations (ICIJ) qui mettent gravement en cause le rôle joué par l’ex-ministre de l’économie, le même Emmanuel Macron, dans la dérégulation du marché des taxis pour favoriser l’implantation d’Uber en France. L’entreprise de transport de véhicules de tourisme avec chauffeur s’était heurtée aux refus du gouvernement, mais le jeune ministre aux dents longues s’était comporté comme un allié privilégié de la firme américaine, qui n’a pas manqué une seule occasion de le remercier.

Quand la start-up nation est vantée par les patrons et les investisseurs les salariés ont toutes les raisons d’être inquiets !

Qui est le juge ?

La cour d’appel de Paris vient de refuser l’extradition de dix citoyens italiens le 29 juin dernier sur la base du respect des principes fondamentaux du droit énoncés par la Convention européenne des droits de l’Homme, le respect de la vie privée et du jugement par défaut.

Ces dix Italiens, deux femmes et huit hommes, sont les militants d’extrême gauche qui ont commis des crimes de sang au cours de la guerre civile, les années de plomb, qui a fait rage dans la péninsule dans les années 1970. Le gouvernement italien les qualifiant de terroristes.

Le jugement de la cour d’appel est conforme à ce qu’on appelé la doctrine Mitterrand, refusant d’extrader des militants, réfugiés en France, parfaitement intégrés dans notre pays depuis 40 ans et ayant rompu avec l’action politique armée.

La justice française avait considéré leurs arrestations arbitraires et invoqué des mesures contraires au droit de la part de la justice italienne, notamment des interrogatoires hors de la présence d’avocats.

Rome n’a pas renoncé à l’extradition de ses ressortissants (Cesare Battisti en 2002 et Paolo Persichetti en 2002 ont été renvoyés dans leur pays et incarcérés) et a renouvelé sa demande en 2020.

Emmanuel Macron a prononcé à plusieurs reprises son opposition à la doctrine Mitterrand et avait qualifié l’arrestation des deux femmes et huit femmes de « moment historique ». Il vient de coonfirmer son désir de les voir jugés sur le sol italien, prétextant que la France n’avait rejeté que les demandes d’extradition de gens qui n’étaient pas impliqués dans des crimes de sang ; il a prétendu en mentant effrontément que les dix réfugiés étaient exclus de la doctrine Mitterrand.

Dès le lendemain de la décision de la cour d’appel, Macron a souhaité « voir si un recours en casation est possible » ou « s’il y a des vois juridictionnelles qui nous permettraient d’aller plus loin ».

C’est dans ce contexte que l’on a appris que le parquet s’est pourvu devant la cour de cassation. Macron a vraiment la rancune tenace et fait la preuve d’un acharnement intolérable.

La Ligue des Droits de l’Homme a dénoncé « cette immixtion scandaleuse du politique dans la justice française ».

En effet, qui est le juge en France ?

On casse tout

Il est difficile d’imaginer tous les dégâts du néo-libéralisme ou de l’ultra-libéralisme, c’est selon ; bref du capitalisme. Si le peuple de France gronde et multiplie les mouvements de grève, ce n’est pas le fruit du hasard.

Le climat se détériore dans tout le pays ; salariés de l’industrie, agriculteurs, soignants, enseignants, journalistes, acteurs de la culture, précaires ou pas, tous ont une (très) bonne raison de manifester une grogne qui n’est pas sans rappeler celle qui avait précédé Mai 68 (dans un contexte différent).

Les médias relaient des informations, mais, trop souvent, s’en tiennent aux faits, sans mise en perspective, ni analyse.

On a appris, par exemple, qu’Amazon avait ouvert une école à Brétigny-sur-Orge (en Essonne) où elle dispense une formation diplômante. Outre que la firme de Jeff Bezos a besoin de ravaler sa vitrine, tellement les conditions de travail et de rémunération sont lamentables, elle vend la mèche sur les raisons profondes de l’initiative : améliorer les performances des salariés en les formant mieux aux pratiques de la lecture des codes-barres, aux déchargements des camions, le filmage des palettes, mais aussi pour éviter les accidents (très nombreux dans les tous les sites).

Cette formation permet, certes, aux salariés d’obtenir un diplôme reconnu par l’Etat, niveau CAP ou BEP (et ils en sont fiers, à juste titre), mais celle-ci est dispensée en interne pour répondre aux besoins immédiats d’Amazon. Dès lors, il est scandaleux que l’AFPA parraine une telle formation, qui ne coûte rien à l’entreprise puisque tous les frais sont imputés sur les fonds alimentés par un salaire différé.

Pendant qu’Amazon délivrait leur diplôme à la première promotion, on apprenait la création du ministère délégué à l’enseignement et à la formation professionnels, sous la double tutelle du ministère de l’éducation nationale et du ministère du travail.

Pourquoi s’en offusquer ? Il s’agit d’une invention d’Emmanuel Macron, qui, au cours de la campagne électorale, avait promis des lycées professionnels « davantage ouverts à l’apprentissage et aux entreprises locales ».

La syndicaliste Sigrid Géradin (FSU) dénonce un grave danger : « Si la partie insertion est gérée par le ministère du Travaille risque est celui d’une instrumentalisation des parcours scolaires pour répondre aux besoins immédiats des entreprises, notamment dans les secteurs dits en tension. Pourtant, si ceux-ci peinent à recruter, c’est avant tout parce que les conditions de rémunération et de travail y sont mauvaises, et c’est cela qu’il faudrait changer d’abord. »

En outre, la multiplication des stages en entreprise permettra de ‘’libérer’’ des enseignants à envoyer dans les établissements en déficit.

Les deux informations, jamais rapprochées, démontrent que l’enseignement professionnel sera de plus en plus soumis aux besoins des entreprises et destinés aux jeunes des classes populaires, qui, après avoir quitté leur établissement, iront grossir les rangs des salariés d’Amazon, entre autres, et à se voir offrir des formations-maisons.

Les gosses de riches, eux, iront poursuivre des études longues dans des établissements privés, onéreux que papa peut payer.

La lutte des classes n’en finit pas…

Cinéma et politique

Arte a poursuivi ses diffusions de films du patrimoine en programment hiers soir Le Jardin des Finzi-Contini de Vittorio De Sica (sorti en 1970). Le maître du néo-réalisme a adapté le roman éponyme de Giogio Bassani et pose sous un autre angle le problème de l’adaptation des œuvres littéraires.

Le film a reçu l’Ours d’or à Berlin et l’Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1971. Les deux récompenses couronnent un film magnifique qui a néanmoins déclenché de profondes polémiques, l’écrivain Giogio Bassani publiant un article cinglant sous le titre Le jardin trahi, dans lequel il accuse De Sica de ne rien connaître des particularités de Ferrare, de sa communauté juive (dont les Finzi-Contini) du seul fait que le réalisateur a passé toute sa jeunesse à Naples.

Bassani avait cependant participé à l’élaboration du scénario du film. Il souhaitait préserver la trame de son livre, le confinement d’une famille juive et de sa descente aux enfers en raison des lois raciales de Mussolini en 1938.

Si De Sica a gommé l’ambiance particulière de Ferrare, il n’a pas trahi la longue agonie des Finzi-Contini, juifs cloîtrés dans leur extraordinaire jardin jusqu’à leur arrestation et leur déportation. Le film est superbe, De Sica est un virtuose : ses images sont sublimes et les acteurs superbement dirigés pour être à la hauteur de l’œuvre.

Alors pourquoi une telle polémique ? Les protagonistes sont Italiens et Giorgio Bassani, après avoir été socialiste, a adhéré au Parti Républicain quelque temps avant le tournage ; Vittorio De Sica, lui, est resté fidèle au Parti Communiste, le PCI.

La querelle n’est peut-être au fond que l’opposition entre deux idéologies ouvertement antagonistes dans l’Italie de 1970, celle des années de plomb qui voient la même année la création des Brigades Rouges.

Assurément Le jardin des Finzi-Contini ne méritait pas une telle bataille d’idées. Vittorio De Sica a réalisé tant de chefs-d’œuvre, que la dénonciation de Giogio Bassani semble superflue.

Cinéma politique

Arte a diffusé hier Pour qui sonne glas, film adapté du livre d’Ernest Hemingway et réalisé par Sam Wood.

Autant le dire immédiatement, le film ne vaut que par l’interprétation de deux monstres sacrés de Hollywood, Gary Cooper et Ingrid Bergman. L’œuvre d’Hemingway a été dénaturée par un réalisateur dont on peut ne pas garder un souvenir impérissable.

Sam Wood a surtout retenu l’idylle entre le professeur américain, engagé dans les Brigades internationales, Robert Jordan, et la belle et jeune résistante républicaine, Maria, en reprenant à son compte les critiques acerbes du livre proférées par les réactionnaires américains farouchement favorables aux troupes de Franco. 

Sam Wood a connu un parcours digne de celui de Trump ; d’abord hommes d’affaires, il a fait fortune dans l’immobilier et dans le pétrole avant de se convertir, hélas, dans le cinéma. Dans leur livre, Trente ans de cinéma américain, sorti en 1970, Jean-Pierre Courson et Bertrand Tavernier, avouent que « de l’homme nous savons très peu de choses, mais quelques détails pittoresques aideront peut-être à le situer : il était président de l’Alliance pour la Préservation des Idéaux Américains et son testament stipulait que sa fille serait déshéritée si elle s’inscrivait au Parti Communiste ».

Effectivement, ces détails situent l’homme !

L’organisation, fondée en 1944 un an après la sortie du film, se donnait pour but de défendre l’industrie cinématographique et les Etats-Unis contre ce que ses membres considéraient être une infiltration fasciste et communiste. Wood y adhéra aussitôt.

Que Sam Wood se saisisse de l’œuvre d’Ernest Hemingway pour la dénaturer n’a donc rien d’innocent. Il s’agit d’un geste politique, parrainé par les studios de la Paramount Pictures. Les Américains ont toujours fait, majoritairement, du cinéma (puis des séries télévisuelles) des armes idéologiques.

C’est pourquoi on aimerait qu’Arte, chaîne culturelle, accompagne les diffusions de films du patrimoine d’un commentaire rappelant le contexte historique et, quand il s’agit d’adaptations d’œuvres littéraires, comme c’est ici le cas, les libertés prises par le réalisateur par rapport à l’auteur.

Le cinéma est politique et demande une présentation politique !

Troublant parallélisme

L’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (attac) est une ONG mondialiste qui produit des notes et études toujours très instructives. La dernière en date est intitulée « Le RN, ou l’illusion d’une opposition à Macron ». En préambule, elle note que « s’il existe bien sûr d’importantes différences entre le parti fondé par d’anciens SS et celui fondé autour d’Emmanuel Macron, il est frappant de constater qu’en matière de politique fiscale, budgétaire, et dans des domaines économiques, LREM et le RN portent des propositions comparables : il s’agit pour ces deux partis, selon un même logiciel libéral, de réduire les impôts en faveur des plus riches et des grandes entreprises et «en même temps», de s’attaquer aux services publics, ce qui aurait un impact important sur la hausse des inégalités. »

En voici, brièvement résumées, les principales conclusions :

1 Des impôts toujours moins progressifs en faveur des plus riches : 

Si Macron a instauré le prélèvement forfaitaire unique (PFU) qui a permis aux plus riches de gagner 2 milliards d’euros, Marine Le Pen ne le remet pas en cause, exonérant d’impôt sur le revenu les jeunes de moins de 30 ans.

Macron a remplacé l’ISF (qui rapportait 5,5 à 5,8 milliards) par l’IFI (qui rapporte 2 milliards de moins). Le Pen veut supprimer l’IFI sans rétablir l’ISF.

Macron a promis une baisse sur les droits de succession et de donation, Le Pen fait des propositions similaires.

Pour attac, « il est toujours surprenant de voir Marine Le Pen se présenter comme la ‘’candidate du peuple’’ alors que les propositions fiscales du RN conduiraient à affaiblir encore davantage la progressivité de l’impôt et donc non seulement à favoriser les plus riches, comme l’a fait depuis 2017 le ‘’Président des riches’’, mais à instaurer une société de rentiers. »

2 Toujours moins d’impôts pour les grandes entreprises, comme le demande le Medef.

Macron, durant son premier quinquennat, a porté un rude coup à l’impôt sur les sociétés en baissant son taux nominal de 33,3 à 25 %. Le Pen ne propose pas de revenir sur la mesure, mais veut en exonérer les entrepreneurs de moins de 30 ans.

Macron a réduit les impôts locaux des entreprises de 20 milliards d’euros et il propose une nouvelle baisse. Le Pen propose la suppression de la cotisation foncière des entreprises et de la contribution sociale de solidarité des sociétés, y compris pour les grandes entreprises. Dans les deux cas, dit encore attac, ces propositions mettraient les finances locales en grave difficulté.

Macron refuse tout coup de pouce au SMIC et vient de limiter l’augmentation du point d’indices des fonctionnaires. Le Pen ne parle pas d’augmentation du SMIC et veut permettre une augmentation des salaires de 10 % mais en exonérant l’augmentation des cotisations patronales. Les deux positions sont semblables et ne visent qu’à éviter une véritable hausse des salaires.

3 Haro sur les services publics et la protection sociale

Quand Macron annonce la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, Le Pen, elle, parle de le privatiser. La prétendue ‘’candidate du peuple’’ est démasquée, grâce à cette note d’Attac. Quand Macron a continué à fermer des lits d’hôpitaux, supprimé des postes d’enseignants, Le Pen n’envisage aucune création de postes, mais parle de supprimer la bureaucratie. Le refrain est éculé.

Enfin, quand Macron se prononce pour le départ à la retraite à 65 ans et réduit les droits des chômeurs, Le Pen revoit, elle, sa proposition initiale de retour à l’âge de départ à la retraite à 60 ans en entretenant le flou sur ses véritables intentions.

Finalement, Macron et Le Pen sont dans la même logique libérale, qui peut se résumer par la formule « moins d’impôts, moins d’Etat », donc moins de services publics, plus d’austérité pour le bas peuple et un faisceau de mesures favorisant les détenteurs de patrimoine, les riches.