Arte a diffusé hier Pour qui sonne glas, film adapté du livre d’Ernest Hemingway et réalisé par Sam Wood.

Autant le dire immédiatement, le film ne vaut que par l’interprétation de deux monstres sacrés de Hollywood, Gary Cooper et Ingrid Bergman. L’œuvre d’Hemingway a été dénaturée par un réalisateur dont on peut ne pas garder un souvenir impérissable.

Sam Wood a surtout retenu l’idylle entre le professeur américain, engagé dans les Brigades internationales, Robert Jordan, et la belle et jeune résistante républicaine, Maria, en reprenant à son compte les critiques acerbes du livre proférées par les réactionnaires américains farouchement favorables aux troupes de Franco. 

Sam Wood a connu un parcours digne de celui de Trump ; d’abord hommes d’affaires, il a fait fortune dans l’immobilier et dans le pétrole avant de se convertir, hélas, dans le cinéma. Dans leur livre, Trente ans de cinéma américain, sorti en 1970, Jean-Pierre Courson et Bertrand Tavernier, avouent que « de l’homme nous savons très peu de choses, mais quelques détails pittoresques aideront peut-être à le situer : il était président de l’Alliance pour la Préservation des Idéaux Américains et son testament stipulait que sa fille serait déshéritée si elle s’inscrivait au Parti Communiste ».

Effectivement, ces détails situent l’homme !

L’organisation, fondée en 1944 un an après la sortie du film, se donnait pour but de défendre l’industrie cinématographique et les Etats-Unis contre ce que ses membres considéraient être une infiltration fasciste et communiste. Wood y adhéra aussitôt.

Que Sam Wood se saisisse de l’œuvre d’Ernest Hemingway pour la dénaturer n’a donc rien d’innocent. Il s’agit d’un geste politique, parrainé par les studios de la Paramount Pictures. Les Américains ont toujours fait, majoritairement, du cinéma (puis des séries télévisuelles) des armes idéologiques.

C’est pourquoi on aimerait qu’Arte, chaîne culturelle, accompagne les diffusions de films du patrimoine d’un commentaire rappelant le contexte historique et, quand il s’agit d’adaptations d’œuvres littéraires, comme c’est ici le cas, les libertés prises par le réalisateur par rapport à l’auteur.

Le cinéma est politique et demande une présentation politique !