La Chouette qui hioque

Mois : mars 2024

L’Idiot

Le prince Mychkine de Dostoïevski est un homme plutôt sympathique, dénué de toute mauvaise intention. Il a cependant un défaut, il est d’une naïveté telle qu’elle le fait passer pour un idiot.

Il ressemble tellement à ce jeune premier ministre de la France, qui ne doit pas avoir un mauvais fond, comme il est coutume de dire ; venant du Parti socialiste, comment pourrait-il être complètement mauvais et totalement antisocial ! Et pourtant…

A propos de lui, on peut se demander s’il est aussi naïf que le prince Mychkine ou s’il dissimule plutôt un arrivisme aveuglant digne de Rastignac. Sa personnalité pose d’innombrables questions.

Comment ce jeune homme bien né, qui a fréquenté les meilleures écoles privées, peut-il croire que la énième réforme de l’assurance chômage qu’il vient d’annoncer va résoudre le cancer de la France ?

Qui a pu lui faire croire que la réduction de l’indemnisation de 24 à 18 mois va renflouer les caisses de Bercy ? Lui aurait-on caché que sur 6,1 millions de citoyens demandeurs d’emplois, seuls 2,6 millions (42,6 %) sont indemnisés et que le montant moyen de l’allocation mensuelle nette est de 1 033 euros seulement ?

Partage-t-il les idées fixes de Bruno Le Maire, le psychorigide tout droit sorti de rangs des nobliaux de l’Ancien Régime ?

Croit-il un président de la République, aussi têtu qu’une mule, obnubilé par l’idée de voir tous les chômeurs traverser la rue ? Mais aussi de tourner le dos définitivement au programme du Conseil national de la Résistance ?

L’Idiot de Dostoïevski se termine en tragédie et l’internement du prince Mychkine.

La littérature est le reflet de la vie, comme L’Idiot. Il est de romans qui traversent les siècles et des personnages qui deviennent des néologismes d’une brûlante actualité.

Bruno Le Maire, ministre

On a toujours supposé que les ministres étaient nommés pour servir la République et gérer au mieux les affaires publiques. En est-on sûr aujourd’hui ?

Le ministre de l’économie est, lui, chargé d’équilibrer les finances. Alors que dire d’un ministre qui présente un déficit de 5,5 % du PIB (ce qui, avouons-le, ne veut pas dire grand-chose au citoyen moyen que je suis, sinon que les caisses de l’Etat sont vides), alors qu’il avait clamé urbi et orbi que la France était en capacité de respecter les dogmes de Bruxelles.

Plutôt que reconnaître sa faute, notre ministre de l’économie se répand sans honte dans tous les médias pour s’en prendre une nouvelle fois au système d’assurance chômage. Il annonce qu’il est absolument nécessaire de rogner les droits des demandeurs d’emplois. Il est soutenu par le roquet qui sévit comme premier ministre, tandis que le président s’est envolé loin de tout ce tumulte en Amérique du Sud.

Nos grands dirigeants tombent le masque : ils sont au service de la finance qui exige l’abandon de toute couverture sociale gérée paritairement et de soumettre les salariés à la précarité et aux rémunérations indécentes.

Le ministre de l’économie atteint le comble de l’ignominie en voulant priver les pauvres chômeurs de ressources (pour lesquelles ils ont cotisé pendant qu’ils travaillaient) plutôt que de puiser dans les poches des ultra-riches qui se gavent de dividendes extraordinaires. Il compte aussi s’en prendre aux demandeurs d’emploi de plus de 50 ans qui seraient des profiteurs, attendant l’âge de la retraite en toute tranquillité avec des allocations indécentes. L’argument est vieux comme l’ultra-libéralisme, mais il le ressert avec un rare aplomb.

Le niveau de la dette, plus de 3000 milliards (le chiffre est si élevé qu’il me laisse de marbre !), est, paraît-il, préoccupant. Le ministre de l’économie est apeuré à l’idée de recevoir un mauvais point de la part des agences de notation ; il espère échapper à la sanction en annonçant les mauvais coups portés aux chômeurs, comme ses amis, patrons multinationales, voient le cours de la bourse s’envoler quand ils annoncent des licenciements.

Elève Le Maire, au piquet !

Bruno Le Maire, c’est bien de lui qu’il s’agit, je ne l’ai jamais apprécié ; verbeux, imbu de sa petite personne, incompétent au vu des résultats, menteur (il n’ose pas annoncer une loi de finances rectificative, après les élections européennes, évidemment), idéologue réactionnaire (il ne renie pas son passé chez les Républicains), bref, il a hérité de tous les défauts de sa classe.

Après les révélations sur son incompétence à bien gérer nos affaires, je crois qu’à partir d’aujourd’hui, je le hais encore plus profondément.

Le printemps est beau

Le printemps est beau, chargé de senteurs et de couleurs revenues. L’atmosphère se gorge de soleil après des déluges de pluies et d’inondations.

Le monde est beau.

L’homme est cependant capable de tout gâcher et de transformer la beauté en autant de drames. Violences, guerres, exclusions, attentats, régressions sociales, démocratie foulée aux pieds : l’homme est encore plus fou aujourd’hui qu’hier et n’est même plus capable de s’extasier devant la beauté de la nature sur une terre qu’il abîme inexorablement, partout et avec tout, pour le bonheur de quelques-uns seulement.

Les hommes politiques d’ici ajoutent une large part de désespoir à des citoyens déboussolés. Ils se saisissent des pitoyables résultats de leur gestion des affaires publiques pour leur annoncer de nouveaux sacrifices.

Le déficit public atteint des records ; on ne sait plus quel est le chiffre le plus alarmant : 5,6 %, 5,9 % ? Peu importe si demain les prix s’affolent pour alimenter l’inflation, si les faillites explosent encore, si la dette bat un nouveau record, l’ex-inspecteur des finances qui habite aujourd’hui à l’Elysée continue de donner la leçon au monde entier. Lui se moque des quolibets qui l’accueillent partout où il ose encore se rendre entouré d’une multitude de caméras pour répercuter ses hautes pensées ultra-libérales à ses sujets ou à un auditoire, médusé de tant d’arrogance.

Son ministre des finances, lui, s’extasie devant son quatorzième livre (le 7e depuis qu’il est à Bercy !) plutôt que d’envisager une hausse des impôts sur les superprofits au prétexte qu’il ne sait pas ce qu’est un superprofit. Autant d’imbécillité n’étonne plus. Le romancier-ministre ou le ministre-romancier, on ne sait pas, préfère couper dans les mesures sociales (retraites, allocation de chômage, aides aux jeunes privés d’emplois à la sortie de l’école, diplôme en poche, etc.) en direction des innombrables oubliés de la République.

Le printemps est beau, mais la beauté n’est pas appréciée de la même manière par tous. Ceux qui souffrent devant tant de mépris de classe plient l’échine et ne rêvent plus à un monde meilleur ; ils sont même prêts à se tourner vers ceux qui, s’ils accèdent au pouvoir, mutileront nos libertés et ce qui reste des politiques sociales. Les délaissés ne croient plus aux mots de la devise de la République, Liberté, Egalité, Fraternité, quand leur vie n’est que misère, malbouffe et rejet. Ils n’ont plus vraiment conscience du danger de la bête immonde du Parc de Montretout (et de sa progéniture) qui rôde. Le printemps est beau, mais prenons garde que l’hiver ne vienne le bousculer avec son lot de malheurs.

Faisons en sorte de préserver la beauté du printemps, du monde et de notre terre.

Saadé et maître Bolloré

Il n’a pas fallu attendre longtemps pour illustrer mon article, ‘’L’information selon les milliardaires ‘’!

Pour avoir osé titrer en ‘’une’’ de la Provence : « Il est parti et nous, on est toujours là… », le directeur de la rédaction du quotidien marseillais a été suspendu pendant une semaine et convoqué à un entretien préalable pouvant aller jusqu’à un licenciement. Le titre faisait suite à la visite inopinée de Macron à Marseille et reprenait la phrase d’une habitante qui tirait les leçons de l’opération de communication du président de la République.

Ce titre a fortement déplu à Rodolphe Saadé, le patron de CMA CGM, qui a obtenu du directeur de la publication, Gabriel d’Harcourt, la publication d’excuses aux lecteurs, publiées également en ‘’une’’ du quotidien. 

Celui-ci a écrit sous la dictée de son patron : « La citation en Une et la photo d’illustration a pu laisser croire que nous donnions complaisamment la parole à des trafiquants de drogue décidés à narguer l’autorité publique, ce qui ne reflète pas notre ligne éditoriale. Nous avons induit en erreur nos lecteurs et La Provence leur présente ses plus profondes excuses. » C’est osé; la rédaction, humiliée, a vu rouge et s’est mise en grève.

Saadé, quelques jours plus tôt, s’était présenté à la rédaction de BFM TV, la main sur le cœur en affirmant qu’il ne serait pas interventionniste, ; il n’a pas été long à tomber le masque.

Alors, l’information selon les milliardaires est-elle libre ?

On cite souvent l’exemple de Vincent Bolloré ; hélas, il n’est pas seul à veiller à véhiculer une information libérale et bien-pensante.

L’information selon les milliardaires

À la recherche d’organes d’influence, quelques milliardaires, venus du monde des affaires, ont concentré entre leurs mains les principaux médias, bafouant le pluralisme. S’ils partagent une même vision de l’information avec des plateformes numériques américaines, ils doivent composer avec la puissance de ces monstres de la « nouvelle économie », Google, Amazon ou Meta. Néanmoins, les citoyens commencent à se détourner de leur vision de l’information.

Si le résumé vous donne envie de lire l’article dont je suis l’auteur, vous pouvez trouver les coordonnées de la revue La Pensée sur les réseaux sociaux suivants:

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Bonne lecture.

La claque

Emmanuel Macron a condamné les incidents à Sciences Po entre étudiants propalestiniens et représentants de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), en utilisant le terme d’inqualifiables. Gabriel Attal, son premier ministre, s’est alors senti autorisé d’effectuer une ‘’visite inopinée’’ en plein conseil d’administration de la Fondation nationale des sciences politiques pour y dénoncer une « dérive liée à une minorité agissante et dangereuse à Sciences Po ».

Les deux dirigeants du pays n’ont même pas pris le temps de la réflexion, ni même attendu les résultats de l’enquête interne ; il semble bien, en effet, que les faits reprochés à la ‘’minorité agissante’’ ne soient pas ceux décrits par l’UEJF.

Les doyens des écoles, les directeurs des centres de recherche et des départements et les membres élus de la faculté permanente ont été sidérés par tant d’agitation de la part des plus hauts représentants de l’Etat. Ils ont donc réagi dans un message interne dans lequel ils condamnent à la fois Macron et Attal en termes fermes, mais mesurés :

« Aucun responsable politique ne saurait s’arroger le droit de dévaloriser les principes fondamentaux d’indépendance et de liberté académique, telles qu’ils sont consacrés par les lois de la RépubliqueRappelons que la liberté académique garantit le droit d’enseigner et de mener des recherches en toute indépendance, sous le contrôle et la supervision des pairs mais sans ingérence de quelque autorité extérieure que ce soit, y compris l’Etat. »

Ils ont même ajouté pour être sûrs d’être bien compris : « Les allusions à une éventuelle reprise en main de [l’] établissement lors du conseil d’administration du 13 mars, contreviennent ostensiblement à ce principe cardinal » de la liberté académique.

A Sciences Po, comme ailleurs, on n’apprécie pas les opérations de communication de nos gouvernants et on le fait savoir.

Macron et Attal ne font pas preuve du même empressement pour aller constater l’état de délabrement des collèges et lycées de Seine-Saint-Denis, où parents, enseignants et élèves sont mobilisés.

Trop de coïncidences

Patrick Drahi est bigrement endetté ; ce n’est pas une nouvelle, il a construit son empire sur l’endettement (Plus de 60 milliards d’euros, quand même). Mais, coïncidence, c’est le moment choisi par ses banques pour lui intimer l’ordre de vendre ses chaînes de télévision et honorer des échéances douloureuses !

Rodolphe Saadé, lui, est riche ; depuis la crise du Covid les bénéfices de ses activités dans le transport maritime ont explosé (42 milliards en deux ans) grâce à un avantage fiscal exorbitant : depuis 2003, la France a adopté une ‘’niche fiscale’’ appelée ‘’droit de tonnage’’ qui permet aux entreprises du secteur de ne pas payer l’impôt des sociétés sur les bénéfices (25 %) mais une taxe sur les navires quels que soient les résultats financiers. C’est ainsi que, pour ses 583 navires, Saadé a payé seulement 2 % d’impôts sur ses bénéfices en 2022. Des députés (de droite) ont déposé un amendement pour revenir cette niche fiscale. Coïncidence, le rachat des chaîne de Drahi procure à Saadé un pouvoir d’influence et, en même temps, un outil de négociation avec le pouvoir.

La vente d’une chaîne est interdite pendant cinq années après l’attribution de la fréquence par l’Arcom. Les réattributions auront lieu au printemps 2025. Drahi doit vendre impérativement avant cette date sous peine de ne plus pouvoir céder le groupe BFM pendant les cinq prochaines années. Coïncidence, Saadé arrive au bon moment et peut négocier un prix inférieur (1,55 milliards) à celui que s’était fixé le patron d’Altice (2 milliards).

Rodolphe Saadé prétend avoir suffisamment de cash pour investir tous azimuts. Et, coïncidence, c’est ce qu’il fait allègrement dans Air France-KLM, Brut, Eutelsat, Colis privé, La Provence, etc.

Enfin, autre coïncidence, Rodolphe Saadé est plus proche d’Emmanuel Macron que de Marine Le Pen. Il s’est mis au service du président, avec l’espoir que son successeur en 2027 sera aussi compréhensif avec lui que le président sortant. 

Dans l’actualité présente, on peut encore relever d’autres coïncidences troublantes.

La ligne politique de Macron, par exemple, évolue d’un jour à l’autre en raison de la proximité des échéances électorales.

Il est plus que jamais  »va-t’en-guerre’’ et se déclare adversaire d’un Poutine qu’il fréquentait assidûment et tutoyait hier encore. Coïncidence, Marine Le Pen, dont le parti caracole en tête des sondages, est présentée comme une proche de dictateur russe (ce qui est avéré).

Diaboliser le RN en brandissant les risques de guerre face à notre adversaire, la Russie, pour tenter de sauver les meubles avant les européennes, n’est guère glorieux, c’est même un jeu dangereux.

Coïncidence, encore, Emmanuel Macron a convoqué scandaleusement deux journalistes des deux principales chaînes de télévision à l’Elysée pour enfoncer le clou, manipulant le droit à l’information pour tenter de sortir d’une situation délicate, la perte d’influence en France et en Europe.

Coïncidence, enfin, la diversion est déclenchée au moment où le RN lance sa campagne pour les élections européennes.

Toutes ces coïncidences ne sont pas complètement aléatoires, non ?

Culture pour tous, culture partout

Ce fut un spectacle époustouflant de danse sur le thème de la révolte des femmes argentines, imaginé par deux chorégraphes en résidence, Amine Boussa et Jeanne Azoulay. Leurs interprètes étaient jeunes mais tous étaient des amateurs.

C’était à la Ferme de Bel Ebat à Guyancourt, devant une salle pleine, conquise et enthousiasmée.

Les deux chorégraphes ont participé à une expérience qui a vu le jour dans les Hauts de France, Classe départ. Selon ses initiateurs, il s’agit « d’une méthode de mobilisation vers l’insertion par la pratique artistique intensive, axée sur l’éducation à la citoyenneté et le développement de l’employabilité ».

Les interprètes étaient donc décrocheurs ou accidentés de la vie, victimes de violences. Des laissés pour compte, des oubliés.

La Ferme de Bel Ebat et la municipalité ont voulu s’associer à cette formidable expérience en association avec Sauvegarde des Yvelines, le Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines et la compagnie In Cauda. Tous ces acteurs ont gagné un beau pari : les danseuses et danseurs ont fait une prestation exceptionnelle.

Je ne sais pas si tous réussiront à sortir de la misère infligée par un système où seuls les riches ne rencontrent pas d’obstacles pour être heureux et pleinement des citoyens, mais leur expérience artistique aura été, assurément, un moment où ils auront réalisé qu’ils ne sont pas destinés à rester dans les bas-fonds d’une société inégalitaire et dure aux pauvres de naissance.

Et ce spectacle vient démontrer la place irremplaçable de la culture artistique, au moment où le budget du ministère est amputé de 200 millions.

La France est riche de potentialités laissées en jachère. La Ferme de Bel Ebat et Guyancourt viennent d’en administrer une nouvelle preuve.

La culture n’a jamais été aussi nécessaire pour la compréhension du monde, pour l’acceptation de l’Autre, pour l’émancipation de l’individu. Alors, culture pour tous et culture partout.

Retour à l’Ancien Régime

Ces messieurs qui nous gouvernent (les femmes n’occupant que des postes subalternes, dans le domaine social, particulièrement) se supposent investis d’une mission historique. Ils sont les ‘’représentants’’ des puissants groupes industriels, plus puissants que les Etats eux-mêmes ; Ils ne sont plus les élus du peuple. Ils nous mentent en affirmant haut et fort vouloir moderniser les institutions et faire notre bonheur. Leur hypocrisie me sidère, tant ce qu’ils disent et écrivent est contredit par la réalité.

Le président de la République, Emmanuel Macron, avouait vouloir faire une ‘’Révolution’’, déguisant sa véritable politique qui ne rend compte à personne en utilisant les opportunités d’une Constitution antidémocratique, adoptée à la suite du retour au pouvoir d’un général à la retraite après ce qui ressemblait à un coup d’Etat.

Emmanuel Macron, donc, a obéi à la requête du patronat, énoncée par Denis Kessler en 2007 : défaire méthodiquement le programme du CNR.

Pour cela, Emmanuel Macron, le petit soldat du capitalisme, n’est pas passé par une révolution, il a agi et agi encore méthodiquement.

Il a affaibli le code du travail, les services publics (SNCF, hôpitaux, maternités, éducation nationale), les retraites, l’assurance chômage, les prud’hommes ; en revanche, il a supprimé l’ISF, baissé les cotisations sociales patronales et les impôts des entreprises, renforcé les mesures sécuritaires. Puis, il a répondu aux obsessions de l’extrême droite sur l’immigration, en légiférant sur le prétendu séparatisme d’un islamisme radical fantasmé.

Aujourd’hui, il sort de nouveaux dossiers : la suppression du droit du sol à Mayotte (avant de l’étendre partout ?) et une nouvelle réforme du code du travail. Dernière sottise annoncée, le réarmement idéologique des citoyens : moral, civique, sécuritaire, économique. Là, les mots ne se cachent plus. La France doit adopter les postures militaires. Et chanter la Marseillaise chaque matin.

Tout ce que le pays compte de réactionnaire est mobilisé pour ce réarmement : Vincent Bolloré et ceux qu’il a déjà embarqué dans sa croisade, Pascal Praud, Cyril Hanouna, Ségolène Royal, et Philippe de Villiers. Celui-ci connaît une nouvelle jeunesse et s’en prend à l’avortement qu’il qualifie de masse en faisant un chassé-croisé avec l’immigration de masse ; il fustige les lois anti-chrétiennes et invoque même Childéric.

Les nostalgiques de la vieille France catholique, d’un temps où les syndicats n’existaient pas, où les journaliers étaient attachés à la terre des nobles. Marine Le Pen, Jordan Bardella, Eric Zemmour et Marion Maréchal, ne se sentent plus obligés de parler haut et fort ; ceux dont on vient de parler ont entrepris le retour à l’Ancien Régime dont ils rêvaient. Ils ont trouvé des complices ; et ces agités de la calotte ou ces gouvernants le font pour eux, sur tous les médias où leur est accordé une place ou un temps d’antenne démesuré.

Les citoyens assistent, parfois indifférents, mais hélas avec de plus en plus d’adhésion, à un implacable naufrage idéologique et un recul civilisationnel et social sans précédent.

Au secours, les discours racistes ne se cachent plus ; les patrons licencient pour améliorer les dividendes insultants pour les salariés ; les discours bellicistes appellent à la mobilisation. Et les citoyens qui ne sont pas les ‘’nobles’’ d’hier, mais plutôt le ‘’Tiers Etat’’ s’engluent dans la pauvreté.

Est-ce supportable encore aujourd’hui dans l’un des pays les plus riches de la planète ? Si les grèves dures parfois et si les contestations déterminées se multiplient, c’est hélas en ordre dispersé, loin du mouvement nécessaire pour s’opposer à une régression insoutenable des lois de la démocratie.

Infini servage

L’ONU, dominée par les hommes comme toute institution de pouvoir, est un lieu d’affrontement idéologique ; si elle a fait du 8 mars la journée internationale des femmes, son agence ONU Femmes l’a rebaptisée Journée internationale des droits des femmes.

La nuance est importante. L’ONU Femmes aurait pu aller plus loin encore, car à l’origine, le 8 mars est une journée internationale de lutte pour les droits des femmes et contre les inégalités. Ce sont les luttes féministes, notamment celles des femmes révolutionnaires, qu’on célébrait pour aller plus loin dans les conquêtes.

En France, Emmanuel Macron profite de cette journée pour graver le vote du Congrès pour la ‘’liberté’’ de recourir à l’IVG et tenter d’en tirer un bénéfice politique. Si l’avancée décisive, elle est encore freinée par les réactionnaires et en retrait par rapport à l’appellation de l’ONU Femmes, députés et sénateurs ont refusé le mot ‘’droit’’ pour le limiter à une simple liberté.

La France a encore d’énormes progrès à faire pour atteindre l’égalité des femmes avec les hommes. La mobilisation unitaire des organisations syndicales est le signe que les femmes, ici, ne lâchent rien et que les consciences s’éveillent encore.

Mais ailleurs des millions de femmes souffrent plus encore qu’en France. Qu’on pense à leur situation à Gaza, Kaboul, Téhéran, Riyad, Islamabad, Brasilia, Jakarta, Ankara, Malte, Rome, Varsovie, Brasilia, Bogota, en Floride ou au Texas, La liste est trop longue des pays où les femmes n’ont pas ou peu de droits.

Il y a presque cinquante ans, Jean Ferrat chantait : « Entre l’ancien et le nouveau / Votre lutte à tous les niveaux / De la nôtre est indivisible / Dans les hommes qui font les lois / Si les uns chantent par ma voix / D’autre décrètent par la bible / La poète a toujours raison / Qui détruit l’ancienne oraison / L’image d’Eve et de la pomme / Je déclare avec Aragon / La femmes est l’avenir de l’homme / Pour accoucher sans la souffrance / Pour le contrôle des naissances / Il a fallu des millénaires / Si nous sortons du moyen âge / Vos siècles d’infini servage / Pèsent encor lourd sur la terre ».

Les syndicats n’ont pas oublié les paroles du poète : les luttes des femmes n’ont pas encore aboli l’infini servage !

En même temps

Hier, l’atmosphère était plutôt à l’euphorie et à la fête après l’inscription de la loi garantissant la liberté de recourir à l’IVG dans la Constitution.

C’est de toute évidence une victoire immense pour toutes les femmes qui se sont battues pendant de longues années et non la seule volonté du président ! Et, faut-il le rappeler, le texte final ne reconnaît qu’une liberté et non un droit : la liberté est garantie par la loi (donc révisable), alors que le droit est garanti en lui-même. La nuance mérite d’être relevée.

Emmanuel Macron se présente comme ‘’le’’ fervent défenseur des femmes et tente de tirer la couverture à lui. Défenseur des femmes ? Pas autant que son entourage voudrait le faire croire.

Les femmes ne sont pas dupes de l’opération politicienne quand d’autres décisions viennent tempérer les mérites du président.

A l’automne dernier, Aurore Bergé claironnait qu’une Aide universelle d’urgence, permettant aux femmes victimes de violences de bénéficier d’une aide financière pour pouvoir quitter leur domicile, était créée avec un budget de 13 millions. Dans le cadre du rabotage du budget de l’Etat de 10 milliards (quand même), la ministre devra se contenter de 6 millions. Le ministre de l’économie lui a pris 7 millions dans la poche.  Les pauvres femmes violentées par leurs conjoints attendront des jours meilleurs, mais continueront à recevoir des coups faute de pouvoir quitter le lieu de leurs souffrances !

Autre ministre femme à souffrir du macronisme, Rachida Dati. La nouvelle ministre de la culture, jubilait : elle héritait d’un budget qui allait lui permettre de faire des miracles et de sauver la culture à Paris, contrairement à la politique de l’actuelle maire, Anne Hidalgo.

Quelques jours après son intronisation dans le fauteuil de Rima Abdul-Malak, Bruno Le Maire a amputé son budget de 200 millions. Les artistes apprécieront ; Rachida Dati, elle, est réduite à broyer du noir dans un gouvernement qui confirme que la culture n’est pas une priorité pour Macron, ni pour Le Maire.

La pauvre ministre mesure aujourd’hui ce que valent les engagements d’Emmanuel Macron. Du coup, elle en a perdu la raison. Elle a, par exemple, annoncé vouloir créer une maison du hip-hop à Paris. Hélas pour elle, il en existe déjà deux. Sa campagne électorale commence vraiment très mal ; élue municipale, elle devrait mieux relire les délibérations du conseil de la capitale.

Le ‘’en même temps’’ de Macron n’en finira jamais de nous surprendre. Et de plonger le pays dans la régression.

Demain, il sera trop tard

Les journaux économiques égrènent chaque jour les résultats faramineux des grands groupes industriels, les montants exorbitants des dividendes touchés par des actionnaires avides de ‘’cash’’ et les fortunes extravagantes de quelques milliardaires.

Ils sont moins bavards quand il s’agit de donner les chiffres de la pauvreté qui ne cesse, elle, de s’étendre dans tous les pays, riches (mais endettés) comme émergents (sans solution).

Les journaux économiques taisent que les résultats des grands groupes ont été obtenus avec pas mal d’aides extérieures, puisées dans les innombrables impôts et taxes, en fait dans nos poches, au détriment des services publics.

Les peuples savent tout cela et, cependant, ils continuent d’installer sur les sièges du pouvoir des présidents, de la majorité des députés et d’élus locaux dont la seule boussole est de défendre les privilèges de quelques capitalistes qui n’osent plus se déclarer comme tels, mais comme libéraux après avoir détourné la définition du libéralisme.

Les mêmes journaux économiques, par exemple Les Echos, propriété de l’un des hommes les plus riches du monde, ont déjà installé Marine Le Pen sur le siège présidentiel et son bras droit sur celui de premier ministre. Leur inclinaison sentimentale s’en accommode volontiers. Notre indignation ne les bouleverse nullement ; ils sont indifférents à toute considération d’ordre moral.

Clara Zetkin, la révolutionnaire allemande, nous a averti dans son discours au congrès de Tours en 1920 : « L’histoire ne nous montre pas un seul cas d’une classe dominante et exploitante qui ait renoncé volontairement à sa position de pouvoir. » Ella ajoutait : « La démocratie est la force la plus parfaite de la domination des classes bourgeoises. » 

Plus près de nous, c’est un défenseur du système, Gary Becker, qui venait confirmer les analyses de Clara Zetkin, en les replaçant dans le nouveau contexte de la mondialisation. Becker, donc, prix de la Banque de Suède en sciences économiques (baptisé ‘’prix Nobel d’économie’’), écrivait dans Business Week en août 1993 : « Le droit du travail et la protection de l’environnement sont devenus excessifs dans la plupart des pays développés. Le libre-échange va réprimer certains de ces excès en obligeant chacun à rester concurrentiel face aux importations des pays en voie de développement. »

Sachant tout cela, est-on prêt à asseoir la famille Le Pen (et ses clones) ou un prétendu libéral (un clone de Macron) sur le siège du pouvoir.

Demain, il sera trop tard pour le déplorer.

Obscurantisme télévisuel

Les chaînes sulfureuses détenues par le groupe de Vincent Bolloré commencent à indisposer jusqu’au Palais Bourbon. La ‘’Commission d’enquête sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre’’ de l’Assemblée nationale a auditionné une dizaine de dirigeants du groupe Canal+ le 29 février, dont Maxime Saada, Serge Nedjar ou Gérald-Brice Viret, et trois journalistes (Pascal Praud, Sonia Mabrouk et Laurence Ferrari), avant de recevoir Vincent Bolloré puis Cyril Hanouna à la mi-mars.

Les députés avaient tellement de questions à poser à l’état-major idéologique des chaînes de Vincent Bolloré, que l’audition a duré près de 6 heures. Sans surprise, elle a permis d’entendre un flot de mensonges et de contre-vérités ! Il n’est pas facile d’avouer que Canal+, CNews et C8 sont au service des thèses les plus réactionnaires et du catholicisme intégriste quand on est devant les élus du peuple chargés de contrôler l’application des dispositions réglementaires.

L’un des hommes liges du milliardaire breton a osé affirmer : « Je n’ai jamais eu d’intervention directe de Vincent Bolloré sur les programmes. Je ne le croise quasiment jamais. » Avant que Serge Nedjar n’avoue : « Je crois qu’il vient deux fois, à peu près une ou deux fois par mois chez Canal. Je vais donc une ou deux fois par mois chez Canal (…) et j’ai la chance de rencontrer à ce moment-là, quand il est là, Vincent Bolloré (…) C’est essentiellement pour me parler des audiences, pour nous rassurer quand elles ne sont pas bonnes ou nous féliciter, tous les jours ou tous les deux jours. Et il se trouve qu’en ce moment, on bat BFM tous les jours ! »

Sans blague !

A propos des ‘’excès’’ de Cyril Hanouna, on appréciera la justification des dirigeants du groupe : « Ce qui fait le succès de Cyril Hanouna, qui rassemble 2 millions de téléspectateurs chaque jour, c’est sa nature, sa spontanéité et ça peut donner lieu, quand on est en direct, à des débordements. Mais quand on est sanctionné, on se conforme à la sanction. C’est un risque que nous assumons pleinement. »

Un risque revendiqué : il est dans la nature même de la chaîne de rechercher le ‘’buzz’’ qui fait grossir l’audience. Les reprises par d’autres médias et, par voie de conséquence les contrats publicitaires.

Puis, quand les députés présents ont abordé le scandale provoqué au cours de l’émission religieuse ‘’En quête d’esprit’’ affirmant que l’avortement est la première cause de mortalité dans le monde, devant le cancer et le tabagisme, c’est Serge Nedjar qui osera avancer que « l’émission a été enregistrée le vendredi. Nous l’avons regardée et montée sans cet épisode puis elle a été transmise à Europe 1 où l’émission passe en même temps que sur CNews le dimanche. Mais c’est la version première et non la V2 qui est passée. C’est un traumatisme pour nous tous… »

Enfin, la députée Sophie Taillé-Polian (Génération.s) s’est offusquée de l’absence de pluralisme sur CNews quand « on considère ses invités comme des punching-balls », c’est Pascal Praud qui, toute honte bue, a eu cette réponse suffocante : « Je fais 3 h 30 d’émission par jour sur CNews. Je fais donc à peu près 60 heures d’émission par mois, ce qui fait 600 heures par an. Depuis 2016, j’ai donc dû faire 4 000 heures d’émission sur CNews. A chaque fois qu’on ne modère pas un propos, on s’en veut et ça arrive, hélas, parce que nous sommes des êtres humains. »

Que les émissions soient en direct ou enregistrées, le groupe Canal+ a vraiment un problème de contrôle des contenus.

Si le laudateur de l’extrême droite est épuisé (au bord du burn-out), il faut initier une pétition pour lui permettre de se reposer !

Vincent Bolloré serait donc un de ces patrons-négriers, qui imposent des cadences infernales. A notre connaissance, le champion de la logorrhée franchouillarde n’a pas protesté quand le Breton lui a intimé l’ordre d’intervenir également sur Europe1 à la rentrée dernière. Les téléspectateurs et les auditeurs subissent les conséquences d’un surmenage qui ne permet plus au journaliste de se contrôler ?

Ces auditions ont eu le mérite d’étaler le système Bolloré au grand jour. Au service d’une idéologie obscurantiste ; au détriment d’une information qui éclaire le citoyen.