La Chouette qui hioque

Mois : décembre 2020 (Page 1 of 2)

Argentina ! Argentina !

Il sera dit que la sale année 2020 se terminera enfin par une bonne nouvelle, qui réjouira de nombreuses femmes dans le monde : le Sénat argentin a voté la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) jusqu’à 14 semaines.

Le projet de loi avait été repoussé par les sénateurs par 38 voix contre 31 et 2 abstentions en 2018 ; hier il a été adopté par 38 voix contre 29 et 1 abstention. Le retournement de situation est significatif ; il est à mettre au compte de l’opiniâtreté des militantes argentines de la ‘’Campagne pour un avortement légal, sûr et gratuit’’.

Courageuses femmes argentines ! Elles ont toujours su se mobiliser quand la situation l’exigeait. Des ‘’Folles de Mai’’ qui, de 1976 à 1983, ont combattu la dictature de la junte militaire de Videla aux féministes d’aujourd’hui, elles ont fait preuve d’une détermination de tous les instants.

Leur victoire pour le droit à l’avortement prend encore plus de relief dans le pays du pape François. Celui-ci avait multiplié les interventions pour appeler les sénateurs à voter contre la loi avec des propos violents ; en 2018, il avait osé affirmer qu’avorter ce serait comme « engager un tueur à gages pour résoudre un problème ». Le 28 novembre dernier, il utilisait la même formule en écrivant à un groupe de femmes anti-avortement : « Est-il juste d’éliminer une vie humaine pour résoudre un problème ? Est-il juste d’engager un tueur à gages pour résoudre un problème ? » Le pape, plus progressiste sur de nombreuses questions, n’a pas varié sur d’autres, notamment sur l’IVG. Déjà en 216, il avait défini l’avortement comme un crime et il avait ajouté :« C’est tuer quelqu’un pour sauver quelqu’un d’autre. C’est ce que fait la mafia. C’est un crime, c’est un mal absolu.»

Le pape François est trop intelligent pour utiliser des mots aussi connotés que crime absolu, mafia et tueurs à gages sans en mesurer les effets sur la population argentine. Visiblement, il n’a pas été entendu.

L’Eglise catholique est en crise au point de délaisser sa rhétorique mielleuse pour les insultes. Elle est à contre-courant des évolutions des populations et des femmes en particulier qui revendiquent leur juste place dans la société et veulent disposer de leur corps en toute liberté.

Le pape François a commis une grave erreur ; son entourage au Vatican, vivant dans le luxe et l’hypocrisie, les cardinaux et les évêques insensibles aux maux du monde précipitent la chute de leur religion. Ils s’immiscent dans la gouvernance de trop nombreux pays où les peuples se rebiffent.

Tout ce beau monde du Vatican va peut-être avaler de travers l’hostie en commentant les résultats du vote en Argentine, mais il continue à se couper des peuples, comme en Pologne. Les femmes du pays de Jean-Paul II, en effet, rejettent de plus en plus fermement la tutelle de l’Eglise sur leur vie intime. Assurément, elles vont trouver de nouveaux motifs d’encouragement pour lutter contre le carcan qui leur est imposé par le PIS, un parti réactionnaire, franchisé par les représentants du pape.

Aujourd’hui, on a envie de reprendre le cri des femmes de Buenos-Aires scandant « Argentina ! Argentina ! »

Macron, toujours plus à droite

Les lecteurs de ce blog savent que je n’apprécie pas Emmanuel Macron, pas l’homme mais ses idées et sa politique, intérieure comme extérieure. Je crois que je vais encore plus le détester, si c’est possible.

Nous sommes encore à près d’un an de l’élection présidentielle et il est déjà en campagne. En 2017, il proclamait n’être « ni de droite, ni de gauche » et il écrivait un livre programme au titre ambitieux, Révolution.

Aujourd’hui, après trois ans et demi d’exercice du pouvoir, le profil du président de la République s’est affirmé : il est bien le seul responsable des orientations gouvernementales ; il a rangé les ministres au rang des accessoires et dirige seul, tout en assumant avoir nommé aux ministères-clés des hommes de la droite rance, des suppôts d’hier de Nicolas Sarkozy, que les électeurs ont jeté dans les poubelles de l’histoire en 2012.

Il n’utilise plus l’expression qui a tant contribué à son succès électoral, le ‘’ni de droite, ni de gauche’’, il est tout entier de droite et de plus en plus à droite au point de chasser sur les terres de l’extrême droite, celle de Maurras, de Brasillach, de Pétain, etc., auxquels il rend des hommages appuyés.

Emmanuel Macron ment, comme beaucoup de ses prédécesseurs, comme Hollande quand il prétendait que son seul ennemi était la finance ; il met en application les vieux dogmes de la droite, assumée ou dissimulée, pour laquelle la politique est l’art de ne pas dire la vérité.

Il ne pense qu’à sa réélection et il a tiré un trait sur l’électorat de gauche. Ses récentes décisions sont ouvertement destinées à séduire toute la droite, celle des prétendus centristes, celle des Républicains et celle des extrêmes droites et toutes les occasions sont mises à profit pour danser un tango langoureux avec la France franchouillarde, raciste, anti-immigration, réactionnaire, sacrifiant les intérêts de la France populaire. Il téléphone pendant trois quarts d’heure à Eric Zemmour, condamné à plusieurs reprises pour ses idées nauséabondes, il donne une longue interview à Valeurs actuelles, il fait des cadeaux à Philippe de Villiers, le ‘’fou du Puy’’, et, s’en étonnera-t-on, il envoie un de ses missi dominici déjeuner avec Marion Maréchal, comme on vient de l’apprendre.

Emmanuel Macron est un homme madré ; il ne laisse rien au hasard. Il ment effrontément par pur calcul politicien. Mais ses mensonges sont ceux de ces élus qui sont en difficulté auprès de la France laborieuse, celle de ceux qui n’ont rien.

Alors, décidément, je n’apprécie pas l’hôte de l’Elysée.

Pauvre France.

Le pognon de dingue du Qatar

Le funeste virus baptisé Covid19 a précipité l’économie mondiale dans un chaos profond. La crise financière avait déjà provoqué des dégâts considérables, non imputables à la sale maladie infectieuse ; le printemps s’annonce donc encore plus catastrophique pour des millions de salariés. La contraction de l’activité industrielle est mise à profit par quelques grands groupes (et d’autres plus modestes) pour supprimer des milliers emplois, augmentant la cohorte des chômeurs et généralisant les inégalités.

Les prétendues lois du marché ne sont pas remise en cause, bien au contraire, par les prédateurs ; la situation est chaotique et ils font appel aux Etats pour alimenter plan de sauvetage ici, plan de relance là. A coup de centaines de milliards. Curieuse loi du marché qui privatise les bénéfices mais nationalise les pertes. Curieuse politique qui invoque la crise pour refuser des crédits aux hôpitaux, à la recherche, aux universités, à l’école, aux transports publics, etc., et qui, subitement, trouve des centaines de milliards pour ‘’aider’’ les entreprises (pas les salariés).

Les vies de millions de personnes sont malmenées et exigent des mesures d’urgence pour que les jours d’après soient non pas heureux, mais moins dramatiques. Les contribuables, au bout du compte, seront mis à contribution, mais pas les vrais bénéficiaires du système, au nom de la préservation de la liberté du marché et de la concurrence libre et non faussée.

Pourtant, oui pourtant, l’argent coule à flot dans certains milieux. L’industrie de guerre ne connait pas de ralentissement, quand des milliards sont investis chaque jour dans la course aux armements ; le football de haut niveau croule sous les pétrodollars.

Le PSG, racheté par Qatar Sport Investment (QSI), filiale du fonds souverain de l‘émirat, Qatar Investment Authority (QIA), en est sans doute le cas le plus scandaleux. Il vient de licencier son entraîneur, l’Allemand Thomas Tuchel, et de lui payer son salaire jusqu’au terme de son contrat, pour le remplacer par l’Argentin Mauricio Pochettino au salaire encore plus somptueux, très certainement. Avec l’espoir de favoriser l’achat du prodige argentin Lionel Messi.

Les dirigeants qataris sont prodigues, le manager, le Brésilien Leonardo Nascimento de Araujo, est versatile. Ils dépensent sans compter des sommes folles pour assouvir leur caprice, gagner la Coupe d’Europe.

Depuis leur prise de contrôle en 2011, les dirigeants qataris ont investi près de deux milliards d’euros pour acheter les meilleurs joueurs du monde. Mais ils ont été incapables de comprendre que le football n’est qu’un jeu et ne répond pas aux seules lois du marché et de l’industrie. L’argent ne rend pas plus intelligent. Ils en font la démonstration chaque jour.

Mais, comme tout nouveau riche, les dirigeants de QSI (son président, Nasser al-Khalaïfi, est ministre sans portefeuille au sein du gouvernement de Doha) ont fait du football un instrument de reconnaissance diplomatique. L’instrument n’a pas encore apporté la preuve de sa fiabilité.

Le pognon de dingue dépensé dans le fonctionnement du PSG aurait été mieux utilisé s’il avait servi à rémunérer honnêtement une main d’œuvre étrangère exploitée dans des conditions de misère absolue dans l’émirat. Le Qatar, malgré le PSG (ou à cause de lui) n’a rien gagné au niveau de sa reconnaissance diplomatique et n’a toujours pas gagné ‘’sa’’ coupe d’Europe.

Les victimes économiques du coronavirus et de l’effet d’aubaine des patrons sauront-ils faire le rapprochement entre tous les événements qui secouent nos pays pour demander des comptes à ceux qui font preuve d’une complicité active dans la perpétuation d’un système qui entraînent le plus grand nombre de citoyens dans la misère ?

Que le PSG gagne ou non la Coupe d’Europe ne changera pas la situation des chômeurs ; en revanche, l’argent dépensé par les qataris pourrait améliorer la vie quotidienne de millions de pauvres.

Qu’attend-on pour le confisquer et le répartir équitablement ?

Eclat de rire

L’un de mes écrivains préférés, José Saramago, m’avait mis l’eau à la bouche en parlant dans son blog d’un autre grand écrivain portugais, José Maria Eça de Queiroz. Il lui avait alors emprunté quelques mots pour parler de son aversion pour Silvio Berlusconi. Il écrivait : « Eça de Queiroz disait que, si nous promenions un éclat de rire autour d’une institution, elle s’écroulerait, tout en morceaux. »

On peut rire de tout ; mais peut-on encore promener un éclat de rire aujourd’hui ? L’actualité nous donne plutôt envie de verser une larme en lisant les gazettes.

En Italie, à Vérone plus précisément, les représentants de la Lega Nord, oui le mouvement de Matteo Salvini, et ceux de Fratelli d’Italia, ceux de Georgia Meloni, ont voté par 20 voix contre 7 et une abstention, la déchéance de l’écrivain Roberto Saviano, le pourfendeur des mafias (Gomorra) de sa citoyenneté d’honneur accordée par la ville en 2008.

Il a aussitôt réagi : « Dans une Vérone bigote, façonnée par Zelger et d’autres conseillers de la majorité, tout raisonnement ou proposition sur des questions faisant polémique doit être interditMais Véronevaut bien mieux que les pitres qui la représentent maintenant au conseil municipal. Il existe une ville dont je sais qu’elle est ouverte et plurielle, contrairement à l’image que certaines administrations tentent d’en donner ».

Une belle réplique, qui devrait donner néanmoins à réfléchir à tous les citoyens prêts à donner leur voix aux candidats de la famille Le Pen et à d’autres qui tendent de plus en plus à leur emprunter les idées nauséabondes.

En France, le journaliste Stéphane Guy a été licencié de Canal+ après 23 années passées sur la chaîne cryptée pour s’être montré « déloyal » envers son employeur. Il avait été préalablement mis à pied pour avoir envoyé un message de soutien à l’humoriste Sébastien Thoen, lui-même licencié par la chaîne. Ce dernier avait parodié Pascal Praud et Jean Messiha de l’émission de CNews, ‘’L’heure des pros’’.

Stéphane Guy avait alors osé dire à l’antenne :« Je veux saluer l’ami Sébastien Thoen qui n’a pas eu la sortie qu’il aurait méritée. On lui souhaite bon vent. »

Pascal Praud, pauvre pantin ridicule, habitué des dérapages franchouillards, aboyeur bouffi d’orgueil, et Jean Messiha, prétendu économiste, ex-adhérent du Front national puis du Rassemblement national, invité permanent des chaînes du groupe Canal+, sont les petits protégés de l’ultra-catholique Vincent Bolloré, le brutal patron du groupe éponyme et de Vivendi. Ceci explique cela.

A Vérone comme dans les médias du groupe de Vincent Bolloré, on ne rit pas, on a plutôt tendance à avoir peur de la bêtise des dirigeants et de leurs réactions autoritaires. On redoute aussi leur influence grandissante dans la propagation des idées d’extrême droite, celles de Silvio Berlusconi, de Marine Le Pen et de quelques autres dangereux personnages racistes, aux frontières du fascisme, véhiculant la théorie du grand remplacement et la haine de l’autre.

L’invitation d’Eça de Queiroz à promener un éclat de rire autour de ces institutions est éminemment souhaitable ; hélas, nos éclats de rire ne suffiront pas à nous débarrasser des Matteo Salvini, Georgia Meloni et Vincent Bolloré, Pascal Praud et Jean Messiha.

La grâce sélective de Trump

Tout ce que la voyoucratie républicaine que comptent les Etats-Unis a reçu un joli cadeau de la part de Donald Trump : en quelques jours le président non réélu a gracié vingt condamnés mardi puis vingt-six mercredi dans l’affaire des interférences russes dans l’élection présidentielle de 2016. D’autres avaient été annoncées précédemment.

Tous les bénéficiaires de la mansuétude font partie de l’entourage direct de Trump. Parmi eux, on retrouve même d’anciens mercenaires, condamnés à mort pour la mort de civils irakiens, et, est-ce un hasard le père de son gendre, Jared Kushner. Mais deux hommes ont été écartés de la grâce, son ancien avocat et son ex-directeur adjoint de campagne. Le locataire de la Maison Blanche sous le coup d’une expulsion (le 20 janvier) a la rancune tenace : ces deux-là avaient eu l’audace de coopérer avec la justice et de témoigner à charge. Résultat ? Ils sont punis.

Les décisions de Trump provoquent une indignation générale, notamment parmi les juges. Mais sans pouvoir s’y opposer, hélas.

Pour l’heure, ni Julian Assange, ni Edward Snowden, lanceurs d’alerte, n’ont bénéficié du même traitement que les amis de Trump.

Trump a la justice de classe chevillée au corps. Depuis le mois de juillet, neuf condamnés à mort ont été exécutés depuis le mois de juillet (et quatre autres sont programmées avant le 20 janvier), contrairement à une tradition de 131 ans qui veut que les présidents sortants y sursoient et laissent le choix au président élu.

Les décisions de Trump sont hautement politiques. Il gracie son entourage pour se protéger d’éventuelles poursuites à son encontre et, comme l’écrivait un journaliste, il tente de soigner son image de président de la loi et de l’ordre, préservant ainsi son espoir d’une réélection en 2024, en « tuant autant de personnes que possible le plus rapidement possible ».

Trump est non seulement un imbécile, mais il est un dangereux personnage, dont les méthodes n’ont rien de démocratiques. Vivement qu’il s’en aille pour oublier ce cauchemar que fut son mandat.

Dieu et le père Noël

Le pape François a (un peu) ébranlé l’Eglise catholique et, surtout, la curie romaine. Les adorateurs transis de Jean-Paul II et de Benoït XVI (Joseph Ratzinger), les deux vieillards cacochymes, ont dû en avaler l’hostie de travers. Si les efforts de l’ex-cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio restent certes minimes quand il s’agit d’aborder les questions de l’euthanasie et de l’avortement, du célibat des prêtres et du mariage homosexuel, le pape François apparaît moins traditionnaliste et plus tolérant que ses deux prédécesseurs.

En ce 23 décembre, on peut mesurer le lent cheminement parcouru par le monde catholique. A Dijon, à deux jours de la célébration de la naissance divine, en 1951, le clergé avait invité 250 enfants sur le parvis de la cathédrale Saint-Bénigne à brûler une effigie du père Noël considéré comme usurpateur et hérétique. L’évêque de Dijon, ultraconservateur, dénonçait depuis plusieurs années la ‘’paganisation’’ de la fête de la Nativité. L’affaire avait fait grand bruit. Faire monter le père Noël sur le bûcher était au moins aussi scandaleux que de brûler des livres au cours d’autodafés, chères à l’Inquisition et aux Nazis. Les bigotes et le bourgeois de Dijon n’avaient pas eu un mot pour condamner cet acte barbare.

Neuf ans plus tard, le clergé de Dijon et l’évêque Mgr Sembel en tête, sans doute des gens très intelligents, avaient à nouveau manifesté leur étroitesse d’esprit saint en interdisant au célèbre chanoine Kir, maire de la ville, de rencontrer son ami Nikita Khrouchtchev, dont la visite officielle en France faisait étape dans la cité des ducs de Bourgogne.

Le chanoine Kir avait publié un communiqué le 26 mars 1960 à la veille de la rencontre : « En raison de la défense qui m’a été faite par S. E. Mgr l’évêque de Dijon je ne recevrai pas M. Khrouchtchev. Une délégation de la municipalité tiendra les engagements que j’ai pris et accueillera le chef du gouvernement soviétique lundi à l’hôtel de ville. »

L’évêque, lui, avait écrit dans le bulletin de la vie diocésaine : « Nous demandons au clergé, aux communautés et aux fidèles, à l’occasion des visites réciproques de chefs d’État, de prier le Seigneur afin qu’elles fassent avancer la question de la paix dans le monde, mais ne constituent, pas une propagande favorable au communisme. Nous leur demandons aussi de continuer de prier pour l’Église du silence, pour qu’elle recouvre enfin la paix et la liberté après tant d’années de persécutions, d’emprisonnements et de martyre. En outre nous demandons aux prêtres du clergé séculier et régulier de s’abstenir de toute participation aux manifestations qui pourront se dérouler à l’occasion du passage du chef communiste athée. »

Peut-on imaginer cela aujourd’hui ?

Le chanoine Kir était de la trempe du pape François et déterminé à faire bouger l’Eglise catholique, si bien qu’il avait réussi à faire plusieurs pieds de nez à sa hiérarchie. Le 17 mai 1960, il rencontra Khroucthchev à l’ambassade soviétique à Paris puis il se rendit à Moscou en 1964 et s’entretint au Kremlin avec le leader ‘’athée’’. Enfin, le maire de Dijon devait faire ressusciter le père Noël de ses cendres encore chaudes en le faisant descendre des toits puis le long de la façade de l’hôtel de ville, largement éclairés par de puissants projecteurs pour aller saluer les enfants réunis dans la cour de la maison commune. Un geste pour rattraper la faute originelle ?

Le chanoine avait réussi avec sa gouaille à faire reculer le Dieu agent de discorde des fondamentalistes du diocèse de Dijon et à se placer du côté des hérétiques et des athées. Il était assurément irrévérencieux envers les fous de dieu et les bigotes, mais sans être pour autant hérétique et sacrilège.

Au moment où les réactionnaires convoquent Dieu pour justifier les pires délits au prétexte de s’opposer aux blasphèmes et à la profanation, il est bon de rappeler que leurs dieux, Yahvé ou Allah, restent un problème, malgré les chanoines Kir et les papes François (et combien d’autres) qui ne veulent pas tuer ou commettre des délits au nom d’un père tout-puissant ou d’un prophète.

Vive la Suisse !

La société s’enfonce dans la crise, profonde ; les inégalités se creusent et la pauvreté fait de nouvelles victimes chaque jour, avec son lot de drames cachés et tus. Parallèlement, la société devient plus conflictuelle. La valeur de tolérance s’effondre avec, semble-t-il, la maturité intellectuelle, largement obérée par les informations et prétendus débats qui se multiplient sur les chaînes de télévision (et ailleurs, hélas).

L’intolérance insupportable envers les immigrés des racistes et fascistes de plus en plus nombreux ne se cache même plus ; elle est assumée par ceux qui cherchent l’audience qui attirera la publicité et la reprise par d’autres médias. Les insultes pleuvent en direct ; elles se manifestent dans des diatribes agressives et violentes. On peut y voir un échec de l’éducation et d’une résurgence des instincts primaires de l’individu. Mais on ne doit pas s’en satisfaire. On est pris de rage quand on apprend qu’une jeune femme, belle, intelligente, Rokhaya Diallo, a été insultée par une auditrice de Sud Radio parce qu’elle a, à ses yeux, le tort d’avoir la peau noire ; on est en colère quand une seule ministre, celle de la culture, s’indigne et que Marlène Schiappa reste muette.

Les insultes visant April Benayoun proférées par des antisémites qui se cachent derrière unpseudonyme au prétexte qu’elle est juive sont également insupportables.

Le racisme et le fascisme ne doivent pas continuer à gangréner notre société, au mépris de toutes les luttes pour une vraie France plurielle et laïque. Mais tant que des énergumènes comme Zemmour, pour ne parler que de lui, continueront à sévir sur tous les médias de la droite franchouillarde, ceux qui rêvent d’une France monocolore et catholique trouveront un terrain favorable.

Nos gouvernants sont en accusation. Le racisme est un délit et le fascisme une monstruosité. La Tribune de Genève publie aujourd’hui une sentence qui grandit la Confédération helvétique. Un homme de quarante ans qui se définit comme raciste, xénophobe et antisémite et qui se défoule sur un site Internet et son compte Twitter, a été condamné à 160 jours de prison ferme. La Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad) qui avait signalé cet individu, s’est félicitée de la sentence : « Face au racisme, l’antisémitisme et la discrimination, la tolérance zéro est de mise pour les quelques activistes tels que celui qui vient de faire l’objet d’une condamnation

En France, Eric Zemmour, lui, a été condamné pour provocation à la discrimination raciale en 2011, à la provocation à la haine religieuse envers les musulmans en 2018, pour injure et provocation à la haine envers les musulmans en 2020, à de simples amendes. Et il peut continuer à mentir en direct.

Vive la Suisse !

Transparence

La secrétaire d’Etat au budget et à la protection des consommateurs du gouvernement belge, Eva De Bleeker, a créé l’embarras au sein des milieux politiques de son pays, mais aussi au sein des instances européennes. Grâce au Parlement.

Eva De Bleeker avait dû répondre aux interrogations des députés pendant plus de trente heures sur les moyens mis par le gouvernement pour acheter des vaccins contre le coronavirus. D’abord réticente à donner des chiffres, la ministre a fini par publier sur son compte Twitter un tableau détaillé donnant le prix de chaque vaccin et le montant des factures des laboratoires respectifs pour la Belgique.

On sait donc que le prix des doses va de 1,78 euro pour le vaccin d’AstraZeneca à 14,68 euros pour celui de Moderna (6,93 pour Johnson &Johnson, 7,56 pour Sanofi/GSK, 10 pour Curevac et 12 pour Pfizer-BioNTech), soit une échelle de 1 à 8.

La Commission européenne a cru important de faire savoir que « tout ce qui concerne des informations comme le prix des vaccins est couvert par la confidentialité, c’est une obligation très importante. C’est une exigence contractuelle. »

L’instance européenne, visiblement agacée, condamne ce qui devrait être une pratique habituelle. Les laboratoires vont honorer des commandes passées par des Etats et toucher des fonds publics ; les citoyens ont donc toute légitimité dans une démocratie digne de ce nom pour savoir (et contrôler) comment l’argent public est utilisé et comment leurs représentants se comportent avec des laboratoires pharmaceutiques qui bénéficient tous de financements publics pour leurs recherches.

On  s’étonne donc de l’étonnement de la Commission européenne.

Voilà un épisode qui vient nous rappeler que les accords dits transnationaux donnent des pouvoirs exorbitants aux grands groupes industriels qui peuvent avancer la confidentialité des contrats pour s’exonérer de toute transparence et poursuivre les lanceurs d’alerte.

Eva De Bleeker dit désormais qu’elle a peut-être été « un peu trop transparente » ; ah ! Que non. La secrétaire d’Etat belge a simplement rendu compte de son action auprès de ceux qui l’ont élue puis portée au gouvernement belge. Et tant pis pour les susceptibilités des commissaires européens et des laboratoires.

Caricature et caricatural

Jacques Maire, député du parti macronien La République en marche prétend défendre la caricature, mais quand c’est lui qui est croqué, il se déchaîne. Surtout quand à sa caricature est associé son vote au Palais-Bourbon en faveur de la loi liberticide, dite de sécurité globale.

Cela demande des explications.

Le député des Hauts-de-Seine vient de porter plainte contre X pour acte d’intimidation envers un élu public et diffamation envers un fonctionnaire dépositaire de l’autorité publique. Rien que ça !

En premier lieu l’élu susceptible n’a pas apprécié d’avoir été caricaturé, comme les 380 députés à avoir voté la loi sur la sécurité globale, par l’un des 30 dessinateurs dénonçant ceux qu’ils avaient surnommés les ‘’députés de la honte’’. Puis il s’est drapé dans son honneur après avoir retrouvé sa caricature sur les réseaux sociaux et placardée sur les murs de sa ville de Meudon par un professeur d’histoire de l’art, militant des droits de l’homme.

On passera sur les détails, mais on ne taira pas le parcours de ce député, fils d’Edmond Maire, l’ancien secrétaire général de la CFDT.

Le rejeton est énarque et à sa sortie de la prestigieuse école des cadres de la République, il a multiplié allers et retours entre public et privé, notamment chez l’assureur Axa, dont il est actionnaire. Puis il passa du Parti socialiste à la République en Marche. Elu député, son pantouflage chez Axa lui avait valu quelques petits problèmes à l’Assemblée nationale où certains n’ont pas apprécié qu’il soit l’un des rapporteurs de la réforme des retraites. Il fut accusé de conflits d’intérêts, mais la déontologue, elle, n’y a pas vu de contre-indication.

Ainsi va le monde macronien.

Aujourd’hui, le fils d’Edmond Maire dénonce sa caricature et le brave député s’offusque que le bon peuple puisse être  informé de son vote en faveur de la loi liberticide.

Jacques Maire, un député macronien comme les autres. Caricatural.

A propos d’islamo-gauchisme

Philippe Marlière est professeur se sciences politiques à l’University College de Londres. Il a passé vingt ans au Parti socialiste avant d’adhérer au NPA ; il a soutenu la candidature de Benoit Hamon lors de la primaire socialiste de 2017. Pris à partie par Valeurs actuelles, il a répliqué dans son blog sur Mediapart. Cinglant.

Je me permets de publier de larges extraits de son billet du 15 décembre, ‘’Islamo-gauchisme, un mot pour bastonner’’, auxquels je n’ai rien à ajouter.

« L’islamo-gauchisme » est, de fait, un mot pour bastonner : c’est un terme qui cherche à faire mal, comme un coup violent qu’on porte au visage de quelqu’un. Cette agression est dirigée contre les personnes qu’on qualifie d’« islamo-gauchistes ». C’est une attaque verbale, symbolique, mais qui peut potentiellement mettre physiquement en danger la personne ainsi désignée.

Ce terme exprime un fantasme : celui d’une entente entre « l’islam » et un monde intellectuel « bourgeois » et « coupé du peuple ». Il verbalise le racisme et l’anti-intellectualisme. C’est une notion qui exprime la détestation morale, intellectuelle, voire physique des individus qui parlent des discriminations dont sont victimes les musulmans en France. Que le vocable « islamo-gauchisme » fasse partie du vocabulaire de l’extrême droite n’est guère surprenant. Qu’il soit aujourd’hui martelé par des membres du gouvernement, la majorité des médias ou certains universitaires, est inacceptable dans une société pluraliste et libérale. Ce glissement sémantique indique une dégradation inquiétante de la nature du débat public en France (…) Le langage de haine et de violence construit autour de la figure de « l’islamo-gauchiste » n’est plus l’apanage de la fachosphère et des cercles néonazis. Il a aujourd’hui rejoint le mainstream politique. Il est inouï de constater que ses locuteurs principaux se trouvent au gouvernement. Jean-Michel Blanquer a utilisé ce terme au cours d’une interview sur Europe1 après l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine : « Ce qu’on appelle islamo-gauchisme fait des ravages à l’université, il fait des ravages quand l’UNEF cède à ce type de choses, il fait des ravages quand dans les rangs de La France Insoumise, vous avez des gens qui sont de ce courant-là et s’affichent comme tels. [Ils] favorisent une idéologie qui, ensuite, de loin en loin, mène au pire. » Circonstance aggravante, Blanquer est professeur de droit public. Il connaît donc le droit et il sait également que la notion « d’islamo-gauchisme » n’a aucune valeur heuristique. Pourtant, il l’emploie. Gérarld Darmanin, le ministre de l’Intérieur, a également repris le terme « d’islamo-gauchisme » à l’Assemblée nationale. Il a dénoncé des « complices intellectuels » d’actes terroristes comme celui contre l’enseignant Samuel Paty :« Je serai d’une très grande fermeté face à tous ceux qui, aujourd’hui, en se croyant progressistes, font en réalité le lit d’une forme de tolérance à la radicalité (…) Ainsi sont présentés les « islamo-gauchistes » au public : « lâches », « traîtres » (à la nation), « bobos », « droits-de-l’hommistes », « extrémistes », « anti-chrétiens » et, bien entendu, « vendus à l’islam ». Ces mots ou ces associations d’idées sortent du registre d’un débat contradictoire civilisé. « L’islamo-gauchisme » est un mot grossièrement codé qui désigne un ennemi (l’islamisme) et ses porteurs de valeurs de valise (les intellectuels de gauche critiques). Ce vocabulaire d’extrême droite crée et entretient un climat de guerre civile. Il ne nourrit pas le débat, il prend les personnes pour cible. »

SMIC et dividendes

L’augmentation du SMIC aurait dû être de 0,955 % ; le gouvernement a annoncé une hausse de 0,99 %. On mesure l’effort incommensurable fait par le gouvernement, qui a laissé à Elisabeth Borne, la ministre du travail, l’annonce de « la plus forte hausse du pouvoir d’achat depuis les dix dernières années. »

Toujours l’air grave et austère, la ministre du travail s’est-elle rendue compte de l’énormité de sa petite phrase ? N’aurait-il pas mieux valu qu’elle se taise ?

Le mépris pour les millions de smicards ne s’était jamais affiché aussi fièrement.

Le SMIC mensuel atteindra 1 554,58 euros brut par mois pour un temps complet (10,25 euros de l’heure), soit un ‘’cadeau’’ de 15 euros brut.

On imagine les intenses batailles au plus haut niveau de l’Etat pour accorder un coup de pouce de 0,035 % auquel le premier ministre était opposé.

Ce sont les femmes qui vont être satisfaites ; elles sont 59,3 % à être concernées par la ridicule augmentation : ce sont en effet elles qui sont majoritairement à temps partiel et travaillent dans des petites et moyennes entreprises.

Ce coup du mépris passe d’autant plus mal que le même jour on apprend que la Banque centrale européenne (BCE) autorise les banques à verser de nouveau des dividendes en 2021 « sans qu’ils excèdent 15 % de leurs bénéfices cumulés des années 2019 et 2020. »

Les Echos éructent et s’insurgent : « La fin de l’embargo sur les dividendes versés par les banques de la zone euro aura un goût amer pour leurs actionnaires. » Le quotidien économique de Bernard Arnault partage donc l’amertume des gros actionnaires : « Une estimation rapide montre que cela conduirait à un coupon de 1,76 euro au plus pour BNP Paribas, au lieu de 2,6 euros en retenant un taux de distribution de 50% du bénéfice net 2020 estimé. Constat similaire pour Crédit Agricole (0,41 euro au lieu de 0,54 euro). Quant aux coupons maximums de Société Générale et Natixis, ils seraient minimes (0,43 et 0,09 euro). »

Les dividendes de ces pauvres actionnaires sont le résultat de l’exploitation des millions de smicards. On comprend pourquoi le journal de Bernard Arnault s’étouffe quand on parle d’augmentation du SMIC. 

Ceux qui n’ont rien ou qui sont au chômage ne méritent aucune compassion de la part de ceux qui ont tout.

La France d’Emmanuel Macron dans toute sa honteuse splendeur.

Ecouter Jeanne Balibar

Jeanne Balibar a été récompensée par un César de la meilleure actrice en 2018 pour son rôle dans Barbara. Sa carrière est riche : cinéma, théâtre, réalisation, chanson. Bref, une vie tournée entièrement vers la culture.

Fille du philosophe marxiste Etienne Balibar et de la physicienne Françoise Balibar-Dumesnil, elle a hérité de ses parents une volonté farouche d’engagement. Auprès des étrangers en situation irrégulière, notamment et discrètement.

Invitée de France Inter ce matin, elle a dénoncé les choix du gouvernement en matière de culture pendant le confinement, comme elle avait dénoncé Emmanuel Macron à propos du film Les Misérables (« Tant qu’il n’y a pas de bouleversement de la politique fiscale, ça ne sert à rien d’aller voir un film et de dire “Je suis bouleversé”, c’est de la merde. (…) On voit des milliardaires devenus cent fois plus milliardaires qu’il y a vingt ans, et tout chef d’État qui ne rapatrie pas cet argent aujourd’hui est un criminel, responsable de toute mort dans un hôpital (…) De toute personne qui ne pourra pas se déplacer pour trouver un travail – parce que ce n’est sûrement pas vrai qu’il suffit de traverser la rue. »)

Aujourd’hui, Jeanne Balibar a eu des propos forts et intelligents, dénonçant une fois encore la politique culturelle du gouvernement, ou plutôt une absence de politique qui témoigne du mépris pour tout ce qui élève l’homme et qui fait politique d’enfermement des citoyens dans une pensée d’asservissement et d’obéissance.

« Au début on a pensé que c’était un oubli, puis on a vu qu’il y avait une volonté délibérée d’agresser le monde de la culture, en disant que c’est non essentiel. Et maintenant, on sert de variable d’ajustement. C’est pas un truc fortuit, c’est délibéré(…) Il y a d’autres manières de protéger la santé des gens. Le brassage des populations autour des églises pour tous les gens qui vont s’asseoir de la même manière pour voir l’histoire de Jésus, en quoi ils sont moins contaminants que ceux qui viennent voir l’histoire de Roméo et Juliette ? (…)Ce qu’on commence à comprendre, c’est que derrière ça il y a une attaque en règle de la France des Lumières : les Lumières, c’est ça, l’art donne accès aux idées. C’est très bizarre de voir ce gouvernement qui s’en réclame en attaquer le cœur (…) Ce qui se joue dans les salles de cinéma, les musées, les théâtres, c’est d’aller ensemble comprendre des idées par une émotion ressentie ensemble au même moment. Oui, ça peut se passer chez soi quand tout le monde en même temps regarde Netflix, mais il y a l’idée de sortir dans la ville, dans l’espace public. On ne peut pas faire des lois sur le séparatisme, en disant que les gens se replient dans leur culture familiale, tout en empêchant les gens d’aller au premiers endroits où l’on sort de sa famille initiale (…) Nous rentrons dans une ère de risque pandémique, et le devoir d’un gouvernement éclairé au sens des Lumières, républicain, c’est de faire en sorte que la vie sociale puisse continuer, dans ce qu’elle a d’éclairant, de rapport à l’autre (…) Rien ne nous garantit que la réouverture se fera fin janvier, début février. D’ici là, combien d’institutions culturelles, de service public de l’émotion et de la pensée, auront mis la clé sous la porte ? Combien pourront s’engager sur des projets futurs ? Les dégâts sont trop importants, et ils sont idéologiques. Il faut arrêter de souscrire à l’idée populiste que la culture est quelque chose d’élitiste. C’est l’endroit, bien plus de l’école, qui permet d’accéder aux idées, parce que c’est direct. »

Des milliers de gens de culture qui ont manifesté aujourd’hui partout en France ont eu les mêmes paroles que Jeanne Balibar. Un seul semble ne pas vouloir les entendre et il est président d’une République héritière des Lumières.

Google plus fort que les gouvernements

L’Australie était le pays le plus déterminé pour s’opposer aux plateformes géantes comme Google. Le gouvernement avait présenté un projet de loi forçant les géants du numérique à rémunérer les médias pour la reprise des articles de presse, photos, vidéos, etc.

Que s’est-il passé ? Le projet de loi parvenu au parlement australien, s’il oblige bien les plateformes à rémunérer les éditeurs, est différent du texte initial : il apporte une modification majeure en reconnaissant que Google leur fait bénéficier d’un lectorat supplémentaire en ligne et leur offre une valeur monétaire accrue.

L’argument n’est pas nouveau ; Google n’a pas varié de point de vue. Mais c’est la première fois qu’un gouvernement lui donne raison et admet que les GAFA offrent des avantages aux éditeurs. Et, par voie de conséquence, que ceux-ci doivent modérer leurs revendications de rémunérations.

Evidemment, Google exulte et voit désormais un accord à portée de main sur la première loi mondiale. C’est une très mauvaise nouvelle pour les éditeurs du monde entier et un vrai triomphe pour Google dont l’immense pouvoir publicitaire est validé par un gouvernement.

Cette victoire en appelle sans doute d’autres. La décision pèsera très fort dans les négociations en cours, notamment en France.

Il s’agit de la consécration du poids réel des géants du numérique dans le monde d’aujourd’hui ; leur immense fortune leur a permis de mener des campagnes de lobbying inédites par leur ampleur pour corrompre des élus plus sensibles aux arguments sonnants et trébuchants de Google qu’aux intérêts des citoyens.

Il s’agit d’une victoire du fric et des multinationales du numérique ; donc du libéralisme exacerbé.

Défendons les lanceurs d’alerte

Il reste un an à la France pour transposer la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte et devenir une référence internationale en la matière ! 

J’ai rejoint la mobilisation de la Maison des Lanceurs d’Alerte et de plus de 50 organisations pour que la loi soit enfin à la hauteur des enjeux : la protection des lanceurs d’alerte et la prise en compte de leurs alertes est une urgence sociale et démocratique ! 

Il est temps que nos représentants agissent ! 

Lire la tribune dans Libération : https://www.liberation.fr/debats/2020/12/10/une-loi-pour-mieux-defendre-les-lanceurs-d-alerte_1807676

Vous aussi, interpellez nos dirigeants : https://mlalerte.org/transposition

Vers un délit d’opinion

Un décret publié furtivement par le gouvernement (il est signé le 2 décembre par le premier ministre Castex, le ministre de l’intérieur Darmanin et le ministre des Outre-mer Lecornu) vient de modifier le code de la sécurité intérieure. On ne peut pas s’empêcher de penser à l’expression de sinistre mémoire de ‘’l’ennemi intérieur’’.

Le seul énoncé de ce code fait froid dans le dos. Mais, après les modifications, il fait peur en faisant entrer le pays des Lumières dans un système encore un peu plus autoritaire. Darmanin joue de la surenchère de façon quotidienne ; qui l’arrêtera ?

Le fameux code a permis la constitution de trois fichiers de Prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP), de Gestion de l’information et de la prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP) et des Enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP) ; ceux-ci recensant les données relatives à des individus dont les activités peuvent constituer une menace pour la sureté de l’Etat et les intérêts fondamentaux de la nation. A ce jour, ces fichiers contenant environ les noms de 40 000 personnes sont à la disposition des services de renseignement, de police et de gendarmerie.

Le décret vient d’élargir les possibilités de fichage en élargissant « la collecte, la conservation et le traitement de données concernant les personnes mentionnées à l’article R. 236-21 et relatives à des signes physiques particuliers et objectifs comme éléments de signalement des personnes ; à des opinions politiques, des convictions philosophiques, religieuses ou une appartenance syndicale et à des données de santé révélant une dangerosité particulière. »

Les citoyens pourront dorénavant être fiché pour leurs opinions politiques, syndicales et leurs convictions religieuses, pratiques hier illégales, et pas seulement pour leurs activités.

Le projet répressif du pouvoir en place se précise chaque jour par décret, évitant ainsi le débat parlementaire et la contestation des associations de défense des libertés fondamentales.

Le décret est scandaleux, liberticide (un qualificatif que l’on est amené à employer hélas trop souvent dans la période actuelle) et personne n’est assuré de sa confidentialité. Qui prendra le pari que les renseignements sur un citoyen ne seront jamais communiqués à un employeur potentiel ?

Quel formidable recul des libertés publiques où l’adhésion à un parti, un syndicat ou une association est conservée dans des fichiers de police.

Par ailleurs, l’exécuteur des basses œuvres de Darmanin, le préfet de Paris Didier Lallement, vient de signaler à son tour, si l’on en croit un tract du syndicat UNSA Police qui révèle : « Bien que jetés en pâture par la sphère médiatique, le préfet de police octroie à nos collègues du 17èmearrondissement de Paris la protection fonctionnelle. L’UNSA Police a été entendu ! La présomption d’innocence pour nos collègues doit rester la règle quels que soient l’opinion publique et le sentiment personnel de chacun. »

Les frais d’avocat des quatre policiers mis en examen dans l’affaire Michel Zecler seront donc assumés par l’Etat. Le sinistre préfet a obtenu l’autorisation de son ministre (il ne peut en être autrement) ; on peut alors mesurer la sincérité de Darmanin qui, sur les plateaux de télévision, annonçait vouloir demander la révocation des cogneurs.

Quant à l’UNSA Police, elle se distingue en insultant une nouvelle fois la ‘’sphère médiatique’’.

Est-on encore dans la France des Voltaire, Hugo ou dans un ersatz de Trump ?

Le Louvre pour les ultrariches

Sophie Cachon, journaliste à Télérama, s’esclaffe sur le site du magazine : « Au Louvre, on aura tout vu. Et ça continue. »

A peine remise des dérives mercantiles du musée (« Du déhanché de Beyoncé devant la Joconde jusqu’au déplacé ‘’glamping, contraction de glam et de camping, à l’occasion d’un concours financé par Airbnb, dont l’invité était invité à passer la nuit sous la Pyramide l’année dernière », écrit-elle), la journaliste tombe à la renverse en prenant connaissance des « ‘’services de personnalisation’’, c’est-à-dire des prestations ‘’exclusives’’ pour ‘’accéder à l’inaccessible » vanté par la direction.

Sophie Cachon cite quelques exemples comme « l’examen de la Joconde hors de sa vitrine en compagnie du président du Louvre : prix de départ 10 000 €. Pour la visite du cabinet d’art graphique avec son responsable : 5 000 € »

La journaliste est éberluée et elle dénonce : « On n’attendrait pas mieux d’un palace 5 étoiles, sauf que le Louvre est avant tout une institution publique, avec des collections nationales et des conservateurs fonctionnaires. L’argent collecté à l’international auprès des ultrariches servira à financer un espace dédié ‘’aux jeunes, aux familles, aux scolaires, au public vulnérable, aux personnes handicapées ou précaires et leurs accompagnants’’. Finalement, tout ce qui constitue, hors crise sanitaire, le cœur de cible d’un musée national quand il n’est pas acquis aux millions de touristes qui font tourner la machine. »

Le constat est terrible ; il accuse un état libéral laissant la culture, l’intelligence, les services publics entre les mains des grandes fortunes.

Le Louvre, avec des subventions en constante diminution, n’a qu’un remède pour survivre : le recours au mécénat et aux ‘’services de personnalisation’’. Pitoyable pour un musée qui est présenté comme une vitrine de la culture française. Pitoyable pour le président de la République et sa startup nation et pour Roselyne Bachelot, prétendue ministre d’une culture en lambeau.

Lire autrement

L’initiative est partie de la région Aquitaine et s’est étendue. Au bout du compte, une cinquantaine de maisons d’édition décidait de boycotter Jeff Bezos et son marché mondial. Le mot d’ordre « Nous ne vendrons plus nos livres sur Amazon » se doublait d’un appel à « l’ensemble des maisons d’édition et acteurs-rices de la chaîne du livre à nous rejoindre dans cet engagement ».

Le mouvement vient de s’étendre au réseau de librairies. Deux associations, Librairies en Nouvelle-Aquitaine (LINA) et Librairies du Sud, décidaient « d’apporter leur solidarité de libraires à ces éditeurs qui ont choisi de se passer d’Amazon. Afin de soutenir leur démarche qui représente un sacrifice économique non négligeable, nous vous proposons de commander des ouvrages auprès de ces éditeurs et de les mettre en avant pour cette fin d’année. »

Selon le site Actualitté, « l’association LINA remonte des témoignages de lecteurs particulièrement encourageants ». Sa présidente, Cécile Bory constate en effet que : « Beaucoup de nos libraires nous racontent que de nouveaux clients se présentent chez eux, avec un discours changé. Ils expliquent avoir pris conscience de ce que l’acte d’achat chez Amazon implique et qu’ils préfèrent réaliser quelques kilomètres, et éventuellement attendre pour recevoir leur livre. Sans prescripteurs, le public finissait par lire les mêmes titres, n’ayant que la presse et les médias qui eux-mêmes tournent un peu en boucle. Quand nous avons pris connaissance de l’action de ces éditeurs indépendants regroupés pour un boycott, notre Conseil d’administration a adopté à l’unanimité la décision d’un soutien. C’est notre rôle de librairies indépendantes que de sortir des sentiers battus et de pouvoir proposer des lectures plus confidentielles. Bien entendu, chaque libraire agit à son niveau, suivant ses goûts et ses envies. Mais une telle démarche reflète la logique même de la chaîne du livre. »

Si de nombreux secteurs d’activité pouvaient imiter éditeurs, diffuseurs et libraires, la firme de Jeff Bezos, à la fortune démesurée et aux pratiques sociales d’un autre âge, nul doute que la société se porterait mieux.

Hélas, les grands éditeurs qui dominent le marché, Hachette (Lagardère) et Editis (Bolloré), n’ont pas rejoint l’initiative. Et ne la rejoindront jamais.

La Flûte enchantée

Le rôle de la télévision est, entre autres, celui d’éveilleur de consciences, d’instrument de culture et d’informateur.

Hélas, ce n’est pas souvent le cas quand on regarde les programmes, notamment ceux des chaînes privées. Arte est la seule qui tente de remplir tous les rôles à la fois. On l’a vu avec la diffusion du documentaire Petite fille, mercredi en première partie de soirée (je me refuse à utiliser l’expression ‘’prime time’’). France 5 est la chaîne de France Télévisions qui se rapproche le plus de la chaîne franco-allemande.

Hier soir, par exemple, elle n’a pas hésité à diffuser l’opéra de Mozart, La Flûte enchantée, également en première partie de soirée, face à l’inévitable Koh-Lanta sur TF1 (et ses 6 millions annoncés de téléspectateurs), la série César Wagner sur France 2 (près de 5 millions) et le Téléthon sur France 3.

La musique de Mozart a rassemblé néanmoins près de 750 000 personnes ! On se réjouira de cette audience, mais on mesure, en examinant les chiffres ci-dessus, le chemin restant à parcourir pour que le consommateur de télévision qui se regarde avec passivité se transforme en citoyen qui se cultive tout en se distrayant, qui s’ouvre à l’autre tout en s’enrichissant.

La Flûte enchantée, interprétée par le Concert Spirituel en français, dans une mise en scène résolument moderne et colorée, raffinée et vive, a été un spectacle de toute beauté. Les interprètes se sont mis à la hauteur du défi et l’opéra de Mozart, s’il a bousculé les grincheux, a ébloui ceux qui ont regardé et on se dit que le plus grand nombre aurait eu tout à gagner en délaissant Koh-Lanta pour Mozart.

Mais ce plus grand nombre pour adhérer à la démarche de France 5 aurait eu besoin de clés de compréhension tant cet opéra, bourré de symboles maçonniques, peut apparaître comme difficile à pénétrer.

Aujourd’hui, Arte et France 3 n‘hésitent pas à faire précéder la diffusion de films d’une introduction, plaçant l’œuvre dans le contexte ou donnant des clés de compréhension, comme dans les ciné-clubs d’antan ; la Flûte enchantée aurait mérité une telle démarche pour permettre au profane de pouvoir s’emparer de toutes les dimensions d’un si bel opéra et profiter d’un si extraordinaire spectacle.

La culture à la télévision (mais ailleurs aussi) ne doit pas être remisée dans un ghetto ; elle doit être présente chaque jour, dans chaque émission, n’en déplaise aux Bouygues, Drahi et Bolloré. Elle doit donc s’adresser au plus grand nombre et y être amenée par l’école.

Car un peuple cultivé ne se fera pas dicter sa conduite ; il saura dire non aux mesures liberticides et il rejettera le refus de l’autre, le racisme et la violence.

La période est révolutionnaire

Le peuple des Lumières s’est levé contre la loi dite de sécurité globale. Les manifestations ont été belles, combatives ; dans toutes les villes, la foule a battu le pavé pour clamer son refus d’un nouveau tour de vis liberticide.

La coordination ‘’StopLoiSécuritéGlobale’’ à l’origine de ces rassemblements de la révolte des esprits attachés aux libertés fondamentales est diverse et plurielle. Qui aurait pu croire hier encore à un appel signé par les syndicats de journalistes, la CGT et Philippe Martinez, Solidaires, la FSU, des associations de défenses des libertés, des éditeurs, des défenseurs de l’environnement, des associations d’aide aux immigrés et aux défavorisés, des gilets jaunes, des comédiens et écrivains, des avocats, mais aussi par des Sociétés de journalistes de rédactions aussi diverses que BFMTV, M6, Europe 1, L’Express, L’Humanité, des artistes, des réalisateurs, des partis politiques de toute la gauche, de Fabien Roussel (PCF), Jean-Luc Mélenchon (LFI), Olivier Faure (PS) à Christiane Taubira.

La liste des signataires est historique. A la hauteur des défis lancés par le gouvernement d’Emmanuel Macron.

Aujourd’hui, le président de la République tente de terminer  de façon autoritaire les basses œuvres commencées par ses prédécesseurs. Pour sauver un système à bout de souffle et tenter de pérenniser un libéralisme financiarisé sans limite, il a besoin d’anesthésier les citoyens et de vouer à l’échec toute tentative d’opposition à sa politique.

Code du travail, pensions de retraites, indemnisation du chômage ont été réformés à marche forcée et la précarité de l’emploi institutionnalisée ; l’existence même de services publics est de plus en plus menacée. Mais cela n’est pas encore suffisant pour l’initiateur de la start-up nation. Il tente une mise au pas des esprits : l’école primaire, le collège, le lycée et même l’université, c’est-à-dire toute l’éducation, sont démantelés pour favoriser l’émergence des établissements privés ; la recherche est offerte aux grandes entreprises ; l’information écrite et audiovisuelle est colonisée par les grands groupes dirigés par ses amis milliardaires ; la culture n’est pas oubliée ou plutôt si, elle est l’absente des discours à propos de l’aide pour lutter contre les effets de la pandémie du coronavirus, preuve d’un mépris absolu.

Emmanuel Macron, tel un despote, s’attaque à tout ce qui peut éduquer, développer l’esprit critique et élever l’homme ; en un mot il s’en prend à l’intelligence et aux capacités de réflexion individuelle et collective. Il veut installer une France des riches (avec ses écoles et ses universités privées, ses journaux chers, ses spectacles haut de gamme) et une France des pauvres (avec ses services publics réduits à l’essentiel, ses jeux du cirque style Puy du Fou, ses journaux ‘’people’’ et sa télévision réduite au seul ‘’entertainment’’, le football et ses paris), avec son lot de misère en croissance exponentielle. Une caste de nantis aura tout ; ceux qui n’ont rien seront chaque jour plus nombreux et leur force de travail, réduite à des tâches précaires, sera rémunérée à vil prix.

Aujourd’hui, avec la loi dite de sécurité globale, nous sommes à un tournant décisif : ou la France bascule dans un vrai régime autoritaire ou la coordination d’un peuple épris de liberté s’agrandit encore pour faire échec à Macron et le contraindre à retirer sa sale loi et entreprendre une reconquête de la liberté d’expression et de toutes les libertés fondamentales. Pour refuser un pays à deux vitesses. Pour faire nation fraternelle.

Ce qui se joue en ce moment est essentiel. La période est révolutionnaire.

Petite fille

Ainsi on ne pourra plus ignorer ce qu’est la dysphorie de genre. Grâce à Arte et au très beau film de Sébastien Lifshitz, Petite fille.

Sasha, 7 ans, né garçon, se reconnaît comme fille ; elle est rayonnante comme une enfant de son âge. Mais d’une infinie tristesse quand la doctoresse Anne Bargiacchi, pédopsychiatre à l’hôpital Robert Debré, aborde avec elle le déni de l’école ou du conservatoire, qui se refusent à voir en Sasha une petite fille en se retranchant derrière l’état-civil.

Sébastien Lifshitz a filmé la famille de Sasha avec pudeur et empathie, avec beaucoup de délicatesse et de retenue aussi.

La mère de Sasha, Karine, est omniprésente (certains le reprochent au film) ; elle a fait de son combat celui de sa vie. Elle veut donner une vie apaisée à sa fille. Elle mène son combat avec opiniâtreté et elle bouscule les codes d’une société, ses préjugés, son intolérance. Avec toute la famille, elle ose affronter ceux qui se refusent à reconnaître cette particularité qui n’a rien d’une pathologie, comme l’avoue Anne Bargiacchi.

Arte a fait honneur à la télévision de service public en diffusant ce film d’amour en début de soirée.

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