Jeanne Balibar a été récompensée par un César de la meilleure actrice en 2018 pour son rôle dans Barbara. Sa carrière est riche : cinéma, théâtre, réalisation, chanson. Bref, une vie tournée entièrement vers la culture.

Fille du philosophe marxiste Etienne Balibar et de la physicienne Françoise Balibar-Dumesnil, elle a hérité de ses parents une volonté farouche d’engagement. Auprès des étrangers en situation irrégulière, notamment et discrètement.

Invitée de France Inter ce matin, elle a dénoncé les choix du gouvernement en matière de culture pendant le confinement, comme elle avait dénoncé Emmanuel Macron à propos du film Les Misérables (« Tant qu’il n’y a pas de bouleversement de la politique fiscale, ça ne sert à rien d’aller voir un film et de dire “Je suis bouleversé”, c’est de la merde. (…) On voit des milliardaires devenus cent fois plus milliardaires qu’il y a vingt ans, et tout chef d’État qui ne rapatrie pas cet argent aujourd’hui est un criminel, responsable de toute mort dans un hôpital (…) De toute personne qui ne pourra pas se déplacer pour trouver un travail – parce que ce n’est sûrement pas vrai qu’il suffit de traverser la rue. »)

Aujourd’hui, Jeanne Balibar a eu des propos forts et intelligents, dénonçant une fois encore la politique culturelle du gouvernement, ou plutôt une absence de politique qui témoigne du mépris pour tout ce qui élève l’homme et qui fait politique d’enfermement des citoyens dans une pensée d’asservissement et d’obéissance.

« Au début on a pensé que c’était un oubli, puis on a vu qu’il y avait une volonté délibérée d’agresser le monde de la culture, en disant que c’est non essentiel. Et maintenant, on sert de variable d’ajustement. C’est pas un truc fortuit, c’est délibéré(…) Il y a d’autres manières de protéger la santé des gens. Le brassage des populations autour des églises pour tous les gens qui vont s’asseoir de la même manière pour voir l’histoire de Jésus, en quoi ils sont moins contaminants que ceux qui viennent voir l’histoire de Roméo et Juliette ? (…)Ce qu’on commence à comprendre, c’est que derrière ça il y a une attaque en règle de la France des Lumières : les Lumières, c’est ça, l’art donne accès aux idées. C’est très bizarre de voir ce gouvernement qui s’en réclame en attaquer le cœur (…) Ce qui se joue dans les salles de cinéma, les musées, les théâtres, c’est d’aller ensemble comprendre des idées par une émotion ressentie ensemble au même moment. Oui, ça peut se passer chez soi quand tout le monde en même temps regarde Netflix, mais il y a l’idée de sortir dans la ville, dans l’espace public. On ne peut pas faire des lois sur le séparatisme, en disant que les gens se replient dans leur culture familiale, tout en empêchant les gens d’aller au premiers endroits où l’on sort de sa famille initiale (…) Nous rentrons dans une ère de risque pandémique, et le devoir d’un gouvernement éclairé au sens des Lumières, républicain, c’est de faire en sorte que la vie sociale puisse continuer, dans ce qu’elle a d’éclairant, de rapport à l’autre (…) Rien ne nous garantit que la réouverture se fera fin janvier, début février. D’ici là, combien d’institutions culturelles, de service public de l’émotion et de la pensée, auront mis la clé sous la porte ? Combien pourront s’engager sur des projets futurs ? Les dégâts sont trop importants, et ils sont idéologiques. Il faut arrêter de souscrire à l’idée populiste que la culture est quelque chose d’élitiste. C’est l’endroit, bien plus de l’école, qui permet d’accéder aux idées, parce que c’est direct. »

Des milliers de gens de culture qui ont manifesté aujourd’hui partout en France ont eu les mêmes paroles que Jeanne Balibar. Un seul semble ne pas vouloir les entendre et il est président d’une République héritière des Lumières.