La Chouette qui hioque

Mois : juillet 2020

Revue de presse

La torpeur de l’été n’a pas stoppé la pandémie du coronavirus ; certains beaux esprits nous avaient annoncé que la chaleur le terrasserait plus facilement qu’un vaccin. Leurs fausses nouvelles ont rendu étrangement muets ces gens qui savent tout, avant tout le monde et se permettent de dire n’importe quoi, surtout à la télévision où ils adorent exposer leur modeste personne !

On ne se rend pas toujours compte des inepties déversées chaque jour dans les médias par ceux qui, à l’Elysée ou dans les ministères, pensent à notre place.

Le PIB de la France s’est effondré au deuxième trimestre de 13,8 %. Les citoyens s’inquiètent, mais pas notre ineffable ministre de l’économie qui estime que, si le résultat est meilleur qu’annoncé, « c’est la preuve que l’action politique est efficace ».

Quelle profondeur d’analyse et quel toupet d’essayer d’endormir le peuple des vacanciers ! Notre brillant économiste en chef n’a pas osé citer les chiffres du recul du PIB de l’Allemagne (10,1 %) et des Etats-Unis (9,5 %).

Le président de la République est prestement parti se réfugier à Brégançon ; cela lui évite d’avoir à commenter le piteux résultat de sa politique.

Avant de quitter l’Elysée, il a néanmoins profité du dernier conseil des ministres pour nommer 18 nouveaux préfets, procéder à 15 mutations et promouvoir de nouveaux directeurs d’administration centrale. Rarement remue-ménage n’aura été aussi important.

Inquiet de la tournure prise par les événements, Emmanuel Macron reprend en main les politiques de développement et d’aménagement du territoire. Il veut tout contrôler pour mener à bien ses réformes néolibérales. Le jour d’après sera pire qu’avant. Sans vergogne.

Il a pris le temps avant de goûter à la vie du fort de publier un communiqué pour saluer la mémoire d’Albin Chalandon, évidemment un ‘’grand serviteur de l’Etat’’.

Certes le défunt a été un jeune Résistant, mais, ensuite, il s’est surtout signalé par quelques affaires peu reluisantes.

Promoteur d’un habitat individuel, il avait lancé un programme de construction de 70 000 pavillons individuels, baptisés ‘’chalandonnettes’’. Les pauvres propriétaires ont vu leur acquisition se délabrer rapidement, mettant un terme au projet.

Plus tard, reconverti en homme d’affaires, il avait été propulsé Pdg d’Elf Aquitaine. Il s’était alors embourbé dans une affaire dite des avions renifleurs, dans laquelle Elf avait perdu énormément d’argent.

Cela n’a pas empêché ses successeurs de multiplier les éloges du grand homme.

En revanche, les soignants intérimaires n’auront pas droit aux mêmes égards ; ils ont été applaudis, qu’ils s’estiment donc heureux de leur sort. Pas si sûr d’autant qu’ils viennent d’apprendre qu’ils sont bannis du dispositif de prime exceptionnelle pour les personnels soignants.

Leur bannissement est scandaleux, quand il y a des milliards pour les entreprises privées. On reparlera sans doute après les vacances de cette mesure ségrégationniste.

Hors de France aussi, de nombreux politiques ont bien des tourments. Donald Trump, par exemple, est au plus mal. Il avait envoyé les troupes fédérales à Portland, dans l’Oregon, pour rétablir la loi et l’ordre dans une ville aux mains des gauchistes. Le résultat est pitoyable : les troupes fédérales sont contraintes de se replier pour être apparue comme un vecteur de l’arbitraire et du chaos.

Sa défaite est moquée. Et il s’enlise un peu plus dans les sondages. Alors, en cherchant bien il a estimé qu’il était nécessaire de repousser l’élection présidentielle prévue en novembre. Le subterfuge a aussitôt été dénoncé y compris par le camp des Républicains. Le Dieu pour lequel il prétend prier, ne l’a guère entendu

Cette modeste revue de presse n’est qu’un petit aperçu des événements qui secouent un monde de plus en plus fou, un monde capitaliste à bout de souffle, un monde de menteurs et d’affabulateurs. Un monde à rebâtir.

Pauvre France

Les analyses et rapports de la Banque de France en disent plus long que les discours politiques sur l’état de notre pays.

Elle vient de recenser le nombre « de points d’accès aux espèces en métropole », comprenez le nombre de distributeurs de billets. Elle en dénombré 50 316 à la fin de 2019, contre 52 451 un an plus tôt. La Banque de France pratique la langue néolibérale et elle ose écrire que cette baisse de 4,1% des distributeurs est le résultat de la « rationalisation qui s’inscrit dans le contexte de l’érosion de l’usage des espèces dans les transactions, sous l’effet des changements des modes de consommation et de paiement ».

Elle note aussi que la diminution des distributeurs « est concentrée sur les communes les plus peuplées, donc le mieux équipées » ; les semblent satisfaits, leurs statistiques démontrant que le nombre de distributeurs dans les communes de moins de 500 habitants est passé de 182 à 187 (soit une augmentation de 2,7 %). Ces chiffres buts viennent apporter la preuve qu’on peut faire dire n’importe quoi aux statistiques : en effet, la France compte 18 717 communes de moins de 500 habitants et j’en conclu que 18 530 communes n’ont pas de distributeurs de billets.

On pourrait continuer à égrener les chiffres ; ils ne sont pas plus glorieux pour le maillage de la France, au moment où il apparaît que les urbains éprouvent le désir d’aller s’installer à la campagne.

Le rapport de la banque fait remarquer que le « nombre d’accès privatifs augmente de 10,1 %, mais elle relève dans une notule de bas de page que ces accès privatifs ne sont « accessibles uniquement aux clients de leur réseau ».

Autrement dit, on pousse les habitants des communes les moins peuplées à se tourner vers un opérateur dont le client deviendra captif, ou les communes à prendre en charge l’installation d’un distributeur en passant un contrat avec un transporteur de fonds.

Ces brillants cerveaux ont-ils conscience des problèmes posés à la population la plus âgée et qui ne possède pas de voiture quand ils rapportent que « près de 99 % de la population métropolitaine réside soit dans une commune équipée d’au moins un automate, soit dans une communes située à moins de quinze minutes en voiture de la commune équipée la plus proche ».

On peut en conclure que les banques, y compris la Banque postale, ne remplissent plus leur mission de service public et qu’elles contribuent à l’exode rural, sur injonction des milieux financiers avec la bénédiction des politiciens libéraux.

Pauvre France.

En attendant l’écolo

Barbara Pompili a rallié le camp d’Emmanuel Macron et c’est tout à fait son droit de citoyenne ; mais on peut se demander si elle a bien mesuré que le très libéral président de la République n’est pas écolo-compatible. Nicolas Hulot ne l’avait pas compris immédiatement, mais après quelques mois à siéger au ministère de l’écologie, il a fait connaître sa déception en démissionnant et en exposant vertement (sans jeu de mots) ses désaccords.

Barbara Pompili, elle, n’a pas encore compris. Elle a montré les limites de son militantisme pour la cause écologique en acceptant un maroquin.

Combien de couleuvres devra-t-elle avaler ?

Après le conseil de défense écologique, elle a convoqué la presse pour annoncer…  Mais quoi au juste ? Car si on a bien entendu et lu, la notion de performance énergétique qui fera obligation à un propriétaire d’appartement passoire d’effectuer des travaux d’isolation ne touchera que 1 à 2 % des logements. En effet, le seuil a été fixé à 500 kWh au mètre carré par an, ce qui correspond à l’étiquette G du diagnostic de performance énergétique. Dérisoire.

Autre exemple d’annonce tonitruante mais également dérisoire : la limitation de bétonisation des sols devait permettre de freiner l’installation de zones commerciales. Mais, les préfets sont appelés à trancher au cas par cas, sans que la ministre ne décrète de moratoire. Triste reculade, au mépris des petits commerçants. Pis, cette mesure ne concerne pas les nouveaux entrepôts du type Amazon.

Emmanuel Macron a-t-il peur des réactions de son ami Donald Trump si on touche à ses petits amis, Bezos et consorts ?

Alors, je me pose une question simple : à quoi sert le conseil de défense écologique ?

Barbara Pompili pourrait nous donner la réponse. A moins que, comme Samuel Beckett, elle attende Godot.

Avec les Kurdes

On ne louera jamais assez la collection Tracts de Gallimard. Elle permet une vraie confrontation d’idées. Si j’ai critiqué le numéro 15, celui d’Olivier Rey (L’idolâtrie de la vie), je dois reconnaître qu’il porteur du débat d’idées.

En revanche, avec le numéro 16, je me suis trouvé d’emblée en empathie. Son titre, Avec les Kurdes, et son sous-titre, Ce que les avoir abandonnés dit de nous, ne laissent planer aucun doute ; l’auteur Patrice Franceschi, à la fois écrivain et aventurier (dans le sens noble du terme), partage la cause kurde. Il a trouvé dans ce peuple sans pays, écartelé entre la Turquie, l’Irak, la Syrie, beaucoup d’amis. Parmi ceux-ci beaucoup de femmes admirables qui luttent pour la démocratie, des états laïcs, féministes, écologistes et respectueux des minorités.

Les femmes kurdes ont créé des Yapaja, des unités féminines pour combattre Daech. L’une d’elles, Hevrin Khalar, amie proche de l’auteur, a été assassinée par les miliciens aux ordres d’Erdogan, miliciens issus des débris d’Al Qaïda.

Patrice Franceschi écrit : « Silence, on tue. » Car les Américains, les Britanniques et les Français ont abandonné les Kurdes. Sans reconnaissance pour le martyr d’un peuple qui s’est soulevé contre les fous de l’islam et a vaincu Daech.

L’analyse de l’auteur est terrible ; elle témoigne de la lâcheté des Occidentaux. Il rend un hommage vibrant à ceux dont le sacrifice ne provoque que le mutisme des médias et des gouvernements. Il dénonce « la misère de la condition occidentale en ce XXIe siècle naissant » et enrage que « l’esprit de Munich est sans cesse renaissant comme un mauvais génie. »

Il ne supporte pas l’attitude de dirigeants politiques qui ont abandonné les Kurdes et il avoue se rendre au moins une fois chaque année au cimetière de Kobané, où, derrière les portraits des victimes kurdes, « il y a des âmes héroïques et généreuses ». Et il se plait à rêver à un sursaut de l’Europe, même si la probabilité est « dérisoirement faible ».

Honte à nous.

Le texte de Patrice Franceschi est écrit avec les tripes, mais fort bien ; il est chaleureux et très documenté. Les 60 pages se lisent d’un trait. Un grand document qu’il faut lire pour comprendre ce qui se joue au Moyen Orient, la politique de la France, mais aussi celle du dictateur turc Erdogan et de la puissance des lobbies pro-Turcs.

Vive la vie !

Olivier Rey est assurément un esprit brillant. Polytechnicien, philosophe, mathématicien, il se place dans un cercle restreint des élites.

Mais on peut être un esprit brillant et se tromper. Même lourdement.

Dans la formidable collection Tracts de Gallimard, Olivier Rey vient de publier L’idolâtrie de la vie, une texte d’une cinquantaine de pages qui m’a surpris par ses erreurs et, parfois, ses lacunes.

Pour cet auteur, la crise du coronavirus marque un basculement dans notre civilisation : la préservation de la vie a pris la place du sacré. Et, au terme de sa démonstration, il en arrive à une conclusion que ne réfuterait pas Emmanuel Macron (et d’autres avant lui) : l’Etat ne peut pas tout.

Olivier Rey est bien trop intelligent pour s’égarer comme il le fait. Oser prétendre que « les hommes qui voulaient et commencèrent la Révolution n’étaient pas mus par de grands principes, mais par des considérations très terre à terre. Tout simplement ils mouraient de faim et désiraient cesser de mourir. Il n’y a pas autre chose dans les Cahiers de 1789. »

Certes. Mais c’est oublier tout le reste puisé dans les Lumières, quelques auteurs anglais et allemands (quand même) et la part prise dans la bourgeoisie dans la Révolution pour combattre l’absolutisme. Le point de départ d’Olivier Rey est erroné, la suite de la démonstration en souffre.

Plus loin, il s’égare encore en écrivant que « notre époque, où les moyens n’ont jamais autant abondé, est un âge de pénurie généralisée. L’impression de misère s’amplifie, s’universalise. » Hélas, il ne s’agit pas d’une impression et on se demande dans quel monde vit Olivier Rey pour ignorer à ce point la réalité et la captation des richesses par une petite caste. La pénurie n’est pas généralisée ; elle est réservée à ceux qui n’ont rien. Il réfute par avance les ‘’plans Marshall pour tout’’ avec un mépris rare. Il s’en prend à Stéphane Hessel et prétend que « notre monde a besoin de tout, sauf d’un surcroît d’indignation ». Quel mépris de classe !

La vie est redescendue sur terre ; elle a chassé le sacré et c’est tant mieux. Sans, pour autant être idolâtrée. Le pouvoir politique pourrait tout s’il n’avait pas abdiqué devant la finance, celle des riches. C’est le pouvoir qui est asservi et les peuples qui veulent briser les chaînes.

Misère du football

Les compétitions officielles de football ont repris avec la finale de la Coupe de France. Mais j’ai ressenti un malaise : la rencontre avait-elle vraiment de l’intérêt quand le pays est en crise, sanitaire et économique ? Quand le fric étalé est une insulte aux centaines de milliers de chômeurs qui vont venir grossir les statistiques de Pôle emploi.

Le match entre le PSG et Saint-Etienne s’est joué devant 5 000 spectateurs seulement (dans un stade de 80 000 places), alors que, dans le même temps, la famille de Villiers se permettait d’entasser près de 30 000 personnes venues assister au très réactionnaire et révisionniste spectacle du Puy du Fou.

J’ai ressenti un profond malaise en constatant la composition de l’équipe prétendument parisienne : au coup d’envoi, il n’y avait qu’un seul joueur français (mais quel joueur !), Kylian Mbappé ; lui sorti du terrain pour cause de blessure, il a fallu un autre blessé, l’Allemand Kehrer, pour voir opérer un autre joueur français, Dagba.

L’équipe composée par les représentants de l’émir du Qatar comptait 3 Brésiliens, 3 Argentins et 6 joueurs venant du Costa Rica, du Sénégal, d’Allemagne, des Pays-Bas, d’Italie et d’Espagne. Cette équipe est à l’image des responsables du club : le patron est qatari, le directeur sportif est brésilien et l’entraîneur est allemand.

L’équipe, cosmopolite, a été bâtie à coups de millions (voire de milliards) pour remporter des trophées, dont la Coupe d’Europe, brandis par un émirat dont la politique étrangère repose sur le sport. Le spectacle n’est pas toujours au rendez-vous, car l’argent ne rend pas un footballeur meilleur ; en revanche, il permet d’acheter les meilleurs.

Malaise aussi quand on connaît par avance le vainqueur du match ; l’effectif de l’équipe parisienne est l’un des plus brillants du monde : il repose sur un budget de 637 millions d’euros pour la saison 2019-2020 quand celui de Saint-Etienne n’est que de 100 millions, soit plus de six fois moins.

Quand le football est entre les mains du fric et de la politique d’un émirat, le sport est avili, rabaissé à des intérêts financiers et politiques. L’argent qatari du PSG est une insulte (une de plus) aux milliers de clubs amateurs dont on ne sait pas aujourd’hui s’ils pourront accueillir à nouveau des pratiquants après la crise, faute de subventions.

Le président de la République était présent au Stade de France, sa ministre des sports aussi ; Emmanuel Macron était tout sourire, se pavanant en se faisant présenter les joueurs et au moment de la remise des récompenses. A-t-il eu, ne serait-ce qu’un instant, une pensée pour les millions de sportifs et de dirigeants obligés de mendier auprès d’hypothétiques sponsors pour permettre de continuer à pratiquer ? J’en doute. Dans une société néolibérale, les gouvernants n’ont pas plus de considérations pour les sportifs que pour les gens de culture.

Alors, cet accord, historique ?

Il a suffi qu’Emmanuel Macron se vante à Bruxelles d’un « changement historique de notre Europe » pour que le Monde du jour titre : « Europe : un plan de relance historique. »

La phrase triomphale du président de la République a été reprise par tous les médias et notamment à la télévision. Les médias sont tombés à genou, en béatitude. C’est à peine si les chaînes ne nous ont pas montré un Macron nimbé du disque des personnages sacrés.

Qui peut croire encore cette information frelatée ? Qui peut se satisfaire de cette information incomplète ?

L’accord trouvé à Bruxelles après un sommet ridicule n’est pas aussi historique que Macron et d’autres le prétendent. Les 500 milliards de subventions ont été revus sérieusement à la baisse ; après les concessions faites aux ‘’frugaux’’, il ne reste plus que 390 milliards. L’Italie qui espérait récupérer 172 milliards ne recevra que 70 milliards et l’Espagne 60 au lieu de 140. La France, elle, recevra 38,772 milliards.

Un cadeau pour les pays les plus impactés par la crise du coronavirus ? Pas si sûr. En effet, les subventions sont assorties de quelques préalables comme la présentation d’un plan de réformes et d’investissements, ainsi que des réformes structurelles (c’est-à-dire une politique d’austérité) ; ce plan devra être validé par la Commission, puis par les Vingt-Sept à la majorité qualifiée. Ensuite, il est bon de rappeler que les subventions seront échelonnées jusqu’en 2023.

Le solde du plan franco-allemand de 750 milliards, à savoir 360 milliards, sera attribué sous formes de prêts, donc remboursables sans qu’on sache vraiment comment s’effectueront les remboursements.

Le chantage auquel se sont livrés le Danemark, les Pays-Bas, l’Autriche et la Suède a abouti à une baisse incroyable de leur contribution au budget de l’Union pour la période 2021-2027 : entre 46 et 53 milliards d’euros pour la période de sept ans.

Le plus gros gagnant est l’Autriche avec une baisse de 138 % de sa contribution, devant le Danemark (91 %), la Suède (34 %) et les Pays-Bas (22 %).

Evidemment, ces rabais entraînent ipso facto une diminution de certaines dépenses et c’est la ‘’politique agricole commune’’ (la PAC) qui sera la plus affectée avec une diminution de son budget de 10 %.

Alors, cet accord, il est si historique que le prétend Emmanuel Macron ?

Un seul négociateurs a tempéré le concert d’autosatisfaction des autres chefs d’Etat ou de gouvernement, Mark Rutte, le premier ministre hollandais, qui a osé : « Je n’emploierais pas ce terme. »

Ce réactionnaire sait le poids des mots et il est rompu aux négociations : il n’est pas sorti de l’ENA néerlandaise, mais il a été ‘’directeur des relations humaines’’ chez Unilever, la multinationale néerlando-britannique aux 400 marques qui s’est illustrée à Géménos en fermant l’usine produisant les thés Lipton et Eléphant (reprise par la coopérative Fralib).

Le personnage est peu sympathique ; à la présidence du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD), il a succédé à Frits Bolkenstein, auteur de la trop célèbre directive européenne sur les marchés de services prônant la concurrence libre et non faussée. Par ailleurs, Mark Rutte s’est distingué en affirmant que la négation de la Shoah ne doit plus être considérée comme une offense criminelle en raison de la liberté d’expression. Ignoble !

Pratiquant volontiers la transgression, Rutte a savouré ses victoires et a pu se permettre de rester plus humble que ceux qui ont perdu. Comme Macron, qui continue sa politique mensongère.

Alors, cet accord, il est historique ?

On aimerait que les médias nous informent complètement. Sur les vrais résultats de cette guignolade. Sur les acteurs.

Pauvre Joffrin

Laurent Joffrin a fait savoir qu’il se lançait en politique. La nouvelle est si importante qu’elle a entraîné de nombreux médias à lui accorder une large place, éclipsant presque la crise économique et sociale ou le lamentable sommet européen de Bruxelles.

Personne n’a osé faire remarquer que Laurent Joffrin fait de la politique depuis sa tendre jeunesse et, plus encore, depuis qu’il fait du journalisme. Il faut peut-être lui rafraîchir la mémoire en lui rappelant qu’en 1993, sur France 2, il s’était vanté de la conversion du Parti socialiste au libéralisme : « On a été les instruments de la victoire du capitalisme dans la gauche. »

Aujourd’hui, il tente de réunir cent-dix acteurs de la société civile autour de lui pour créer un « nouveau mouvement politique ». Il souhaite y associer le Parti socialiste, les radicaux de gauche, des écologistes (mais pas Europe Ecologie-Les Verts), des progressistes (mais ni la France insoumise, ni le Parti communiste). C’est-à-dire peu de monde, en vérité.

Jean-Christophe Cambadélis aurait joué un rôle éminent dans cette tentative de réunion de la gauche réformiste.

Cambadélis s’est déjà essayé à ce genre d’exercice ; en 1994, il avait organisé les Assises de la transformation sociale puis, plus récemment, il avait lancé le projet de Belle Alliance Populaire. L’ancien trotskiste lambertiste, proche de Jospin puis de Strauss-Kahn, avait réussi à se faire élire premier secrétaire du Parti socialiste de 2014 à 2017. Toutes ses expériences ont connu un tel succès que son parti était devenu moribond avec moins de 40 000 adhérents, accumulant les claques électorales mémorables.

Cambadélis est tellement dévalué sur la scène politique qu’il a jugé plus raisonnable de rester dans l’ombre pour mettre Joffrin, l’ancien Young Leader de la France-American Foundation, en pleine lumière.

La ficelle est grosse, même s’ils trouvent les 110 réformistes pour se lancer dans une basse opération politicienne comme savent si bien en mener les anciens trotskistes.

Au moment où toute la gauche réunie vient de gagner de nombreuses municipalités, l’opération baptisée anti-Macron n’est qu’une tentative de torpiller un vrai front commun, anti-libéral, tournant la page du néolibéralisme et de l’austérité, du capitalisme financier et productiviste.

Joffrin et Cambadélis ont-ils peur des multiples initiatives qui tentent de bâtir des jours heureux en faisant échec à Macron ?

Pauvre Joffrin !

En continu

Les chaînes d’information en continu, BFM TV (Patrick Drahi), CNews (Vincent Bolloré) et LCI (Martin Bouygues), sont en compétition ; il ne s’agit pas de savoir qui sert le mieux l’information, mais celle d’entre elles qui déverse le plus d’âneries ou d’idées révisionnistes.

CNews vient de se distinguer en laissant l’une de ses journalistes (pas une petite débutante), Véronique Jacquier dire en direct :

« La France a colonisé l’Algérie pour mettre fin à la piraterie barbaresque et à l’esclavage en Méditerranée pratiqué à l’époque par les musulmans (…) En 1830, l’Algérie c’était rien du tout. »

La chaîne et la journaliste (qui a vraisemblablement séché les cours d’histoire) ont mérité la palme de la semaine.

Christian Delporte, professeur d’histoire à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, a cru à un gag ; puis il a réagi sur son compte Twitter :

« C’est confirmé : on peut dire absolument n’importe quoi à la TV sans être contredit(e). Cette interprétation de la conquête de l’Algérie (pas nouvelle mais destinée aux abrutis) relève d’une connerie si malfaisante que les mots me manquent pour la qualifier avec précision. »

Pas mieux pour qualifier la connerie en continu.

Les magouilles de la CFDT

Le Ségur de la santé a accouché d’un mauvais accord et les soignants qui avaient multiplié grèves et manifestations pendant plus d’un an pour déplorer la casse du système de santé français sont amers.

Tous ? Non, hélas, car il s’est trouvé trois organisations syndicales pour apposer leur signature au bas d’un texte présenté comme historique par un nouveau premier ministre qui n’a pas peur des exagérations. La CFDT a été la première, sans consultation de ses adhérents, à annoncer son acceptation des mesures prises par le gouvernement, rejointe ensuite par sa succursale, l’UNSA, et même par FO.

D’autres syndicats ont su regarder de près le prétendu accord historique et ont refusé de signer un marché de dupes.

L’urgentiste Patrick Pelloux a fait part de sa colère et a dénoncé les négociations de couloirs (et les visites nocturnes à l’Elysée ou à Matignon) :

« Là, je vous assure, ça fout un coup au moral de voir que c’est toujours les mêmes qui depuis 30 ans signent les accords et qui font un truc à l’envers. On nous avait promis un nouveau monde, on nous avait promis une modernité, un ‘’quoi qu’il en coûte’’, et puis on se retrouve avec le monde d’avant en pire (…)Concernant les urgences, il n’y a aucun progrès. Il ne se passe rien de moderne. On nous avait promis un nouveau monde, on a l’impression que c’est le monde du passé qui est en train d’être institutionnalisé pour des années. Il n’y a rien sur les gardes, il n’y a rien sur la permanence de soins, il n’y a rien sur la valorisation du temps additionnel, c’est-à-dire des heures supplémentaires. Là, dans le Ségur, il n’y a aucun moratoire. On va continuer la fermeture des hôpitaux et ça, je trouve vraiment que ce n’est pas bien ce qu’ils font (…)Nous avons l’impression que tous ceux qui se sont engagés et qui ont fait le boulot pendant la crise du coronavirus, les réanimateurs médicaux, les anesthésistes, les médecins urgentistes, sont les laissés-pour-compte de cet accord. On a fait plein de propositions pour moderniser l’hôpital, moderniser sa démocratie, moderniser sa gouvernance et il n’y a rien du tout (…) J’applaudis les syndicats qui ont réussi à faire des magouilles dans le dos des autres et qui ont réussi à s’arranger. C’est la France des clans, c’est la France des potentats, c’est la France qui fait croire que c’est un accord majoritaire alors que ça ne l’est pas. Ce sont des négociations de couloirs. »

Les négociations avaient été confiées à Nicole Notat, l’ex-secrétaire générale de la CFDT, une habituée des mauvais coups contre le monde du travail. Sa désignation était tout un symbole. Pouvait-on espérer une autre issue avec elle et avec son successeur,Laurent Berger ?

Nicole Notat, surnommée la tsarine, avait apporté son soutien à Emmanuel Macron dès le premier tour de l’élection présidentielle. Habituée des couloirs et des sinécuresauprès des premiers de cordée, elle a montré son vrai visage.

La CFDT ou la courroie transmission de Macron.

La compromission est totale puisque l’accord a étésigné la veille de l’intervention présidentielle du 14 juillet, nécessitant le retour précipité du premier ministre et de son ministre de la santé de Guyane.

Les soignants savent désormais qui défend l’hôpital public à leur côté et ceux qui les trahissent !

Dieu comme problème (encore)

Dieu des chrétiens, dieu des juifs, dieu des musulmans, des bouddhistes, des hindouistes, des taoïstes, des chamanistes, des shintoïstes, d’autres encore connaissent des courants divers, des cultes différents correspondant à des écoles, des mouvements ou même des philosophies différents. Les unes ont mieux prospéré que d’autres pour s’attirer des fidèles. Au classement des religions, car dans le domaine du spirituel les bien-pensants adorent aussi la compétition, cinq d’entre elles clament leur rang et renvoient les autres à des sectes.

Parfois les croyances des cinq grandes religions monothéistes sont encore empreintes d’un polythéisme antique ou ancestral, parfois du fétichisme, selon les pays et les latitudes. Beaucoup ont connu des schismes, accusant celui qui s’écarte du dogme d’hérésie ; quant à celui qui ne croit pas en leur dieu, il est traité de sacrilège. Apostats, hérésiarques ou mécréants étaient traduits devant leurs tribunaux et condamnés ; les châtiments n’ont pas totalement disparu : pour avoir caricaturé Mahomet, les dessinateurs de Charlie Hebdo ont été accusés de blasphème puis victimes d’un attentat.

Les auteurs de ces crimes horribles se sont investis d’un droit sacré, celui d’éliminer des impies pour être accueilli dans un paradis peuplé de houris, leur permettant d’assouvir leurs appétits sexuels.

Le monde occidental a connu hier et connaît encore aujourd’hui des agressions immondes au nom de dieu, autodafé ou bûcher ; les motifs se sont déplacés et aujourd’hui les fous de dieu condamnent les médecins pratiquant l’avortement ou ceux qui abrègent les souffrances de malades réduits à un état végétatif. A ceux qui osent imposer des mesures de protection contre le coronavirus, certains se sont réfugiés derrière leur dieu, chrétien ou autre, pour prétendre qu’il veille sur eux et qu’il est le seul à pouvoir guérir. Dieu peut tout et rien ne lui est impossible.

Si leur mouvement n’est pas aussi radical, il est néanmoins suffisamment violent pour plonger des femmes ou des familles dans la peur et le désarroi.

Rien ne pourra raisonner agresseurs et assassins puisque leurs actes sont commis au nom d’un dieu, inventé par les hommes, dont personne n’a jamais pu prouver l’existence. Ni l’inexistence d’ailleurs.

Etablir la carte des religions n’est pas chose aisée si on ne tient pas vraiment compte de leur évolution, intimement liée aux grandes évolutions de l’humanité. Un grand nombre d’entre elles se sont apaisées au rythme de leur perte d’influence et de leurs pratiquants. D’autres relèvent plus d’une philosophie de la vie que de véritables croyances dans le salut de l’âme et s’avèrent parfois plus tolérantes envers les autres. Mais, aujourd’hui, on est plongé souvent dans l’horreur, consécutive à des affrontements entre trois des religions monothéistes les plus importantes.

Certaines se complaisent dans un rôle tragique ; des gouvernements les utilisant en manipulant les croyants comme prétexte et agent de discorde pour des questions politiques, parfois stratégiques (comme au Moyen-Orient), économiques, philosophiques (comme en Pologne, aux Etats-Unis et en France), contre l’avortement, l’homosexualité, l’égalité homme/femme). Elles se comportent comme des agents de discorde semant la haine et l’intolérance.

Leur dieu a tout créé et il a donné la vie ; alors, pourquoi, au nom de dieu, ceux qui croient auraient-ils le droit de donner la mort ? Le dieu créateur et tout puissant ne peut pas tout absoudre !

Alors, devant ces heures sombres que nous réservent les religions, il est urgent et essentiel de redonner à lire le sublime Traité sur la Tolérance de Voltaire. Le défenseur de Callas a puisé dans les textes bibliques un argumentaire irréfutable pour instaurer un esprit de concorde sur terre entre toutes les religions et entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas.

Ecoutons l’esprit des Lumières qui écrit : « Je vous dis qu’il faut regarder tous les hommes comme nos frères. Quoi ! Mon frère, le Turc ? Mon frère le Chinois ? Le Juif ? Le Siamois ? Oui, sans doute ; ne sommes-nous pas tous enfants du même père, et créatures du même Dieu ? »

Imparable, mon cher Voltaire.

Dieu comme problème

Le dieu des musulmans ne nous dérangeait pas plus que le dieu des catholiques ; c’est pourtant au nom des deux que chrétiens et islamistes s’étaient affrontés au long des siècles, violemment et cruellement. On ne savait plus qui était le bourreau et la victime, qui portait la vraie parole divine, qui était le mécréant.

Les catholiques ont fini par ranger les armes, les islamistes aussi et nous avons redécouvert un monde où les religions apaisées et redevenues pacifiques semblaient faire tomber les tensions ; à l’exception d’un point de fixation au Moyen-Orient où le dieu des juifs a fait remonter la tension mondiale. Les braises ont fini par rallumer, le feu des excommunications et des affrontements terribles.

Au nom d’un nouvel islamisme, haineux, fondamentaliste, aux cris de « Allah est grand » et « mort aux infidèles », des musulmans, jeunes, sont partis en reconquête des foules. Au nom de dieu, ils ont semé la terreur et assassiné des milliers de pauvres gens, y compris des fidèles de leur propre dieu. Ils ont fait de Mahomet un assassin au bras armé de kalachnikovs.

Ces islamistes-là ont fait verser des torrents de larmes, partout où ils croyaient voir d’immondes incroyants. Fanatisés, on leur avait fait croire au paradis. Leur férocité nous remettait en mémoire les heures les plus sombres des fous d’un dieu catholique, racontées dans les livres d’histoire.

Décidément, dieu est un problème et le problème pour avoir pu laisser croire que tuer l’infidèle permettait de réserver une place de choix auprès de lui. Leur dieu aurait besoin, selon leurs prédicateurs, de martyrs pour écraser ceux qui croient à une autre idole, en Amérique, en Afrique, au Moyen-Orient, bref, partout.

Quand leur maître à penser est un politique, il s’appelle Erdogan et il règne sur la Turquie. Il ne prêche pas le mort de l’infidèle, mais il emprisonne ceux qui croient et ceux qui ne croient pas dans les mêmes prisons s’ils s’opposent à son islam prétendument moderne. Il sème plus de misère que ceux qui ont tué et ceux qui tuent encore ; il prend un peuple en otage et il s’attaque à tous les symboles de la laïcité. C’est précisément au nom de son dieu qu’il a pris la décision de rendre Sainte-Sophie au culte de Mahomet :

« Aujourd’hui, la Turquie s’est débarrassée d’une honte, a-t-il osé déclarer. Sainte­Sophie vit à nouveau une de ses résurrections, comme elle en a déjà connu plusieurs (…) Elle signifie que le peuple turc, les musulmans et toute l’humanité ont de nouvelles choses à dire au monde. » 

Erdogan remet en cause la république laïque de Mustafa Kemal Atatütk, flattant les partis d’extrême droite, ses alliés. Il tente un baroud d’honneur pour tenter de dissimuler la situation économique catastrophique de la Turquie, mais, en même temps, il donne des gages à tous les islamistes fondamentalistes et violents en exaltant l’identité islamo-turque.

La république laïque d’Atatürk avait supprimé l’islamen tant que religion officielle, aboli les instances de lacharia, donné ledroit de vote aux femmeset remplacé l’alphabet arabepar l’alphabet latin. Erdogan revient sur tout. Il ramène son pays un siècle en arrière et redonne de la vigueur aux groupes islamistes les plus fous, ceux qui ont encore le bras armé et qui crient toujours « Mort aux infidèles ». Il ravive en même temps les pires relents racistes dans nos pays, assimilant tous les musulmans à des ennemis et à des assassins.

L’alliance des civilisations millénaires qui ont inventé tant de belles choses est en danger et c’est au nom de leurs dieux que les tensions mondiales ne s’apaisent pas.

Dieu, l’invention la plus terrible de l’humanité ?

Un hôpital trop public !

Jean-Francis Pécresse est éditorialiste au quotidien économique Les Echos, donc salarié de Bernard Arnault.

Il n’écrira rien qui pourrait déplaire à son patron ; il est en empathie avec lui, peut-être même en adoration devant la réussite de l’un des hommes les plus riches du monde.

Dans quel état était-il pour écrire son éditorial aujourd’hui ? Tout d’abord le titre. Provocateur : un hôpital trop public. Ensuite le contenu où le brillant journaliste vante les mérités du premier ministre et du ministre de la santé : « Pour soigner l’hôpital, écrit-il, mieux vaut entrer par la bonne porte, la grande. C’est ce qu’ont fait le nouveau Premier ministre, Jean Castex, et le ministre de la Santé, Olivier Véran.En consacrant 7,5 milliards d’euros à revaloriser les traitementsdes personnels non médicaux des hôpitaux – les médecins devant attendre encore d’être fixés sur leur sort -, ils apportent une réponse financière à la hauteur de la reconnaissance due aux « blouses blanches » en première ligne dans la crise sanitaire. »

Jean-Francis Pécresse a raté un épisode la pourtant longue lutte des soignants pour arriver à obtenir une revalorisation de leurs salaires ; un an de grève et de multiples manifestations n’auraient pas attiré l’attention des Echos ?

L’éditorialiste veut, maintenant, « redonner à l’hôpital public son attractivité », parce que, selon lui, « le public est devenu l’ennemi de l’hôpital. Quand il faudrait offrir des perspectives de carrière, des évolutions au mérite, des primes à la performance, des recrutements sous contrat permettant d’attirer des personnels compétents ou simplement nécessaires pour un temps donné, les règles du service public et le statut de la fonction publique empêchent les directeurs de le faire. »

Jean-Francis Pécresse veut appliquer au service public les règles du privé : salaire au mérite, flexibilité de la durée de travail, contrats à durée déterminée, primes. Il n’a pas osé franchir le pas en demandant la privatisation du système de santé, mais il a puisé ses idées dans le programme du MEDEF. Recopié scrupuleusement.

Pour terminer son billet, il tape fort sur les syndicats qui « eux, défendent un statut, pas l’hôpital. » Maudits syndicats qui ont mené la grève pendant plus d’un an et qui ne sont pas satisfaits des résultats du ‘’Ségur de la santé’’ ; maudits syndicats rétrogrades et qui ne savent pas s’habituer au monde nouveau.

Ah ! J’oubliais ; Jean-Francis Pécresse est le frère de Jérôme, le patron de la branche énergie renouvelable de General Electric et le beau-frère de Valérie, la présidente de la région Ile-de-France. Que c’est beau, l’esprit de famille.

La comédie du pouvoir

Emmanuel Macron entend dominer la question du pouvoir, question centrale pour un président adepte de la verticalité et peu soucieux de la démocratie. Le gouvernement constitué autour du premier ministre, Jean Castex, ne laisse planer aucun doute : le président de la République fait savoir qu’il détient seul le pouvoir.

On est loin du gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. Emmanuel Macron a tranché tout débat à ce sujet et n’a nommé que des ministres acceptant une situation de soumission. Il s’est également donné les moyens de tout contrôler en envoyant de jeunes loups dans les cabinets des ministères régaliens.

S’il détient le pouvoir, il veut aussi vérifier que personne ne viendra mettre en cause l’usage qu’il fait du pouvoir et ses visées pour l’élection présidentielle de 2022.

Il n’a tenu aucun compte des événements qui ont marqué les élections municipales où, parfois, des inconnus ont réaffirmé le besoin de démocratie et écarté des maires partageant la vision verticale du pouvoir.

Les premières déclarations de Jean Castex ou d’Eric Dupont-Moretti ont semblé empreintes d’une grande naïveté. Ils sont trop intelligents pour croire qu’ils auront des marges de manœuvre et que celui qui a renforcé son pouvoir leur laissera un espace de liberté d’action.

Quand Bruno Le Maire a voulu taxer les plateformes américaines, Emmanuel Macron a immédiatement réagi pour freiner les ardeurs (pourtant bien timides) du ministre de l’économie. L’intérêt des grandes sociétés a prévalu sur l’intérêt général. Le marché dicte sa politique et conditionne toutes les règles.

Donc, Emmanuel Macron a constitué un gouvernement de ‘’godillots’’ pour répondre aux vœux du marché et en faire accepter les lois au peuple. L’hypocrisie est à son comble. Et on mesure le degré de soumission des ministres à leur parcours antérieur.

On a vu par exemple comment la question écologique a été évacuée par Emmanuel Macron, entraînant le départ tonitruant de Nicolas Hulot. Aujourd’hui, la détentrice du portefeuille est une opportuniste que la sénatrice écologiste Esther Benbassa a épinglé sur son compte Twitter, non sans humour :

« Toutes mes félicitations Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Pour ce qui est de l’‪écologie, je ne sais pas. Mais pour ce qui est de la ‪transition, c’est incontestablement une experte: verte, puis vallsiste, puis macroniste. On attend la suite avec impatience. »

Emmanuel Macron n’est pas écologiste ; Barbara Pompili, on ne sait pas, mais on sait que le président a le pouvoir…

Le gouvernement Macron-Sarkozy

Mais qu’arrive-t-il aux Echos ? La France a un nouveau gouvernement, nommé par celui qui parlait d’un nouveau monde, d’une ‘’startup nation’’ et le quotidien économique de Bernard Arnault y voit la patte de Sarkozy, l’ancien monde.

Les Echos ne se sont pas trompés. Les néolibéraux n’ont pas tourné la page de la droite réactionnaire de Sarkozy et le quotidien se félicite du retour aux fondamentaux pour terminer la casser des acquis sociaux. M. Arnault jubile.

L’ex-président de la République, qui traîne quelques gamelles judiciaires derrière lui, est qualifié de DRH d’Emmanuel Macron. Nicolas Sarkozy est toujours prêt à tout lorsqu’il s’agit des basses besognes de valet du capitalisme.

Le Figaro, lui, estime que c’est l’ombre de Nicolas Sarkozy qui plane sur le nouveau gouvernement ; le quotidien Dassault relève les noms des ministres qui ont travaillé avec lui, Jean Castex, Bruno Le Maire, Roselyne Bachelot entre autres, ou qui sont ses amis comme Eric Dupont-Moretti, Gérald Darmanin, etc.

La politologue Virginie Martin en a conclu sur franceinfo que « c’est un gouvernement et de droite et de droite et on sent la patte de Nicolas Sarkozy derrière ».

Le retour de Nicolas Sarkozy est tout sauf une surprise : la ligne politique d’Emmanuel Macron s’affiche nettement dans la continuité de la droite réactionnaire. Les rangs de La République en Marche sont si clairsemés que le recours à la vieille droite est la seule solution qui s’offre à l’hôte actuel de l’Elysée.

Roselyne Bachelot ne voulait plus entendre parler du cauchemar de la politique ; et coucou, la revoilà. Un clown rue de Valois, c’est tout sauf drôle pour la culture.

Quant au choix de l’avocat Eric Dupont-Moretti au ministère de la justice, il est déjà considéré comme une déclaration de guerre par l’Union syndicale des magistrats (USM), plutôt classé à droite. Le syndicat rappelle justement toutes les déclarations tonitruantes et à l’emporte-pièce du nouveau garde des Sceaux contre les magistrats et les institutions comme le Parquet national financier, l’Ecole de la magistrature, etc.

Les luttes intestines entre ceux qui restent, comme celle qui a opposé Blanquer et Darmanin pour savoir qui serait le premier flic de France, en dit long sur les ambitions personnelles des politiciens de droite, méprisants pour le peuple et les échelons intermédiaires.

Quel spectacle pitoyable que ce changement de gouvernement quand la France est à l’agonie, avec les annonces de suppressions de milliers d’emplois chaque jour, les menaces de faillites, la pauvreté qui se répand, l’école, le collège, le lycée et l’université qui sont dans un état déplorable, les soignants à nouveau dans la rue, les services publics menacés de privatisation.

Le jour d’après ne sera pas vert, Barbara Pompili n’étant qu’un gadget dans un gouvernement qui n’est au mieux qu’une équipe de campagne d’Emmanuel Macron pour la campagne présidentielle de 2022.

Le gouvernement de Jean Castex va rabâcher les paroles et les actes du gouvernement d’Edouard Philippe, en plus docile aux injonctions du patron et de son DRH. Nous ne vivons plus en démocratie, puisque le changement de ministres ne sera pas suivi de changements écologiques, économiques, sociaux et culturels que les résultats des élections municipales pouvaient laisser espérer.

Le pouvoir économique et financier échappe à Macron et à ses ministres. Ceux qui espéraient un pouvoir plus vert et plus social, ont assisté à la contre-attaque d’un pouvoir qui s’éloigne de plus en plus des aspirations du peuple. Les marchés n’ont aucune attention pour l’intérêt général et le bien-être du peuple.

Les Echos ne se sont pas trompés dans leur analyse du moment grotesque (et, au demeurant insignifiant) que nous venons de vivre : les marchés restent au pouvoir. Hier, c’était avec Sarkozy ; aujourd’hui avec Macron. Le choix des ministres n’est qu’un décor en trompe-l’œil pour tenter de leurrer le peuple.

Le clown

Il n’est pas trop tard pour revenir sur la prestation de l’ex-ministre de la santé, Roselyne Bachelot, devant les membres de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Convertie, hélas, en chroniqueuse à la télévision, elle était interrogée sur la gestion de la crise sanitaire liée au coronavirus.

Roselyne Bachelot qui ne fait rire que les gogos et elle-même, mais qui se pavane de chaîne en chaîne d’une télévision de la vacuité pour déverser des âneries, a osé s’en prendre aux médecins avec une suffisance et un aplomb rares :

« Pourquoi est-ce qu’on n’a pas de blouses ? Ça n’existe plus ? (…) On attend que le directeur de cabinet du préfet ou de l’ARS vienne avec une petite charrette porter des masques ? Qu’est-ce que c’est que ce pays infantilisé ?(…) Il faut quand même se prendre un peu en main dans ce pays. C’est ça la leçon qu’il faut tirer. Tant qu’on attendra tout du seigneur du château, on est mal ! »

Remarque idiote et insensée qui a valu à celle qui a introduit la tarification à l’acte à l’hôpital et contribué à la situation qu’on connaît, une réplique cinglante du président de la Fédération des médecins de France, Jean-Paul Hamon

« Qu’est-ce que cette ancienne ministre qui tient des propos indignes devant la représentation nationale ?(…) Ça ne m’étonne pas qu’elle pense qu’on n’ait pas de masques, pas de blouse dans nos cabinets. Déjà en 2009, lors de la grippe H1N1, ses services pensaient que les médecins généralistes n’avaient pas de frigo dans leurs cabinets(…) Roselyne Bachelot ferait mieux de se taire plutôt que de faire le clown devant la représentation nationale.« 

Le mot est juste. Roselyne Bachelot fait le clown, mais le clown triste.

Un moyen de se dédouaner de ses responsabilités. Sans doute. Indigne d’une ex-ministre devant la représentation nationale. Assurément.

Magie du direct

Richard Berry nous a offert un moment exceptionnel hier soir au cours de l’émission Le Grand Echiquier avec un extrait de son spectacle Plaidoiries.

C’est la magie du direct : l’acteur a repris la plaidoirie de l’avocate Gisèle Halimi prononcée au tribunal correctionnel de Bobigny en 1972. Prononcé dans l’enceinte d’un tribunal le texte est inédit ; Richard Berry a permis de découvrir sans doute le plus beau plaidoyer féministe jamais écrit. Juste politiquement et émouvant.

L’acteur a eu raison d’ajouter qu’il est l’une des plaidoiries qui, par sa justesse politique, a contribué à changer la vie sociale des femmes.

Gisèle Halimi a fait de sa plaidoirie une tribune contre la société patriarcale, machiste et contre la loi de 1920 ; elle a contribué à faire évoluer les mentalités et à préparer le terrain à la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse.

En même temps, Gisèle Halimi avait fait le procès du capitalisme et de l’exploitation des ouvriers, mais aussi de la surexploitation de la femme. Richard Berry faisant remarquer que, hélas, la plaidoirie de l’avocate était d’une brûlante actualité quand on mesure les obstacles rencontrés par les femmes pour avorter en Pologne, en Italie, aux Etats-Unis, en Argentine et en France, mais aussi les agressions sexuelles, les féminicides, les tâches ingrates qu’elles occupent dans toute la société et dans les familles.

Le texte dit par un homme gardait toute sa force de persuasion, toute sa beauté grâce à un Richard Berry juste, animé par la flamme de l’avocate.

Nathalie Dessay, présente à l’émission, en a été bouleversée, les larmes aux yeux et incapable de prononcer une parole. Elle ne fut sans doute pas la seule ; le silence avait envahi les invités. La force de persuasion de Richard Berry puisée chez l’avocate était vraie parce que puisée aux fonds des entrailles des femmes contraintes d’avoir recours aux faiseuses d’ange pour avorter.

Tout est juste dans la plaidoirie ; tout est vrai et l’émotion qui s’en dégage est juste elle aussi.

Magie du direct, disais-je.

Après l’émission de la veille de cette boursouflure d’Hugo Clément, on mesure combien la télévision est capable, aujourd’hui, du meilleur comme du pire.

La leçon de télévision

Hugo Clément est jeune, il vient d’entrer dans la trentaine, et il sait se placer devant une caméra de télévision pour toujours apparaître sur l’écran. Le jeune homme est le réalisateur de ses propres documentaires et le maître du montage.

Le jeune homme a administré hier soir sur France 2 une leçon de télévision d’aujourd’hui, narcissique, inversant les rôles (c’était lui le sujet du documentaire et non les espèces menacées). On a vu plus souvent son beau profil que les images des animaux que l’homme s’évertue à faire disparaître de son environnement.

Le jeune homme a vite compris comment tirer profit d’un thème dans l’actualité, l’écologie ; la ressemblance avec le jeune Nicolas Hulot était frappante.

Il s’est amusé à se mettre en scène, jouant copain-copain avec les vrais défenseurs de la nature rencontrés au cours de ses voyages. Malgré ses efforts, on avait du mal à croire à son empathie. Etre convaincant à l’écran est un art qu’il ne maîtrise pas encore.

L’émission n’a pas convaincu les téléspectateurs qui, deux jours plus tôt, avaient, paraît-il, viré au vert. ‘’Sur le front des animaux menacés’’ n’était pas de la grande télévision, genre Frédéric Rossif, par exemple, seulement un pâle reflet de la télévision d’aujourd’hui

Le jeune homme n’a pas rendu service à la cause qu’il prétend défendre. Il défend beaucoup mieux sa petite personne, dont tout le monde se moque.

La télévision rend fou, disait Bruno Masure ; je le crois volontiers. Mais la maladie frappe de plus en plus jeune.

Hugo Clément avait été surnommé Ego Clément par des collègues de travail. Comment avaient-ils pu deviner ?