La Chouette qui hioque

Mois : février 2019

Le réveil des Académiciens

L’Académie française, ce machin anachronique, reçoit aujourd’hui le rapport d’un groupe de travail présidé par Gabriel de Broglie sur « l’utilisation du féminin pour les noms de métiers et de fonctions ». Mieux vaut tard que jamais quand l’usage a devancé les prétendus Immortels.

Doctoresse, infirmière, informaticienne, magistrate et bien d’autres n’ont pas attendu l’imprimatur du dictionnaire de l’Académie pour entrer dans le langage courant. Histoire de montrer que le français est une langue vivante. N’en déplaise à Hélène Carrère d’Encausse qui interdisait qu’on l’appelle Madame la secrétaire perpétuelle.

L’Humanité d’aujourd’hui publie aujourd’hui un article fort intéressant qui rappelle fort opportunément que « jusqu’à la Renaissance, le français prend en compte la forme féminine de nombreuses professions. Des termes, qui font bondir certains aujourd’hui comme ‘’autrice’’ existaient au Moyen Âge, au même titre que ‘‘actrice’’. »

Et l’auteur de l’article rappelle, toujours fort opportunément, que c’est le très réactionnaire Richelieu qui a figé notre langue pour asseoir le pouvoir absolu du roi en masculinisant les métiers et professions.

Si les académiciens adoptent le rapport qui leur est soumis, ils n’auront que quelques siècles de retard sur les pratiques. Mais ce sera une victoire, symbolique certes mais réelle, dans la marche vers l’égalité femme-homme.

Rony Brauman et l’antisionisme selon Macron

Le site de Middle East Eye (middleeasteye.net) publie une longue interview de Rony Brauman, l’ancien président de Médecins sans frontière (MSF), directeur de recherche à la Fondation MSF et professeur à l’université de Manchester.

Il réagit aux propos d’Emmanuel Macron au dîner du CRIF et il estime que l’assimilation de l’antisionisme à l’antisémitisme est extrêmement dangereuse.

En premier lieu, Rony Brauman « constate mais ne peux expliquer les volte-face et hésitations successives d’Emmanuel Macron sur cette question de l’antisionisme désormais assimilé à l’antisémitisme. C’est là un sujet délicat qui se frotte à plusieurs possibilités. Ce sont probablement les hésitations du pouvoir qui se retrouvent dans ces atermoiements. »

Rony Brauman dévoile ensuite la perversité de l’assimilation de l‘antisionisme à l’antisémitisme et en mesure tous les dangers : « Emmanuel Macron n’a pas annoncé vouloir introduire l’antisionisme dans le code pénal. Mais sa décision de lier antisémitisme et antisionisme va fournir, de façon détournée, un cadre d’interprétation juridique et judiciaire applicable contre la campagne BDS [Boycott, Désinvestissement, Sanctions]. Cela pourrait servir aussi contre des gens qui soutiennent ce boycott, qui pourraient être alors inquiétés. Par ce biais, il s’agit de criminaliser des positions critiques sans toutefois faire de l’antisionisme un délit d’opinion de façon claire. Mais in fine, cela reviendra au même, car ce délit d’opinion sera de toute façon mis en place de façon détournée, et il ne vaut que pour certains propos, ceux qui concernent les juifs. Ce faisant, on jette de l’huile sur le feu qu’on prétendait éteindre. Car comment mieux suggérer implicitement que les juifs doivent bénéficier d’un statut particulier, que les sionistes seraient mis par le pouvoir à l’abri de la critique et qu’Israël serait ainsi sanctuarisé contre les critiques sévères ? Comment mieux nourrir les théories complotistes qu’en se livrant à ce genre de manœuvres ? Il y a là un cheminement intellectuel qui m’échappe. C’est désastreux. »

Rony Brauman voit dans l’attitude de Macron une instrumentalisation : « Il y a là une instrumentalisation perverse de l’antisémitisme qui sert en l’occurrence à disqualifier un mouvement social, celui des Gilets jaunes. Cette instrumentalisation a pour effet pervers de placer les juifs dans le cercle fantasmé des puissants, des dominants, de ceux qui maîtrisent les discours et les médias. Ils seraient ceux qui imposent leur vérité et leur description des situations au détriment de tout le reste. C’est là un jeu extrêmement dangereux. »

En conclusion, Rony Brauman dénonce le comportement dangereux du président de la République : « L’antisémitisme n’a attendu ni le sionisme ni la création d’Israël pour s’alimenter. Mais on ne peut que constater que de tels comportements et déclarations le nourrissent, l’amplifient, en élargissent la portée. Tout cela est très dangereux. »

Cette interview est remarquable de lucidité et d’intelligence. Elle mérite d’être lue dans son intégralité tant elle apporte des réponses aux interrogations que chacun a pu avoir après avoir pris connaissance des déclarations d’Emmanuel Macron. Apprenti sorcier ? Ou chasseur d’électeurs ? Ou les deux à la fois ?

En finir avec le discours dominant

Le sous-titre du dernier ouvrage de Thomas Porcher, docteur en économie, enseignant-chercheur à Paris 1 et membres des Economistes atterrés, donne le ton ; le titre est encore plus explicite : « Traité d’économie hérétique » (Fayard-Pluriel) et sa lecture est revigorante. Elle permet de s’extirper des billevesées, coquecigrues, niaiseries, mensonges et contre-vérités, « affirmations ressassées en boucle depuis plus de trente ans par une petite élite politique, médiatique et intellectuelle, bien à l’abri de ce qu’elle prétend nécessaire d’infliger au reste de la population pour sauver la France. »

Thomas Porcher dénonce, mais argumente pour « ne plus accepter comme une fatalité ce que nous propose le discours dominant ». En conclusion, il énonce quelques « principes d’autodéfense contre la pensée dominante » qui permettent de ne pas sombrer dans la fatalité et le renoncement.

Thomas Porcher tord le cou au libre-échange et j’ai, notamment, apprécié une phrase, dans les dernières lignes de son traité : « Les seuls véritables gagnants du libre-échange sont les multinationales qui peuvent désormais optimiser leurs profits en produisant là où le coût de la main-d’œuvre est le moins cher, en vendant là où il y a du pouvoir d’achat et en payant leurs impôts là où la fiscalité est la plus faible. »

Ce traité-là donne envie de continuer à se battre pour changer la marche du monde capitaliste.

Comprendre l’origine du sionisme Combattre l’antisémitisme

Le site orientxxi.info publie fort opportunément aujourd’hui des extraits d’un livre qui fait autorité pour comprendre le conflit israélo-palestinien et les questions touchant à la différence entre antisémitisme et antisionisme,  Israël-Palestine, vérités sur un conflit (Fayard, 2017).

Le livre d’Alain Gresh, l’un des plus fins connaisseurs de la question, est d’une grande actualité au moment où le président de la République veut définir l’antisionisme et en faire un délit. Il plonge dans l’histoire pour permettre au lecteur la compréhension des positionnements actuels des différentes parties. Nous reprenons ici un large extrait de ce livre qui éclaire un pan important de l’histoire du sionisme :

« Le sionisme n’a été que l’une des réponses possibles, longtemps très minoritaire, à la « question juive. » Durant la fin du XIXe siècle et avant la première guerre mondiale, la grande majorité des juifs d’Europe centrale et de Russie « vote avec ses pieds », en émigrant massivement à l’ouest, et notamment aux États-Unis, la Terre promise de tant de laissés-pour-compte… D’autres, nombreux, font le pari de l’intégration. À partir de 1880, et malgré l’antisémitisme, le nombre de mariages mixtes chez les juifs allemands ne cesse d’augmenter : entre 1901 et 1929, la proportion passe de 16,9 à 59 %. En France aussi, cette « assimilation » s’accélère. La participation active des juifs aux mouvements révolutionnaires transnationaux, notamment socialistes et communistes qui prônent la fraternité universelle, peut être considérée comme une autre de leurs répliques aux discriminations dont ils sont l’objet. Quant aux religieux, ils rejettent pour la plupart le sionisme : l’État juif ne peut renaître et le Temple ne peut être relevé qu’avec la venue du Messie.

Le sionisme n’est pas le seul mouvement organisé spécifique des juifs de l’Est. En 1897 est créé le Bund, l’Union générale des ouvriers juifs de Lituanie, Pologne et Russie. Il concurrencera le sionisme jusque dans les années 1930. Il se veut nationaliste et socialiste, se fonde sur des principes de classe, prône le yiddish comme langue nationale et une autonomie politico-culturelle conforme aux thèses de ceux que l’on appelle les « austro-marxistes ». Les bundistes appellent à l’émancipation « sur place » des masses juives, répétant : « Les palmiers et les vignobles de Palestine me sont étrangers. » Ils prêchent la solidarité des ouvriers juifs avec la classe ouvrière internationale et opposent le patriotisme de la galout (l’« exil ») au patriotisme sioniste. Tombé dans l’oubli, ce mouvement signera des pages glorieuses de l’histoire de l’Europe centrale, notamment par son rôle dans l’insurrection du ghetto de Varsovie en 1943. Il sera finalement écrasé en Pologne par les nazis et en Union soviétique par les communistes, dont les positions sur la « question juive » fluctueront au gré des événements et des retournements de doctrine. Pour concurrencer le sionisme, l’URSS va jusqu’à concevoir une république autonome juive, le Birobidjan, à l’extrémité orientale de la Sibérie.

La création de l’État d’Israël consacre la victoire du mouvement sioniste, victoire qu’ont rendue possible l’antisémitisme hitlérien et le génocide. Cet État regroupe une proportion croissante des juifs du monde – quelle que soit la définition que l’on donne à ce terme –, mais inférieure à 40 %. Des centaines de milliers d’entre eux ont préféré l’intégration, aux États-Unis ou en Europe, même si Israël réussit désormais à en mobiliser une fraction importante en faveur de ses options. Ils se sentent, à juste titre, davantage en sécurité à New York ou à Paris qu’à Tel-Aviv ou à Jérusalem. Faut-il se réjouir du triomphe de ce nationalisme étroit, autour d’un État ? Bien que sioniste, Albert Einstein exprimait ses inquiétudes : « La manière dont je conçois la nature essentielle du judaïsme résiste à l’idée d’un État juif, avec des frontières, une armée et une certaine mesure de pouvoir temporel, quelque modeste qu’il soit. J’ai peur des dégâts internes que cela entraînera sur le judaïsme — et surtout du développement d’un nationalisme étroit dans nos propres rangs […]. Un retour à une nation, au sens politique du terme, équivaudrait à se détourner de la spiritualité de notre communauté, spiritualité à laquelle nous devons le génie de nos prophètes. »

Des insultes aux manipulations

Disons-le haut et fort, affirmons-le pour en finir avec les instrumentalisations : les insultes adressées à Alain Finkielkraut ont été l’œuvre de voyous illuminés et racistes qui confondent antisémitisme et antisionisme. Ils doivent être condamnés, fortement, car on ne peut pas laisser se propager la haine contre les juifs, ou d’autres d’ailleurs.

Mais, il faut aussi dénoncer la manipulation quasiment hystérique qui a déferlé après la diffusion de la vidéo où on voyait Finkielkraut pris à partie en des termes qui tombent sous le coup des lois Gayssot et Taubira, car les insultes proférées sont un délit.

De Zemmour au CRIF en passant par Emmanuel Macron et son gouvernement, les annonces sont inouïes. Tous ont saisi l’occasion pour dénoncer les insultes (c’est le moins qu’ils pouvaient faire) mais pour, aussitôt, demander qui des sanctions exemplaires, qui de nouvelles lois, qui l’interdiction des manifestations, parfois avec des arguments mensongers, en profitant de l’émotion bien légitime de tous les antiracistes et de tous les démocrates.

Eric Zemmour ose affirmer sur LCI (où il a antenne ouverte), à propos de l’insulteur : « C’est un lecteur du Coran. Il y a de nombreux versets appelant au meurtre des juifs. Il dit « La France est à nous »… Il y a une stratégie des frères musulmans de colonisation de la France (…) Il y a une alliance entre l’extrême gauche qui cherche des troupes avec les jeunes musulmans de banlieue contre le capitalisme, et les frères musulmans qui cherchent des alliés pour islamiser la France et abattre juifs et chrétiens. »

Le Parisien, lui, a recueilli la parole du président du CRIF, qui ose affirmer : « Le mouvement s’est radicalisé et a été infiltré par les mouvements complotistes, l’extrême droite et l’extrême gauche, les islamos-gauchistes et les salafistes. Il leur donne l’occasion de venir exprimer leur haine des Juifs, d’Israël à ces manifestations du samedi. »

Il se trompe et il nous trompe en affirmant de telles énormités. Mais, aussitôt, il avance ce qui est déjà envisagé par des députés de la droite extrême comme Eric Ciotti : « Il faut prendre des mesures drastiques pour faire cesser ces manifestations qui ne servent plus à revendiquer sur le pouvoir d’achat, mais à exprimer la haine des institutions, de la République et des Juifs. »

De tels discours ne sont pas pour déplaire à Macron et à son gouvernement qui souhaitent se débarrasser des manifestations de tous les samedis où leur politique ultralibérale, pro-business, pressurant les pauvres pour gaver les plus riches est mise en accusation.

Dans les médias, on n’entend guère les voix plus raisonnables qui s’opposent à la manipulation des événements. Comme celle de l’historienne Annette Wieviorka, qui sur France Inter s’oppose à une loi qui criminaliserait l’antisionisme : « C’est une idée bizarre, on a tout un arsenal législatif, c’est pas très difficile de montrer que c’est une injure. » Comme celle de Dominique Vidal, journaliste et spécialiste du Proche-Orient, dit dans L’Humanité : « On part de quelques cris de haine dans une rue et on finit à l’Assemblée nationale avec une loi liberticide qui, si elle était adoptée, mettrait fin à un acquis très important, l’absence du délit d’opinion en France. » Dominique Vidal affirme haut et fort : « On en arrive à des analyses ubuesques qui relèvent du surréalisme le plus débridé. C’est un enchaînement de manipulations qui vise à faire taire les critiques dans un moment de radicalisation sans précédent de la politique israélienne. » Par ricochet, ces manipulations visent à faire taire les critiques de la politique d’Emmanuel Macron.

La boucle est bouclée.

Intolérance, toujours

Le pape François a fort à faire avec ses prêtres pédophiles, dont on découvre au fil des jours qu’ils sont nombreux et même très nombreux.

Qu’attend-il que Dieu, s’il existe, lui dise de l’état de l’Eglise catholique ?

François peut bien prier, il est assuré de ne pas recevoir de réponse venue des cieux et il devra en référer à sa seule conscience de parfait honnête homme, mortel, mais d’une grande sagesse dont on le sent habité en écoutant ses nombreuses prises de position (à l’exception notable, il est vrai, de son avis sur l’avortement). Dieu n’infligera pas de châtiment à ses prêtres pédophiles, de plus en plus nombreux jusque dans son entourage le plus proche. Dieu ne déclenchera pas plus de déluge.

François pourra se retourner vers de savants théologiens, il n’est pas plus assuré de trouver une issue à ses interrogations métaphysiques. Le recours aux écrits des saints ne lui sera guère plus utile. Le pape, donc, est placé devant une situation insoluble, où même la foi, déjà si fragile, n’est d’aucun secours. Dieu est absent, Dieu est plongé dans un mutisme profond.

Il y a là de quoi faire douter et, pour le moins de jeter un grand trouble dans la communauté catholique, à l’exception de celle dite traditionnaliste, qui a longtemps été aussi muette que Dieu devant les dégâts provoqués au sein de leurs propres familles.

Certains veulent continuer à jeter un voile (pudique ?) sur les étranges mœurs des prêtres accusés. L’un d’entre eux a même tenté de faire interdire la diffusion du film de François Ozon, Grâce à Dieu. Mais Dieu merci, il a été débouté, évitant un scandale supplémentaire à l’Eglise catholique qui n’en a vraiment pas besoin tellement ses ouailles se font rares.

Le pape François qui sort moins d’énormités que son prédécesseur, doit avoir apprécié la décision de la justice laïque de notre pays, qui a refusé la censure.

Les exemples des interdictions de Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, le film de Jacques Rivette en 1966 (adapté du livre de Diderot), et de La dernière tentation du Christ, le film de Marin Scorsese en 1988 (adapté du livre de Nikos Kazantzakis) sont encore présents dans la mémoire collective et ne font pas honneur aux prétendus traditionnalistes qui accusent ceux qui ne s’adonnent pas au sentiment religieux des croyants d’hérétiques ou de blasphémateurs.

On peut ne pas avoir ce sentiment religieux et respecter ceux qui croient, mais on a le devoir de déplorer l’intolérance des catholiques traditionnalistes, des islamistes fondamentalistes ou des juifs ultra-orthodoxes, les haredim, tous plus agressifs les uns que les autres.

Au nom de quoi et de qui osent-ils tenter d’imposer leurs lois, leur politique, leur vie sociale à ceux qui ne croient pas, alors que pour ceux-ci leur dieu n’est ni un problème, ni un obstacle au vivre ensemble.

Voltaire, reviens !

Qui osera écrire un nouveau Traité sur la tolérance en 2019 comme Voltaire l’avait fait en 1763 ?

Voltaire fustigeait, lui, l’intolérance religieuse après l’exécution de Jean Calas, accusé d’avoir assassiné son fils afin qu’il ne se convertisse pas au catholicisme. Mais, chaque jour, de partout dans le monde, nous parviennent des preuves insupportables de la montée d’une intolérance totale.

Aux Etats-Unis, où le racisme connaît de beaux jours depuis l’accession de Trump à la présidence, un policier a osé interpeller deux citoyennes au prétexte qu’elles parlaient espagnol « dans un magasin au sein d’un Etat (le Montana) où l’on parle en grande partie anglais. » Le policier a ajouté : « Ce n’est pas illégal, c’est simplement très inhabituel ici. »

Les deux citoyennes ont déposé une plainte, mais cet incident en dit long sur le niveau d’intolérance atteint par le pays qui prétend être la plus grande démocratie de la planète.

En effet, selon l’AFP, les deux femmes « racontent qu’elles étaient en train d’attendre leur tour pour acheter du lait et des oeufs quand cet officier a fait un commentaire sur l’accent de Mme Hernandez et a demandé aux femmes leur lieu de naissance. « Cet incident fait partie d’une tendance plus large que nous avons observée de tactiques abusives utilisées par les agents aux frontières, qui se sont aggravées sous l’administration Trump », a indiqué à l’AFP Cody Wofsy, avocat de l’ACLU. »

L’Italie, la Hongrie, la Pologne n’ont rien à envier aux Etats-Unis.

Mais la France ?

Peut-on parler d’un pays exemplaire ne matière de tolérance quand se multiplient, par exemple, les gadgets pour repousser les sans-abris ?

Et que penser du vote de l’Assemblée nationale qui impose la présence des drapeaux français et européen dans chaque salle de classe ? Décision ridicule et provocatrice qui pose de nombreux problèmes quand l’école est en grand danger de pénuries de toutes sortes. Mais aussi provocatrice pour ceux dont les parents ont rejoint un pays de culture, accueillant, le pays des Lumières pour fuir la guerre, la famine et la répression mais dont les ancêtres ne sont pas les Gaulois !

Le vote de l’Assemblée nationale par une majorité de députés a des relents d’un nationalisme d’un autre âge, un nationalisme qui ferme la porte à l’autre, qui exclut et qui fait preuve d’un ostracisme sans borne. Hélas, c’est aujourd’hui que cela s’est produit dans notre pays.

Quand l’intolérance atteint un tel degré, il ne suffit plus de s’indigner mais de s’engager pour défendre l’intelligence et la fraternité.

Vacuité de l’information

Emmanuel Macron veut encadrer l’information et, en quelque sorte, lui donner un label officiel en donnant des subventions à ceux qui respectent son idéologie. Quelle riche idée ! L’encadrement de l’information, tous les présidents de la République en ont rêvé ; certains en allant très loin comme De Gaulle avec son ministre Alain Peyrefitte, comme Pompidou avec sa voix de la France, etc.

Aujourd’hui, certains journalistes se vautrent dans ce qu’on a appelé de l’autre côté de la Manche la presse de caniveau. Et s’y complaisent.

BFM TV est le média le plus emblématique de cette dérive de l’information et de sa vacuité ; la chaîne du milliardaire Patrick Drahi vient de publier une information selon laquelle Laurent Wauquiez, patron des Républicains et président de la région Auvergne – Rhône-Alpes (un personnage avec de hautes responsabilités), a abandonné sa parka rouge. Les électeurs sont en émoi !

La manipulation de l’information, elle, a de beaux jours devant elle ; par exemple, tous les médias reprennent en chœur les confidences des proches de Macron pour qui la démission d’Ismaël Emelien (le surdoué d’hier) de la garde rapprochée du président à l’Elysée n’a rien à voir avec l’affaire Benalla. Et nous sommes appelés à croire cette « fake news » !

Enfin (mais on pourrait continuer la liste) l’affaire de la Ligue du LOL retient de nombreuses attentions. Quelques journalistes se sont livrés à ce qui, à leurs yeux, devait ressembler à des blagues de potaches. Très vite, ce groupement informel et hétéroclite d’imbéciles, sans doute désoeuvrés, a glissé vers un grave harcèlement sexiste (passible de poursuites pénales) au point de faire quelques victimes parmi leurs consoeurs, plutôt que de vérifier et hiérarchiser les informations délivrées par leurs médias respectifs. Et cela a duré plusieurs années.

Je ne sais pas si l’intelligence humaine a des limites, mais la connerie, c’est désormais avéré, est incommensurable. Et les journalistes ne sont pas les derniers à étaler la leur. Hélas.

Attitudes inavouables et débiles et traitement inepte de l’information en disent long sur la décomposition de notre république capitaliste.

Concentration de la richesse

Gabriel Zucman est économiste et enseignant à l’université de Californie de Berkeley. Il vient de publier un nouveau travail sur l’inégalité des richesses aux Etats-Unis.

Le résultat a été publié et commenté par le Washington Post de la semaine dernière ; selon Zucman : « Les 400 Américains les plus riches – les 0,00025% de la population – ont triplé leur part de la richesse nationale depuis le début des années 1980 (…) Ces 400 Américains possèdent plus de la richesse du pays que les 150 millions d’adultes dans les 60% inférieurs de la répartition de la richesse, qui ont vu leur part de la richesse nationale chuter de 5,7% en 1987 à 2,1% en 2014, selon la base de données mondiale sur les inégalités. »

Zucman estime que « la concentration de la richesse semble être revenue aux niveaux observés pour la dernière fois dans les années folles. »

Le Washington commente ainsi la situation : « Cette évolution nuit à la sécurité des familles des classes inférieure et moyenne, qui dépendent de leurs petites réserves de fortune pour financer leur retraite et atténuer les chocs économiques tels que la crise économique ou la perte d’un emploi. Et c’est le pouvoir de consolidation entre les mains des milliardaires de la nation, qui utilisent de plus en plus leurs richesses pour acquérir une influence politique (…) La richesse américaine est très inégalement répartie, bien plus que le revenu. Selon les derniers calculs de Zucman, aujourd’hui, 0,1% de la population la plus riche a capté près de 20% de la richesse du pays, ce qui lui confère une part plus importante du gâteau américain que les 80% les plus pauvres de la population. »

Zucman a observé que « pour les riches, la richesse engendre le pouvoir » et, commente le quotidien, « notre système électoral est fortement dépendant d’un financement extérieur, ce qui offre aux riches de nombreuses possibilités de convertir leur argent en influence et de faire pencher la balance politique en leur faveur. En conséquence, les politiciens se sont habitués à porter une attention particulière aux intérêts des riches et à adopter des politiques qui les reflètent, même dans les cas où l’opinion publique est fortement orientée dans la direction opposée. »

«La concentration de la richesse peut aider à expliquer le manque de réponses redistributives à la montée des inégalités observée depuis les années 1980 », écrit Zucman. En d’autres termes, l’interaction entre argent et pouvoir peut se renforcer d’elle-même: les riches utilisent leur argent pour acheter du pouvoir politique et utilisent une partie de ce pouvoir pour protéger leur argent. »

Toute ressemblance avec la situation de la France d’Emmanuel Macron… C’est bien le capitalisme d’aujourd’hui, mondialisé, qui provoque ce scandale. Et c’est cela qu’il faut changer. Zucman et tous les économistes sérieux (comme Les Economistes Atterrés), font le même constat que le ruissellement qu’on tente de nous vendre pour faire avaler les inégalités n’est qu’un leurre. Un gros mensonge.

Les méprisants

Les gilets jaunes ont fait peur à Macron, aux patrons et à tous les milieux financiers sur l’air de « Ma cassette » de Louis de Funès. Ils ont cédé des broutilles, mais pas sur l’essentiel. Jupiter s’en allant parcourir la France pour écouter son bon peuple, tout en déclarant qu’il ne reviendra pas sur ce qui a été fait.

Curieuse attitude, pleine de morgue et de mépris pour le « tiers-état ».

La Cour des comptes et son président, Didier Migaud (socialiste, paraît-il), plus libéraux que les plus libéraux, volent au secours de l’ultralibéralisme.

Ils dénoncent un scénario des finances publiques préoccupant et appellent à un nouveau tour de vis, non pas pour les patrons et les riches mais pour les autres, pauvres et classes moyennes.

En publiant leur rapport annuel, ceux qu’on surnomme les Sages (un aréopage de prétendus spécialistes, gonflés d’orgueil et suffisants, nommés et non élus, bien payés) se permettent de donner la leçon à Macron lui-même et à dénoncer les prétendus privilèges des salariés d’EDF et de leur régime de retraites.

Prétentieux, M. Migaud ressasse toujours la même antienne, à savoir l’amplification et la modernisation (le grand mot est lâché !) des services publics ? A croire que le président de la Cour des comptes n’a pas entendu les revendications des gilets jaunes et des habitants des territoires. A croire que chaque année il faut aller plus loin dans la provocation, le même personnage se permet de fermer des services d’urgence la nuit. Inouï et révoltant.

M. Migaud est-il missionné pour agiter le chiffon rouge et/ou tester des mesures aussi provocatrices ?

Les Echos jubilent et se rangent du côté des auteurs de ce rapport, qui ne peut que rassurer les Macron, Philippe, Le Maire, Darmanin, les hommes liges du MEDEF.

Le temps d’une journée, il détourne l’attention de ceux qui sont sur les ronds-points à la radio et à la télévision.

Le quotidien patronal de Bernard Arnault jubile et multiplie les publications les plus réactionnaires. Ainsi, Charles Pinon, un chargé d’affaires (sans plus de précision), estime que le modèle social français coûte trop cher, que la France vit largement au-dessus de ses moyens. La solution ? « C’est bien aux prestations sociales qu’il faut toucher, ces fameux stabilisateurs en temps de crise qui permettent une incontestable et nécessaire redistribution, bien qu’en disent les nombreux démagogues de la place publique. » Et de citer retraites, assurance maladie et allocations chômage.

Il n’est pas sûr que ces gens-là réussiront à persuader ceux qui ont une pension de retraite de moins de 1000 euros, ceux qui sont au chômage de longue durée et ont cessé de s’inscrire à Pôle Emploi, qu’ils doivent encore rogner sur leur maigre pouvoir d’achat.

Les méprisants restent attachés à leur dogme ; mais la colère du peuple gronde et les pauvres n’en peuvent plus d’être ainsi méprisés.

Jojo et Manu

Jojo avec son gilet jaune aurait micro ouvert en permanence sur les chaînes d’information en continu. Et ce Jojo-là, inculte assurément, manipulé sans doute, déverse des tombereaux d’idioties, de contre-vérités, dictées par ceux qui manipulent ce Jojo, les souliers crottés et le pantalon en tire-bouchon, cachant sa condition de gueux avec son gilet jaune comme un étendard.

Manu, ci-devant président de la République, est outré : ce Jojo-là, ignare et manipulé, est mis sur un pied d’égalité avec les ministres que lui, Jupiter scarifié, a nommé pour leurs grandes compétences à nous faire entrer dans le « nouveau monde ».

Manu est tellement outré qu’il a convoqué aussitôt en son palais quelques journalistes du Figaro (de Dassault), du Point (de Pinault), de Paris Match (de Lagardère),  de BFM TV (de Drahi), etc., c’est-à-dire les représentants d’une presse irrévérencieuse, pour une conversation dite libre.

L’un d’eux, tombé dans une sorte d’extase et de jouissance extrême, a cru bon de faire partager ce moment historique en s’exclamant « Nous y étions ». Entré dans le Cénacle de Jupiter lui-même, il en a oublié de relever cette nouvelle manifestation du mépris de classe et de l’insulte de son hôte élyséen.

Les grands journalistes, ébahis d’avoir été invités à entrer dans le Cénacle, n’ont pas relevé les injonctions du président en majesté : ou la presse se soumet pour délivrer la pensée complexe de Manu ou, lui-même s’en chargera par l’instauration d’un contrôle préalable de l’information. Comme Napoléon III ou, avant lui, le roi.

Fâcheux oubli de la part des invités ? Certes non. N’ont-ils pas été invités parce que, eux, parfaits journalistes de cour et de révérence, sont au-dessus de tout soupçon de manipulation de l’information ? Ils ont préféré rapporter à leurs lecteurs, eux les nantis du régime (il y a longtemps que les gilets jaunes ne les lisent plus pour éviter la contamination de la pensée complexe, eux qui ont du mal à finir les mois et qui courent de petits boulots en petits boulots) des pensées plus nobles.

L’histoire ne dit pas si Jupiter les a remercié d’une si grande mansuétude à son égard. Car Manu ne remercie personne. Chacun lui est asservi.

La pipe de Macron

Léo Charles, maître de conférences à l’université de Rennes 2, est membre des Economistes atterrés. Spécialiste des finances publiques et des services publics, il vient de rédiger une note sous le titre « Ceci est une pipe : intox autour de la suppression de l’ISF » dans laquelle il démonte l’argumentation développée par Emmanuel Macron selon lequel le rétablissement de cet impôt n’améliorerait pas la situation d’un seul gilet jaune.

Dans sa note Léo Charles rétablit la vérité à propos du remplacement de l’ISF par l’IFI :

« De quoi parle-t-on ? L’Impôt de solidarité sur la fortune taxait, au-delà de 1,3 million d’euros et de façon progressive, le patrimoine des contribuables les plus fortunés. Etaient inclus dans le calcul de l’ISF la quasi-totalité des biens détenus par le contribuable : les propriétés immobilières, les placements financiers, l’argent détenu en liquide, les meubles, les bijoux et même les chevaux ! Par contre, les biens professionnels étaient exclus. Au 1er janvier 2018, le président Macron a supprimé l’ISF et l’a remplacé par un nouvel impôt – l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) – qui taxe les seuls patrimoines immobiliers de plus de 1,3 million d’euros. En matière de finances publiques, ce remplacement n’est pas indolore. En effet, l’ISF rapportait à l’État 4,5 milliards d’euros de recettes fiscales. Transformé en IFI, il ne rapporte plus que 1,2 milliard, soit une perte nette de 3,2 milliards d’euros pour les finances publiques. »

Puis, l’Economiste atterré tord le cou à la prétendue fuite des riches :

« Avant de détailler un peu plus cette soi-disant « fuites des riches », il convient de préciser qu’en tout état de cause, l’existence de l’ISF en France n’a pas empêché les riches de devenir de plus en plus riches. En effet, le nombre de millionnaires français augmente de 192 individus entre 2016 et 2017 pour s’établir à 1,95 million de personnes. En comparaison, l’effectif et la croissance du nombre de millionnaires français suivent la même dynamique que dans les autres pays européens. En ce qui concerne le nombre de milliardaires français, ils étaient 19 en 2016 contre 39 en 2018. Mais, nous dit-on, « trop d’impôt tue l’impôt » et l’ISF est responsable d’une hausse des expatriés fiscaux. Ils étaient 383 en 2002, 666 en 2005, 821 en 2008, 800 en 2010 et 784 en 2014. Si on rapporte le nombre d’expatriés fiscaux redevables de l’ISF au nombre total de contribuables devant s’acquitter de cet impôt, l’inquiétude se réduit. En effet, en 2004, les expatriés représentaient 0,14% du total des contribuables redevables de l’ISF, « en 2014… Et rien ne dit que l’ISF était la cause de leur expatriation. »

En conclusion, Léo Charles dénonce les raisons de la suppression de l’ISF :

« La suppression de l’ISF comme l’instauration de la flat tax s’inscrivent dans une stratégie bien précise : renforcer l’attractivité de la France pour les détenteurs de capitaux en augmentant la rentabilité du capital et en diminuant le coût du travail. Ce choix bénéficie aux plus riches et pèse sur les classes populaires. Surtout, le remplacement de l’ISF par l’IFI met tout bonnement fin à la taxation des actifs financiers en France avec les effets sur l’investissement que l’on connaît désormais. La question de l’ISF est donc d’une importance cruciale pour les citoyens désireux d’une plus grande justice fiscale dans notre pays et les Gilets jaunes ont eu raison de s’en emparer. Comme on l’a vu, les justifications trompeuses d’Emmanuel Macron sont un révélateur de son projet : sécuriser la richesse des plus riches. »

La note rédigée dans un langage accessible (à l’opposé des articles des économistes libéraux volontairement technocratiques et abscons) est à lire.

Elle est disponible, comme les autres notes de l’association, sur le site des Economistes atterrés, http://atterres.org.

Pour sortir du libéralisme étouffant et du bourrage de crâne ! Une bonne cure de détox !