L’industrialisation de la presse, puis plus encore des médias audiovisuels, a conduit les journalistes à s’organiser et à initier des contacts avec leurs homologues du monde. Le développement du salariat dans la profession a provoqué la prise de conscience d’une nécessité de la défense des conditions de travail de travailleurs intellectuels soumis à des pressions patronales.

Le SNJ-CGT a été créé en 1937 dans une France en plein bouleversement politique et les journalistes éminents à son origine ont choisi en toute connaissance de cause d’épouser le mouvement syndical de tous les travailleurs, dans une puissante confédération, la CGT, pour être au plus près des autres travailleurs, mais aussi au plus près de leurs collègues du monde.

La CGT a inscrit dans ses gènes la solidarité internationale. Il est donc normal que le SNJ-CGT consacre à l’activité internationale une part essentielle de son activité.

De fait, le SNJ-CGT a largement contribué à l’activité de l’OIJ. Tour à tour, Jean-Maurice Hermann, son secrétaire général, a occupé la présidence de l’organisation de 1950 à 1976, Gérard Gatinot, qui lui avait succédé à la direction du syndicat, a été vice-président (de 1976 à 1990) puis secrétaire général (de 1990 à 1995). Enfin, Jean-François Téaldi a été élu vice-président pour l’Europe au congrès de Harare (Zimbabwe) en 1991.

Le SNJ-CGT a donc mis ses dirigeants à disposition de l’OIJ pendant 45 ans. Ce choix était assumé et, de façon permanente et opiniâtre, tous ont œuvré pour la réunification du mouvement international des journalistes.

Si celle-ci s’est enfin réalisée aujourd’hui, c’est en raison de l’effondrement de l’OIJ après son 12e congrès à Amman. Un congrès qui s’est déroulé dans la douleur et qui a été un moment particulièrement délicat pour le SNJ-CGT.

L’histoire retiendra que le congrès (du 28 au 31 janvier 1995) s’est ouvert avec près de 24 heures de retard en raison d’un conflit entre le secrétaire général et le trésorier à propos du bilan financier. Marian Grigore, le trésorier sortant, déclarant que « le texte diffusé sous le titre de Rapport du trésorier n’est pas le rapport préparé par moi-même ; je refuse de le lire et d’ajouter mon nom sous un texte qui ne m’appartient pas ». L’histoire retiendra aussi que le rapport du secrétaire général a été rejeté par les congressistes à l’unanimité. Autant de symptômes d’une déliquescence de la direction de l’organisation.

Les activités de l’OIJ avaient été largement obérées par une sorte de guérilla interne et par les départs successifs de nombreux membres. Le nouveau gouvernement de Prague, au pouvoir après la « révolution de velours » avait même décrété son expulsion.

Les autorités tchécoslovaques reprochaient à l’OIJ son attitude vis-à-vis du précédent régime socialiste et, surtout, dénonçaient le rôle de la cinquantaine d’entreprises commerciales gérées par l’organisation et censée alimenter sa trésorerie.

La nomination de Gérard Gatinot au poste de secrétaire général en mai 1990 à l’issue d’une réunion du présidium de l’organisation au lac Balaton en Hongrie a été ressentie comme une provocation, celui-ci n’étant pas représentatif, pour eux, de la volonté de changement affichée et déclarée, l’intéressé étant l’un des dirigeants de l’OIJ depuis près de 15 ans. Preuve de la « maladresse » de cette nomination, le syndicat tchécoslovaque a refusé de rencontrer le nouveau secrétaire général à son retour à Prague.

Le SNJ-CGT s’est interrogé sur sa place au sein du mouvement international des journalistes ; devait-il rester à l’OIJ et tenter de la refonder ou devait-il rejoindre la FIJ aux côtés des autres syndicats français, SNJ et CFDT ?

L’attitude de Gérard Gatinot à Prague a été contestée et, au cours d’une réunion de son comité national, le SNJ-CGT a pris la décision de ne pas reconduire sa candidature au comité exécutif de l’OIJ au congrès d’Amman et a décidé de présenter celle de Jean-François Téaldi. 

La décision de désavouer ainsi un militant qui a été son premier dirigeant a été délicate, mais la majorité a tranché et a pris la décision qui semblait la plus appropriée à la situation créée au sein de l’OIJ.

Gérard Gatinot a tenté de contourner la décision de son syndicat. Il a suscité la création d’une prétendue « Union de professionnels de l’information et de la communication », avec quelques amis fidèles (et même du responsable d’une école de journalisme) et a proposé l’adhésion de cette association aux congressistes d’Amman, une adhésion nécessaire pour pouvoir présenter une candidature.

Les délégués du SNJ-CGT ont été contraints de dénoncer à la tribune du congrès cette manœuvre de « tentative de sauvetage » de son ancien secrétaire général. Le vote a été sans surprise : l’adhésion a été refusée et Gérard Gatinot n’avait plus d’organisation pour présenter sa candidature.

En revanche, Jean-François Téaldi, lui, a été reconduit à la vice-présidence pour l’Europe. Mais au bout de quelques mois, il a fallu admettre l’évidence : l’OIJ ne fonctionnait plus et n’avait plus les moyens de développer un programme d’activités.

C’est ainsi que le SNJ-CGT a pris la décision d’adhérer à la FIJ, une adhésion qui a été entérinée en 2000, au terme d’un cheminement douloureux mais avec la volonté de continuer à œuvrer au développement du mouvement international des journalistes au moment où la liberté d’informer est en danger, où les conditions de travail se détériorent et où la solidarité doit entrer réellement dans les faits.

Juillet 2016