La Chouette qui hioque

Mois : août 2021

Demorand et Salamé, hélas (suite)

Le fameux pluralisme promis par le duo de choc de France Inter attendra encore. Cependant, on y a cru, un court instant à l’annonce du nom de l’invitée de la nouvelle rubrique ‘’En toute subjectivité’’. Cécile Duflot a parlé du climat et de la lâcheté des politiques, des banques qui continuent à financer les énergies fossiles, etc. Mais son intervention n’a duré que trois petites minutes.

En revanche, l’invité du fameux ‘’grand entretien’’ était le président du Sénat, Gérard Larcher. Un homme politique de droite, de la trempe de ceux qui font dire à Natacha Polony que la rentrée se fait sans idées neuves. Idées rances plutôt mais qui lui valent quand même près de 25 minutes d’antennes.

Alors, après Bruno Le Maire, hier, Gérard Larcher aujourd’hui, la coupe du pluralisme est pleine. Sans oublier Dominique Seux qui a enfoncé le clou de la rigueur, se désolant du maintien de la taxe d’habitation et déplorant « qu’aucune de ces dépenses(du plan de relance, NDLR) n’est financée par une recette quelconque. Ce sont des emprunts et nous raisonnons comme si le prix du milliard d’euros était égal à zéro. »

Le 7/9 toujours aussi affligeant !

Jeux du cirque et icônes

Eric Woerth espère-t-il rester dans l’histoire en proposant que les propriétaires de résidences secondaires aient un droit de vote double aux élections municipales ? Cette idée est sa dernière trouvaille pour, à la fois, faire parler de lui et affirmer la primauté de la classe des possédants.

Plusieurs fois ministre, député, conseiller régional et maire de Chantilly (un refuge contre la promiscuité des pauvres), l’ami des ultra-riches a, rappelons-le, été mis en examen dans l’affaire du financement libyen de la campagne de Sarkozy.

Eric Woerth, donc, veut rétablir un succédané de suffrage censitaire selon lequel seuls les citoyens payant des impôts sont autorisés à voter.

L’homme le plus riche de France, Bernard Arnault qui possède l’ancien hôtel particulier de Jean-Luc Lagardère à Paris (2000 m2 quand même), un château à Clairefontaine dans les Yvelines et une luxueuse villa dans la copropriété des Parcs, réservée aux milliardaires, à Saint-Tropez, pourra-t-il voter trois fois ? 

Eric Woerth a justifié sa proposition en déclarant :« Renforcer la démocratie, c’est aussi faire évoluer nos modes de participation ». Réflexion d’une stupidité insondable et d’un mépris abyssal pour ceux qui n’ont même pas un appartement où se loger !

Mais où Eric Woerth puise-t-il ses idées ? Peut-être chez Adolphe Thiers qui, en 1870, avait envisagé de réintroduire une forme du suffrage censitaire en annulant le décret de 1848 instaurant le suffrage universel (mais pour les hommes seulement, les femmes devant attendre 1944 pour pouvoir voter). Thiers, l’anti-communard, voulait alors ‘’encadrer le vote du peuple’’. Eric Woerth, émule de Thiers ? La droite ne nous étonne même plus en convoquant les plus réactionnaires figures du pays.

Le peuple, lui, se détourne des urnes en contemplant le triste spectacle des politiciens comme Eric Woerth. Et se retourne vers les jeux du cirque. Hélas.

Ces jeux du cirque ont leur journal, L‘Equipe.

Le quotidien sportif est en transe depuis que Lionel Messi a été acheté par les dirigeants qataris du Paris-Saint-Germain.

Aujourd’hui, le footballeur surdoué a droit à la ‘’une’’ avec un titre ronflant et fondamentalement idiot : « Leo 1er, un roi à Reims ». Il a même droit à un éditorial enflammé de Yohann Hautbois qui ose écrire :

« En fin de journée, dans la lumière dorée d’un stade Auguste-Delaune aussi fébrile qu’impatient de savoir su cela valait vraiment le coup de craquer le Livret A du petit dernier (la réponse est oui), « IL » s’avancera sur la pelouse, porté par nos attentes et nos murmures, enfin sous nos yeux de reporter privilégié. »

Notre journaliste s’est-il seulement rendu compte de la bêtise de sa prose (qui se veut poétique) et de l’insulte faite à ses lecteurs : comment oser écrire que le père a eu raison de ‘’craquer’’ le Livret A du petit dernier pour aller voir jouer Messi ? Sinon en se faisant le complice de ceux qui veulent voir le peuple sombrer dans l’adoration des icônes !

Hautbois rejoint Woerth dans l’ignominie et L’Equipe fait un choix de classe, elle aussi.

L’époque est sombre !

L’exil ou la mort

En Afghanistan, c’est le chaos. Avec ses victimes innombrables qui ne demandaient qu’à vivre dans un pays enfin apaisé. Avec ceux qui restent et sombrent dans la peur.

Les Occidentaux fuient, même pas honteux, après avoir préparé le terrain au retour de la barbarie. Ils laissent derrière eux un pays exsangue, en faillite économique, en proie (déjà) aux affrontements entre talibans et djihadistes pour le contrôle de l’opium (dont le pays est le premier producteur mondial) et de ses revenus.

Les Afghans fuient leur pays pour éviter de retomber dans la charia comme il y a vingt ans. Mais les Occidentaux en refusant de remplir leur devoir humanitaire se comportent scandaleusement.

Un professeur de littérature générale de l’université Aix-Marseille, Alexis Nuselovici (alias Alexis Nouss), vient de publier un ouvrage, ‘’Droit d’exil. Pour une politisation de la question migratoire’’ (Editions MIX), dans lequel j’ai puisé l’extrait ci-dessous :

« Le migrant d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier, travailleur algérien ou immigré polonais. Il n’est pas que migrant, agent d’un processus global, il est aussi exilé, acteur de son histoire et de la nôtre. Comme pour tout processus de connaissance, nommer précisément les choses constitue une étape initiale indispensable. Or, une crise de la nomination est venue animer un débat terminologique sur la désignation des migrants qui arrivent en Europe – à ne plus nommer ainsi : cessons de les nommer migrants, ce sont des réfugiés.

Le raisonnement veut que les migrants quittent leur lieu de naissance ou de résidence pour trouver de meilleures conditions de vie et que, par conséquent, nommer tous ceux qui arrivent aujourd’hui en Europe des « migrants » gomme la guerre, l’oppression, la persécution qui ont fait fuir ceux qui ont droit à l’asile et au statut de réfugié. L’argument, de plus, se renforce lorsque la France, par exemple, veut accepter les réfugiés (politiques) et rejeter les migrants (économiques).

Unis par la détresse, les réfugiés seraient tous ceux qui ont fui les conditions d’une vie impossible et ce départ involontaire fait partie de leur identité. À ce titre, qu’ils fuient la guerre ou la misère importe peu, distinction proscrite au demeurant par la Convention de Genève de 1951. Loin d’une lâcheté, leur fuite affirme la noblesse humaine qu’ils n’acceptent pas de voir niée en eux. S’ils fuient afin de vivre, leur refuser l’asile, même sous la forme d’une simple dénomination, équivaut à adopter une complicité passive avec ceux qui les ont poussé à la fuite. Être réfugié signifie d’abord être lorsqu’un sujet fuit la menace du non-être. L’exil ou la mort. »

Les dirigeants occidentaux, plus soucieux de flatter les plus bas instincts de leur électorat que de faire œuvre d’humanité, ne liront pas cet ouvrage. Ils n’écouteront pas plus ces phrases de Nouss :

« Ne pas accueillir l’arrivant par devoir moral ou politique ou par intérêt mais parce que nous partageons une même condition de vivant, un même habitat sur terre. Un lieu ne garantit pas plus une appartenance qu’une identité – on habite le monde, le monde nous habite : « Casa mia, casa tua » disent les Italiens, « Casa nostra, casa vostra », disent les Espagnols. »

Nouss fait référence à ‘’l’humaine condition’’ qui « de Montaigne à Hannah Arendt, a inspiré les luttes d’émancipation en sollicitant la conscience née d’une appartenance commune » ; il évoque alors les ‘’exils de proximité’’ « qui devraient éveiller la sensibilité aux migrations venues de loin. L’entendre et le comprendre veille à l’exercice d’une démocratie qui ne connaît de frontières, internes ou externes, que pour savoir, lorsqu’il le faut, les ouvrir et accueillir l’autre. »

Après avoir entendu les dirigeants occidentaux, de Biden à Macron en passant par Merkel, peut-on croire encore que nous vivons dans des démocraties.

Entre l’exil et la mort, ils ont choisi.

Pauvres Afghans !

Quelques vérités de Bruno Dumont

Le dernier film de Bruno Dumont, France, a déchaîné les passions à Cannes (où il a été hué après sa projection). Aujourd’hui, le réalisateur qui se dit en guerre contre « la bienséance, la bien-pensance, le bien-disant » alimente les chroniques ; il a touché juste et Léa Seydoux avec lui.

J’ai relevé quelques phrases dans les interviews que Bruno Dumont a données à Télérama et à L’Humanité, qui donnent vraiment envie de voir le film, ancré dans la réalité d’aujourd’hui.

« France est une journaliste star qui n’est ni bonne ni mauvaise, c’est “un demi-clair matin”,pour reprendre l’expression de Charles Péguy. Elle vit dans un milieu devenu mythologique, un monde clos, une bulle étanche, coupée de la réalité. Elle est un agent du système dont elle profite, mais elle s’éveille. »

« Le danger des médias et des réseaux sociaux, c’est qu’ils sont tous en train d’alimenter une sorte de pureté absolument dangereuse. Sondagière, catégorisante et moralisante. »

« Je ne condamne pas le numérique en soi, je condamne l’emploi qu’on en fait. Idem pour la télé, il faudrait qu’elle retrouve sa mission première : informer, éduquer, divertir… Il faut aujourd’hui voir la misère culturelle, dans certains territoires, c’est dramatique. » (Télérama)

« C’est un milieu qui est devenu ce qu’il est en s’inventant lui-même avec lâcheté, un monde qui s’est formé selon la pensée numérique la plus épouvantable qui nous conduit à être, à fonctionner en simplifiant les choses, en les réduisant, et surtout en les disproportionnant. Le problème des journalistes, à l’image de mon héroïne, France de Meurs, interprétée par Léa Seydoux, est que la hiérarchie des informations n’existe plus dans le monde qui est le leur. Leur conscience professionnelle est noyée dans l’obligation de rentabilité. Je ne doute pas du fait qu’ils soient des gens bien, mais le milieu industriel dans lequel ils évoluent est un lieu tragique. » (L’Humanité)

Le milieu industriel des médias est effectivement tragique ! France est son antidote.

Bêtise absolue

Il est des jours où la honte vous submerge. Le monde est malade. Des gens crèvent dans la misère, abandonnés par tous, en Haïti, en Afghanistan, en Afrique, en Asie, en Amérique et même en Europe, en France. Le capitalisme secrète la pauvreté pour alimenter quelques poignées de milliardaires égoïstes et calculateurs ; les gens de pouvoir, eux, sont aux ordres de ces semeurs de troubles, climatiques et territoriaux.

Dans ce contexte comment ne pas être sensible aux déclarations de Bruno Dumont, à propos de son film, France, satire d’un certain journalisme, qui sort demain : « Je me moque d’un métier qui a pris une forme assez artificielle. Ce sont des gens très intelligents, qui mettent leur intelligence au service d’une vision étriquée du monde. » Et comment ne pas évoquer l’artificialité des médias en regardant la nouvelle émission d’Estelle Denis à la fois sur la radio RMC et sur la chaîne RMC Story, Estelle Midi, qui porte fièrement une devise racoleuse : « On ne va pas se mentir ».

Estelle Denis prétend « débattre ensemble sur des sujets qui font votre quotidien, de l’actualité qui vous hérisse ou qui au contraire vous transporte ». Et elle donne une tribune à un journaliste gastronomique pour débattre de l’allocation de rentrée. Ce beauf absolu, mari actuel de Natacha Polony, la directrice de la rédaction de Marianne, a parfaitement joué son rôle en assénant : « Dans certaines familles, on attend cette prime pour acheter tout sauf des fournitures scolaires. »

Beauf absolu pour qui les pauvres, les salauds de pauvres, ne méritent pas cette allocation de misère.

Donc, Estelle Denis a invité Périco Légasse, habitué de telles saillies dégueulasses, pour ce qu’il est et pour faire du ‘’buzz’’.

Bruno Dumont dit à propos du personnage de France, journaliste superstar : « Je pense qu’elle est malheureuse de faire ce qu’elle fait mais qu’elle le fait. C’est un personnage tragique car elle en prend conscience, c’est un éveil. » En revanche, je ne pense pas qu’Estelle Denis ait pris conscience de l’insulte faite aux pauvres de Périco Légasse, compte tenu de son mutisme.

Que RMC et RMC Story singent CNews, LCI et BFM réunis en dit long sur ce qu’est devenu un système médiatique qui se vautre dans la bêtise et dans l’insulte. Le honte me monte au front et m’ébranle jusqu’au fond de mon âme de journaliste soucieux du public et du citoyen.

Taisez-vous Elkabbach !

La nouvelle est affligeante, Jean-Pierre Elkabbach est de retour à Europe 1 !

Passons sur son âge, 83 ans quand même ; mais insistons plutôt sur ses principes professionnels.

Il a été épinglé à de multiples reprises sur ses manipulations de l’information et ses connivences avec la droite. Par exemple, Médiapart avait révélé qu’en 2013 avant une interview (déjà sur Europe 1), il avait soumis ses questions à Brice Hortefeux et même les réponses. Dans mon dernier livre (Journalistes, brisez vos menottes de l’esprit, Editions Maïa) j’ai dénoncé son interview complètement biaisée du directeur général de la gendarmerie en décembre 2018, non plus sur Europe 1 d’où il avait été écarté en 2016, mais sur CNews.

Le très brutal Vincent Bolloré avait tendu la main à un journaliste comme il les aime, c’est-à-dire de plus en plus à droite, et il l’avait promu conseiller personnel.

Elkabbach est le parfait exemple de journaliste de connivence avec la droite la plus rance.

L’octogénaire est flatté de revenir sur Europe 1, faisant croire que c’est Arnaud Lagardère « qui a eu une idée (de le rappeler sur la radio) que Vincent Bolloré a trouvé excellente ». Et pour cause : c’est Bolloré qui dirige dorénavant l’empire Lagardère. Elkabbach ajoute : « Avec la garantie de me laisser une liberté totale dans mon travail. » Avec lui, Bolloré n’a aucun problème ; les deux hommes sont en parfaite communion idéologique.

Au journaliste du Parisien qui l’interrogeait s’il était en phase avec les changements qui s’opèrent sur Europe 1, le recordman de longévité (« Depuis l’avènement de la Ve République, j’ai participé à toutes les campagnes présidentielles. ») avoue plein d’enthousiasme : « Tout à fait. » ».

Réponse dédiée à tous les journalistes virés par Bolloré sur iTélé, CNews, Canal+ et désormais Europe 1 pour leur manque de flexibilité.

Et Elkabbach ne se voit pas partir à la retraite, malgré son âge et sa récente maladie : « J’ai l’énergie de trois types de 25 ans, l’expérience en plus ! » Il ajoute : « Je compte bien participer à la résurrection d’Europe 1, en tirant l’antenne vers le haut. »

Remarque dédiée à ceux qui l’ont précédé et qui, selon lui, ont abaissé le niveau.

Il est toujours aussi sympathique, Jean-Pierre Elkabbach, toujours autant gorgé d’orgueil et imbu de lui-même, toujours aussi confraternel.

Qui osera lui envoyer, comme Georges Marchais : « Taisez-vous Elkabbach ! »

Pauvres peuples

La situation en Afghanistan est bouleversante ; des centaines de milliers de citoyens cherchent à fuir la dictature théocratique et les gouvernements occidentaux sont sourds à leur drame.

Les propos solennels du président de la République à la télévision, appelant à « anticiper et à nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants » sont choquants et indignes du pays des Droits de l’Homme. Cimade, GISTI, Ligue des droits de l’homme, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature et Avocats pour la défense des droits des étrangers ont dénoncé des mots qui ne visaient qu’à rassurer (et rallier) un électorat de la droite extrême. Le collectif Pouvoir féministe s’est indigné : « Comment expliquer que le mot femmes n’apparaisse pas une seule fois dans le texte ».

Que dire aussi des paroles du ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, attendant un « gouvernement bien équilibré : les talibans extrémistes, les talibans modérément extrémistes mais quand même, les talibans fondamentalement ultra-conservateurs, les talibans modérément libéraux puisque extrémistes (…) Il faut un gouvernement inclusif qui montre que les talibans ont changé. » Un sommet de bêtise, inquiétant de la part d’un ministre des affaires étrangères, qui se réclamait du Parti socialiste.

Les paroles scandaleuses d’Emmanuel Macron ont permis aux réactionnaires de se sentir autorisés à déverser leur logorrhée xénophobe et raciste à l’image de Christian Estrosi, le maire de Nice : « Non, je ne suis pas prêt à recevoir de réfugiés chez nous, c’est clair. Notre ville a été victime ces dernières années du terrorisme de manière considérable ». Abject.

Estrosi qui a fait campagne récemment contre le Rassemblement national dans sa région, est-il fier de partager les mêmes arguments que le tristement célèbre Stéphane Ravier qui déclare, lui, que « La victoire des talibans, aussi tragique soit-elle, n’oblige en rien la France à accueillir des migrants afghans. La priorité absolue des pouvoirs publics devrait être de protéger les Français de ce tsunam migratoire qui vient ».

La rhétorique qui assimile les réfugiés à des terroristes est celle de la famille Le Pen et de tous les racistes patentés comme Zemmour depuis de trop nombreuses années. Faut-il leur rappeler que ceux qui fuient les talibans sont eux aussi victimes du terrorisme et non des terroristes.

Décidément, nous sommes de plus en plus mal gouvernés quand Emmanuel Macron va puiser ses arguments pour la prochaine élection présidentielle dans les poubelles de Le Pen, père, fille et petite fille.

Le peuple afghan souffre ; le peuple de France est maltraité quand on tente de flatter les instincts les plus bas.

Liberté d’expression ?

Vincent Bolloré est parti en croisade et il transforme ses chaînes de télévision CNews et C8, notamment, en autant d’organes de propagande populiste, ouvertes à tous les réactionnaires racistes (comme Zemmour) et catholiques traditionnalistes (comme Aymeric Pourbaix), après avoir licencié ceux qui avaient une certains conception de l’information.

C8 a diffusé un prétendu documentaire américain, Unplanned, ouvertement anti-avortement, que seule la chaîne raciste Fox News a osé programmer.

Ce film a été réalisé par deux récidivistes, Chuck Konzelman et Cary Salomon, financé (en partie) par un affairiste évangéliste, émule de Trump, Michael Lindell. En France, le film est diffusé, comme c’est curieux, par la société SAJE, qui se présente avec l’ambition « de rendre accessible au public francophone les films et téléfilms d’inspiration chrétienne ».

Le curé traditionnaliste, Gabriel Grimaud, présenté comme le confesseur de Bolloré et par ailleurs aumônier de la Maison d’éducation de la Légion d’honneur, veille sur les médias de son copain. Après le rachat de Direct 8, le saint homme s’était vu confier une émission hebdomadaire, Dieu Merci ! C’est encore lui qui rédigeait les courtes notices sur le saint ou la sainte du jour dans Direct Matin.

Bolloré ne refuse rien à son confesseur, ni le rachat de La France catholique en perdition en 2018, ni l’ancien hospice des Petites sœurs  des pauvres, proche du Parc des Princes, ni de confier une émission intégriste sur CNews, En quête d’esprit, confiée à Aymeric Pourbaix, le directeur de la France catholique, un autre agité de la calotte.

Bolloré et Grimaud ne sont pas des fans du pape François. La veille de la diffusion du film anti-avortement, le 15 août donc, la chaîne C8 s’est transformée en chaîne intégriste de 10h30 à 23h, avec la messe en direct et des documentaires sur Jean-Paul II, Mère Teresa et Saint Philippe Neri. Qui a bien pu avoir le courage de se gaver d’hostie et d’eau bénite pendant 12 heures ? 

Peu importe, la croisade des cathos de choc, Bolloré et Grimaud, se répand sur tous les médias du seigneur d’Ergué-Gaberic.

On ne s’étonnera donc pas de la diffusion d’un brûlot anti-avortement sur C8 le lendemain. Mais on s’étonnera de la réaction du CSA qui a osé affirmer être « le garant de la liberté d’expression et de la communication audiovisuelle. Il n’intervient pas dans la programmation des chaînes. »

On rappellera quand même au CSA que le racisme (celui de Zemmour sur CNews) est un délit et qu’à ce titre le trublion a été condamné à plusieurs reprises. Et que la loi réprime toute tentative de désinformation sur le droit à l’avortement (sur C8).

Faudra-t-il joindre son certificat de baptême, de communion et son carnet de messe pour postuler chez Bolloré ? 

La liberté d’expression ? Chez Bolloré, le soldat et le fou de dieu, comme au temps de l’Inquisition, des autodafés, des bûchers, de la mise à l’index et des guerres de religion !

Purge au Parti travailliste

L’actualité est cruelle : la population d’Haïti compte ses victimes, comme celles du Liban, de Turquie, du Japon, d’Algérie et, hélas, d’autres pays, comptent leurs morts.

Dans de telles conditions d’abomination, l’annonce du décès d’un footballeur peut apparaître dérisoire. Pourtant la mort de Gerd Müller, le légendaire avant-centre du Bayern de Munich et de l’équipe d’Allemagne, m’attriste profondément.

Je l’avais interviewé à Munich et je garde un souvenir ému de sa gentillesse et de sa simplicité alors qu’il était au faîte de sa gloire. Je veux garder de lui la chaleur de notre rencontre et oublier les suites difficiles de l’après-football qu’il a connues.

L’actualité est cruelle : alors que la terre brûle et que le Royaume-Uni traverse une crise avec, à sa tête, un premier ministre conservateur ridicule, le Parti travailliste vient d’exclure de ses rangs le formidable réalisateur Ken Loach.

C’est la revanche de Tony Blair, le social-démocrate qui n’avait rien de social, ni de démocrate. Mais ce triste valet du capitalisme n’a jamais digéré que Jeremy Corbin et la jeune génération se déclarent farouches partisans du socialisme, le vrai, au service du peuple et non des multinationales.

L’homme de main de Blair, Keir Starmer a monté un complot contre Corbyn, pris le pouvoir au Parti travailliste et hérité de la mission d’épurer les rangs du Parti. Il le fait avec une rare obstination.

Jeremy Corbin a été le premier à être exclu ; les membres proches de lui suivent. La purge ressemble étrangement à celles que les politiciens de droite dénonçaient dans les pays sous domination soviétique. Un universitaire parle, lui, de ‘’chasse aux sorcières maccarthyste’’.

L’ancien adjoint de Corbin, John McDonnell, exprime toute sa colère : « Expulser un si bon socialiste est une honte. Les films de Ken ont mis au jour les inégalités de notre société, nous ont donné espoir et nous ont inspiré à lutter. » C’est sans doute cela qui est à l’origine de la décision.

Quant à Ken Loach, il a eu des mots cruels pour l’actuel président du Parti travailliste, se disant « fier de se tenir aux côtés des bons amis et camarades victimes de la purge. C’est effectivement une chasse aux sorcières. Starmer et sa clique ne dirigeront jamais un parti du peuple. Nous sommes nombreux, ils sont peu. Solidarité. »

Une réaction digne de Ken Loach et de son immense œuvre.

L’actualité est vraiment cruelle.

Gabriel Garcia Marquez et Amazon

Le prodigieux et immense auteur de Cent ans de solitude, Gabriel Garcia Marquez, était un passionné de cinéma. Rappelons rapidement qu’il a été l’un des fondateurs de L’Ecole internationale de cinéma et de télévision de Cuba et qu’il a créé la Fondation pour un nouveau cinéma latino-américain. Il a également écrit les scénarios de plusieurs films et été membre du jury au Festival de Cannes en 1992.

Ses romans ont fait l’objet de plusieurs adaptations grâce à son style si imagé ; Francesco Rosi a mis à l’écran, par exemple, Chronique d’une mort annoncée et Emir Kusturica a emprunté à l’écrivain du réalisme magique de nombreuses scènes de plusieurs films.

Gabo, son surnom, était un écrivain engagé, dont les combats contre l’impérialisme américain, pour le socialisme, pour la paix étaient déterminés et profonds. Il fut très proche aussi de Fidel Castro. Il a été Interdit d’entrée sur le territoire des Etats-Unis en 1961 parce que considéré comme ‘’agent de propagande au service de la direction de l’intelligence de Cuba’’, pendant vingt ans ; Bill Clinton, son fervent admirateur, a pris la décision dès son élection.

Gabo aurait-il donné son accord à l’adaptation de son roman Journal d’un enlèvement par Amazon, qui plus est sous forme de feuilleton en six chapitres d’une heure ? J’en doute.

Ses combats contre les multinationales et contre l’impérialisme économique et culturel des Etats-Unis, ici symbolisés par la firme de Jeff Bezos, ont trop scandé sa vie et sa carrière pour envisager un tel retournement. Hélas, la plateforme a pu se permettre de déclarer : « Nous sommes incroyablement fiers de l’incroyable distribution et du talent derrière cette série et c’est excitant d’avoir le soutien de Rodrigo Garcia, qui nous aidera à transmettre l’héritage de son père à des millions de clients Prime Video à travers le monde.»

Rodrigo Garcia, le fils de Gabo, a-t-il cédé les droits de l’œuvre du prix Nobel 1982, pour une poignée de dollars aux ennemis jurés de son père ? La question est pertinente.

Relance, vraiment ?

C’est encore une histoire adacadabrante dont la presse économique raffole ; Thales va céder son activité dans les transports (Ground Transportation Systems) au groupe japonais Hitachi pour la somme de 1,66 milliard d’euros.

Cette branche de Thales avait été reprise au groupe Alcatel en 2006 ; elle est leader dans la signalisation, les communications, la billettique, la cyber sécurité dans les trains et les métros et elle emploie encore 9000 salariés. Ella a réalisé un chiffre d’affaires de d’1,622 milliard d’euros en 2020 dans une quarantaine de pays. Et réalisé un bénéfice de 5,3 %, plu qu’honorable en période de pandémie.

Bref, c’est un fleuron du savoir-faire français et une activité d’avenir. Pourtant sa direction a confié le dossier de sa cession à Hitachi à la banque Lazard, au prétexte que « c’est le bon moment », le secteur étant dans une phase dite de consolidation (c’est-à-dire de concentration) autour de deux grands groupes.

L’Etat est le premier actionnaire de Thales (25,7 % du capital) avec Dassault (24,3 %). Il a donc acquiescé à l’opération de la vente à un groupe japonais d’une entreprise prestigieuse.

Sur les 9000 salariés de la filiale de Thales combien resteront une fois la fusion avec Hitachi opérée ? Personne ne pose la question.

Elle ferait tache alors que l’inénarrable ministre Bruno Le Maire et le président de la République, Emmanuel Macron, ne parlent que de relance.

La relance, vraiment ?

Relire Saramago

« Dormons sur nos deux oreilles, le réchauffement de la planète n’existe pas, c’est une sournoise invention des écologistes dans la droite ligne de leur ‘’idéologie en dérive totalitaire’’, telle que l’a définie l’implacable observateur de la politique planétaire et des phénomènes de l’univers qu’est José Maria Aznar. Nous ne saurions comment vivre sans cet homme. Peu importe qu’un jour des fleurs commencent à pousser en Arctique, peu importe que les glaciers de Patagonie fondent un peu plus chaque fois que quelqu’un soupire, faisant ainsi grimper la température ambiante d’un millionième de degré, peu importe que le Groenland ait perdu une partie importante de son territoire, peu importe la sécheresse, peu importe les inondations qui détruisent tout et emportent toutes ces vies, peu importe l’indifférenciation de plus en plus évidente des saisons, rien de tout cela n’importe si l’émérite savant José Maria vient nier l’existence du réchauffement global, en se basant sur les excellentes pages d’un livre du président tchèque Vàclav Klaus qu’Aznar lui-même, dans une belle attitude de solidarité scientifique et institutionnelle, présentera bientôt. »

José Saramago, prestigieux écrivain portugais, prix Nobel, a écrit ces lignes cinglantes dans son célèbre Cahier le 22 septembre 2008, c’est-à-dire il y a treize ans.

Qu’y a-t-il de changé depuis ce début d’automne 2008 ? Le GIEC, ou Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, avait déjà publié quatre rapports d’évaluation et, depuis, il a continué à tirer le signal d’alarme dans l’indifférence générale des gouvernants. La terre continue de brûler et les dégâts sont de plus en plus considérables.

José Saramago s’est interrogé : « Quelle est donc l’origine, la fontaine, la source de cette attitude négationniste systématique ? » La réponse n’est peut-être pas facile à trouver ; mais une chose est sûre, c’est que l’obscurantisme et le négationnisme ont prospéré allégrement et partout. 

Puis Saramago le clairvoyant a lancé un « bref appel au sens commun ». Hélas, il n’a pas été plus entendu que les experts et scientifiques du GIEC.

Brava et Basta !

J’ai appris dans les arènes de Vérone, il y hélas bien longtemps, que les Italiens déclinaient l’interjection ’’bravo’’. Pour une soprano on doit s’écrier ‘’brava’’ et si on veut saluer la performance de deux ou plusieurs chanteurs on doit crier ‘’bravi’’.

Et j’ai envie, aujourd’hui, de crier ‘’Brava’’ pour féliciter Cléopâtre Darleux, la prestigieuse et talentueuse gardienne de but de l’équipe de France de handball, championne olympique à Tokyo, après qu’elle eut fustigé le quotidien sportif.

Mais j’ai aussi envie de crier ‘’Bravi’’ pour remercier tous les sportifs français présents à Tokyo qui ont vivement réagi à un ‘’Tweet’’ de Jean-Michel Blanquer, qu’il faut citer pour en savourer toute la bêtise : « Vive le sport collectif! Vive l’EPS ! Le succès de nos équipes de France de BHV illustre la qualité de l’enseignement de ces sports à l’école. Saluons le travail des enseignants d’EPS et la bonne collaboration avec les fédérations. »

Le basketteur Evan Fournier a été le plus prompt à lui répondre : « Au contraire monsieur le ministre Jean-Michel Blanquer. Notre culture sportive à l’école est désastreuse. Si mes coéquipiers et moi-même sommes arrivés à l’élite de notre sport, c’est grâce aux associations sportives, aux clubs, aux bénévoles, mais en aucun cas grâce à l’école. »

Vincent Gérard, le gardien de but de l’équipe de France de handball, lui aussi médaillé d’or à Tokyo, comme Cléopâtre Darleux, et, par ailleurs président du syndicat des joueurs professionnels de handball, a été cinglant : « Heureux de voir que l’EPS est considérée sur les réseaux sociaux. Parce que dans la réalité… Comme le reste de l’enseignement d’ailleurs, les moyens ne sont pas là… »

Même le rugbyman Maxime Mermoz a été outré de cette saillie ministérielle : « Une honte, ils ne font rien pour le sport et à l’école c’est comme la musique… histoire de dire on fait… aucun moyen! Ce mec n’a pas honte ». 

Quant à la nageuse Marie Wattel, elle a fait dans l’humour : « J’hésite à reprendre les cours d’EPS du coup pour Paris 2024 ».

Basta, Blanquer !

Les sportifs de haut niveau français ont aussi la tête bien faite et ne s’en laissent pas compter, ni par leurs dirigeants, ni par les ministres.

Cléopâtre Darleux en est peut-être le plus bel exemple. Elle n’a pas sacrifié sa vie de femme et a mis au monde une petite Olympe en novembre 2019 tout en s’engageant à conquérir de nouveaux droits pour les sportives. Le handball a été le premier sport féminin à signer une convention collective pour les joueuses professionnelles, qui prévoit, entre autres, le maintien du salaire d’une joueuse pendant un an (contre trois jusque là) en cas de grossesse ou de blessure de longue durée.

Alors, à tous, ‘’Brava’’, ‘’Bravo’’ et ‘’Bravi’’.

Jeux du cirque

Le titre de l’éditorial de la Tribune de Genève m’a interpellé : « Les Jeux n’ont pas besoin de spectateurs » et sa conclusion m’a plongé dans un abime de perplexité : « La télévision, car les Jeux sont faits pour elle, se satisfera de quelques centaines de privilégiés colorés pour capter quelques émotions. »

Dans quelle société allons-nous vivre ? Plus besoin d’aller au marché ou dans les magasins, Amazon vous livre après un seul petit clic. Plus besoin d’aller au cinéma, Netflix vous apporte votre film préféré sur votre téléviseur (à défaut sur votre téléphone). Plus besoin d’aller à l’école ou à l’université, Google vous retransmet les cours à domicile. Etc.

Et la vie collective, confrère ? Et la convivialité ? Et le partage de savoirs, des émotions, des encouragements aux sportifs ?

Quand les GAFA auront rendu les quotidiens inutiles, que ferez-vous ? Qui hiérarchisera l’information et apportera de quoi alimenter la réflexion pour permettre au citoyen de se forger une opinion par lui-même ?

La dictature des GAFA n’est pas plus vivable qu’une autre !

La Tribune de Genève n’est pas le seul quotidien à m’interpeller. Le titre de ‘’une’’ de L’Equipe est effarant : « Paris vaut bien un Messi » Il faut une audace sans borne pour oser ‘’oublier’’ le week-end prodigieux des sports collectifs de salle qui ont remporté 5 médailles de Tokyo (3 en or, une d’argent et une de bronze), un résultat inédit, quand le football a enregistré des résultats calamiteux aux Jeux olympiques.

Si le nombre de zéros sur le chèque du salaire versé aux sportifs professionnels détermine les choix éditoriaux, il ne faut plus s’étonner du titre consacré au joueur le plus cher du monde. A ce jeu-là, les handballeurs, et plus encore les handballeuses, ne jouent pas dans la même catégorie.

Les jeux du cirque d’un empire décadent ne sont pas loin.

Bravo ! Et maintenant ?

Les Jeux de Tokyo resteront un moment bizarre dans la vie du sport et de la planète. L’absence de public a pesé lourd dans le climat étrange qui régnait dans et autour des stades ; mais, surtout, ces quinze jours de compétitions permettant à l’élite des sports de se mesurer n’ont pas été marqués par ce qu’on appelle la trêve olympique.

La planète continue de brûler un peu partout ; le feu sème la désolation derrière lui en Grèce, en Turquie, en Bulgarie, aux Etats-Unis, etc. Les dictateurs accentuent la répression en Afghanistan, en Hongrie, en Turquie et le libéralisme appauvrit davantage les plus pauvres. En France, le pouvoir macronien rétrécit les espaces de liberté et le ministre de la santé s’en prend à un droit fondamental, le droit de grève.

Les performances sportives ne cessent de progresser et le geste sportif devient de plus en plus beau, mais le sort du plus grand nombre devient, lui, de plus en plus insoutenable et la pratique du sport lui est interdite.

Tokyo a permis de partager de belles et authentiques émotions. Notamment grâce aux sports collectifs, handball, basket-ball et volley-ball, grâce aussi au judo et à l’escrime. Dans ces disciplines-là, difficile de faire mieux : les équipes françaises ont été très brillantes et ont marqué le monde du sport. Mais leurs succès ne doivent pas masquer les difficultés de nombreuses autres disciplines, notamment de l’athlétisme et de la natation, sans parler de la gymnastique.

Les résultats de Tokyo, globalement, marquent un recul de la France aux Jeux olympiques ; les athlètes français peuvent accuser l’absence de politique sportive de notre pays.

Et nous ne voyons pas le bout du tunnel : combien de jeunes éblouis par les performances des handballeuses, des handballeurs, des basketteurs, des volleyeurs, des escrimeurs, des judokas et de bien d’autres disciplines ne trouveront personne pour les accueillir et combien d’autres trouveront des clubs à l’agonie après la pandémie du Covid19 et de ses variants. Malgré les belles déclarations du sinistre ministre de l’éducation nationale, du sport et de la jeunesse, le sport est le parent pauvre à l’école.

On peut féliciter chaudement les participants ; leurs victoires ne tiennent pas du miracle, mais presque. Ils démontrent les qualités des sportifs français, des entraîneurs et l’abnégation des bénévoles, laissés à l’abandon par un gouvernement qui préfère les records de dividendes distribués aux actionnaires des grands groupes que les résultats des sportifs. Cela n’empêchera pas le président de la République de recevoir les médaillés, seulement les médaillés, oubliant les autres.

Pendant ce temps-là, le quotidien sportif préfère, lui, s’attarder sur la venue de Lionel Messi au PSG, et s’extasie sur le montant de son salaire.

Il se disqualifie en donnant la priorité au football-business et se range du côté de ceux qui ne voient dans le sport qu’une source de profits.

La terre brûle.

Amazon et les syndicats

Les Etats-Unis, ce grand pays où la libre entreprise triomphe chaque jour davantage, peuvent-ils changer ? Rien ne doit venir véritablement entraver la machine à fric des actionnaires et surtout de quelques milliardaires.

Barack Obama était porteur d’espoir ; il n’a guère fait avancer ni la démocratie, ni les droits sociaux, sinon à la marge. Il n’est pas facile de faire bouger l’ordre des choses au royaume du capitalisme le plus exacerbé. Surtout quand on succède à un nombre incroyable de présidents d’une pure bêtise avérée, comme Ronald Reagan, George Bush et, plus encore, Donald Trump, à l’inintelligence abyssale, l’ignorance crasse, au mensonge et l’asservissement assumé aux riches. Tous, menteurs patentés. Avec eux, les idées (un peu) progressistes étaient aussitôt qualifiées de communistes et vilipendées. Bernie Sanders a fait bouger les lignes et entraîné une nouvelle génération qui laisse percer un espoir.

On a vu récemment un exemple des difficultés à évoluer vers un modèle de société plus solidaire avec la tentative des salariés de l’entrepôt d’Amazon à Bessemer (Alabama). Les sbires de Jeff Bezos ont multiplié les entraves pour fausser le résultat de la consultation du personnel et encouragé les cadres à soudoyer le maximum d’entre eux.

Les revendications étaient modestes, des salaires plus élevés, de vraies pauses et une amélioration des cadences ; elles étaient soutenues par le plus grand nombre, mais elles ont cependant été rejetées massivement (1798 contre et 738 pour la création d’un syndicat). La création de valeur pour l’actionnaire, shareholder en américain, n’admet aucune entrave (+ 48 % au second trimestre 2021)

Mais l’affaire peut rebondir. Après les plaintes (et les 23 objections) du syndicat de la vente (détail et gros) et des grands magasins (le RWDSU), le National Labor Relations Booard (NLRB), une agence indépendante du gouvernement fédéral dont les membres sont désignés par le président américain avec l’accord du Sénat, s’est rangé du côté des salariés et un responsable pour l’Alabama a considéré qu’Amazon avait enfreint les lois du travail et il a préconisé l’organisation d’un nouveau vote lors d’élections libres et équitables.

Le NLRB a peu de moyens (1 600 salariés pour l’ensemble du territoire américain et un budget dérisoire d’une trentaine de millions de dollars seulement, mais il a franchi une étape en se rangeant aux côtés des salariés et du syndicat RWDSU.

La décision finale est attendue le mois prochain. Mais, preuve que les choses bougent aux Etats-Unis, le puissant et sulfureux syndicats des camionneurs, le célèbre (pour ses relations avec la Mafia il y a quelques années) a décidé d’organiser les chauffeurs-livreurs d’Amazon.

La situation est nouvelle ; sous la présidence de Trump, elle aurait été quasiment impossible. Les changements avec Biden sont minimes, mais bien réels.

Les patrons remercient Macron

Le gouvernement d’Emmanuel Macron est d’une arrogance démesurée et ses ministres d’un cynisme avéré. Leurs lois s’inspirent des méthodes d’Attila et de sa politique de la terre brûlée.

Par exemple, Elisabeth Borne avait cru utile de préciser, après la modification par le Sénat de la loi sur l’obligation du passe sanitaire, qu’il « ne faut pas laisser croire aux salariés qu’il ne peut pas y avoir de licenciement ». Les salariés et leurs syndicats avaient bien compris. Les avocats spécialisés en droit du travail aussi. Certains d’entre eux tentent cependant de faire croire que ce sera probablement marginal au prétexte que le salarié récalcitrant tombera sous le coup du droit commun du travail et qu’il faut une cause réelle et sérieuse pour justifier un licenciement à l’initiative de l’employeur.

Ces avocats ont seulement oublié un détail qui modifie le code du travail. Aujourd’hui, avec le passe sanitaire, la loi donne un nouveau pouvoir de contrôle à l’employeur en matière de santé et en dessaisissant la médecine du travail, dont on sait, d’ailleurs, qu’elle est remise en cause fondamentalement.

La réflexion est dédiée à ceux qui pensent encore que le code du travail interdit aux patrons d’avoir accès aux données médicales et que le secret médical concerne aussi les médecins du travail.

Autre exemple ; il concerne la presse, les journalistes et Roselyne Bachelot.

La ministre de la culture avait confié une mission à Laurence Franceschini à la suite du rachat de nombreux titres de presse magazine par Reworld Media. Les syndicats de journalistes avaient dénoncé la politique éditoriale d’un groupe qui prétend mélanger information, publicité et communication, et de se défaire des règles de la profession.

Les syndicats demandaient que les aides à la presse soient assorties de l’obligation de la présence de journalistes professionnels (donc protégés par le code du travail et la convention collective) dans toutes les rédactions.

Les journalistes avaient été rassurés par les propos de la ministre et par le rapport de la mission Franceschini. Mais, aujourd’hui, les syndicats déchantent. Roselyne Bachelot a oublié ses promesses ; le décret en préparation exclut l’obligation d’une équipe rédactionnelle à la presse technique et professionnelle (soit plus de la moitié des journalistes) au prétexte que le ministère n’a pas pour mission de contrôler les éditeurs, ni de s’immiscer dans leur modèle économique.

Toute ressemblance entre les deux exemples est évidemment fortuite. Pourtant…

Les patrons ne remercieront jamais assez Emmanuel Macron, qui en moins de cinq ans a bouleversé les règles sociales héritées de la Libération.