La Chouette qui hioque

Mois : septembre 2018

Mensonges de Blair, Valls et Cie

Le Monde a publié un appel signé, dit-il, par plusieurs anciens dirigeants européens et américains, à l’initiative de l’American Jewish Committee, sous le titre « L’OTAN, indispensable rempart de paix et de sécurité ». 

Ils sont 24 seulement et pour la plupart, ils ont été sanctionnés par les électeurs comme Manuel Valls, Tony Blair, Joschka Fischer, Antonis Samaras, Franco Frattini, etc. Autant dire qu’ils sont mal venus de lancer des appels aux peuples des pays membres de cette sale machine de guerre, avec laquelle le général De Gaulle avait pris des distances.

Les signataires, avec un culot incroyable, du même ordre dont ils faisaient preuve durant leurs responsabilités gouvernementales, osent écrire que l’OTAN « a assuré une paix durable et généré la prospérité que nous connaissons depuis la guerre froide jusqu’à nos jours. »

Ils appellent de leurs voeux une unité sous le parapluie de l’OTAN pour maintenir un ordre international immuable, c’est-à-dire, dans leur langage, le libéralisme (dont ils taisent le nom), avec son lot de casse des droits sociaux les plus élémentaires.

Ils prétendent défendre la démocratie pour, entre autres, « assurer une presse libre et indépendante ».Libre la presse quand elle est confisquée par les milliardaires ? Indépendante la presse quand les oligarques la mette au service de leurs seuls intérêts financiers, industriels et politiques ?

L’appel ne cite jamais les noms de ses adversaires, mais on y reconnaît aisément les progressistes et la Russie de Poutine, curieusement associés.

L’initiative n’est pas anodine ; dans un mode en ébullition et un système capitaliste à bout de souffle, générant de plus en plus de pauvreté, d’inégalités et d’injustice, il apparaît nécessaire aux 24 anciens dirigeants de voler au secours du libéralisme et de lui trouver des boucs émissaires pour justifier ses dysfonctionnements et toutes les répressions.

Les 24 anciens dirigeants, en revenant à la guerre froide dont on croyait être guéri, poussent au réarmement et aux guerres locales contre ceux qui veulent se libérer de leurs chaînes (qualifiés d’extrêmistes) et au terrorisme dont ils ont armé les troupes.

Les 24 anciens dirigeants appellent aussi à combattre la xénophobie et toute forme de fanatisme, quand leur politique a alimenté les racistes, souvent armé et parfois financé les fanatiques.Leurs mensonges sont de plus en plus gros, mais de plus en plus voyants.

Egoïsme absolu

L’Aquarius est désormais le seul navire humanitaire recueillant des réfugiés en Méditerranée ; ils étaient une dizaine il y a quelques mois.

Le navire s’est vu retiré son pavillon par le Panama sur injonction de l’Italie. Si la mesure est confirmée, les réfugiés seront abandonnés aux seuls passeurs.

L’Aquarius s’est vu interdire l’accostage à Marseille avec 58 réfugiés à son bord.

Il accostera à Malte et les réfugiés seront répartis entre Allemagne, Espagne, France et Portugal.

La France accueillera 18 de ces pauvres fuyant la guerre et la misère.

Avec cet épisode, on atteint le comble de l’ignominie. Les gouvernements européens se couvrent de honte en se drapant dans l’égoïsme.

Emmanuel Macron fait preuve d’un cynisme sans borne en déclarant depuis New York, au siège de l’ONU, qu’il doit tenir compte des tensions politiques dans le pays. C’est-à-dire qu’il se cache derrière les racistes et les politiciens de droite qui instrumentalisent la question migratoire pour se dérober. Comment qualifier une telle attitude ? Les mots manquent.

Quand un président français ose ajouter : « J’ai conscience parfois de donner le sentiment de ne pas céder à des bons sentiments faciles, mais si je suivais cette voie, elle nourrirait les extrêmes xénophobes dans notre pays et elle ne réglerait pas durablement la situation. »il est indigne de la France éternelle, celle des Lumières, dont toute l’histoire est empreinte de vagues successives de migrations.

Aujourd’hui, le France startup de Macron est d’un égoïsme absolu ; le président entré à l’Elysée par effraction est méprisant pour les pauvres, les chômeurs et les réfugiés. Mais, ce mépris est assumé : il l’avoue : « J’ai conscience parfois de donner le sentiment de ne pas céder à des bons sentiments faciles… »

L’aveu est incroyable, mais il résume toute la politique d’un dirigeant qui voulait changer le vieux monde !

Mensonge d’Etat

Le gouvernement a présenté son projet de budget pour 2019. Il n’est que mensonges ; à ce jeu-là le nouveau monde de Macron ressemble étrangement à l’ancien monde auquel il affirmait vouloir tourner le dos.

Mensonges quand il prétend donner la priorité au travail et que les chiffres du chômage sont toujours aussi élevés et que son seul remède est la radiation des sans emploi qui refuseraient un petit boulot, éloigné de leur formation et mal payé.

Mensonge quand il prétend favoriser l’investissement des entreprises et que les dividendes se gavent du Crédit d’impôt recherche et compétitivité.

Mensonge quand il prétend que son budget repose sur une croissance durable, forcément écologique et qu’il se refuse à interdire le glyphosate ou rabote les crédits des rénovations énergétiques des immeubles.

Mensonge quand il prétend baisser les impôts de 6 milliards, alors que la baisse ne sera que de 3,1 milliards et qu’il augmente de nombreuses taxes.

Toutes les déclarations de Macron, Le Maire ou Darmanin ne sont que de grossiers mensonges. Le président de la République et son gouvernement n’ont été élus que sur des mensonges. Et pour permettre aux riches de se faire un pognon de dingue en faisant les poches des pauvres.

Leur mépris est insupportable. Les citoyens ouvrent les yeux et sont de plus en plus nombreux à dénoncer leurs mensonges.

Fait divers

Les faits divers sont de plus en plus prisés par les médias. Ils ont souvent droit à l’ouverture des journaux télévisés. Et si aucun détail morbide ne nous est épargné, aucune analyse sociétale ne nous est proposée.

L’appétence des médias est grande pour le fait divers ; cependant l’un d’eux leur a échappé : une employée chargée du ménage de la bibliothèque Couronnes-Naguib Mahfouz à Paris a été découverte morte en début de soirée, alors que son service se terminait dans la matinée.

Le syndicat CGT de la ville de Paris a soulevé un dysfonctionnement : la pauvre victime travaillait seule, alors qu’un mois plus tôt, les « agents de propreté » étaient plusieurs sur le même lieu. En outre, la bibliothèque était fermée le jour du drame, le lundi.

Le syndicat a noté : « Ce qui est sûr c’est que, quelles que soient les circonstances, notre collègue était bien toute seule dans un bâtiment où il n’y avait personne d’autre. Et force est de constater que les organisations syndicales ont à plusieurs reprises soulevé les risques liés au travail isolé ».

Dira-t-on un jour les risques encourus par les salariés, sacrifiés sur leur lieu de travail, au nom des économies, de la rentabilité et du fric-roi ?

Est-ce pour cela que les médias ont oublié ce fait divers ?

Eric Zemmour

Du Figaroà l’émission On n’est pas couché(France 2), en passant par MarianneValeurs actuellesMarianneLe Figaro MagazineSpectacle du Mondei-TéléCanal+,RTLC dans l’airParis PremièreHistoire, voilà le parcours qui a permis (et permet encore) à l’abject Eric Zemmour de déverser sa logorrhée ouvertement raciste et fielleuse.

Après avoir lancé à Hapsatou Sy que son « prénom était une insulte à la France » le 16 septembre lors de l’enregistrement de l’émission Les Terriens du Dimanchede l’ineffable Thierry Ardisson, il a ajouté sur RMC : « Je persiste et signe. ». Il a récidivé dans l’odieux deux jours plus tard en déclarant dans L’Opinionque « Maurice Audin méritait 12 balles dans la peau », ajoutant que « la torture a quand même permis d’arrêter les attentats ».

Inutile de préciser que Zemmour, à chaque fois, venait faire la promotion de son dernier livre !

Pourquoi de nombreux médias ouvrent-ils aussi largement leurs colonnes ou les antennes à ce type si pitoyable, alors que ses saillies, si elles tombent souvent sous le coup de la loi, sont toujours scandaleusement empreintes de relents de racisme ? Pour faire de l’audience, car, avec lui, la polémique est assurée et l’audience accrue.

Ainsi fonctionnent les médias d’aujourd’hui, qui ignorent les chercheurs, les découvreurs, les gens de culture, le monde du travail et bien d’autres et font des courbettes devant Zemmour pour le supplier de venir chez eux plutôt que chez le concurrent assurant un moment de notoriété et d’audience.

Monde pourri qui préfère les pourris ! Monde pourri qui fait la fortune d’un salaud ! 

Il ne se réveille pas en prison !

Asli Erdogan, écrivain et journaliste turque, de passage à Paris à l’invitation de l’association Les Nouveaux dissidents, est réfugiée en Allemagne, mais elle dit subir une terrible et insoutenable forme de torture mentale dans l’attente d’un procès qui n’en finit pas d’être renvoyé. Comme des milliers d’autres Turcs elle est accusée de sympathies envers ceux qui ont fomenté une tentative de coup d’état pour renverser le féroce dictateur Recep Tayyip Erdogan ?

Elle sait ce qui l’attend, vraisemblablement une condamnation à perpétuité aggravée, la pire qui soit ; en effet, le condamné croupit dans sa cellule jusqu’à ce que mort s’ensuive.

C’est le sort que connaît aujourd’hui un autre immense écrivain et journaliste apprécié, collaborateur des quotidiens Hürriyet, Milliyet, Radikal ou encore Taraf, Ahmet Altan. Son père, Çetin, fut député socialiste, et son frère, Mehmet, est un brillant économiste, également journaliste. A eux trois, ils ont fait l’objet de plus de 400 procès.

Si Mehmet a été libéré le 27 juin dernier, après avoir été condamné à perpétuité, Ahmet, lui, est incarcéré depuis septembre 2016 ; il a été condamné à perpétuité le 16 février.

A la veille de son procès, il avait réussi à faire sortir une lettre de sa prison ; elle a été publiée dans le Monde le 19 septembre 2017.

Outre que cette lettre est admirable, elle est écrite par un homme qui lutte, résiste et défie le régime dictatorial d’Erdogan. J’en retiendrai un passage émouvant :

« Attendez et écoutez ce que j’ai à vous dire avant de battre les tambours de la miséricorde. Oui, je suis détenu dans une prison de haute sécurité au beau milieu d’un no man’s land. Oui, je demeure dans une cellule où la lourde porte de fer fait un bruit d’enfer en s’ouvrant et en se refermant. Oui, ils me donnent mes repas à travers un trou au milieu de la porte. Oui, même le haut de la petite cour pavée où je fais quelques pas dans la journée est recouvert de grilles en acier. Tout cela est vrai, mais ce n’est pas toute la vérité. Les beaux matins d’été quand les premiers rayons du soleil viennent traverser la fenêtre, j’entends les chansons enjouées des oiseaux qui ont niché sous les combles de la cour, mais aussi le son étrange qui sort des bouteilles d’eau vides en plastique qu’écrasent les prisonniers. Je vis avec le sentiment que je réside encore dans ce pavillon avec un grand jardin où j’ai passé mon enfance ou alors, pour une raison bizarre et que je ne m’explique pas, dans ces hôtels français situés dans des quartiers animés. Quand je me réveille avec la pluie d’automne qui frappe à la fenêtre, je commence la journée sur les rives du Danube, dans un hôtel avec des torches enflammées qu’on allume tous les soirs. Quand je me réveille avec le murmure de la neige s’empilant de l’autre côté de la fenêtre, en hiver, je commence la journée dans cette datcha aux énormes vitres où le docteur Jivago avait trouvé refuge. Jusqu’à présent, je ne me suis jamais réveillé en prison – pas une seule fois. »

Ahmet Altan est un immense écrivain, donc, mais son œuvre est encore insuffisamment connue en France. Deux livres seulement ont été traduits (L’amour au temps des révoltes et Comme une blessure de sabre) et publiés chez Actes Sud, par Mme Nyssen.

Celle-ci n’avait pas hésité à lancer une pétition pour demander la libération d’Ahmet Altan. Aujourd’hui Mme Nyssen est ministre, nommée par Emmanuel Macron. Peut-être pourrait-elle intervenir auprès de celui qui l’a faite ministre de la culture pour lui suggérer une intervention puissante de l’Union européenne auprès d’Erdogan et obtenir la libération des milliers de prisonniers politiques en Turquie.

Si Ahmet Altan ne se réveille pas en prison, d’autres n’ont pas sa force de caractère et d’autres encore souffrent terriblement de leur situation de réfugié comme Asli Erdogan.

Traverser la rue !

Les petites phrases ? Quand arrêtera-t-on de vivre à leur rythme !

Emmanuel Macron maîtrise parfaitement leur effet ; il en use et en abuse au moment où il les juge nécessaires.

Il donne la leçon à un jeune chômeur formé à l’horticulture et qui ne trouve pas de travail ? Il affiche tout le mépris de sa classe, celle des riches qui n’ont que condescendance envers les manuels, mais en sachant qu’il déclenche ainsi le « buzz » comme disent ses communicants de l’Elysée.

Le président qui sait tout et fait tout dit : il suffit de traverser la rue pour trouver du travail et la médiasphère moutonnante lui donne raison. Le pauvre chômeur qui croyait sans doute encore trouver une aide auprès de sa suffisance a manqué de répartie. Il aurait dû dire « Chiche » à l’énarque de chez Rothschild, uniquement pour lui clouer le bec et démontrer son ignominie, lui qui n’a jamais eu à chercher du travail.

Le locataire de l’Elysée, donc, ne manque pas de culot (mais on le savait déjà) : il est capable de trouver du travail à tous les chômeurs, là où Pôle Emploi échoue depuis des dizaines d’années. Au fond, le problème du chômage n’en est pas un avec Macron puisqu’il suffit de traverser la rue. Salauds de chômeurs qui ne veulent pas traverser la rue…

Vous êtes bardé de diplômes ou pas, vous avez choisi une filière et elle ne veut pas de vous (contrairement à ce qui disent les nantis du MEDEF), allez donc voir les restaurateurs, ils vous offriront des salaires de misère pour des journées d’esclaves. Salauds de chômeurs qui ont osé aller vers ce qui était leur rêve de gosse, alors que les patrons les attendent vers ce qui doit gonfler les dividendes.

Tout le projet de Macron est dans cet échange avec le jeune horticulteur qui devra se plier aux exigences du marché. Il n’y a plus que des solutions individuelles et qu’à ranger ses rêves dans un coin de sa mémoire.

Imagine-t-on un énarque, comme Macron par exemple, obligé de traverser la rue pour trouver un boulot de merde chez McDo avec un CDD de 15 heures par semaine ?

Alors pourquoi ce qui fait rêver un énarque serait-il interdit à un horticulteur ?

Maurice Audin et les pauvres

Maurice Audin a été victime d’un crime d’Etat. Emmanuel Macron s’est rendu chez sa veuve, Josette, pour lui remettre la déclaration le reconnaissant.

Il s’agit d’un geste politique et historique, assurément ; mais il s’agit surtout d’une grande victoire mettant un terme à un (trop) long combat de soixante et un ans de la famille du brillant mathématicien, professeur à l’université d’Alger et militant communiste, anticolonialiste, mort sous la torture ou sous les coups de militaires français au service du colonialisme.

Il a fallu l’opiniâtreté de sa famille, de Pierre Vidal-Naquet (et d’autres) et du Parti communiste pour forcer la main d’un président de la République et de nostalgiques de l’Algérie française qui gravitent encore autour du pouvoir politique pour reconnaître la vérité et rendre sa dignité à Maurice Audin et à ceux, nombreux, qui ont été assassinés lâchement comme lui.

Le geste d’Emmanuel Macron n’a rien de spontané ; il s’agit d’un geste politique à un moment où il est en difficulté dans les sondages (et avec les citoyens), tout autant qu’avec sa majorité.

La journée a été marquée par un autre rendez-vous du président de la République avec les Français ; il a présenté une série de mesures visant à éradiquer la pauvreté, sous le titre ronflant « Faire plus pour ceux qui ont moins ».

Le geste est encore politique, mais (beaucoup) moins flamboyant, car le fameux plan pauvreté a accouché de mesurettes qui n’éradiqueront jamais la pauvreté. Au contraire, Macron a avancé quelques intentions qui ne manquent pas d’inquiéter et a eu quelques absences.

Comment parler de pauvreté quand on oublie les réfugiés et les personnes âgées ?

Il est difficile sinon impossible à Macron de quitter son costume de président des riches et ses postures concernant le ruissellement, quand on est issu, comme lui, de la caste des possédants et des nantis.

Maurice Audin aurait sans doute préféré être associé à une journée où les pauvres, ceux avec qui il militait, auraient pu espérer sortir de la misère ! A une journée où le président de la République aurait annoncé que les entreprises, qui, en Algérie, avaient profité largement du colonialisme, allaient être taxées pour partager les richesses et éradiquer vraiment la pauvreté dans la sixième puissance économique de la planète !

Les GAFA ont-ils perdu ?

Le lobbying, mot barbare et mot-valise, a perdu une bataille au Parlement européen avec le vote de la directive dite copyright. Les géants américains du numérique (Google en premier lieu) ont en effet dépensé des sommes énormes pour lui faire échec. Si leur fric avait réussi à soudoyer les élus en juin, ceux-ci les ont « trahi » en septembre. Curieux retournement de situation qui en dit long sur la posture morale de certains députés européens !

Pour ma part, je retiendrai néanmoins qu’il est prouvé une fois encore que le fric ne peut pas tout et je m’en félicite.

Le vote de la directive sur le droit d’auteur réjouit donc beaucoup de monde : les GAFA, comme on les surnomme, ont perdu et ils devront rémunérer les ayant-droits. Toutes les raisons de se réjouir sont réunies d’une victoire sur les affreux groupes américains, obèses, qui défient la Bourse avec des capitalisations outrancières et imméritées, sur le fric et, peut-être sur l’arrogance et la bêtise de Trump, par procuration !

Pourtant, au final, ne s’agira-t-il pas d’une victoire à la Pyrrhus pour les auteurs ?

Tout n’est pas encore joué et le chemin est encore long avant de voir les effets de la directive. Les GAFA ont accusé le coup, mais sont déjà prêts à repartir au combat pour faire échec aux prétentions des ayant-droits et aux médias. Les paquets de dollars sont prêts.

Comme certains éditorialistes ont pu l’écrire, il s’agit avant tout d’une victoire du court-termisme, qui ne règle aucun des problèmes des auteurs face à des industriels de la culture et de la communication de plus en plus avides d’exploiter des œuvres non pour le développement de la culture populaire et de l’information citoyenne, mais de gonfler leurs profits et leurs dividendes.

Les auteurs ont été des alliés de circonstance du fric contre le fric. Pas sûr qu’ils soient payés en retour !

Premier acte

L’événement est rare et inattendu : un citoyen a réussi à initier une marche pour le climat en quelques jours et il a rassemblé des dizaines de milliers de personnes, à Paris, mais pas seulement. Prouvant au passage la puissance mobilisatrice des réseaux sociaux.

Maxime Lelong, c’est le nom de ce citoyen, a été surpris lui-même du succès de son initiative.

C’est encourageant et rafraîchissant de voir, enfin, des citoyens se mobiliser pour dire aux puissants de changer de politique pour préserver l’avenir de notre planète, après la démission de Nicolas Hulot.

Les citoyens (et Hulot) ont compris que c’est le capitalisme qui est la cause des dérèglements climatiques actuels : des dividendes de plus en plus élevés sont en effet inconciliables avec l’écologie.

Emmanuel Macron, lui, a fait un choix politique inverse en libérant les entreprises de toute responsabilité sociale, en prônant l’individualisme au détriment du vivre en commun et en nommant François de Rugy à la place de Nicolas Hulot, sans rien changer à sa politique.

Les citoyens mobilisés par Maxime Lelong, eux, ont voulu sanctionner les choix d’un président de la République pour qui les dérèglements climatiques sont dus à nos comportements individuels plutôt qu’aux choix des politiques de droite et des industriels.

Encourageant et rafraîchissant, disais-je, oui, car seule la mobilisation des peuples contre le capitalisme pourra sauver la planète. Cette marche pour le climat en est le premier acte.

Fuoccoammare

Gianfranco Rosi a placé sa caméra derrière Pietro Bartolo, médecin à Lampedusa, l’île qui, depuis vingt ans, a vu débarquer 400 000 migrants et a évalué à environ 15 000 le nombre de morts.

Le médecin est, lui, placé devant son ordinateur où il fait défiler des photos de sauvetage de réfugiés. Avec beaucoup de retenue, mais avec une émotion palpable dans son débit, il témoigne d’une voix douce :

« Ils étaient 840 sur ce bateau. Ceux-là étaient en première classe. Tous ceux-là, ils étaient dehors ; ils avaient payé 1500 dollars. Ceux de la deuxième classe, ici au milieu, avaient payé 1000 dollars. Et chose que j’ignorais, en bas dans la cale, il y en avait plein. Ils avaient payé 800 dollars. La troisième classe.

Quand je les ai fait descendre à terre, ça n’en finissait pas. Des centaines de femmes et d’enfants. Ils étaient mal en point, surtout ceux de la cale. Ils étaient en mer depuis 7 jours. Déshydratés. Dénutris. Epuisés. Je me souviens d’en avoir emmené 68 aux urgences. En mauvais état.

Ce jeune garçon était gravement brûlé. Très jeune, dans les 14-15 ans. Nous voyons énormément de ces brûlures. Des brûlures chimiques dues au carburant. Parce qu’ils embarquent sur des canots pneumatiques. Des canots délabrés. Pendant le voyage ils doivent remplir des jerrycans d’essence. De l’essence se répand à terre, se mêle à l’eau de mer et imprègne leurs vêtements. Ce mélange toxique provoque de graves brûlures qui nous inquiètent et nous donnent beaucoup de travail. Et qui ont des suites parfois fatales. Voilà.

Tout homme a le devoir, s’il est un être humain, de secourir ces personnes. Quand nous y parvenons, nous en sommes vraiment heureux. Heureux d’avoir pu les aider. C’est parfois impossible, hélas. Et je dois parfois assister à des choses épouvantables. Des morts, des enfants… Quand cela arrive, je suis obligé de faire ce que je déteste le plus : l’inspection des cadavres. J’en ai fait beaucoup, sans doute trop.

Beaucoup d’amis ou de collègues me disent : « Tu en as tellement vu… Tu es habitué ». C’est faux. Comment peut-on s’habituer à voir des enfants morts, des femmes enceintes, des femmes qui ont accouché sur des canots en perdition, l’enfant encore attaché par le cordon ombilical… Et tu dois les mettre dans les sacs et les cercueils, tu dois même faire des prélèvements. Tu dois couper un doigt ou prélever une côte. Couper une oreille à un enfant même après la mort, cet autre outrage. Mais c’est utile. Et donc je le fais.

Tout ça te laisse avec une colère, un vide dans l’estomac, un trou. Tu penses, tu rêves d’eux… Je fais des cauchemars où je revis, souvent… Souvent ! »

Sans commentaire.

Mais avec une grande reconnaissance à Gianfranco Rosi pour son travail et à Pietro Bartolo pour son témoignage. Qui devraient être montrés à tous ces politiciens qui ont fait de la tragédie des réfugiés un fond de commerce répugnant, révoltant.

Et merci à Arte d’avoir programmé ce magnifique documentaire, Fuoccoammare, par-delà Lampedusa.

Luigi Luca Cavalli-Sforza

Luigi Luca Cavalli-Sforza est décédé le 31 août dernier à Belluno en Italie. L’homme était généticien ; il a innové en travaillant sur la génétique des populations et sur tous leurs aspects génétiques et culturels, publiant des ouvrages comme ‘’Qui sommes-nous, une histoire de la diversité humaine’’, ou ‘’Gènes, peuples et langues, une histoire de la diversité humaine’’, ou encore ‘’L’aventure de l’espèce humaine, de la génétique des populations à l’évolution culturelle’’.

L’université de Stanford l’avait recruté en 1970 et on regrettera que son décès ne soit pas l’occasion de remettre ses découvertes en lumière. Luigi Luca Cavalli-Sforza a démontré l’absurdité de la notion de race et que le concept ne reposait sur aucune base scientifique.

Dans ‘’Qui sommes-nous ?’’, il dénonçait les différences entre races et il écrivait : « Vu sous cet angle, les désordres et les grandes tragédies, toutes les cruautés infligées au monde au nom de la diversité raciale, ne sont, pour reprendre les paroles de Macbeth, qu’une histoire racontée par un idiot, pleine de fureur et de bruit, et qui ne veut rien dire ».

Pour ce chercheur majeur d’aujourd’hui, « les gènes qui répondent au climat influencent les caractères externes du corps (…) S’il a été possible à l’Homme d’habiter les régions du Nord et de se nourrir des produits de l’agriculture, c’est grâce au fait qu’au cours de l’évolution, les habitants de ces zones ont sélectionné une couleur de peau plus claire. L’environnement est dans ce cas déterminé par une coutume alimentaire, laquelle est un fait culturel. »

Au moment où le racisme est utilisé par des politiciens sans scrupules dans toute l’Europe (et ailleurs), les grands médias se seraient grandis en rappelant les apports de Luigi Luca Cavalli-Sforza, élevant le débat sur les questions d’immigration et de races.

Luigi Luca Cavalli-Sforza est parti sans hommage. Scandaleusement.

Le téléphone ne sonne plus

Comment une même prétendue information peut-elle faire l’événement et  l‘objet d’un traitement sans égal ? Pourquoi ?

L’exemple du jour est affligeant : l’interdiction du téléphone portable à l‘école a fait la « une » de tous les médias, alors que d’autres innovations dictées par le dangereux ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, ont été passées sous silence !

L’Humanité, elle, fait honneur aux principes professionnels, sous la plume de Paule Masson : « Le vacarme dérisoire autour de cette mesure déjà à l’œuvre dans la plupart des établissements est un des effets camouflage du vaste chantier de réforme de l’éduction nationale que mène Jean-Michel Blanquer, écrit-elle dans l’éditorial du journal. Dans l’instauration de l’école de la concurrence, le gouvernement avance masqué. »

Et trouve des médias complaisants pour participer à l’enfumage des citoyens. Hélas.

« Au lieu d’appuyer les apprentissages sur les compétences, ce mécanisme(l’individualisation des parcours scolaires, la culture des testes et des palmarès qui vont avec) pousse à la course aux notes, moyen d’évaluation pourtant remis en cause par beaucoup d’experts en pédagogie, poursuit-elle. »

Macron et Blanquer continuent leur casse de tous les pans de la société et notamment l’éducation nationale « faisant des élèves les machines à compétition d’un marché scolaire ».

Mais L’Humanité est bien seule pour le dénoncer, car ailleurs le téléphone ne sonne plus.