Emmanuel Macron avoue être entré par « effraction » dans les rouages d’un système capitaliste français à bout de souffle. S’il y est entré par effraction, c’est pour tenter de la sauver et, dans un éclair de lucidité, il reconnaît aussi être le « fruit d’une forme de brutalité de l’Histoire ». Sa politique est effectivement brutale.
Aujourd’hui, ceux qui l’ont porté à la présidence de la République contemplent, ravis, l’évolution de le « start-up France » : casse de tous les services publics (santé, transports, éducation nationale et recherche, justice, énergie, audiovisuel), de tous les acquis sociaux (sécurité sociale, retraites, code du travail). Le président des riches a répondu aux aspirations des entreprises au-delà de leurs espérances, au-delà de ce que ses prédécesseurs avaient osé bousculer et, pour détourner l’attention, il désigne les réfugiés comme des fauteurs de troubles, qui mettraient à mal la cohésion nationale.
C’est dans ce contexte de redéfinition des missions de la République (et de leurs périmètres) qu’il convient d’analyser ce qui se joue dans le paysage médiatique en ce moment.
La remise en cause des services publics et des acquis sociaux se heurte à des résistances, non seulement de la part du peuple de gauche, mais désormais de la part des classes moyennes. La bataille des idées secoue la France en profondeur et le contrôle de l’information est devenu un enjeu majeur de celle-ci.
Les prédécesseurs de Macron avaient largement entamé le processus qui a permis à quelques milliardaires et opérateurs de télécommunications de faire main basse sur les ‘’grands médias’’.
Aujourd’hui, Emmanuel Macron veut aller plus vite et plus loin pour que la communication s’impose définitivement à l’information complète, vérifiée, pluraliste permettant aux citoyens de comprendre les enjeux réels des évolutions en cours.
Le service public de l’audiovisuel, qui échappe encore aux puissances d’argent, est le premier à subir la « révolution » de Macron. Réduction de son périmètre (avec la suppression de chaînes de télévision et de radio) au niveau national comme au niveau régional (laissant ainsi le champ libre aux chaînes locales privées et aux groupes de presse régionale), réduction de ses ressources (incitant ainsi à trouver des financements privés), précarisation des personnels pour une meilleure malléabilité, etc.
Si la « révolution » Macron devait aboutir, c’en serait fini du triptyque ‘’informer, éduquer, divertir’’, mission d’un service public censé être différent des chaînes privées comme TF1, M6 ou les chaînes Bolloré.
Le contrôle de la presse écrite est également dans le collimateur des néolibéraux et de leur gouvernement.
La réforme des aides à la presse, dont on parle depuis des décennies, ne sera vraisemblablement envisagée que lorsque le contrôle de tous les médias sera effectif, c’est-à-dire quand les derniers titres non inféodés aux puissances d’argent auront disparu. Et, hélas, tout est fait pour y parvenir dans les meilleurs délais, notamment avec le déclenchement de la énième crise de la distribution coopérative opérée par Presstalis (ex-NMPP).
Les milliardaires qui contrôlent les titres comme Le Monde,le Figaro,Libération,Les Echos ou Le Parisienrépètent depuis des années que le nombre de titres est bien trop important et que leur exposition dans les points de vente porte préjudice aux leurs, les plus vendus. Sous-entendu, débarrassez-nous de ces titres qui nous gênent.
Dans un système ultralibéral, il leur est également insupportable de devoir assumer un système coopératif imposé par la loi Bichet, votée au lendemain de l’Occupation, avec le souci d’assurer le pluralisme par une péréquation entre titres à forte diffusion et titres à plus faible diffusion.
Ce qui se joue aujourd’hui à Presstalis est l’une des dernières étapes avant la domination des puissances d’argent sur l’information.
Quant à l’AFP, l’agence qui alimente les contenus de tous les médias et dont le statut original (elle n’a pas d’actionnaires) assure son indépendance, elle est également l’objet de manœuvres pour lui faire endosser à terme un statut de droit commun (AFP – SNCF, même combat !) qui préluderait à une privatisation rapide.
Plus que jamais, l’information est un enjeu essentiel dans la bataille des idées et les connivences entre le pouvoir politique (émanation des puissances d’argent) et le pouvoir économique ne sont pas apparues aussi clairement : l’information est dangereuse si elle donne à réfléchir ; en revanche la communication est décisive pour anesthésier les citoyens. Les convergences entre la politique d’Emmanuel Macron et les ‘’revendications’’ des Dassault, Arnault, Lagardère, Niel, Drahi ou Bolloré n’ont jamais été aussi fortes.
Macron veut mettre définitivement les milieux d’affaires et les politiques à l’abri avec une prétendue loi sur les fausses nouvelles (fake news) et la loi de transposition de la directive européenne sur le secret des affaires qui visent à restreindre les pouvoirs d’investigation des journalistes. Ses ministres les ont déjà mises en œuvre en n’hésitant pas à poursuivre devant les tribunaux quelques membres de la profession quand ils ont dévoilé des informations dérangeantes pour le bon déroulement de la remise en cause du code du travail ou du service public de l’audiovisuel
L’information libre est trop précieuse pour l’abandonner aux puissances d’argent et aux politiques à leur solde ; le droit à une information citoyenne est aussi décisive que les services publics et les acquis sociaux pour une véritable vie démocratique digne du XXIe siècle.