La Chouette qui hioque

Mois : avril 2023 (Page 1 of 2)

La droite et la culture

Le monde de la culture est en crise.

Réforme de l’indemnisation du chômage, crise sanitaire (fermant les salles et favorisant les plateformes numériques, comme Netflix ou Disney) et crise de l’énergie ont eu raison de nombreuses salles et entraîné les acteurs culturels un peu plus dans la précarité.

Le budget de l’Etat stagne et ne suit pas le rythme de l’inflation. Les collectivités territoriales dont le budget pour la culture est plus du double de celui de Rima Abdul-Malak revoient leurs priorités et les activités culturelles ne sont pas épargnées ; la suppression de la taxe d’habitation et les dotations en baisse ont eu un effet immédiat sur les sommes affectées à l’art, sous toutes ses formes.

Les élus de droite profitent du climat ambiant pour tenter d’éliminer les structures qui osent faire de la culture qui grandit. Laurent Wauquiez prive le Théâtre Nouvelle Génération de Lyon de sa subvention au terme d’un bras de fer où le déclaré candidat à la présidence de la République en 2027 a étalé sa ‘’culture de la peur’’ et ses dérives autocrates et obscurantistes. A Calais, Natacha Bouchart s’en prend, elle, au Channel dirigé par Francis Peduzzi en déclarant ne plus vouloir travailler avec lui.

Les deux élus se revendiquent des Républicains et leur attitude n’est pas une simple péripétie. Cette droite-là ne supporte, au mieux, que le divertissement standardisé, marchandisé et rentable, aussitôt oublié, quand le citoyen, aujourd’hui, a besoin de la création originale qui favorise la confrontation, enrichit les savoirs et permet de comprendre la marche du monde.

Ils rendent d’une cruelle actualité la Déclaration des droits de la culture adoptée à l’initiative de Jack Ralité en 1987, dans laquelle on peut lire : « Un peuple qui abandonne son imaginaire culturel à l’affairisme se condamne à des libertés précaires ».

Wauquiez et Bouchart ont rejoint Emmanuel Macron dans sa croisade pour une culture otage des audiences, des tirages et des sondages. La déclaration de 1987 était un appel à la mobilisation pour une autre monde :

« Contre cette formidable inversion des valeurs entre la culture et l’argent, contre le cynisme de ses décideurs quels qu’ils soient, nous en appelons à un sursaut éthique de tout le monde des arts et des lettres. Nous proclamons qu’il n’y a pas dans une nation de valeurs culturelles capables de vivifier son passé comme de dessiner son avenir sans les incessantes trouvailles de la création artistique, sans la liberté de leur confrontation, sans la volonté d’en faire le bien commun des artistes et leur peuple. À l’uniforme gris des ambitions mercantiles nous opposons l’arc-en-ciel des sensibilités et des intelligences, l’ouverture plurielle à la culture des hommes et des peuples du monde entier. »

Près de quarante plus tard, le sursaut du peuple de France pour travailler moins longtemps doit rejoindre dans un même élan la revendication pour plus de temps libre pour se cultiver.

En cette veille de fête du travail, la mobilisation doit s’étendre à la revendication pour le droit à la culture ; il faut chasser la droite sans culture et du travailler plus.

Macron, chef d’escadrille

Emmanuel Macron est dans la tourmente ; faut-il préciser qu’il récolte les fruits de sa politique ultra-libérale. Mais ces fruits-là, c’est le peuple qui les paie. Très cher.

Après la crise des gilets jaunes, puis la crise sanitaire, la tourmente se transforme en un ouragan de force maximum. La réforme des retraites a dessillé les yeux des Français qui manifestent et sa politique irrite les agences de notation, ces ‘’machins’’ chargés d’évaluer la solvabilité des Etats, des collectivités et des grandes entreprises (la note attribuée déterminant le taux d’intérêt des emprunts sur les marchés financiers).

L’agence Fitch Ratings qui fut pendant quelques années la propriété du baron Marc Ladreit de Lacharrière (l’employeur fictif de Pénélope Fillon), a abaissé la note de la France d’un cran en invoquant les mouvements sociaux qui « constituent un risque pour le programme de réformes de Macron et pourraient créer des pressions en faveur d’une politique budgétaire plus expansionniste ou d’un renversement des réformes précédentes ».

Autrement dit, les milieux financiers ne croient pas aux 100 jours de Macron et considèrent que la feuille de route d’Elisabeth Borne est intenable et inatteignable. D’autant plus que les ministres en charge de l’économie n’en finissent pas de se contredire. Quand Gabriel Attal annonce des baisses d’impôt, notamment pour « les classes moyennes qui travaillent », Bruno Le Maire affirme à peu près le contraire et déclare, lui, que le ‘’quoi qu’il en coûte’’ c’est terminé.

Fitch ne croit ni l’un, ni l’autre et s’attend à des « déficits relativement importants et des progrès modestes dans la consolidation budgétaire ».

La France retrouve la chienlit et certains éditorialistes qui encensaient hier encore Emmanuel Macron peuvent écrire que « En Marche, en fait, ça ne marche pas ». Le bruit assourdissant des casserolades, partout, finit par rendre nos gouvernants complètement fous, de plus en plus désorientés et deconnectés du réel.

Une petite phrase attribuée à Jacques Chirac (mais digne de Michel Audiard) : « Les emmerdes, c’est comme les cons, ça vole toujours en escadrille », obsède Emmanuel Macron y, même quand il se rase!

La bêtise des Molières (suite)

Fabienne Pascaud, l’ex-directrice de la rédaction de Télérama, sévit (hélas) encore. Voilà qu’elle est tombée en pamoison sur le site du magazine après « le beau coup d’éclat » (sic) de la ministre de la culture, Rima Abdul-Malak.

La lecture des deux feuillets de celle qui était surnommée la ‘’papesse’’ plonge dans un profond malaise : « Rima Abdul-Malak, elle, a osé sortir de postures convenues (…) Rima Abdul-Malak n’a pas flanché (…) Rima Abdul-Malak n’a pas eu peur. Elle s’est levée dans la salle médusée pour répondre avec cran et panache, la voix à peine émue (…) Et Rima Abdul-Malak de rappeler un budget en hausse historique de 7 % par rapport à l’année passée (…) Et de conclure que, si silence il y a, ce serait plutôt de la faute des syndicats (…) Beau coup d’éclat. Par cette intervention courageuse, offensive, la ministre – il est vrai qu’on peut parfois regretter son manque de visibilité face à un président tout-puissant, décidant de tout, et pas vraiment intéressé par la chose culturelle, dont elle fut longtemps la remarquable conseillère -, a prouvé sa détermination et sa légitimité. Et la conseillère de devenir enfin ministre. »

Quel cirage de pompe (ministérielle) ! Quelle allégeance ! Quelle cécité !

Fabienne Pascaud n’a pas remarqué que l’intervention était organisée (la preuve par le micro baladeur tendu à la ministre) et non spontanée.

Fabienne Pascaud est, paraît-il, à la retraite ; on lui accordera donc les circonstances atténuantes d’ignorer que l’intersyndicale a envoyé à la ministre un questionnaire de trois pages à propos des conséquences de la réforme des retraites sur les professions du spectacle en janvier. Resté sans réponse il a amené l’intersyndicale à refuser de siéger au Conseil national des professions du spectacle en raison de l’absence de réponse de la ministre, justifiant ainsi la question des deux militantes de la CGT : « Quand allez-vous décider de sortir de votre silence ? »

Fabienne Pascaud a démontré ainsi le même mépris envers la CGT et sa Fédération du Spectacle que Macron vis-à-vis des organisations syndicales. Cela ne nous étonne plus ; c’était une posture assumée de la directrice de Télérama.

La ‘’papesse’’ est partie à la retraite. On ne le regrettera pas ; on ne la regrettera pas !

La bêtise des Molières

Les concerts de casseroles ont le don d’irriter profondément Emmanuel Macron, le méprisant. C’est un bon signe pour les opposants. Avec son entourage de groupies imbéciles, il organise une riposte pitoyable, signe de sa fragilité dans un pays qui le rejette.

La Cérémonie des Molières est exemplaire des stratégies présidentielles pour tourner la page de la réforme des retraites.  Deux comédiennes de la Fédération CGT du Spectacle ont apostrophé la ministre de la culture, Rima Abdul-Malak en rappelant les fortes paroles de Gérard Philipe, alors président du Syndicat des acteurs CGT, en 1957 : « Les artistes ne sont pas des chiens ». Après avoir dénoncé le coup de force antidémocratique pour faire adopter le projet de loi sans vote, elles ont conclu en demandant à la ministre : « Quand allez-vous décider de sortir de votre silence ? » en faisant référence au questionnaire de trois feuillets, élaboré par l’intersyndicale du monde du spectacle, sur les conséquences de la réforme des retraites pour leurs professions, envoyé à Rima Abdul-Malak le 13 janvier dernier et resté sans réponse.

L’absence de réaction de la ministre a amené l’intersyndicale (CGT, CFDT, FO, CGC et CFTC) à refuser de siéger au Conseil national des professions du spectacle (CNPS) convoqué le 27 avril.

Téléspectateurs et participants présents au Théâtre de Paris n’ont pas eu connaissance de cette double démarche de l’intersyndicale mais, fait inédit, la ministre a cru devoir répondre à ses accusatrices, toute honte bue, en se levant de son fauteuil avec l’aval des organisateurs, qui, curieusement, se sont empressés de lui offrir un micro pour que le public ne manque rien de sa piètre intervention ; en effet, Rima Abdul Malak s’est octroyée un satisfecit, sans vergogne et en évitant de parler des retraites ou de son budget restant à 0,57 % du budget de l’Etat (loin de 1 %), ou encore des baisses, voire des suppressions des subventions de collectivités territoriales exsangues, entraînant des annulations de spectacles.

La scène était de toute évidence bien orchestrée par le maître de cérémonies, Jean-Marc Dumontet, président de l’Académie des Molières, qui a volé au secours de la ministre et de son ami Emmanuel Macron, en prenant à son tour le micro : « Nous avons la chance de vivre dans un grand pays qui accompagne la culture et ses créateurs (…) Quand j’entends que nous serions dans un pays ultralibéral, j’ai du mal à le croire au regard du niveau de nos prélèvements, qui est le plus élevé du monde occidental. Il faut qu’on sorte tous de nos postures. » (Sic).

Evidemment, les deux accusatrices ne se sont pas vues accorder un droit de réponse pour dénoncer autant de mauvaise foi et de contre-vérités.

Jean-Marc Dumontet a fait main basse sur les Molières et les discrédite en voulant les transformer en tribune idéologique. Ceux qui ont applaudi la ministre et le conseiller officieux du président pour la culture se sont discrédités eux aussi. La manœuvre est grossière et va jusqu’à la préférence affichée pour le théâtre privé qui a raflé quatorze des dix-neuf Molières. Dumontet veille à tout !

Je ne sais pas si le meilleur comédien, Christian Hecq, faisait référence à ce triste épisode mais ses paroles résonnent fort dans le contexte : « Il y a une chose qui résiste au temps, c’est la bêtise. Rions de notre bêtise, c’est le meilleur moyen de la combattre et ça, Monsieur Molière l’a compris il y a longtemps ».

Rions, donc, de la bêtise du président et de son gouvernement ; et continuons les concerts de casseroles !

Macron, quasi divin !

Chaque jour nous donne à lire des tribunes et des interviews d’intellectuels disséquant l’idéologie et les actes d’Emmanuel Macron. Ils alimentent un riche débat qui, hélas, n’irrigue pas l’ensemble de la société ; la faute aux médias audiovisuels et écrits entre les mains des quelques milliardaires qui les contrôlent. En confisquant la parole des intellectuels ils se comportent en alliés du président de la République.

Si ces paroles différentes étaient plus médiatisées, on pourrait croire à une opposition encore plus radicale à l’ultra-libéralisme et à la réforme des retraites.

La bataille des idées fait rage.

Cécile Alduy, chercheuse associée au CEVEPOF (Science Po) et professeure à l’université de Stanford en Californie, a longuement répondu aux questions de Valérie Lehoux de Télérama (interview à retouver sur le site du magazine).

J’en ai extrait une seule réponse qui éclaire avec beaucoup de justesse et de finesse la personnalité du président de la République :

« Dans la Bible, il est écrit : « Dieu dit : “Que la lumière soit ! Et la lumière fut.” » Eh bien Emmanuel Macron semble penser qu’il lui suffit de dire « la réforme est validée, on passe à autre chose », pour que cela advienne. Un verbe tout-puissant, et qui serait infaillible – à l’image de l’infaillibilité pontificale –, car il ne revient jamais en arrière en s’enrichissant d’autres points de vue… Autant dire que l’allusion à Notre-Dame n’a fait que renforcer cela : le chef de l’État se pose en personnage sacrificiel et thuriféraire, investi d’une mission quasi mystique ; un bâtisseur de cathédrales à la fois réelles et symboliques, Notre-Dame incendiée, puis la France tout entière. Son discours montrait encore la façon dont il aborde le dissensus : il le psychologise. Dans un passé pas si lointain, les politiques s’opposaient pour des raisons idéologiques. Avec son prétendu dépassement du clivage droite / gauche, Emmanuel Macron infantilise les revendications sociales en les attribuant uniquement à des sentiments, la colère ou l’angoisse. Comme si ses opposants n’avaient pas eux-mêmes une vision politique du type de société qu’ils souhaitent, mais seulement des émotions. Lui, à l’inverse, serait du côté de la raison et de la logique. »

Tout commentaire serait superflu !

Toute honte bue !

A la lecture de la Lettre d’avril du CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales) on peut aisément imaginer que Gérald Darmanin (et même Emmanuel Macron) a été tout tourneboulé, rouge de colère, à la limite de l’apoplexie :

« Le projet de loi sur l’immigration qui devait être débattu au Parlement proposait de ‘’rendre possible l’éloignement d’étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public’’. Une manière, peut-être, de répondre aux inquiétudes persistantes de ceux qui, dans les enquêtes d’opinion, estiment que l’immigration aggrave la délinquance. Pourtant, les études réalisées dans différents pays concluent sans ambiguïté que les immigrés ne sont pas à l’origine d’une augmentation des taux d’infraction dans les pays d’accueil. Et si les étrangers en situation irrégulière ont une probabilité plus forte de commettre des vols, un meilleur accès au marché du travail peut résorber cet écart. La surreprésentation des immigrés dans les statistiques officielles mais aussi le traitement médiatique de la délinquance permettent de comprendre l’écart entre perceptions et réalité. Lorsque les médias adoptent un traitement plus neutre de l’origine nationale ou étrangère des auteurs présumés d’infractions, les inquiétudes à l’égard de l’immigration se réduisent. C’est en tout cas ce que montre l’expérience allemande en la matière. »

A quelques semaines de l’examen du projet de loi sur l’immigration, ne s’agit-il pas d’une opération de torpillage de la part de dangereux intellectuels, gauchistes, voire écoterroristes, infiltrés dans les services gouvernementaux ?

D’autant que le CEPII est un centre des services du premier ministre, contribuant au débat public et à la formulation des politiques économiques en matière de politique comemrciale, compététivité, macroéconomie, finance internationale et croissance !   Les deux auteurs, Arnaud Philippe et Jérôme Valette sont respectivement enseignant-chercheur à l’université de Bristol et économiste au CEPII. Difficile de les soupçonner d’être de dangereux gauchistes ou de wokistes.

Bref, si Darmanin a éructé, Macron, lui, a mangé son chapeau ; ne déclarait-il pas à la télévision le 26 octobre 2022 : « Quand on regarde aujourd’hui la délinquance à Paris, on ne peut pas ne pas voir que la moitié au moins des faits de délinquance qu’on observe viennent de personnes qui sont des étrangers ».

Les auteurs de l’étude ont enfoncé le clou en écrivant que « l’immigration mérite un débat à la hauteur des enjeux et des inquiétudes qu’elle suscite. Cependant, il n’y a pas de raisons de centrer cette discussion sur la délinquance. » Ils n’ont pas oublié de relever l’énorme responsabilité des journalistes : « Un traitement plus équilibré de l’information relative à la délinquance, selon l’origine nationale ou étrangère des suspects, permettrait également de rendre les perceptions plus proches de la réalité. »

Bref, ceux qui empruntent le vocabulaire et les idées fascisantes du Rassemblement national, de Zemmour et des Républicains pour tenter de faire oublier leur politique antisociale devraient faire profil bas ; mais, sans honte, ils continueront de fustiger ceux qui osent parler de crise démocratique.

Tourner le dos à Macron

Si peuple de France s’est levé contre la réforme des retraites, de nombreux intellectuels ont joint leur voix à ceux qu’Emmanuel nomme avec mépris de ‘’foule’’. Ces intellectuels, sans être révolutionnaires mais suffisamment choqués par la ‘’méthode Macron’’ pour prendre la parole, se sont rejoints pour condamner unanimement la crise démocratique profonde actuelle avec des mots proches.

Il reste encore des médias pour publier leurs coups de gueule ; les milliardaires, Arnault, Bolloré, Bouygues, Dassault, Kretinsky n’arrivent pas (encore) à étouffer les informations contraires à leurs intérêts.

Dans Télérama, Bastien Fançois, professeur de science politique et de droit constitutionnel, constate que « les Français ne deviendront pas favorables à cette réforme sous prétexte qu’elle est constitutionnelle. Ils ont, une fois de plus, le sentiment qu’on vient de leur claquer une porte au nez. Le Conseil constitutionnel n’était de toute façon pas en mesure de résoudre le problème de fond : la crise démocratique profonde. Le débat sur les retraites n’en est pas la cause, mais il l’a révélée. Elle naît du décalage croissant entre un système de décision vertical et centralisé, caporaliste, qui n’écoute ni le Parlement ni les citoyens, et la société, qui n’est plus celle de 1958 (…) Mais nos élites continuent de se représenter le peuple comme une sorte d’enfant : ils pensent que si on l’engueule un bon coup, il va se calmer. »

Jean Garrigues, historien, analyse dans le Monde les reniements du président de la République : « Il avait fait campagne sur le thème « Avec vous », soit une nouvelle manière de gouverner plus proche des citoyens, de la souveraineté populaire. Dans cette crise des retraites, il a fait exactement l’inverse. Ainsi, il a appliqué à la lettre les institutions de la Ve République en matière de présidentialisme, en utilisant tous ses ressorts, ce qui est d’ailleurs une forme de dérive de l’exercice de ces institutions. Il s’est arc-bouté sur sa légitimité institutionnelle en oubliant qu’à côté de cette légitimité, il y en a une autre, inscrite dans notre histoire depuis la Révolution française : une nécessité d’écouter aussi la voix des citoyens telle qu’elle s’exprime par des médiateurs comme les syndicats, les associations ou les médias. »

Enfin, dans L’Humanité, Samuel Hayat, politologue et historien, revient sur le débat entre légitimité électorale (mise en avant par Emmanuel Macron) et légitimité du mouvement social : « Il ne s’agit pas de mettre en question la légitimité électorale, ni de la mettre en balance avec celle de la rue. Mais pour donner corps à l’idée démocratique, l’élection ne suffit pas – la plupart des régimes autoritaires en tirent aussi leur légitimité –, les conditions d’exercice du pouvoir comptent tout autant. Une légitimité spécifiquement démocratique comprend en son cœur deux éléments : respecter la volonté populaire et agir dans l’intérêt de la majorité. Or, sur ces deux points, le gouvernement a systématiquement pris le contre-pied d’une démarche démocratique. En choisissant d’argumenter en termes d’expertise plutôt que de volonté populaire, et en justifiant de faire porter le poids de sa réforme sur les travailleurs pour ne pas augmenter les impôts sur les possédants. Sans compter qu’il utilise massivement la répression contre une mobilisation populaire. »

Les trois jugements sont sévères pour Emmanuel Macron et sa stratégie. Ils se rejoignent dans l’analyse de la dérive autoritaire d’un pouvoir et des dangers qu’elle fait peser sur le pays. Les précédents présidents de la Ve République ne sont jamais allés aussi loin que l’actuel locataire de l’Elysée, dans la manifestation du mépris envers les citoyens. 

C’est pourquoi l’unité syndicale doit être préservée ; il reste à espérer qu’elle inspire davantage les partis politiques de gauche pour élaborer un programme tournant le dos radicalement à l’autoritarisme ambiant et mettant fin à la crise démocratique.

Macron a fait du Macron

« Lundi soir à la télévision, Macron a fait du Macron » a reconnu Le Parisien, quotidien populaire propriété de l’homme le plus riche du monde, Bernard Arnault. Et, effectivement, Macron a fait du Macron.

S’il s’est interrogé d’emblée sur ‘’sa’’ réforme des retraites : « Cette réforme est-elle acceptée ? A l’évidence, non. » la réponse a été brève, nette et franche ; mais quoi après ? On passe à autre chose !

L’ensemble des médias a trouvé que l’autre chose, un nouveau cap fixé par le président de la République lui-même, avait un air de déjà vu et de déjà entendu. Pas convaincant. Du Macron et rien d’autre.

Un seul groupie du président, le bouffon du roi, habitué des rendez-vous secrets à l’Elysée, et néanmoins chargé de communication de Bernard Arnault, c’est-à-dire Dominique Seux, est venu déclarer dans son ‘’éditorial’’ quotidien sur France Inter (honte au service public !) que « Macron va laisser la CFDT présenter sa facture ».

Qu’a-t-il pu entendre par ces mots ? Eh bien, Seux a compris que Macron a lancé un clin d’oeil à la CFDT : « Ont été cités hier les mots pacte et progrès pour mieux vivre ; ça ressemble furieusement au pacte de pouvoir du pouvoir de vivre de Laurent Berger. »

Le journaliste qui relaie la parole élyséenne a résumé en quatre phrases le discours du président susceptible de se rabibocher avec Laurent Berger : « Un : la réforme des retraites entrera bien en vigueur, avec les 64 ans. Deux : à la grande différence des Gilets Jaunes et du Covid, Emmanuel Macron n’a pas l’intention de régler cette crise avec le chéquier du quoi qu’il en coûte. Trois : le patronat et les syndicats sont invités à négocier sur des tas de sujets pour bâtir, je cite, un pacte de la vie au travail : la CFDT va pouvoir présenter sa facture après sa défaite sur les retraites, en clair sa liste de courses, et je parie qu’elle sera en partie honorée. Enfin, quatre : les entreprises n’ont pas forcément tort d’imaginer que ce sont elles qui vont payer la facture puisque ce n’est pas l’Etat. »

Qu’Emmanuel Macron (et Seux) rêve de fracturer l’unité syndicale et de revoir Laurent Berger face à lui, seul, pour arranger les affaires d’un ultralibéralisme bien malade et rejeté, ce n’est pas un secret. Que Laurent Berger soit prêt à ‘’avaler’’ son chapeau après que le président méprisant lui ait décoché quelques petites phrases assassines, n’est pas assuré. Surtout, que la base de la CFDT se contente de quelques miettes et se console en signant quelques accords au rabais, après avoir été dans le mouvement de contestation est un pari qui n’est pas gagné d’avance.

D’autant plus que Dominique Seux ne voit pas l’Etat payer la facture : «Parce que cramer la caisse après avoir exigé des économies sur les retraites serait étrange (…) Mais quoi donc, une impossible hausse générale des salaires de 10%, le rétablissement de l’ISF ? Ben non, Macron ne change pas de cap. » Le patronat non plus. Avec un tel préambule, les adhérents de la CFDT vont sans doute réfléchir.

Macron a vraiment fait du Macron !

Enorme !

Dominique Rousseau, professeur émérite de droit public et constitutionnaliste reconnu et respecté, n’avait pas attendu la décision du Conseil constitutionnel pour dénoncer le « déni de démocratie parlementaire ». Dès le 22 mars, il écrivait : « Il y a des motifs sérieux de déclarer la loi inconstitutionnelle ».

Aujourd’hui, Dominique Rousseau est éberlué. Il publie une tribune sur le site du Monde dans laquelle il critique sévèrement la décision des neuf membres du Conseil et fait part de ses doutes sur son bien-fondé juridique.

L’éminent juriste a pointé notamment quatre arguments des prétendus Sages et les a disqualifiés ; mais pour apprécier son réqusitoire, il faut lire l’intégralité du texte de sa tribune sur le site du Monde.

Voici, cependant, les quatre paragraphes qui, pour Dominique Rousseau, discréditent la décision :

« § 65. En dernier lieu, la circonstance que certains ministres auraient délivré, lors de leurs interventions à l’Assemblée nationale et dans les médias, des estimations initialement erronées sur le montant des pensions de retraite qui seront versées à certaines catégories d’assurés, est sans incidence sur la procédure d’adoption de la loi déférée dès lors que ces estimations ont pu être débattues. » Enorme !

« § 69. D’autre part, la circonstance que plusieurs procédures prévues par la Constitution et par les règlements des assemblées aient été utilisées cumulativement pour accélérer l’examen de la loi déférée, n’est pas à elle seule de nature à rendre inconstitutionnel l’ensemble de la procédure législative ayant conduit à l’adoption de cette loi. » Enorme !

« § 70. En l’espèce, si l’utilisation combinée des procédures mises en œuvre a revêtu un caractère inhabituel, en réponse aux conditions des débats, elle n’a pas eu pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution. Par conséquent, la loi déférée a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution. » Enorme !

« § 11. D’autre part, si les dispositions relatives à la réforme des retraites, qui ne relèvent pas de ce domaine obligatoire, auraient pu figurer dans une loi ordinaire, le choix qui a été fait à l’origine par le Gouvernement de les faire figurer au sein d’une loi de financement rectificative ne méconnaît, en lui-même, aucune exigence constitutionnelle. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur à cet égard, mais uniquement de s’assurer que ces dispositions se rattachent à l’une des catégories mentionnées à l’article L.O. 111-3-12 du Code de la sécurité sociale. » Enorme !

On en conviendra, c’est énorme (et plus encore). Le professeur de droit public a attribué un zéro pointé mérité à la copie du Conseil. 

Les conséquences peuvent être considérables. Comme l’a écrit un autre professeur de droit public, Denis Baranger, « le Conseil constitutionnel a perdu une chance de rétablir un degré d’équilibre entre les pouvoirs ». 

Aujourd’hui, si les syndicats continuent à demander le retrait de la loi, la contestation se situera aussi au niveau politique et constitutionnel.

Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, est tout à fait fondée à dénoncer Emmanuel Macron devenu le président du chaos ; les conséquences peuvent être terribles pour les citoyens ; comme l’écrivait Albert Camus : « Faites attention, quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n’est pas pour prendre de ses nouvelles. »

Crime de haute trahison

Le 20 décembre 1848, le président de l’Assemblée constituante lut le serment que le nouveau président de la République devait s’engager à respecter :

« En présence de Dieu et devant le peuple français représenté par l’Assemblée nationale, je jure de rester fidèle à la République démocratique une et indivisible et de remplir tous les devoirs que m’impose la Constitution. »

Louis Napoléon Bonaparte jura et s’engagea à la respecter, notamment, son article 68 qui dit : « Toute mesure par laquelle le président de la République dissout l’Assemblée nationale, la proroge, ou met obstacle à l’exercice de son mandat, est un crime de haute trahison. »

On sait ce qu’il advint : le 2 décembre 1851, l’assemblée était dissoute ; la seconde République n’avait vécu que trois ans.

On ne peut s’empêcher d’établir un certain parallélisme entre la situation de 1848 et l’épisode tragique que la France est en train de vivre avec la lamentable épreuve de l’adoption sans vote puis la promulgation expresse de nuit de la réforme des retraites.

Le coup de force de Macron est aussi antidémocratique que le coup d’Etat de Louis-Napoléon. Ne peut-on pas parler de haute trahison ? Et, décidément, l’opportunité est belle de relire le pamphlet de Victor Hugo, écrit en exil à Bruxelles, Napoléon le Petit.

« La situation présente, qui semble calme à qui ne pense pas, est violente, qu’on ne s’y méprenne point. Quand la moralité publique s’éclipse, il se fait dans l’ordre social une ombre qui épouvante. Toutes les garanties s’en vont, tous les points d’appui s’évanouissent. »

Napoléon III a très mal fini. Le père Hugo l’avait prédit :

« Oui, on se réveillera !  Oui, on sortira de cette torpeur qui, pour un tel peuple, est la honte ; et quand la France sera réveillée, quand elle ouvrira les yeux, quand elle distinguera, quand elle verra ce qu’elle a devant elle et à côté d’elle, elle reculera, cette France, avec un frémissement terrible, devant ce monstrueux forfait qui a osé l’épouser dans les ténèbres et dont elle a partagé le lit. Alors l’heure suprême sonnera. »

Partis politiques de gauche et aussi quelques élus de droite, mais authentiques républicains, organisations syndicales enfin réunies vont se charger d’entretenir et de faire grandir la mobilisation pour faire échec à Emmanuel le Petit. Le 14 avril 2023 ne sera pas son 20 décembre 1848, ni son 2 décembre 1851 ; il n’a jamais été aussi proche du 4 septembre 1870 !

Son mépris n’est que la façade de ses faiblesses dans l’opinion. Il paiera, lui aussi, pour son crime de haute trahison.

Le peuple s’est déjà réveillé et il n’a pas pu s’empêcher de noter, aussi, que le 14 avril, le CAC 40 a battu son record absolu (7519,61 et 7480,83 en clôture, en hausse de plus de 16 % depuis le 1er janvier, porté, notamment pas LVMH et Hermès. L’argent coule à flot pour les actionnaires, mais ne ruisselle pas. Macron et son gouvernement ne se sentent pas hideux devant tant de richesses s’étalant quand des citoyens se privent, déjà, d’un repas par jour.

Macron veut faire taire la presse, mais il va parler. Ou plutôt soliloquer, récusant par avance toute contrariété que pourrait lui occasionner un journaliste à peine irrévérencieux. Il a confisqué la République ; il faut la lui faire rendre avant qu’il ne la confie à la bête immonde, tapie dans l’ombre, restant muette, mais engrangeant les consciences affaiblies.

Libertés en danger

La Ligue des droits de l’homme (LDH) a fait l’objet de toute les attentions de Gérald Darmanin puis d’Elisabeth Borne. Les accusations portées à l’encontre d’une association née en pleine affaire Dreyfus sont graves et inquiétantes.

Le président de la LDH a répondu avec beaucoup de talent dans une longue interview parue dans le Monde ; comme beaucoup de citoyens, Patrick Baudouin, avocat spécialiste de la justice pénale internationale, a « quelque peu honte pour notre pays, qui glisse progressivement vers les régimes illibéraux ».

Ses réponses condamnent la pitoyable opération de communication d’un ministre de l’intérieur qui ne sait plus comment justifier le recours à la force (et ses dérives) face à une mobilisation sociale aussi importante.

Le président de la LDH a aussi fait part de ses inquiétudes à propos des libertés fondamentales : 

« Les libertés publiques en France sont en péril. Vraiment. Depuis les attentats de New York en 2001, tous les pays, y compris démocratiques, ont adopté progressivement des législations de plus en plus répressives, des législations d’exception au nom de la lutte antiterroriste. On a rogné insidieusement les libertés, d’état d’urgence en état d’urgence. Je crois qu’il n’y a pas suffisamment de prise de conscience de ce glissement vers des pertes de libertés essentielles. Quant à nous, nous continuerons nos actions. La chaîne CNews affichait récemment : « La Ligue des droits de l’homme, ennemi de l’Etat ? » Non, la Ligue des droits de l’homme est une amie de l’Etat de droit. »

La réponse est digne, forte ; elle est un superbe réquisitoire contre le glissement de la politique de Macron vers un régime autoritaire, sans foi, ni loi. Elle est un appel à la Résistance face aux dérives liberticides du pouvoir.

A Jacques Gaillot

Si Dieu existe, ce qui n’est nullement prouvé, mais là n’est pas le sujet, c’est lui qui, assurément, a rappelé Monseigneur Gaillot auprès de lui.  Dieu, donc, a voulu mettre fin aux tourments de cet homme bon, toujours prêt à voler au secours des pauvres et des opprimés, plus proche de tous les progressistes du monde que des légions chrétiennes traditionnalistes.

On imagine aisément qu’un homme comme Jacques Gaillot a dû souffrir dans son corps et dans son âme en apprenant qu’un petit élu du Texas pouvait attenter au droit pour les femmes de se faire avorter. Ou qu’un ramassis d’obscurs élus dits Républicains avaient osé déposer (et fait adopter au Sénat) une loi inique intitulée ‘’pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité’’, alors que ses articles ne visent qu’à élargir le fossé entre l’école des nantis (les établissements privés, catholiques de préférence) de l’école des pauvres (l’école publique, obligatoire, gratuite et vraiment laïque).

Jacques Gaillot devait être honteux en observant les méfaits d’un Vincent Bolloré, porte étendard de la bonne conscience catholique toujours flanqué d’un confesseur, traditionnaliste, le père Gabriel Grimaud, qui n’a assurément pas fait voeu de pauvreté en acceptant les subsides et les largesses d’un homme aussi peu chrétien envers les autres.

Monseigneur Gaillot a sans doute apprécié le soulèvement du peuple contre la réforme des retraites, car il savait combien la détérioration des conditions de travail ‘’casse’’ les corps des salariés, combien la précarité plonge les femmes dans l’angoisse.

Le saint prêtre est parti sans pouvoir dire tout le mal qu’il pensait d’un ministre, Gérald Darmanin, qui couvre les bavures de la police et fustige la Ligue des Droits de l’Homme sans vergogne. Alors que lui n’était que bonté

Les milieux prétendument catholiques, mais foncièrement réactionnaires, ont multiplié (et multiplient encore) les actions de lobbying pour accélérer le retour à un ordre moyenâgeux où le curé faisait la loi, sous le regard attentif des hobereaux libidineux et fainéants. Et l’inquiétude grandit de voir ce déferlement de bigots et de bigotes agitant leur crucifix comme pour justifier leurs vilénies attentatoires aux libertés fondamentales. Et si proches des instances de pouvoir.

Si Dieu existe, je ne sais pas ce que Jacques Gaillot lui aura dit en arrivant auprès de lui. Si engagé dans tous les combats pour la dignité humaine et la solidarité, il aura très certainement présenté un cahier de doléances épais et bien rempli. Il lui aura sans doute demandé aussi de rappeler les légions dites chrétiennes à plus d’humanité.

Si Dieu existe…

Faits et méfaits de la finance

J’ai déjà fait référence à Olivier Passet, économiste et directeur de la recherche dans le cabinet Xerfi. Son billet, aujourd’hui, analyse la situation paradoxale de la France (et des autres pays libéraux) : « On ne compte plus en France le nombre de grandes entreprises qui affichent un résultat record ou en forte progression en 2022 (…) Et sur le point chaud que constitue aujourd’hui l’inflation alimentaire, lorsqu’on observe la vitesse de reconstitution de la profitabilité des entreprises de ce secteur — dont le taux de marge a retrouvé son plus haut niveau depuis près de 20 ans, avec notamment les très bonnes performances financières de Nestlé, Coca-Cola, Danone, Pernod-Ricard ou Mondelez international [multinationale présente dans 165 pays, propriétaire de marques comme Belin, LU, Côte d’Or, Milka, Cadbury, Nabisco, Tuc, etc.] —, il est clair là encore que les grandes entreprises sont devenues des vecteurs de transmission et d’amplification de la hausse des prix au détriment des consommateurs (…) Profits record, dividendes record, rachats d’action record. Il n’y a pas de spécificité française en la matière. Les champions de la cote se sont transformés en foyer d’inflation. Dans tous les pays avancés, c’est bien la boucle prix/profits qui alimente d’abord la diffusion de l’inflation. Et partout, c’est bien l’augmentation des prix et non celle des volumes qui explique les bons résultats financiers des grands comptes, transformant le grand mouvement de concentration qui anime le capitalisme depuis plusieurs décennies en principale source de l’enracinement de l’inflation dans les pays avancés. »

Pour Olivier Passet, le principal accusé, c’est la finance à l’origine des énormes concentrations observées dans tous les secteurs économiques : « La conjonction d’un très faible niveau des taux d’intérêt et d’un haut niveau de rendement économique exigé des entreprises par les investisseurs, à l’origine d’un levier fortement positif, est précisément ce qui alimente l’effervescence en matière de fusion/acquisition au plan mondial depuis plusieurs décennies. Les fonds de gestion comme l’industrie du capital-investissement ne cessent d’encourager les regroupements d’entreprises et l’émergence de leader qui dominent leurs secteurs. »

Que croyez-vous que font Emmanuel Macron et son gouvernement, notamment Bruno Le Maire, ministre de l’économie, pour stopper cette politique dont le peuple est la première victime ? Rien, sinon maintenir le cap de réduction des impôts sur les entreprises et inciter les Français à restreindre leur consommation. Le commerce souffre, ferme et envoie des centaines de salariés à Pôle emploi.

Pour que la finance continue à afficher des performances incroyables. 

Olivier Passet dénonce ceux qui entretiennent l’inflation, « nouvel instrument d’extraction de la valeur ».

Tout est dit !

Présence de Picasso

Picasso est mort depuis 50 ans déjà et il est difficile de le croire, tant le génie qui a révolutionné l’art au début du XXe siècle est toujours aussi présent. Peinture, céramique, sculpture, etc., il a fait tomber les préjugés et permis à d’autres artistes de se libérer de nombreux carcans, y compris chez les écrivains ou les poètes, etc.

La multiplication des expositions ne cesse de faire découvrir de nouveaux apports et de nouvelles facettes de son talent. Il est l’objet de contestations renouvelées mais son génie n’est nullement remis en cause.

Il est devenu plus familier à un nombre plus élevé de citoyens ; il est plus apprécié par ceux qui veulent s’affranchir des traditions, conquis par un art devenu familier, grâce à des expositions qui ont réussi à faire comprendre son acte de création, et sa démarche. Il est l’un des peintres contemporains qui réussit à faire réfléchir un nombre chaque jour plus important d’hommes et de femmes grâce à sa présence quasi continuelle dans les musées et dans l’actualité.

Il s’est inspiré aussi bien de l’art africain que des classiques comme Velasquez, Le Greco ou Ingres. Travailleur infatigable, il ne plagiait pas, car en frottant à toutes les cultures et à tous les styles, il avait le souci permanent de réinventer l’art.

De ses conversations avec Georges Braque est né le cubisme ; il aurait pu s’arrêter là, mais bientôt il le dépassa dans un souci de créativité renouvelée et permanente. Si Jean Ferrat ne chantait pas pour tuer le temps, Picasso, lui, peignait, sculptait ou faisait de la céramique pour participer à la grande aventure de la transformation sociale.

Ses ‘’Demoiselles d’Avignon’’ plongent dans la pauvreté de la vie des femmes de rien, les prostituées, et son ‘’Guernica’’ et sa bande dessinée ‘’Songe et mensonge de Franco’’ dénoncent le fascisme, la guerre et la violence.

Picasso est mort depuis 50 ans déjà, qui peut le croire ?

Sale temps pour l’information

Benyamin Netanyahu voulait un ministre de la communication de combat pour tenter d’étouffer ses lourds déboires judiciaires. Il a trouvé l’énergumène miracle, Shlomo Karhi,qui, à peine nommé, a déclaré qu’il n’y avait « pas de place pour la radiodiffusion publique » en Israël. Il a ajouté : « Ce que je prévois de faire sur le marché des médias, grâce à ma vision économique libérale et à celle du Likoud, c’est d’éliminer les barrières, les réglementations et les facteurs qui nuisent au marché libre et à la concurrence ». Netanyahu était aux anges.

Karhi porte un lourd héritage religieux et radical : il est l’aîné d’une famille dix-sept frères et sœurs, élevé dans une colonie (moshav), puis dans des écoles juives traditionnalistes (yeshivah), avant ses études universitaires et une carrière politique au sein du Likoud. Il reste fidèle à un héritage qui lui fait dire qu’Israël est la plus grande démocratie du monde, où « les médias penchent trop à gauche », oubliant, au passage, que les principaux médias sont entre les mains de milliardaires, banquiers, pétroliers et affairistes, proches pour ne pas dire intimes de Netanyahu et du Likoud.

La situation en Israël n’est pas sans rappeler ce qui se passe en Hongrie, en Pologne, au Royaume-Uni et en France. Et dans de trop nombreux pays se réclamant de la démocratie la plus aboutie et la plus respectueuse du peuple. Sans honte d’être démentis.

Emmanuel Macron n’a-t-il par parlé de honte en évoquant le service public de radio et de télévision ? N’a-t-il pas boycotté France 2 à plusieurs reprises ? N’a-t-il pas supprimé la redevance et fermé France O ?

On peut ajouter qu’il n’est pas revenu sur la décision de Nicolas Sarkozy de supprimer la publicité sur France Télévisions après 20h, sans compensation !

Netanyahu ne dit pas mieux !

Les ultra-libéraux se comportent partout de la même façon et exècrent les services publics de l’information au service de tous et non de leur caste, même quand ils ont verrouillé les hiérarchies. Ils utilisent les mêmes discours pour fustiger ceux qui veulent préserver un espace de liberté et tentent d’informer complètement.

Les plus beaux exemples, en France, sont fournis par Vincent Bolloré (qui dirige ‘’ses’’ médias par la terreur même quand il n’en est pas encore totalement le propriétaire, comme à Paris Match et au Journal du dimanche) ou par Bernard Arnault (qui doit affronter une rébellion des rédactions aux Echos et au Parisien).

Il faut y voir leur faiblesse à maintenir coûte que coûte un ultra-libéralisme économique en crise profonde ; leur autoritarisme les pousse à asservir l’information et à confier les médias à leurs meilleurs supporters, les affairistes financiarisés et mondialisés.

L’enjeu ‘’information’’ est de taille, car jamais la bataille des idées n’a été plus nécessaire pour émanciper les sociétés de cet ultra-libéralisme qui secrète la pauvreté comme le foie secrète la bile.

Pure imagination ?

Soyons rassurés, nous pouvons dormir sur nos deux oreilles, les violences policières ne sont qu’une méchante invention de l’ultragauche, peuplée de dangereux terroristes.

Gérald Darmanin est dans le déni absolu des agissements répréhensibles des forces de l’ordre ; et s’il a vu des débordements au cours des manifestations, il en rejette la faute sur le Conseil constitutionnel qui a censuré des articles de la loi du schéma national du maintien de l’ordre (SNMO), liés à l’utilisation des drones par les policiers et aux interdictions de manifester.

Le premier flic de France aurait presque assuré, la main sur le cœur, que la technique de la nasse n’avait été imaginée que pour le bien des manifestants et les protéger des violences graves. Nous ne savons pas reconnaître les immenses mérites d’un ministre qui anticipe les troubles afin de ne pas avoir à les réprimer.

Quant aux exactions de la brigade motorisée, la Brav-M, il n’y a que les ‘’terroristes intellectuels’’ de la Ligue des droits de l’homme pour y voir un danger pour les libertés et un virage autoritaire du pouvoir.

Peu importe que des observateurs, depuis les Gilets jaunes, les manifestations contre la réforme des retraites et le rassemblement de Sainte-Soline dénonçant l’installation de ‘’mégabassines’’, aient recensé les innombrables victimes, gravement atteintes, par les balles de défense, les grenades de désencerclement, les gaz lacrymogènes ou plus simplement par les coups de matraques (les bidules), Gérald Darmanin nie tout : il n’y a pas d’évolution du maintien de l’ordre en France, pas d’atteintes aux libertés fondamentales, pas d’instrumentalisation des forces de l’ordre. 

Ce que prétendent la LDH, les syndicats et la gauche, c’est du n’importe quoi.

S’il a menacé de remettre en question les subventions publiques à cette association de défense des droits humains (comme seul avait osé le faire le régime de Vichy), il ne s’agit pas d’emprunter les idées du Rassemblement national, mais de priver de subsides d’Etat de potentiels terroristes.

Un doute très sérieux tourmente les citoyens épris des idéaux républicains et défenseurs de la devise inscrite au fronton des établissements publics. Quelle est l’origine de la logorrhée de Darmanin ? Serait-elle dictée par le président de la République lui-même, épris des idéaux de Paul Ricœur, ou émane-t-elle du seul cerveau diabolique du ministre de l’intérieur, ancien allié du président au Kärcher ? Y a-t-il dans les rangs des élus du parti présidentiel des humanistes épris de liberté ou n’y a-t-il que des rabâcheurs de la parole de Darmanin inquiets d’un supposé soulèvement de la plèbe ?

Rassurez-vous citoyens, la gouvernance par l’ordre et la peur ne dure jamais, ni n’ouvre nécessairement en grand la voie au Rassemblement national. Cependant, il y a une condition pour l’abréger, c’est de nous réunir comme l’ont fait tous les syndicats dans un bel état unitaire pour traduire en acte de vote le rejet des politiques d’un autre âge, anti-démocratiques incapables de répondre aux besoins de liberté et de sérénité d’un peuple excédé par les réformes antisociales.

Mort au travail

Le chantier du Grand Paris et, en particulier, les travaux sur les lignes de métro qui devraient favoriser les déplacements (lignes 14, 16 et 17) font peu de cas de la sécurité des ouvriers. Depuis février 2020 jusqu’à aujourd’hui, on déplore déjà la mort de cinq d’entre eux. Hélas !

Funeste coïncidence, le cinquième en date, un jeune homme de 22 ans, a été victime de la chute d’un bloc de béton à Gonesse, le jour même où le procès de la première victime en 2020, Maxime Wagner (37 ans, père de deux jeunes enfants de 9 et 2 ans à l’époque) s’ouvrait enfin à Créteil après deux reports en juin 2022 et décembre 2022.

Maxime Wagner était intérimaire ; est-ce une surprise quand les grands groupes du BTP (ici Vinci) ont érigé la sous-traitance et l’intérim (et le recours aux sans-papiers) en mode de gouvernance, pour le plus grand bonheur des actionnaires.

Le procès-verbal de l’inspection du travail a pu établir une liste de « manquements flagrants (de l’employeur) à ses obligations en matière de santé et de sécurité des salariés. » Il a notamment relevé les insuffisances du plan de sécurité et de protection de la santé.

L’avocat de la Fédération CGT de la construction, Christophe Bringer, a dénoncé à la barre « la mise en danger délibérée » de la victime et la Sécurité sociale a réfuté l’argument de la fatalité avancé par les prévenus du groupe Vinci.

La Caisse nationale d’assurance-maladie a déclaré à ce sujet : « On veut que la justice passe et qu’on arrête de nous dire que ces accidents relèvent de la fatalité. Tant qu’on ne cognera pas suffisamment sur les entreprises, elles continueront de s’affranchir des règles de sécurité ».

Elle semble avoir été entendue par le procureur de la République qui a demandé une peine « dissuasive » pour « éviter que la sécurité des travailleurs soit une variable d’ajustement pour les entreprises », requérant une amende de 250 000 euros contre la société et neuf mois de prison avec sursis pour ses représentants.

Pour les grands groupes du BTP, ces peines ne seront pas dissuasives, même si elles réhabilitent la mémoire des pauvres ouvriers décédés dans des conditions atroces sur leur chantier ; c’est tout leur modèle économique qui est en accusation. 

Les hommages du groupe aux victimes, ceux de Valérie Pécresse et du gouvernement qui rogne les moyens de l’inspection du travail, sont déplacés. Honte à eux qui créent les mêmes conditions de travail que sur les stades du Qatar et se rendent complices de la mort au travail.

Collision

Les chaînes d’information en continu hiérarchisent rarement l’information ; l’événement prime et s’impose en un flot continu au mépris du nécessaire recul et de la mise en perspective pour que le téléspectateur ne s’y perde pas dans la profusion des faits (on a pu parler d’obésité de l’information).

Les bandeaux défilants qui prennent place sur le bas de l’écran sont de la même veine que les comptes Twitter ; le nombre de signes y est tellement limité qu’il dénature la notion d’information, au risque parfois de provoquer des rapprochements dangereux.

Ainsi, hier sur franceinfo, un bandeau annonçait que les Etats-Unis avaient débloqué une nouvelle aide à l’Ukraine d’un montant de 2,6 milliards ; le bandeau suivant, lui, faisait état d’une suppression de 1500 emplois au comité international de la Croix Rouge (CICR), faute de fonds suffisants.

On peut en conclure que, si l’argent coule à flot pour la guerre, c’est au détriment des actions humanitaires. Mais le téléspectateur, lui, ne fera pas le rapprochement entre les deux informations ; il est happé par le rythme effréné de renouvellement des bandeaux. Il passera de la lecture de leurs quelques mots aux images-chocs dont ce type de chaînes raffole. Le temps de la réflexion est banni sur ces chaînes.

Les journalistes de la chaîne, pas plus mauvais que d’autres (notamment sur franceinfo), sont tellement obnubilés par la rapidité avec laquelle ils doivent réagir pour éviter d’être les derniers à relayer l’information, que, dans l’exemple cité, ils ne se sont pas rendus compte de l’énormité du rapprochement incongru des deux bandeaux.

C’est tout le processus de fabrication de l’information qui est ainsi mis en accusation.

Gouverner par le mensonge

Le gouvernement d’Elisabeth Borne obéit sans barguigner à Emmanuel Macron et se voit dans l’incapacité de justifier l’injustifiable de décisions iniques. Tout le monde ment au niveau de ce qu’on appelle l’exécutif, le président, la première ministre, les ministres et même les secrétaires d’Etat quand on les autorise à avoir un court moment de notoriété devant un micro.

Bref, le mensonge est l’un des ressorts d’un pouvoir à bout de souffle, mais surtout à court d’idées pour justifier des réformes, toutes baptisées de nécessaires et incontournables. On mesure la hauteur de l’argument à la longueur des deux adjectifs ! 

Les mensonges sont si gros que les citoyens sont de plus en plus nombreux à défiler en dénonçant les affabulations gouvernementales.

A ce jeu-là, c’est Gérald Darmanin qui a obtenu les meilleurs résultats avec ses mensonges quotidiens à propos de tout et, surtout, de l’attitude des policiers qui seraient des anges de douceur ; même ceux qui circulent sur des motos ou des quads en maniant des bidules (aujourd’hui des matraques) ne seraient là que pour protéger les manifestants des casseurs. Avec lui, les délinquants (casseurs, rebelles, révolutionnaires qui osent s’en prendre à l’ordre) sont partout et lui, en ministre de l’intérieur digne successeur des Frey, Foucher, Marcellin, Poniatowski, Bonnet, Pasqua, Sarkozy ou Valls, est contraint de déployer des flics partout. Sauf à Marseille, où les gangs de la drogue sévissent et tuent au grand jour.

Il y a aussi des mensonges qui se découvrent longtemps après avoir été prononcés. C’est ce qui vient d’arriver à l’ex-ministre de l’enseignement supérieur.

Sur CNews, la chaîne Bolloré qui relaie allègrement les mensonges, la ministre avait dénoncé les intellectuels islamo-gauchistes qui relaient ce qui « relève du militantisme et de l’opinion » à l’université. Elle prétendait vouloir faire la chasse au « wokisme » pour l’empêcher de se diffuser et avait, disait-elle, mandaté le CNRS pour mener une enquête.

Six enseignants-chercheurs avaient déposé un recours auprès du Conseil d’Etat pour réclamer l’annulation de l’enquête. Si les plaignants ont bien déposé un mémoire, le ministère a fini par avouer que Frédérique Vidal n’avaitt jamais mandaté le CNRS. Le recours des enseignants devenait dès lors irrecevable. Leurs avocats ont dénoncé « une totale irresponsabilité politique et juridique » et une opération de communication, contribuant à une « amplification des discours de haine ».

L’opération de communication était donc bâtie sur un (gros) mensonge. Un de plus, qui ne grandit pas les politiciens au pouvoir actuellement et, surtout, celui qui entendait gouverner autrement.

Paroles

Qui croit encore au retour du plein-emploi quand chaque jour on nous annonce des fermetures d’entreprises, de cessation d’activités de groupes entiers, ici et là dans l’Hexagone ?

Qui croit encore au retour du plein-emploi quand la dette du pays est abyssale, en raison d’un déficit commercial au plus haut ?

Qui croit encore au retour du plein-emploi quand les prix de l’énergie ne cessent d’augmenter et qu’EDF se voit contraint par l’Etat de vendre sa production à des concurrents à un prix très bas (42 euros le mégawatt/heure), inférieur à son coût de production ou d’achat sur le marché international, ceux-ci la revendant plus cher (dans les 500 euros) à leurs abonnés ?

Qui croit encore au retour du plein-emploi quand l’inflation est repartie à la hausse, contraignant les citoyens à rogner sur leur consommation alimentaire ?

Qui croit encore au plein-emploi quand le marché libre vanté par les gouvernements est entièrement entre les mains de fonds d’investissement ?

Qui croit encore au retour du plein-emploi quand on constate les dégâts provoqués par le monde libéral et la mondialisation ?

Qui croit encore au retour du plein-emploi quand les abus du capitalisme sont à ce point de non-retour en privatisant les services publics rentables ?

Face à un tel désastre, il est urgent de confier le pouvoir à ceux qui ont le souci exclusif de l’intérêt général et du service public, prêts à renationaliser les entreprises de production de l’énergie, les transports, la santé, etc.

Assurément, ces hommes-là qui devront mener à bien cette tâche gigantesque ne sont pas à l’Elysée, ni dans les ministères aujourd’hui.

S’ils nous font croire encore au plein-emploi, ce ne sont que des paroles. Des mensonges. Des fausses nouvelles.

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