Frédéric Lordon, qu’on a connu mieux inspiré, s’est lancé dans un réquisitoire inutile dans le Monde diplomatique. Il fustige « la terrible illusion stratégique de l’intersyndicale qui pensait conduire un mouvement contre les intérêts de la bourgeoisie sous les vivats de la presse bourgeoise », en organisant « des manifestations de masse dont l’inanité est désormais avérée ». 

Pour le philosophe-économiste, qui sait pourtant être parfois brillant, la seule solution était un appel à une grève générale, en imaginant que les salariés y étaient tous prêts.

Frédéric Lordon, lui qui ne vote plus, peut encore rêver au grand soir, c’est son droit ; mais on pourrait lui conseiller d’arrêter de donner des leçons à une intersyndicale qui, pour la première fois depuis trop longtemps, affiche son unité. Le mouvement syndical est majeur et c’est à lui seul de déterminer les modes d’action revendicatifs et non à lui.

Peut-être la nouvelle secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, trouvera-t-elle quelques grâces à ses yeux. Cette jeune femme, brillante et déterminée, a prononcé quelques mots forts après sa désignation : « Nous ne lâcherons rien ; il n’y aura pas de trêve, pas de médiation, pas de suspension. »

Le pouvoir macroniste est, paraît-il inquiet, lui qui pensait encore pouvoir faire éclater le front intersyndical en s’attirant les sympathies (retrouvées) de la CFDT et en isolant une CGT présentée comme un dinosaure avec laquelle il est impossible de négocier.

Sophie Binet a donné d’avance un coup de jeune à une confédération de 128 ans, qui, dit encore Sophie Binet, « saura s’occuper de la fin du mois comme de la fin du monde. »

Le mouvement contre la réforme des retraites n’est pas essoufflé ; les syndicats sont encore à la manœuvre et déterminés à obtenir le retrait de la réforme des retraites. Sans attendre le renfort d’un Frédéric Lordon enfin converti à l’action de masse déterminée démocratiquement par les seuls salariés !