La Chouette qui hioque

Mois : février 2022

Miroir de nos peines

La sale guerre d’Ukraine a jeté des milliers de personnes sur les routes de l’exil. Les drames se jouent à chaque instant sur des routes encombrées. Ceux qui fuient en voiture sont sollicités pour prendre en charge ceux qui n’ont pas la chance d’avoir de véhicule. Les images relayées par les chaînes de télévision des pauvres Ukrainiens avec leur lourd cabas dans lequel ils ont entassé ce qu’ils avaient de plus précieux me sont insupportables.

La situation m’a ramené au très beau livre de Pierre Lemaître, « Miroir de nos peines. Les enfants du désastre ».

L’auteur y dresse le tableau tragique de l’Exode de 1940, quand l’avancée des nazis et la débâcle de l’armée française avaient jeté des milliers de Français sur les routes.

Le livre est formidablement bien documenté, qui tient à la fois de la chronique et du roman populaire, avec ses intrigues, le chaos, faisant émerger des personnages héroïques ou pleutres, à l’image d’une société plongée dans le désespoir et l’instinct de survie.

En relisant le livre, on imagine ce qui peut se passer sur les routes ukrainiennes, aujourd’hui, et dans la tête de ceux qui fuient ; les peurs, les angoisses, les drames que vivent dans leur chair ces citoyens qui aspiraient à une vie paisible dans un pays débarrassé d’un président fou.

Dans l’épilogue de son livre, Pierre Lemaître met dans la bouche d’un de ses personnages, Jules, le restaurateur de La petite Bohème à Paris, rattrapé par l’armistice (et les nazis) à La Charité-sur-Loire : « Maintenant qu’ils ont fini leurs conneries, faut que je rouvre mon restaurant, moi ! »

Les Ukrainiens, eux, n’en sont pas encore à l’épilogue. Ils souffrent encore. Douloureusement.

L’heure des Croisés

Quelques titres de la presse régionale, parmi les mieux pensants, ont remarqué que, depuis plusieurs semaines des petits groupes de catholiques se réunissent tous les mercredis à 18 heures afin de prier devant des calvaires, églises, etc. Ils ont apporté une réponse à l’interrogation : « Qui sont ces catholiques qui prient sur la place publique ? »

Le Bien public, quotidien du groupe Ebra, note : « Cette initiative ne vient pas du diocèse de Dijon, mais d’un mouvement, “La France prie”, lancé en France en janvier sur les réseaux. Le but affiché est de sortir notre pays et le monde de la crise sanitaire. »

Ce quotidien qui a toujours été dans la mouvance consacre un article à l’initiateur de La France prie : « Louis-Pierre Laroche, Français expatrié en Autriche, est à l’origine d’un mouvement catholique de prière qui réunit des fidèles dans différents pays du monde chaque mercredi, près des églises et calvaires. Ce mouvement qui s’est répandu via les réseaux sociaux, notamment Telegram, est déjà bien présent en Côte-d’Or. » Il n’a pas précisé qu’il est père de 11 enfants.

Le site de ‘’La France prie’’ est plus disert que le Bien public ; on peut y lire : « Une initiative de laïcs catholiques pour promouvoir et multiplier la récitation du chapelet pour la France dans l’espace public pour confier ainsi cet espace à la Sainte Vierge et obtenir d’Elle le retour de la paix et de la liberté dans le respect du droit naturel dans la société française. »

On découvre aussi des liens sur son compte Instagram avec les sites d’Eric Zemmour, Reconquête, Génération Z, Valeurs actuelles, Action Française ou encore Saint-Nicolas-du-Chardonnet ; sur le compte Facebook, on note le lien vers l’association Souvenir de Louis XVI. Evidemment France catholique, contrôlé par Vincent Bolloré, a relayé l’initiative de Louis-Pierre Laroche et lui a ouvert ses colonnes.

Des participants ont laissé des commentaires édifiants : « C’est l’heure des croisés ! Dieu le Veut ! »

D’autres se sont interrogés et ont dénoncé la manœuvre : « Notre évêque demande de ne pas organiser ce type d’action ou de participer à ces prières arguant que c’est une affaire politique. »

La croisade d’Eric Zemmour est partie à l’assaut de l’Elysée ; mais il n’est pas sûr que Dieu, s’il existe, entende ses prières.

La vie continue

On ne compte déjà plus les victimes innocentes de la guerre de Poutine en Ukraine, ni les mensonges des dirigeants, de chaque côté. Affligeant bilan de la bêtise humaine et des politiques basées sur les intérêts réels ou supposés des Etats.

Les oligarques assistent au spectacle dont ils sont les producteurs et ils comptent les points ; les marchands d’armes, de leur côté, répondent aux commandes des belligérants et contemplent leurs formidables profits.

Les peuples, eux, souffrent ; les Ukrainiens plus que d’autres.

En France, les prix de l’énergie et de l’alimentation vont encore flamber. Emmanuel Macron qui a montré toutes les limites de sa puissance d’intervention dans le conflit et, auparavant, au Mali, va tenter de masquer la faillite de sa politique industrielle et économique. Les causes ne sont pas seulement à rechercher dans les effets de l’agression de Poutine, mais la guerre en Ukraine lui permet de faire diversion.

La vie continue cependant et l’INSEE vient fort opportunément de publier quelques résultats qui sont sans appel pour Macron ; je ne cite que les titres des études :

« Repli de la production dans les services en décembre 2021 (- 0,7 %) ;

La consommation des ménages en biens baisse fortement en janvier (- 1,5 %) ;

En février 2022, les prix à la consommation augmentent de 3,6 % sur un an ;

En décembre 2021, le volume des ventes dans le commerce se replie (-1,2 %) ;

En janvier 2022, les prix de production de l’industrie française accélèrent à nouveau : + 3,7 % sur un mois et + 20,1 % sur un an ;

En janvier 2022, les prix des produits agricoles à la production augmentent de 15,8 % sur un an ;

Au quatrième trimestre 2021, les prix des travaux d’entretien-amélioration des bâtiments augmentent de 1,8 % ;

En décembre 2021, le chiffre d’affaires continue d’augmenter dans l’industrie manufacturière (+ 2,3 %) ;

En janvier 2022, le chiffre d’affaires des grandes surfaces alimentaires augmente (+ 2,2 %) ;

Au quatrième trimestre 2021, les prix de production des services augmentent de 0,6 % sur un trimestre et de 3,5 % sur un an. »

Seule indice positif, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut (RDB) des ménages en euros courants accélère au quatrième trimestre : + 1,6 %, après + 0,8 %.

Le résultat doit être cependant relativisé : en effet, « les prestations sociales rebondissent fortement (+ 2,4 % après – 2,6 %) avec le versement de l’indemnité inflation. Par ailleurs, les impôts sur le revenu et le patrimoine se replient légèrement (- 0,2 % après + 3,5 %) en raison de la poursuite de la réforme de la taxe d’habitation (premier dégrèvement pour les 20 % des ménages les plus aisés). La masse salariale brute reçue par les ménages ralentit (+ 1,2 % après + 4,5 %), à la suite d’un troisième trimestre très dynamique en raison des réouvertures dans plusieurs secteurs d‘activité. Dans son sillage, les cotisations sociales versées par les ménages ralentissent également (+ 0,8 % après 2,6 %). Sur l’ensemble de l’année 2021, le RDB augmente de + 0,4 %, après + 1 % en 2020. »

La vie continue sous les bombes ou sous les effets de l’ultralibéralisme ; la vie est dure pour les populations aujourd’hui. Seuls les riches, les oligarques, se frottent les mains. Guerre ou paix, leur patrimoine gonfle démesurément. La vie continue, oui, mais pas de la même façon selon que vous êtes riche ou misérable.

La première victime…

« La première victime d’une guerre, c’est toujours la vérité ! » (Rudyard Kipling). Plus que jamais.

Ils mentent tous. Poutine, bien sûr, mais aussi Biden, Zelensky, Macron, Johnson, Von der Leyen. Tous.

Cette affreuse guerre qui va encore faire des victimes innocentes n’est qu’un affrontement par armes interposées entre des oligarques de l’Est et de l’Ouest. Les uns soutiennent Zelensky et les intérêts économiques de ceux qui l’ont porté au pouvoir avec la complicité des Américains (qui ne peuvent s’empêcher d’intervenir partout), de l’OTAN, de l’Union européenne ; les autres soutiennent Poutine qui a conduit son immense pays au bord du gouffre et qui musèle les libertés, embastille ses opposants et ne rêve que de rétablir la ‘’grande Russie’’ pour estomper son fiasco économique.

Ah ! Elle n’est pas belle cette guerre ; d’ailleurs, il n’y a pas de belle guerre, il n’y a que de mauvais prétextes comme en 1914, comme en 1939 quand Hitler s’en prenait aux Juifs à l’origine de tous les maux de la Terre et rêvait de ‘’grand Reich’’.

Ah ! Elle n’est pas belle cette guerre qui fait le bonheur des ‘’spécialistes’’ en tout qui déversent des sornettes dans les médias et meublent les émissions spéciales.

Ah ! Elle n’est pas belle cette guerre, qui permet à Emmanuel Macron d’intervenir pour occuper le terrain en période électorale et ainsi masquer son échec de médiation auprès de Poutine.

« Oh, Barbara ! Quelle connerie la guerre. » (Jacques Prévert, Barbara, Paroles, 1946)

Oui, quelle connerie… Et quels malheurs !

A demain, camarades !

J’ai découvert (certes, tardivement) un merveilleux roman, A demain, camarades. Un merveilleux roman, qui vous accapare et vous oblige à continuer, continuer à lire, sans le lâcher, ses 540 pages.

J’ai découvert un merveilleux auteur, Manuel Tiago ; en fait, le pseudonyme d’Alvaro Cunhal, l’homme qui a incarné le Parti communiste portugais (PCP) et la résistance au sanguinaire dictateur Salazar, qui a passé près de 15 ans dans les geôles (dont 8 à l’isolement), qui a connu la torture et qui a été contraint à l’exil pendant 14 ans.

Il a subi les accusations gratuites, celles qui sont réservées aux communistes intègres et opposés au capitalisme pour instaurer sur terre un régime humain. Une droiture insupportable pour ceux qui ont toujours fait allégeance au monde la finance et aux dictateurs.

Avec ce livre, j’ai découvert, un authentique et grand écrivain et un véritable homme de culture. Alvaro Cunhal a écrit de nombreux ouvrages politiques, a été aussi peintre et graveur, traducteur passionné (il a traduit Le roi Lear de Shakespeare en portugais !) et romancier. Il s’est également penché sur la place de la culture avec un brillant essai, L’art, l’artiste et la société.

Toute cette activité ne devait pas ‘’coller’’ avec l’image que devait donner un communiste portugais, qualifié de dernier des staliniens et d’idéologue aligné sur Moscou. Son œuvre a donc été ignorée en France. A demain, camarades, paru au Portugal en 1974 (et qui a connu un succès monstre avec 12 rééditions), n’a été publié en France par Le Temps des Cerises qu’en 2017.

Le roman narre la situation des pauvres portugais qui manquent de tout dans le Ribatejo en 1948 et la lutte des communistes pour organiser une grève des ouvriers des usines et des paysans journaliers. Les militants sont clandestins et soumis à une répression féroce ; Alvaro Cunhal ne cache rien, ni le dévouement et l’héroïsme de certains, les faiblesses et les trahisons d’autres. Parce qu’ils étaient des hommes, simplement. On y vit les réunions des responsables, les affrontements et les oppositions, dures parfois. Les désirs et les amours d’hommes et de femmes font aussi partie du quotidien d’hommes et de femmes faits de chair. 

La résistance à Salazar est tenace et le Parti communiste, décapité, renaît, plus fort. Alvaro Cunhal brosse le portrait de ces authentiques héros à hauteur d’hommes (et de femmes), sans complaisance, mais avec toujours beaucoup d’affection pour ceux qui luttent dans des conditions inhumaines, parfois au prix de leur vie, la PIDE maniait aussi bien la torture que l’assassinat.

Les leçons de ce livre sont multiples et rendent hommage à ceux qui, comme son auteur, ont osé combattre Salazar pour émanciper le peuple.

J’ai découvert plus qu’un livre, au style remarquable et précis, j’ai découvert un dirigeant communiste épris d’humanisme et d’intelligence. Loin du dernier des staliniens.

L’Affiche rouge

Le 21 février 1944, les nazis exécutaient 22 Résistants, tous des hommes, au Mont-Valérien ; la seule femme, Olga Bancic devait être décapitée quelques semaines plus tard, le 10 mai, à la prison de Stuttgart en Allemagne.

Ces 23 Résistants assassinés par des Allemands étaient membres des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – main d’œuvre immigrée), une unité de la Résistance communiste ; une vingtaine étaient des réfugiés qui avaient fui les régimes fascistes ou callaborationnistes et trois étaient français. La plupart d’entre eux étaient juifs et tous étaient jeunes (le plus jeune avait 18 ans et le plus âgé 44 ans).

Ce groupe de Résistants était dirigé par Missak Manouchian, né en 1906 et rescapé du génocide arménien ; son père fut tué en 1915 et sa mère décédera quelque temps plus tard. Missak fut sauvé par une famille kurde, puis il sera accueilli dans un orphelinat à Jounieh au Liban. En 1925, il débarquera à Marseille, grâce à un réseau d’immigration clandestine, puis il ‘’montera’’ à Paris, où l’autodidacte suivra des cours de littérature, de philosophie, d’économie politique et d’histoire à la Sorbonne.

Les policiers français arrêteront un groupe de 68 FTP-MOI entre mars et novembre 1943 et 23 d’entre eux seront livrés aux Allemands et condamnés à la suite d’un procès expéditif le 19 février 1944. Au cours de l’audience, Manouchian aura cette phrase admirable en direction des accusateurs : « Vous avez hérité de la nationalité française, nous l’avons méritée. »

Les nazis tenteront d’exploiter l’arrestation et la condamnation des FTP-MOI et placardera 15 000 affiches rouges avec le portrait de dix des fusillés en médaillon. Cela deviendra la célèbre Affiche rouge, devenue emblème du martyre de toute la Résistance.

Alors que la campagne présidentielle de 2022 est marquée par des relents xénophobes insoutenables, il faut rappeler les noms des 23 Résistants de l’Affiche rouge :

Celestino Alfonso, Espagnol, 27 ans ; Olga Bancic, Roumaine, 32 ans (seule femme du groupe, décapitée en Allemagne le 10 mai 1944) ; Joseph Boczov, Hongrois, 38 ans, ingénieur chimiste ; Georges Cloarec, Français, 20 ans ; Rino Della Negra, Italien, 19 ans, footballeur du Red Star Olympique ; Thomas Elek, Hongrois, 18 ans, étudiant ; Maurice Fingercwajg, Polonais, 19 ans ; Spartaco Fontanot, Italien, 22 ans ;Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans ; Emeric Glasz, Hongrois, 42 ans, ouvrier métallurgiste ; Léon Goldberg, Polonais, 19 ans ; Szlama Grzywacz, Polonais, 34 ans ; Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans ; Cesare Luccarini, Italien, 22 ans ; Missak Manouchian, Arménien, 37 ans ; Armenak Arpen Manoukian, Arménien, 44 ans ; Marcel Rajman, Polonais, 21 ans ; Roger Rouxel, Français, 18 ans ; Antoine Salvadori, Italien, 24 ans ; Willy Schapiro, Polonais, 29 ans ; Amedeo Usseglio, Italien, 32 ans ; Wolf Wajsbrot, Polonais, 18 ans ; Robert Witchitz, Français, 19 ans.

Louis Aragon rendra hommage à ces hommes et cette femme, jeunes et épris de démocratie et martyrs dans Le Roman inachevé :

« Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent 

Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps 

Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant 

Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir 

Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant. »

Quant à Missak Manouchian il adressera le jour de son exécution une lettre à son épouse Mélinée dans laquelle on peut lire :

« Je m’étais engagé dans l’Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous… »

Ils étaient étrangers et fiers de la France. Ils ont été arrêtés par cette France réactionnaire et xénophobe qui n’a rien renié, aujourd’hui encore, et dont on retrouve les mêmes mots de rejet de l’autre dans les discours de campagne. Qui ne rejette pas l’Affiche rouge et réécrit l’histoire honteusement.

La France éternelle, ce n’est pas celle-là, c’est celle de Missak Manouchian, accueillante, fraternelle, humaine.

Souvenons-nous.

Le cinéma français en danger

Les chiffres du cinéma français sont inquiétants. Dans une nouvelle chronique intitulée Par ailleurs (reprenant une phrase de Malraux, « Par ailleurs, le cinéma est une industrie. »), les Cahiers du cinéma font un constat qui n’incite pas à l’optimisme.

Si 96 millions de spectateurs ont fréquenté les salles obscures en 2021, le magazine spécialisé fait remarquer que ce bon résultat est dû « aux films ‘’attendus’’, autrement dit soutenus par une campagne de promotion grand format (…) Les gagnants de cette période sont les grosses machines bénéficiant d’une exposition maximale en salles. » Notamment le dernier James Bond ou encore Spider-Man.

En revanche, les films français comme France de Bruno Dumont ont souffert de cette concurrence (140 000 entrées seulement), ou Les Olympiades de Jacques Audiard (180 000), Twist à Bamako de Robert Guédiguian (80 000). Des cinéastes étrangers ont connu la même désaffection : Serebrennikov (20 000 pour La Fièvre de Petrov), Nadav Lapid (30 000 pour Le Genou d’Ahed), Nanni Moretti (160 000 pour Tre Piani).

La déception des réalisateurs est grande, celle des producteurs et des distributeurs également : ces derniers cinéastes ont leur public, bien plus nombreux que les entrées enregistrées. Chiffres alarmants !

Les Cahiers du cinéma notent que « l’encombrement du calendrier et la concurrence écrasante des grosses productions ont considérablement restreint leur espace vital », puis remarquent que « tous, ou presque, font face à des difficultés financières qui pèseront à n’en pas douter sur les mois et les années à venir. »

Le nouvel accord sur la chronologie des médias signé le 24 janvier n’est pas pour rasséréner les cinéastes français. Vincent Bolloré a obtenu un délai de six mois (au lieu de 8) entre la sortie en salle et la diffusion des films sur Canal+ ; les plateformes de streaming, elles, ont obtenu le raccourcissement du délai à 15 mois pour Netflix et 17 pour Prime Video et Disney+ contre 36 hier !

Si, en contrepartie, les plateformes doivent participer à hauteur de 20 % de leur chiffre d’affaires au financement des œuvres européennes, les Cahiers du cinéma relèvent que « cet apport, globalement estimé entre 250 et 300 millions d’euros chaque année, bénéficiera, un peu, au cinéma, mais beaucoup aux programmes audiovisuels, c’est-à-dire aux séries, qui constituent, pour la plupart d’entre elles, l’ossature de leur catalogue. »

Le magazine, au bout du compte, n’est guère rassurant : « Il leur appartient à présent de montrer quel intérêt elles portent vraiment à la production de films d’auteurs autres que les têtes de gondoles que sont Alfonso Cuaron, Martin Scorsese, les frères Coen ou Jane Campion. Le tout assorti d’une autre question : où sont les Français ? »

Malraux n’est plus de ce monde ; Jack Lang n’est plus ministre. Qui donc sauvera le cinéma d’auteur français ?

Autosatisfaction et connivence

Il est à croire qu’en période électorale tout est permis. Les ministres de l’économie et du travail se sont répandus sur les radios condescendantes pour annoncer la bonne nouvelle qui doit tout au président jupitérien : le chômage baisse en France.

Bruno Le Maire, impérial et cocardier, était sur RTL pour déclarer :

 « C’est une grande victoire française, estime le ministre de l’économie. Une victoire contre la résignation et contre le fatalisme. Contrairement à ce que disent tous les Cassandres, matins, midis et soirs, qui n’ont rien d’autre à inventer pour la campagne électorale, l’économie française se porte très bien. »

La ministre du travail, Elisabeth Borne, était, elle, sur France Inter pour qualifier « d’excellente nouvelle » une baisse du chômage, « au plus bas depuis près de quinze ansPersonne n’imaginait qu’on puisse avoir de tels résultats en sortant d’une des crises économiques les plus graves qu’on ait connues au cours des dernières décennies »

Les Français sont-ils conscients de tout ce qu’ils doivent au président de la République et à son gouvernement. Que de talents ! Allez, on est invité à en reprendre pour cinq ans.

Elisabeth Borne a cru utile d’ajouter que le taux de chômage des jeunes était au plus bas depuis près de quarante ans. L’exploit est de taille et les jeunes, qui n’écoutent plus la radio, ni ne lisent les journaux, mais se reportent sur les réseaux sociaux, vont-ils continuer à bouder les urnes ? Ingrats.

Les ondes de ce matin vantaient donc la gloire de nos gouvernants. Sans critique et sans opposition.

Pourtant, les économistes les plus sérieux ne partagent pas l’enthousiasme des ministres médiatiques ; ainsi Maxime Combes, qui travaille sur les politiques climatiques, commerciales et d’investissement et milite à ATTAC, a dévoilé une information sur Twitter qui devrait retenir l’attention des journalistes : il a dénoncé la hausse des radiations par Pôle emploi (« Si les chiffres du chômage s’améliorent, c’est aussi parce que les radiations de Pôle emploi retrouvent des niveaux records après la pause de 2020. Radier les chômeurs pour ne plus les compter. »), avançant le chiffre de 166 400 chômeurs radiés en 2021 (dont 52 300 pour le seul quatrième trimestre). 

La CGT chômeurs précaires a révélé de son côté que les radiations ont augmenté de 60 % en 2021.

Quand les supposés ‘’grands médias’’ finiront-ils de relayer la propagande gouvernementale pour informer complètement les Français ?

Apartheid

L’ancien procureur général d’Israël et ancien juge de la Cour suprême, Michael Benyair, vient de publier un texte dans lequel il condamne avec courage et fermeté la politique d’apartheid de son gouvernement ; il approuve le récent rapport d’Amnesty. 

« Au cours de l’année dernière, un débat public s’est déroulé sur le fait de savoir si les actions menées par le gouvernement israélien dans les Territoires Palestiniens Occupés peuvent être classées comme de l’apartheid au regard du droit international.

Le 1er février, Amnesty International est la dernière ONG à l’avoir classé comme de l’apartheid, le qualifiant de « cruel système de domination et de crime contre l’humanité ». Cela s’est produit à la suite de déclarations antérieures sur l’apartheid de la part d’autres groupes de défense des droits humains, Yesh DinB’Tselem et Human Rights Watch.

Étant l’ancien procureur général d’Israël, j’ai passé ma carrière à analyser les questions juridiques les plus pressantes concernant Israël. L’occupation par Israël de la Cisjordanie et de Jérusalem Est a été un dilemme de fond pendant mon mandat et au-delà.

La domination d’Israël sur ces territoires est une grave injustice que doit être urgemment rectifiée. 

C’est avec une grande tristesse que je dois aussi conclure que mon pays a sombré dans de telles profondeurs politiques et morales qu’il est maintenant un régime d’apartheid. Il est temps pour la communauté internationale, elle aussi, de reconnaître cette réalité.  

Depuis 1967, les autorités israéliennes ont justifié l’occupation en la prétendant temporaire jusqu’à ce qu’une solution pacifique puisse être trouvée entre Israéliens et Palestiniens. Or, cinq décennies ont maintenant passé depuis que ces territoires ont été conquis et Israël ne montre aucun intérêt à abroger ce contrôle. »

Cette prise de position est très courageuse dans un pays qui n’a pas de mots trop durs pour disqualifier les voix discordantes.

Que vont donc enfin faire les pays occidentaux pour, à leur tour, parler d’apartheid et contraindre le gouvernement israélien à reconnaître l’Etat palestinien ?

Les choix de l’ultralibéralisme

Je lis attentivement les billets publiés quotidiennement par les économistes du cabinet Xerfi et, plus particulièrement, ceux d’Olivier Passet, directeur de la recherche.

La semaine dernière, un de ses articles m’a interpellé ; sous le titre Comment notre politique de l’emploi torpille la protection sociale, il tire le signal d’alarme :

« La baisse des charges sur les bas salaires est depuis plusieurs décennies l’arme fatale contre le chômage des peu qualifiés en France. Cette orientation, qui traverse les alternances, a été complétée d’autres dispositifs que l’on peut apparenter à un impôt négatif, c’est-à-dire des compléments de revenus, en bas de l’échelle des salaires, destinés à sécuriser le pouvoir d’achat des plus précaires. Le dispositif phare en la matière est la prime d’activité. Double facture donc pour l’État. Avec une perte de cotisations sociales de l’ordre de 58 milliards depuis la transformation du CICE, et 10 milliards de primes d’activité en dépense… 70 milliards, donc. À quoi on pourrait ajouter tous les autres dispositifs qui allègent la fiscalité et soutiennent le pouvoir d’achat en bas de l’échelle (seuil d’imposition, TVA réduite, chèque énergie, bouclier tarifaire, indemnité, inflations, etc.). »

Puis, Olivier Passet constate que les dépenses de santé augmentent plus vite que le revenu et que le vieillissement alourdit le coût de la dépendance. Au bout du compte, il observe que l’Etat a modifié en profondeur la structure de financement de la protection sociale en la fiscalisant, notamment via la CSG-CRDS et via l’affectation d’une partie des recettes de TVA et que le principe contributif est rompu. Pourquoi ?

Selon Olivier Passet :

« Premièrement, la très forte progressivité des charges sociales issue de notre politique d’allègement ciblé sur les bas salaires encourage d’abord les emplois de faible qualification/faible salaire. L’augmentation du taux d’emploi qui en résulte améliore bien les ratios de dépendance entre cotisants et bénéficiaires. Mais sur une frange d’emploi qui ne contribue presque plus au financement de la protection sociale, via l’impôt où les cotisations, et qui absorbe en revanche la majorité des prestations. Avec des premiers quantiles dont la contribution nette à la protection sociale est négative. En rompant avec le principe contributif, qui veut que chacun cotise à hauteur de ce qu’il perçoit ou percevra, nous avons renforcé le caractère déséquilibrant du déficit de qualification sur le financement de la protection sociale. Deuxièmement, l’argument démographique est lui-même extrêmement fragile. Certes, dans les projections à 2050, la population en âge de travailler est supposée décroître de 0,2% par an en moyenne. Tandis que la population des 65 ans et plus devrait croître de 1,1% par an. À cela près que les revenus du travail ont un potentiel de croissance supérieur, puisqu’ils sont indexés sur la productivité, et non les pensions, avec un niveau de vie des retraités programmé pour décroître et devenir nettement inférieur à celui des actifs. »

Ce que ne dit pas Olivier Passet en conclusion, c’est que cette politique est le résultat d’un choix assumé de société, celui de l’ultralibéralisme où la protection sociale sera privatisée, au bénéfice des sociétés d’assurance et les emplois de plus en plus précaires et de moins en moins rémunérés. Pour le plus grand profit des riches.

Mme Parfaite et grande bourgeoise !

« Impayable comme toujours, Le Monde, journal de grands bourgeois pour grands bourgeois », comme l’écrivait Les Cahiers du cinéma (ancienne formule, avant son rachat par Niel) ne pouvait pas faire moins de consacrer trois pages à un portrait de Valérie Pécresse. Le titre : « De l’ennui d’être ‘’Mme Parfaite’’ ». Osé !

Le journal de grands bourgeois, donc, dresse un portrait flatteur de la candidate de la droite versaillaise, même si, clin d’oeil, il y est rappelé qu’elle avait hérité d’un surnom moins flatteur à l’ENA : « NAP », pour Neuilly-Auteuil-Passy.

Le journal de grands bourgeois reste en revanche d’une rare discrétion sur la fortune du couple Pécresse :

« A 54 ans, elle est aussi membre du Siècle, club parisien de l’élite, reste une habituée des dîners des Young Leaders, réseau d’influence franco-américain, habite Versailles, ville royale et catholique. Elle possède enfin plusieurs maisons de famille. Conséquence : des vacances partagées entre ses résidences secondaires avec une régularité de métronome, le cœur de l’été en Haute-Corrèze, à Combressol, première quinzaine de juillet et prérentrée à La Baule, en Loire-Atlantique. »

Pour en savoir plus, il fallait lire L’Humanité qui dévoile, sous le titre « Valérie Pécresse, un patrimoine très classe supérieure », la situation enviable d’un couple très fortuné :

« L’opacité règne sur les biens détenus par Valérie Pécresse et son mari, Jérôme. Le couple a cumulé une fortune imposante, et le programme fiscal de la candidate lui permettrait de baisser ses impôts, comme ceux des plus riches. Concernant le patrimoine immobilier, le couple Pécresse détient trois propriétés : deux à La Baule et une à Versailles. De belles villas, achetées respectivement 1 million d’euros cash pour la première en 2003, 2 millions d’euros pour la deuxième, voisine de la première dans la station balnéaire, et 2 millions d’euros pour la dernière, près du château de Versailles. Compte tenu de l’inflation immobilière, la valeur de ce patrimoine place le couple très largement au-delà du seuil de 1,3 million d’euros qui le rend assujetti à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Or, Valérie Pécresse propose dans un « choc de transmission de patrimoine » de relever de 30 % à 50 % l’exonération de la résidence principale dans le calcul de cet impôt. Dans la même veine, elle propose de réduire de quinze à six ans le délai de donations défiscalisées jusqu’à 100 000 euros de la part des parents, disant vouloir « aider toutes les familles ». À commencer par la sienne : selon le Canard enchaîné, elle avait transmis 600 000 euros à ses trois enfants en 2014. »

L’Humanité révèle aussi que « de par les fonctions occupées par Jérôme Pécresse (patron de la branche énergies de General Electric France) le couple a longtemps détenu des actions Alstom puis GE, dont la valeur estimée par Valérie Pécresse dans ses déclarations d’intérêts pourrait être sous-évaluée. »

Valérie Pécresse, Mme Parfaite ? Oui, parfaitement grande bourgeoise et qui méritait bien un portrait élogieux dans le journal de grands bourgeois.

Leçon d’économie

Au moment où un nouveau soulèvement populaire, mais hétéroclite et brouillon, converge vers Paris, il apparaît tout à fait opportun de se poser une question de la plus haute importance : les Français ont-ils une claire conscience de leur chance d’avoir un président de la République aussi compétent que ne prétend l’être Emmanuel Macron ?

L’homme est jeune, dynamique, fier à bras (parfois hautain et même injurieux envers les gueux), brillant économiste, encore plus brillant diplomate sur la scène internationale. Bref, un président qui mérite bien le qualificatif de jupitérien.

Entre 2014 et 2016, encore jeune secrétaire général adjoint de la présidence de la République, puis ministre de l’économie, il avait eu à suivre la vente de la filière énergie d’Alstom au groupe américain General Electric (dont la filiale française était dirigée par Clara Gaymard). Il a eu le pouvoir de dire non ; il n’en fit rien.

La transaction avait soulevé une polémique, mais l’ex-banquier de Rothschild, n’avait soulevé aucune objection dans la cession d’un secteur stratégique à un concurrent américain ; que les turbines pour les centrales nucléaires passent sous le contrôle d’un groupe étranger en difficulté pour 12 milliards d’euros étaient dans la logique du fameux marché financier.

Mais 7 ans plus tard, GE de plus en plus en difficulté a remis en vente un pan de son trésor, à savoir les turbines Arabelle (celles qui équipent les centrales nucléaires et notamment les EPR). Et le président de la République a sommé EDF de passer à la caisse (273 millions quand même !). Il a même eu le culot d’aller à Belfort pour se glorifier de ce retour de la fabrication des turbines dans le territoire, en chantant cocorico.

Certains ont cru bon de lui rappeler que l’opération n’était pas à coup nul puisque EDF a dû s’endetter et, surtout, que 1300 emplois ont été perdus.

Le président jupitérien et l’ex-banquier d’affaires ont fait preuve d’une rare ignorance politique en sacrifiant maîtrise d’une filière stratégique, savoir-faire et emplois ; l’ultra-libéralisme lui a enjoint de se conformer aux objectifs du court terme, alors que s’il avait examiné les effets à plus long terme, il aurait dû s’opposer à la vente de la filière énergie d’Alstom à General Electric.

Il est possible dans ce monde-là qu’Emmanuel Macron n’en subisse aucune conséquence, quand ce qu’on peut qualifier de scandale devrait l’éclabousser et le pousser vers la sortie de l’Elysée.

Pognon de dingue (toujours plus) !

La France a enregistré un déficit commercial historique en 2021 : 84,7 milliards ; historique, mais prévisible. Notre pays importe, notamment, les outils industriels qu’il a laissé délocaliser par les grands groupes gérés par les financiers.

Cependant, la France n’est pas un pays pauvre, quelques groupes comme Total ont dégagé des bénéfices monstrueux, 13,5 milliards d’euros, le montant le plus important depuis quinze ans, grâce à la hausse des cours mondiaux du pétrole. La crise, c’est pour les automobilistes, pas pour Total !

Les banques françaises se portent également à merveille : BNP a vu ses bénéfices augmenter de 34,3 % en 2021 à 9,5 milliards ; le Crédit agricole fait (presque) figure de mauvais élève avec un bénéfice en hausse de seulement 11 % (5,8 milliards). La Société générale, elle, se porte très bien, merci avec un bénéfice de 5,64 milliards.

On attend avec impatience la publication des résultats des autres grandes entreprises, et particulièrement celles du CAC 40.

Les actionnaires se frottent les mains ; les dividendes seront conséquents cette année !

Ils peuvent remercier Emmanuel Macron qui a fait de la diminution de l’impôt sur les sociétés (calculé sur les bénéfices) l’une des mesures phares de son quinquennat :il est passé de 33 % au début de son quinquennat en 2017 à 26,5 % en 2021 et le mouvement favorable aux riches va continuer en 2022, avec un taux ramené à 25 %.

Pour autant, l’argent ne ruisselle ni vers les plus pauvres (de plus en plus nombreux), ni vers les salariés dont les rémunérations sont le plus souvent bloquées depuis au moins une décennie.

Imagine-t-on les milliards abandonnés par l’Etat au profit des actionnaires ? Et peut-on imaginer ce que nous pourrions injecter dans les hôpitaux, dans l’enseignement, dans la recherche, dans le développement des transports publics et des logements, etc.

Le choix de Macron est de plus en plus clair.

Hiérarchisation

La hiérarchisation de l’information ? Le service public de France 2 en ignore sans doute tous les rudiments.

Le journal de 13h ce dimanche en a donné un nouvel aperçu : la mort du petit Rayan, tombé dans un puits au Maroc en a fait l’ouverture ; elle a été considérée comme digne de faire l’information du jour. Le sujet a donc eu droit à 3 minutes d’images et de commentaires (sur une durée totale de 20 minutes). Sans oublier le message du président de la République !

En revanche, 20 secondes ont été suffisantes pour traiter de la tempête qui a dévasté une partie de Madagascar et causé des dégâts considérables ; sans doute des morts aussi.

Le journal de 20h a été plus équilibré pour traiter les deux sujets.

Le déséquilibre du journal de 13h n’est pas une erreur, mais la conséquence du traitement prioritaire de l’information qui déclenche l’émotion (la mort d’un enfant est toujours terrible et injuste) et qui, subrepticement, permet de relayer le message du président de la République en campagne pour sa réélection.

C’est sur le service public et c’est la hiérarchisation de l’information imposée par l’armada de grand et petits chefs qui régentent tout.

Sans commentaire.

République des godillots en marche

Les députés du parti présidentiel ont eu recours à une argumentation honteuse pour rejeter une proposition de résolution visant à accorder le droit d’asile à Julian Assange, le lanceur d’alerte emprisonné en Grande-Bretagne, qui risque une peine de 175 ans de prison aux Etats-Unis.

Son délit ? Avoir révélé que les Etats-Unis avaient espionné des chefs d’Etat et des ministres.

Dans l’hémicycle M. Nicolas Turquois a osé dire : « Les lanceurs d’alerte sont aujourd’hui des garants importants de nos libertés et de notre démocratie », pour aussitôt trouver des arguments fallacieux pour ne pas voter en faveur de la résolution : « M. Assange est soumis aux décisions de la justice anglaise. Il se trouve dans un Etat qui garantit les libertés individuelles et où la justice est indépendante. La France n’a pas vocation à interférer dans les décisions juridiques souveraines de ses alliés. »

Son collègue, M. Jean-François Mbaye a adopté la même attitude en des termes inqualifiables : « Dès lors et quelle que soit l’appréciation que chacun est libre de porter sur les actions de Julian Assange, l’asile ne saurait en aucun cas être considéré comme une contrepartie à un service rendu, qu’il soit avéré ou supposé, car cela risquerait de déstabiliser tout un pan de notre droit et, avec lui, notre politique d’asile. »

De façon assez incroyable, c’est le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité qui a été chargé de porter la parole gouvernementale. L’argumentaire est proche des précédents : « Interrogées au sujet de leur décision au cas où M. Assange demanderait effectivement l’asile politique, les autorités françaises avaient alors estimé qu’il n’y aurait pas lieu de répondre favorablement à cette demande, compte tenu d’éléments liés à la situation de fait comme à la situation juridique de l’intéressé : or, il n’apparaît pas que ces éléments aient évolué depuis. »

Résultat : nombre de votants 50, nombre de suffrages exprimés 48, majorité absolue 25, pour l’adoption 17, contre 31.

L’Assemblée nationale et la République en marche porteront une lourde responsabilité s’il arrive, par malheur, que Julian Assange soit extradé vers les Etats-Unis. Et Emmanuel Macron avec eux.

Selon la formule consacrée : continuons le combat. Pour les lanceurs d’alerte, pour Julian Assange, pour la démocratie.

La neige est sale

A Pékin, pour les Jeux olympiques d’hiver, la neige est sale, parce qu’artificielle. Des tonnes d’or blanc ont été soufflées sur les pistes par des canons à neige. Au-delà du symbole (le canon), quoi de plus anti-écologique ? La Chine elle-même qui se pique de faire de la lutte pour le climat une vertu a-t-elle conscience de ce désastre ?

Le CIO avait annoncé début 2021 vouloir réduire de 30 % ses émissions carbone d’ici à 2024 et de 45 % en 2030, conformément à l’accord de Paris. Les Jeux de Pékin augurent mal de l’avenir et du respect de l’engagement.

La Chine, cependant, n’est pas la seule responsable de ce scandale : comment le Comité international olympique (CIO) a-t-il pu attribuer l’organisation de ces jeux d’hiver à une ville où il neige rarement et si peu ?

Les Jeux olympiques sont détournés et dévoyés ; la jeunesse du monde et les sportifs ne sont que des instruments pour permettre aux sponsors du CIO de faire leur publicité. Comme Patrick Le Lay voulait aider Coca-Cola à vendre son produit, le CIO veut aider General ElectricE, Intel, Omega, Panasonic, Samsung, P&G, Toyota, Visa, Airbnb, Atos, Bridgestone, Coca-Cola, Allianz, Dow et Alibaba, les quinze principaux annonceurs sous contrat, à s’afficher sur les écrans et dans les médias du monde entier. Et, au passage, le CIO prend sa dîme pour permettre à ses membres de gueuletonner dans les plus beaux hôtels du globe lors de ses sessions.

La neige est sale parce que les JO d’hiver de Pékin se déroulent dans une atmosphère de tensions internationales inquiétantes entre Chine, Etats-Unis, Russie, Union européenne, etc. La traditionnelle trêve olympique, qui a fait l’objet d’une résolution des Nations Unies n’est qu’un lointain souvenir. En Grèce antique, en revanche, la trêve était scrupuleusement respectée et on mesure, aujourd’hui, les reculs de civilisation d’un monde bouleversé. La trêve ? Quelle trêve alors que des milliers de soldats ont pris position de chaque côté de la frontière russo-ukrainienne, que les Américains et les Turcs continuent à bombarder les Kurdes en Syrie et en Irak, les islamistes à Idlib et que la guerre au Yémen continue à faire des milliers de victimes, etc. ?

La fête est gâchée et seuls les sourires des sportifs ne nous plongent pas dans un désespoir définitif !

Il serait temps de démocratiser le CIO et de rendre son fonctionnement transparent ; ses membres sont cooptés, et les accusations de réseaux occultes et de corruption sont régulièrement dénoncés.

La fête est gâchée à Pékin, parce que la neige est sale. La coupe du monde de football au Qatar est également gâchée. Le sport est aux mains des puissances financières et de l’ultra-libéralisme ; ceci explique cela.

Ouverture, Respect, Présence, Ecoute, Accueil

Un beau programme, mais l’entreprise multinationale qui en a fait son acronyme, ORPEA, n’est qu’une machine à cash comme les autres, comme on dit dans le système ultralibéral.

Aujourd’hui, ORPEA est rattrapé par un nouveau scandale de maltraitance ; le scandale était prévisible. En 2014 ORPEA avait été accusé d’espionnage des salariés, en 2015, 2016 et 2017 de maltraitance (déjà). Médiapart et Envoyé spécial avaient dénoncés toutes les turpitudes d’un groupe présent dans 23 pays aujourd’hui.

Le Parquet national financier, lui, avait ouvert une enquête préliminaire en 2021 et une perquisition avait été effectuée au siège du groupe par l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF).

Le fondateur, le médecin Jean-Claude Marian, toujours actionnaire du groupe, a amassé une belle fortune en faisant main basse sur ‘’l’or gris’’. La famille Peugeot avait rejoint les actionnaires par l’intermédiaire de Peugeot Invest, estimant la rentabilité alléchante. En 2018, Peugeot avait cédé 0,85 % du capital d’ORPEA et empoché 63,8 millions d’euros, conservant quand même 5 %.

Parmi les principaux actionnaires, on trouve des fonds de pension comme Canada Pension Plan Investment Board (15 %), la Caisse autonome de retraite des médecins de France (2 %), mais également les fonds d’investissement présents dans toutes les entreprises dégageant de juteux bénéfices et distribuant de bons dividendes, comme The Vanguard Group (2,02 %) ou la Norges Bank (2,06 %). Ceux qui ont investi dans ORPEA ferment les yeux, ne voyant que la rentabilité.

En 2013, suprême onction, le président de la République François Hollande avait invité Jean-Claude Marian à l’accompagner dans un voyage officiel en Chine, facilitant l’accord avec les autorités chinoises pour l’ouverture de lits dans un pays où le marché de l’or gris est attrayant ; on estime à 150 millions le nombre de Chinois de plus de 80 ans à l’horizon 2050.

Le scandale d’aujourd’hui met en cause la politique gouvernementale d’Emmanuel Macron et de ses devanciers ; le grand âge et la dépendance sont livrés sans vergogne au privé. Mais seuls les plus riches peuvent se permettre de placer leurs vieux parents dans ces EHPAD attrayants mais chers. La recherche du profit n’est pas compatible avec la dépendance.

Brigitte Bourguignon, dont de très nombreux Français ignoraient qu’elle est ministre déléguée chargée de l’autonomie, a tenté de disculper le gouvernement ce matin sur France Inter ; mais, diable, que l’exercice était au-dessus de ses modestes compétences.

« Il faut taper fort pour bien montrer que l’on ne fait pas n’importe quoi dans ce pays », a-t-elle osé annoncer. Paroles, paroles. Rien n’y fait, le scandale des privatisations de pans entiers de la vie est quotidien, à l’école, à l’université, à l’hôpital, dans les transports, dans l’énergie. Bref, partout.

L’acronyme ORPEA est scandaleux. Mais pas plus que l’ultralibéralisme.