Je lis attentivement les billets publiés quotidiennement par les économistes du cabinet Xerfi et, plus particulièrement, ceux d’Olivier Passet, directeur de la recherche.

La semaine dernière, un de ses articles m’a interpellé ; sous le titre Comment notre politique de l’emploi torpille la protection sociale, il tire le signal d’alarme :

« La baisse des charges sur les bas salaires est depuis plusieurs décennies l’arme fatale contre le chômage des peu qualifiés en France. Cette orientation, qui traverse les alternances, a été complétée d’autres dispositifs que l’on peut apparenter à un impôt négatif, c’est-à-dire des compléments de revenus, en bas de l’échelle des salaires, destinés à sécuriser le pouvoir d’achat des plus précaires. Le dispositif phare en la matière est la prime d’activité. Double facture donc pour l’État. Avec une perte de cotisations sociales de l’ordre de 58 milliards depuis la transformation du CICE, et 10 milliards de primes d’activité en dépense… 70 milliards, donc. À quoi on pourrait ajouter tous les autres dispositifs qui allègent la fiscalité et soutiennent le pouvoir d’achat en bas de l’échelle (seuil d’imposition, TVA réduite, chèque énergie, bouclier tarifaire, indemnité, inflations, etc.). »

Puis, Olivier Passet constate que les dépenses de santé augmentent plus vite que le revenu et que le vieillissement alourdit le coût de la dépendance. Au bout du compte, il observe que l’Etat a modifié en profondeur la structure de financement de la protection sociale en la fiscalisant, notamment via la CSG-CRDS et via l’affectation d’une partie des recettes de TVA et que le principe contributif est rompu. Pourquoi ?

Selon Olivier Passet :

« Premièrement, la très forte progressivité des charges sociales issue de notre politique d’allègement ciblé sur les bas salaires encourage d’abord les emplois de faible qualification/faible salaire. L’augmentation du taux d’emploi qui en résulte améliore bien les ratios de dépendance entre cotisants et bénéficiaires. Mais sur une frange d’emploi qui ne contribue presque plus au financement de la protection sociale, via l’impôt où les cotisations, et qui absorbe en revanche la majorité des prestations. Avec des premiers quantiles dont la contribution nette à la protection sociale est négative. En rompant avec le principe contributif, qui veut que chacun cotise à hauteur de ce qu’il perçoit ou percevra, nous avons renforcé le caractère déséquilibrant du déficit de qualification sur le financement de la protection sociale. Deuxièmement, l’argument démographique est lui-même extrêmement fragile. Certes, dans les projections à 2050, la population en âge de travailler est supposée décroître de 0,2% par an en moyenne. Tandis que la population des 65 ans et plus devrait croître de 1,1% par an. À cela près que les revenus du travail ont un potentiel de croissance supérieur, puisqu’ils sont indexés sur la productivité, et non les pensions, avec un niveau de vie des retraités programmé pour décroître et devenir nettement inférieur à celui des actifs. »

Ce que ne dit pas Olivier Passet en conclusion, c’est que cette politique est le résultat d’un choix assumé de société, celui de l’ultralibéralisme où la protection sociale sera privatisée, au bénéfice des sociétés d’assurance et les emplois de plus en plus précaires et de moins en moins rémunérés. Pour le plus grand profit des riches.