J’ai eu l’impression de lire dans le Monde de ce soir quelques lignes que je lis habituellement dans mes autres lectures quotidiennes. Stéphane Lauer, dans une chronique économique de dernière page (aux côtés de l’éditorial) traitait des problèmes internes rencontrés par le président de Danone, Emmanuel Faber, mais surtout par les salariés des sièges sociaux (un quart va perdre son emploi).
Le chroniqueur s’est ému qu’une entreprise qui se porte plutôt très bien (elle a versé 1,4 milliard d’euros de dividendes au titre des bénéfices 2019 et réalisé un bénéfice d’1 milliard au premier semestre de 2020, dégageant une marge de 14 %) puisse supprimer autant d’emplois. Il écrit :
« En réalité, le dilemme auquel l’entreprise fait face aujourd’hui pose la question du niveau de la rémunération du capital, qui devient de moins en soutenable sur le plan social et écologique. Ces rendements mirifiques qui sont devenus la norme à partir des années 1980 ont fini par aboutir à une déformation spectaculaire du partage de la valeur au détriment des salaires. Logiquement, les rémunérations auraient dû progresser au même rythme que la productivité du travail. Or, depuis 1990, celle-ci a fait un bond de 50 % dans les pays de l’OCDE, alors que les salaires n’augmentaient que de 23 %. Bien sûr le phénomène a été caricatural aux Etats-Unis, moins sensible en France. Mais le mécanisme reste le même. Pour que les entreprises puissent continuer à servir à leurs actionnaires les rendements exigés, il a fallu comprimer la part accordée aux salariés grâce à la flexibilisation du marché du travail, à la libéralisation à outrance des échanges, à la délocalisation de la production dans des pays à faible coût. La contrepartie s’est traduite, dans les pays développés, par une baisse du pouvoir d’achat, la disparition des emplois intermédiaires. Partout on assiste à la montée des inégalités. »
Ce qui est en train de se passer chez Danone n’est pas une révélation, c’est ce qui se passe chaque jour dans de nombreuses entreprises. C’est tout simplement la loi du capitalisme sans retenue d’aujourd’hui. A son paroxysme avec Emmanuel Macron. Le Monde a des réveils fulgurants.
Mais là s’arrête la révolte des journalistes du Monde ; changer de système ? Niel, Pigasse et Kretinsky, les principaux actionnaires n’accepteraient pas de le voir écrit dans leur quotidien.
Pourquoi donc ont-ils investi dans le Monde, chers collègues?