L’Institut Reuters publie chaque année des études sur la fabrique de l’information. Pour 2020, il s’est associé à l’université d’Oxford pour interroger 136 responsables de rédaction de 38 pays différents, entre le 21 septembre et le 7 octobre à propos des changements intervenus dans leur publication à la suite de l’épidémie du coronavirus, du mouvement #MeToo (lié à la question de l’inégalité salariale femme/homme) et de la question de la diversité.

Les témoignages à propos des pratiques de télétravail mises en place dans les rédactions montrent une inquiétude largement partagée sur l’impact de la créativité et sur le manque évident de relations physiques.

Vincent Giret, directeur de Franceinfo reconnaît, par exemple, que « les journalistes ont besoin de proximité physique pour débattre d’idées, partager des expériences et innover».

Rohan Venkataramakrishnan, rédacteur en chef adjoint de Scroll Media en Inde, avoue, lui : « Pour les personnes qui se connaissent bien, il est possible de travailler efficacement à distance. Mais le travail à distance ne permet pas toujours les conversations fortuites qui peuvent parfois conduire à de bonnes idées de la part des rédactions, et les gens peuvent facilement se fatiguer et se distraire lors des appels. »

Ben de Pear, rédacteur en chef de Channel 4 News au Royaume-Uni porte un regard très critique sur le télétravail : « Le plus grand défi pour une opération d’information quotidienne est la perte de communication instantanée que vous avez dans une salle de rédaction et la compréhension par tout le monde pourquoi quelque chose est fait et comment. De plus, la camaraderie et le but commun, le contact humain, l’humour et la spontanéité sont saignés par manque de contact et par interaction technique. »

Ces quelques phrases, convergentes, ont toutes la même tonalité. Si le télétravail a été un passage obligé pour préserver la santé des journalistes, au total, il n’est pas plébiscité. Rien ne remplacera le processus créatif grâce aux discussions dans les salles de rédaction et leur spontanéité.

Les éditeurs, en France et ailleurs, qui ont saisi l’occasion pour licencier des journalistes et imposer le télétravail pour réduire la taille des locaux physiques, devraient s’inspirer de cette étude de l’Institut Reuters. Les syndicats de journalistes aussi.