La Chouette qui hioque

Mois : décembre 2023

La cour du roi Pétaud

A quoi sert le Parlement dans la République d’Emmanuel Macron ? Députés et sénateurs s’interrogent. Ô pas tous, mais au moins les plus respectueux de la démocratie.

La question est pertinente quand des lois importantes comme la réforme des retraites, la loi de finance et la loi ‘immigration’’ n’ont pas été votées dans les formes habituelles et même pas du tout, la première ministre, Elisabeth Borne, faisant taire la voix du peuple en exhibant 23 fois l’article 49-3 de la Constitution.

Le rôle de vigie du Parlement est donc confié au Conseil constitutionnel, une institution de ‘’retraités’’ de la politique, non élus.

Les lois présentées par le gouvernement (en fait par le président de la République) sont si mal rédigées, qu’il revient aux ‘’sages’’ de censurer les articles les plus contestables. Ils ont un ‘’boulot monstre’’.

Sur la loi de réforme des retraites, ils ont écarté le fameux ‘’indice senior’’ et le CDI sénior ; sur la loi de finance, ils ont censuré 12 articles, dont un rescrit fiscal, cadeau aux fédérations sportives internationales comme la FIFA (que Macron souhaitait voir s’installer à Paris !), et, surtout, une disposition permettant de détourner le livret A des Français vers les investissements dans les industries de la défense.

On attend encore plus de remise en cause au mois de janvier, avec l’examen de la loi ‘’immigration’’.

Dans les ministères, les conseillers cherchent du travail et fuient, avant même un probable remaniement du gouvernement. A l’Elysée aussi, l’entourage de Macron est désespéré ; le climat y est, paraît-il, morose. Un conseiller vient de confier à franceinfo : « Sept ans que j’étais dans cet univers, j’avais le sentiment de ne plus avoir de souffle (…) Politiquement, je ne comprenais pas ce qu’on portait et là où on allait ».

Emmanuel Macron le sait-il lui-même ? On se croit revenu à la cour du roi Pétaud.

Le président n’a cependant pas perdu sa boussole ; les riches se frottent les mains et le peuple pleure.

Les travailleurs pauvres et les autres

La pauvreté s’étend partout dans le monde, y compris en Europe. Le Royaume-Uni se distingue : un rapport du ‘’Center for Social Justice’’ révèle que le pays est celui où les inégalités sont les plus élevées de l’Europe occidentale et continuent de se creuser.

Margaret Thatcher a accru le processus de paupérisation en mettant en place des politiques libérales favorisant les classes supérieures au détriment aux classes laborieuses. Ses successeurs n’ont pas fait mieux puisqu’aujourd’hui 38 % des bénéficiaires d’aides sociales ont un emploi, avec des contrats d’auto-entrepreneurs ou ‘’zéro heure’’ (qui n’assurent aucune heure de travail hebdomadaire et donc aucun revenu), ou encore exerçant dans les services sur des emplois non qualifiés.

Ils ont en commun d’être des travailleurs pauvres. Un comble.

La France n’a rien à envier au Royaume-Uni ; 6,9 millions de personnes sont couvertes par les minima sociaux fin 2021, soit une personne sur dix ! Cela coûte un ‘’pognon de dingue’’, comme sait si bien le dire Emmanuel Macron : 29,9 milliards d’euros en 2021.

Le nombre de personnes vivant dans la rue ne cesse d’augmenter et, rien qu’à Paris, 3000 enfants dorment sur le trottoir. Contrairement aux engagements électoraux du président de la République.

Il y a quelque chose de pourri au Royaume-Uni, et il y a quelque chose de pourri également dans le République de France.

Quand les revenus du travail ne sont pas suffisants pour vivre sans les aides sociales, les salaires sont le premier souci des Français (et des Britanniques), bien avant l’immigration, quand les actionnaires sont repus de dividendes toujours plus élevés.

Victoire idéologique

La loi ‘’immigration’’ de Gérald Darmanin agit comme un détonateur sur des esprits agités, mais surtout désemparés. La répétition de l’argument odieux de ‘’préférence nationale’’ déchaîne les populismes d’extrême droite.

Les vannes sont ouvertes en grand et Marine Le Pen peut remercier dans un immense éclat de rire jubilatoire Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Gérald Darmanin, Eric Ciotti et ses colistiers, etc. Cette loi, c’était le cadeau du père Noël avant Noël.

Les groupuscules d’extrême droite n’ont plus aucune raison de se cacher ; ils agissent en plein jour, comme à Avignon. Le maire du Péage-du-Roussillon et sa famille en sont leurs dernières victimes. Le racisme frappe de plus en plus d’esprits abreuvés à l’idéologie véhiculée par Le Pen, Bardella, Zemmour, les médias honteux de Bolloré, déjà partis en croisade pour 2027.

Les élus de gauche sont visés par la racaille fasciste ; les maires sont dans le viseur de ceux qui rêvent de ‘’casser du bougnoule’’, puis de ceux qui ne sont pas blancs de peau. Leur rage se déchaîne aussi sur ceux qui font acte de solidarité, comme le Secours populaire.

On peut attendre avec anxiété les résultats des enquêtes concernant les exactions commises contre les entrepôts du Secours populaire à Béziers puis à Echirolles. Simples cambriolages ? Rien n’est sûr.

Le pays des Droits de l’Homme de 1789, de la Déclaration universelle de 1945, le pays de Voltaire, Rousseau, Diderot entre autres, est gravement atteint. La rhétorique des droites extrêmes est minimisée par ceux qui gouvernent cette démocratie, hier encore montrée comme exemplaire.

Tous les racismes, de l’antisémitisme aux sentiments anti-arabes (plutôt qu’anti-islamistes), en passant par les anti-pauvres se développent sur le lit des crises économiques et des guerres. Les peuples égarés y sont de plus en plus perméables. Mais, des esprits éclairés comme celui de Serge Klarsfeld s’égarent aussi, démontrant l’urgence d’une réaction de l’intelligence face à l’obscurantisme.

Le climat est délétère. Hier, c’était ‘’Plutôt Hitler que le Front populaire’’, aujourd’hui, ‘’Marine Le Pen plutôt que la gauche anti-libérale’’.

La loi ‘’immigration’’ ? Une vraie ‘’victoire idéologique’’ pour l’extrême droite.

De la droitisation et de ses effets

Quoi qu’il en dise, Emmanuel Macron est dans la tourmente.

Après une série de démissions au gouvernement (Aurélien Rousseau), à la commission scientifique sur la parentalité, à la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, il est désavoué au sein du conseil présidentiel de la science par la chercheuse Claire Mathieu. Celle-ci, directrice de recherche au CNRS en informatique a démissionné en réaction à l’adoption de la loi Darmanin et n’a pas mâché ses mots :

« En effet, si au lieu de vous c’était l’extrême droite qui était au pouvoir, j’aurais refusé de participer à ce conseil. Or, la loi anti-immigration est une loi d’extrême droite, une loi xénophobe, d’exclusion et de repli sur soi (…) C’était une erreur de ma part que d’avoir accepté d’être dans ce conseil. »

Elle ajoutait : « Maintenant déjà il est difficile à nos jeunes chercheurs étrangers de régler leurs problèmes de visasDemain ce sera pire, et ils iront donc dans un pays plus accueillant. Cela accentuera le décrochage de la France en recherche. »

Jamais Emmanuel Macron n’avait été autant bousculé, critiqué et fui. Le climat autour de lui est de plus en plus lourd. Et lui de plus en plus isolé à l’Elysée.

Cette fronde ne l’empêche aucunement de pratiquer une politique de droite dans sa gestion quotidienne. C’est ainsi que ce même jour, l’ambassadeur de la France à Bruxelles s’est rangé aux côtés de ses homologues d’Italie, de Hongrie, de Finlande, de Grèce, de Suède pour rejeter le projet de loi du Parlement européen visant à requalifier le statut d’indépendant des travailleurs des plateformes numériques comme Uber ou Deliveroo en contrat de salarié.

Le Parlement venait tout juste de faire avancer le projet qui, selon le Monde, était présenté comme une « grande avancée sociale ».

Le ministre du travail, Olivier Dussopt (membre présumé de l’aile gauche du gouvernement) a prétexté que les requalifications auraient été trop automatiques et auraient provoqué trop de contentieux.

On mesure l’imbécilité vertigineuse de l’argument de celui qui déclarait aussi devant les sénateurs il y a quelques jours : « Quand vous allez vers une directive qui permettrait des requalifications massives, y compris de travailleurs indépendants qui tiennent à leur statut d’indépendant, nous ne pouvons pas la soutenir ».

A-t-il déjà oublié que ce sont les fameux travailleurs indépendants qui ont revendiqué un changement de statut ?

La droitisation de Macron s’étale davantage chaque jour. Mais sa contestation aussi !

Impatience

Dormons sur nos deux oreilles, la loi Darmanin sur l’immigration est « le bouclier qui nous manquait » pour se défendre d’une submersion migratoire. A croire que nous sommes revenus en 732 ou 733 (on ne sait plus) à Poitiers avec Charles Martel. Il fallait bien cette loi pour nous protéger non seulement de l’immigration clandestine, mais aussi « contre ce qui nourrit le Rassemblement national ». Le texte adopté (dans quelles conditions honteuses ?), le président sans qui nous ne saurions comment vivre, l’assume et le trouve courageux.

La loi Darmanin était donc nécessaire, comme la loi réformant le système de retraites, affirme un président qui affirme tout et n’importe quoi à propos de tout, de la politique migratoire qui touche tous les pays du Nord parce que les pays du Sud ont été colonisés puis spoliés de leurs ressources, victimes de la politique économique mondialisée et du réchauffement climatique.

Ce président premier de cordée est omniscient, aussi capable de reconstruire Notre-Dame de Paris en un temps record (à confirmer, cependant) que de détruire le système de santé le plus performant du monde ou le réseau de transport ferré, le tout au profit du privé et de ses copains du CAC40 et des oligopoles.

L’ancien élève des Jésuites d’Amiens, qui ne manque aucune occasion d’aller à la messe malgré sa fonction présidentielle d’une République laïque, doit estimer que sa foi et la main compatissante de Dieu le protègent de tout, même de ses turpitudes, y compris de sa croyance selon laquelle les biens de ce monde doivent être inégalement répartis entre les premiers de cordée et les manants qui ne savent pas traverser la rue pour trouver un emploi en espérant que, un jour, la fortune les tirera de leur vie de tristesse. Emmanuel Macron vient à nouveau d’afficher un mépris de classe indécrottable.

S’il vient de plonger la France dans une grave crise politique (au profit du parti familial Le Pen) et humanitaire (demain), il s’en défend par ses mensonges.

Le programme de la future présidente est déjà écrit ? Il affirme le contraire. Emmanuel Macron tourne le dos à la France de 1789 et aux utopies trop vite entravées des Résistants du CNR ? Non, vraiment, il affirme le contraire. Avec une suffisance éclatante.

Il suffira pourtant à Marine Le Pen d’appliquer demain toutes les lois déjà votées sous le règne d’Emmanuel Macron (et celles qu’il prépare car il a affirmé qu’il va continuer) sans en rajouter. Le bilan s’annonce grandiose.

Il ne nous reste que l’espérance de voir la gauche se réunir enfin. Le peuple de France est impatient.

Les 16 championnes du monde

Notre monde est fou ; la guerre et la répression font des ravages partout. L’intolérance sévit sous tous les régimes et l’extrême droite profite de cette ambiance pour déverser son poison xénophobe dans de nombreux pays d’Europe, faisant croire aux peuples à des jours meilleurs.

On nous promet d’éradiquer la pauvreté et que plus personne ne dormira dehors depuis si longtemps que nous ne pouvons plus y croire !

Dans cette ambiance catastrophique, un rayon de soleil s’est levé du côté du Danemark, grâce à 16 jeunes joueuses de handball. L’équipe de France a remporté le championnat du monde en terre scandinave, contre les équipes dominatrices.

Elles étaient 16, donc, au talent fou, à l’intelligence collective hors norme pour battre l’équipe de Norvège présentée comme ‘’la référence’’. Mais, aujourd’hui, la référence, c’est l’équipe de France, championne olympique et du monde à trois ans d’intervalle. Aujourd’hui, il n’y a plus de doute, car cette équipe a battu les grandes norvégiennes à deux reprises au cours de la quinzaine. 

Elles étaient 16, plus petites que les Norvégiennes, moins aguerries et plus jeunes (leur moyenne d’âge est de 25 ans, avec deux seules joueuses d’à peine 30, alors que les Scandinaves avaient une moyenne de 29 ans, avec 8 joueuses de plus de 30 ans).

Elles étaient 16, sans « bras monstrueux » capables de marquer des buts tout en puissance. Alors, elles ont imposé leur rapidité, leur sens de l’improvisation (une touche latine !) et, surtout, une rare intelligence collective.

C’est un régal de les voir jouer et j’ai honte pour un journaliste de L’Equipe qui avait osé dire que la France avait gagné la demi-finale parce que la Suède avait raté son match. Les joueuses pourront lui rétorquer, aujourd’hui, de façon limpide que leur intelligence avait étouffé les Suédoises, comme elle a submergé les Norvégiennes. Simple à écrire, moins à réaliser sur un terrain.

Il est difficile de donner une meilleure note à l’une ou à l’autre, mais quelle aventure pour une gamine de 20 ans, Léna Grandveau, nouvelle venue dans l’équipe et qui a marqué 5 buts en finale dont 4 dans les dernières minutes. Quelle aventure pour Pauletta Foppa, sans doute l’un des meilleurs pivots au monde, et qui, à 22 ans, peut exhiber un riche palmarès : championne d’Europe en 2018, championnat olympique en 2021 et championne du monde en 2023. Quelle aventure pour Laura Glauser, sacrée meilleure gardienne de but du championnat, après avoir connu bien des problèmes dans la vie. Mais il faudrait les citer toutes, y compris le sélectionneur Olivier Krumbholz qui peut prétendre afficher le plus beau palmarès de tous les sélectionneurs français.

L’équipe de France féminine de handball apporte un peu de fraîcheur dans le sport national, loin du sport business, loin des milliards que draîne le football, loin de toute exposition médiatique (honte à TF1 qui n’a pas cru bon retransmettre la finale entièrement, renvoyant le téléspectateur sur TMC).

Certes, ce n’est que du sport, mais que cela fait du bien de voir des femmes jeunes, intelligentes nous faire croire encore à l’humanité.

Incohérence et incompétences

La ligne politique suivie par Emmanuel Macron et son gouvernement nous plonge dans un abîme de perplexité. Politique du peuple, par le peuple et pour le peuple ? Absolument non. Ni de droite, ni de gauche ? Non, ni de gauche, ni de gauche. De plus en plus clairement à droite en n’hésitant pas à reprendre des arguments de l’extrême droite !

Ce pouvoir a condamné avec une rare violence verbale les députés qui ont voté la motion de rejet des écologistes, visant à ne pas examiner le projet de loi sur l’immigration. Elisabeth Borne, volant au secours d’un ministre de l’intérieur giflé, a osé affirmer que « les Français soutiennent très majoritairement » le texte pour mieux fustiger les représentants du peuple.

La première ministre est vraiment culottée ; aujourd’hui, elle invoque la volonté supposée du peuple, quand, hier, elle imposait la réforme des retraites à coup de 49-3 auquel le peuple était majoritairement opposé, manifestant en masse durant plusieurs mois.

Son gouvernement a reproché aux députés de s’opposer au débat, quand elle-même dégaine le 49-3 à 21 reprises depuis son entrée en fonction le 16 mai 2022.

Quelle incohérence ! Mais, surtout, quel mépris pour les institutions et pour le peuple !

Emmanuel Macron ose tout ; n’est-ce pas lui qui autorise le recours au 49-3, qui passe outre les grèves contre la réforme des retraites, le vote de la motion de rejet, etc.

Son pouvoir vertical vacille et la fronde s’étend.

Après les deux départs à la commission scientifique sur la parentalité, on vient d’apprendre 11 démissions (sur 27) à la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).

Les démissionnaires mettent en cause le remplacement du juge Edouard Durand à la présidence de la commission par l’ex-rugbyman Sébastien Boueilh ; l’un d’eux affirmant que « On a l’impression qu’on cherche à mettre un couvercle sur la libération de la parole que la Ciivise a entraînée ». Le juge Edouard Durand était apprécié pour son indépendance et son franc-parler, deux qualités qui, paraît-il, agaçaient.

Emmanuel Macron, aux abois, affiche son incohérence et ses incompétences ; son autoritarisme est de plus en plus contesté. C’est plutôt une bonne nouvelle, malgré les troubles dans l’opinion et les dégâts dans le fonctionnement des institutions.

Quelle connerie la guerre

Le bilan des guerres est toujours le même, une insupportable boucherie qui n’a jamais résolu les problèmes. Ce qui se passe à Gaza est insoutenable ; le Hamas a tué des innocents et l’armée de Benyamin Netanyahu tue des civils palestiniens.

Les messianistes et leur gouvernement d’extrême droite estiment pouvoir établir le Grand Israël sur les décombres de la bande de Gaza et dans les colonies de Cisjordanie ; ils ne feront qu’exacerber les Palestiniens en les jetant dans les bras des fous d’Allah.

En attendant, à Gaza comme en Israël, les populations comptent les victimes.

Le laboratoire de preuves d’Amnesty International recueille des éléments sur les atrocités et il vient de publier des informations sur deux cas « où des frappes israéliennes ont tués 46 civils, dont 20 enfants. La victime la plus âgée était une femme de 80 ans et la plus jeune un bébé de trois mois ». Il s’agit de deux attaques qui ont eu lieu les 19 et 20 octobre visant, un édifice religieux (où des centaines de Palestiniens s’étaient réfugiés) et une maison du camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza.

Photos d’impacts, témoignages, images satellites, documents audiovisuels, déclarations de l’armée israélienne ont permis de conclure à des frappes illégales et à des crimes de guerre : « Les recherches d’Amnesty International n’ont pas livré d’éléments indiquant que les bâtiments touchés pouvaient être considérés comme des objectifs militaires ou qu’ils étaient utilisés par des combattants », précise l’organisation. Avant de rappeler qu’elle appelle à un cessez-le-feu immédiat et durable, Amnesty relate que « depuis, nous avons également recueilli des preuves que des munitions fabriquées aux Etats-Unis ont tué au moins 43 personnes lors de deux frappes aériennes illégales menées par Israël contre des habitations où se trouvaient des civils ».Il est temps de stopper les bellicistes des deux camps et d’appliquer les résolutions de l’ONU, en reconnaissant le droit des peuples à vivre dans la paix. En relisant Jacques Prévert et son célèbre poème, Barbara.

Les gifles du 11 décembre

La gifle, la claque, le camouflet, un échec, le gouvernement désavoué, rejeté, retoqué, débouté, défait ; les quotidiens n’ont pas preuve d’originalité pour dire le résultat du vote des députés et, donc, le rejet de la loi immigration portée par Gérald Darmanin.

Le rejet est dû à une majorité de circonstances. Les partis de gauche se sont prononcés unanimement contre un texte qui aggrave les conditions d’entrée et d’installation des immigrés sur le sol français ; les Républicains et le Rassemblement national critiquant, eux, des dispositions trop laxistes.

Néanmoins, il s’agit d’une lourde défaite pour Emmanuel Macron et son ministre de l’intérieur, ouvrant la voie à une grave crise politique.

Le président de la République avait réussi à imposer ses décisions aux députés et sénateurs à coup de 49-3, aujourd’hui, sa stratégie répressive est mise en échec à deux reprises. Après la démission de trois membres de la commission sur la parentalité le matin, ce sont les députés qui ont porté le coup d’assommoir.

Si Jacques Chirac était encore là, il aurait pu lui rappeler sa citation empruntée à Michel Audiard : « Les cons, c’est comme les emmerdes, ça vole toujours en escadrille ». Les cons sont trois (ils se reconnaîtront) ; en revanche, il est particulièrement difficile d’apprécier jusqu’où pourront s’étendre toutes les emmerdes.

Le président et ses ministres ont tout fait pour s’attirer ces emmerdes. Aurore Bergé ne mérite certainement pas d’occuper un fauteuil ministériel ; quant à Gérald Darmanin, il paie cash sa volonté de courir derrière le Rassemblement national pour le dépasser, trouvant Marine Le Pen trop molle.

Son projet de loi visant à durcir les conditions d’entrée sur le sol de France est le 30e depuis 1981 (un tous les 17 mois) et le 118e texte sur le même sujet depuis 1945, sans que cela ne freine l’immigration dont tous leurs auteurs connaissaient les causes (guerres, pauvreté, régimes autoritaires et répressifs, dérèglement climatique, etc.) sans chercher à leur apporter les bons remèdes, notamment la réduction de la fracture Nord-Sud. Ce mille-feuilles répressif n’a pas limité l’arrivée d’étrangers.

De Bonnet à Collomb, en passant par Peyrefitte, Pasqua, Debré, Sarkozy, Hortefeux et Collomb, la droite a tout tenté, recevant le renfort de quelques socialistes comme Defferre, Questiaux, Cresson ou Chevènement.

Mais les autistes sont au pouvoir ; ils campent sur les réflexes, considérant que tout immigré constitue une menace, favorisant ainsi la montée inexorable de l’extrême droite. Ils lui empruntent sa xénophobie, relayée à forte dose par les médias.

Les vrais démocrates et les citoyens engagés dans les associations de solidarité avec les migrants sont atterrés.

Aurore Bergé, ce cauchemar

Si Serge Hefez avait réagi vivement à la suite de l’entretien accordé par Aurore Bergé à La Tribune dimanche, la première réunion de la commission scientifique sur la parentalité a viré au fiasco pour la ministre.

Trois membres sur les 25 qui la composent ont déjà démissionné avec fracas : la sociologue Claude Martin, la directrice de recherche au CNRS Agnès Martial et la sociologue de la famille Irène Théry, ont signé un texte commun en réaction au rôle que la ministre voulait faire jouer à la commission, défini dans le quotidien du dimanche.

Le Monde rapporte la position des trois démissionnaires selon Irène Théry : « Agnès Martial, Claude Martin et moi sommes arrivés avec un texte expliquant les raisons de notre démission. Nous avons regretté que les travaux à venir soient placés sous l’égide de méthodes répressives », déplorant « la confusion faite entre les politiques et les chercheurs ». Les trois spécialistes se disent effarées et interrogatives en apprenant qu’Aurore Bergé réalisait en parallèle un « tour de France de la parentalité ».

Agnès Martial précisait dans Le Monde : « J’ai été sollicitée il y a quelques semaines pour participer en tant que scientifique à ce qu’on m’a présenté comme une réflexion de fond sur la parentalité, avec l’objectif de dépasser les discours stigmatisants actuels sur ce qu’on appelle en ce moment les parents défaillants. Et on a appris hier par voie de presse que le gouvernement avait déjà un projet, avec des annonces au contenu opposé à celui pour lequel je m’étais engagée. »

Quand les méthodes d’Emmanuel Macron appliquées par Aurore Bergé tournent au cauchemar. Et quand des scientifiques ne veulent plus se faire dicter le prêt-à-penser sécuritaire et jouer les potiches.

On attend le rétropédalage de la ministre ou sa démission après un tel camouflet.

La punition d’Aurore Bergé

Aurore Bergé, à seulement 37 ans, a un long parcours politique derrière elle. Passée par l’UMP à 16 ans, elle a milité au syndicat étudiant d’extrême droite, l’UNI, a soutenu François Fillon, puis Nicolas Sarkozy, avant de rallier Les Républicains (LR) puis la République en marche d’Emmanuel Macron. On attend la suite avec envie !

Elle a de grandes ambitions, dont celle d’être ministre. Elle a connu plusieurs déceptions, mais a finalement eu gain de cause en juin 2023 en obtenant le maroquin des Solidarités et des familles, où elle n’a pas tardé à démontrer son ‘’talent’’.

Alors que le gouvernement a mis en place une commission scientifique pour réfléchir au problème de la restauration de l’autorité parentale, coprésidée par le psychiatre Serge Hefez et Hélène Roques, consultante, spécialiste des questions de jeunesse, la petite ministre dévoile dans La Tribune dimanche son plan pour responsabiliser les parents d’enfants délinquants. Aurore Bergé annonce donc la mise en place de travaux d’intérêt général pour les parents défaillants.

Cette sortie lui a valu une réaction vive de Serge Hefez, déclarant à Franceinfo que la commission fera des propositions concrètes dans six mois seulement ; celle-ci étant composée de 25 personnes « animées par le désir de faire des propositions qui vont aller dans le sens du soutien et de l’aide aux familles en difficulté plutôt que dans ce qu’on entend dans ses premières annonces (d’Aurore Bergé), qui va plutôt dans le sens de surveiller et punir. »

A la question « La proposition de travaux d’intérêt général pour les parents défaillants n’est pas l’alpha et l’oméga de votre démarche ? », Serge Hefez prend cruellement le contrepied de la ministre : « Non, sauf si on peut élargir cette notion peut-être à des systèmes d’information qui aident les parents à restaurer les processus d’autorité. Je travaille depuis l’aube de ma carrière avec les familles sur la thérapie familiale. J’ai l’habitude d’être confronté à des familles qui sont en difficulté. Des parents qui, pour des tas de raisons, n’arrivent plus à encadrer leur famille. Ça fait plusieurs années que je suis confronté également à des jeunes qui sont dans la radicalisation islamiste, des choses assez graves et assez sévères. J’ai pu constater qu’en faisant un travail auprès des familles de ces jeunes qui sont souvent dépassés, qui ne comprennent pas ce qui se passe, on arrive très nettement à améliorer la situation. »

Pan sur le bec d’Aurore Bergé, comme dirait le Canard enchaîné !

Une France à plusieurs vitesses

Le ministre des transports, Clément Beaune, veut que « le train soit abordable et populaire » ; l’intention est louable, mais ce brave ministre enfonce une porte ouverte : n’est-ce pas le propre du service public ? Dans ce grand élan de générosité, il annonce un gel des tarifs sur le Ouigo et les Intercités. Sans dire que l’Etat compensera le manque à gagner de la SNCF.

La justification des mesures laisse pantois : le Ouigo, « un TGV sur quatre, c’est souvent le TGV que prennent les jeunes et qui ont un peu moins les moyens ». Le ministre inaugure les trains à deux vitesses, l’une pour les riches, l’autre pour les pauvres (catégories dans laquelle il place les jeunes). C’est le retour des trois classes, mais plus dans le même train.

Le ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal, profite des résultats de l’enquête Pisa de l’OCDE pour annoncer une énième réforme de l’enseignement. La situation en mathématiques et en français est grave. Mais, digne élève du président de la République, le ministre apporte des réformes sans avoir eu le courage d’évaluer les différentes réformes menées par ses prédécesseurs et notamment celles initiées Jean-Michel Blanquer qui s’avèrent catastrophiques.

La situation proche du désastre de l’enseignement public est le résultat de la politique éducative menée depuis 2017 à l’arrivée de Macron à l’Elysée, et notamment la volonté de favoriser les établissements privés. En supprimant des postes d’enseignants et en accélérant les fermetures de classes (au même rythme que la suppression des lits à l’hôpital), les écoles publiques sont mises en état d’infériorité face aux établissements privés, majoritairement catholiques.

Parmi les réformes annoncées, on remarque la création de groupes de niveaux en maths, notamment. C’est-à-dire une volonté de tri social ; les enfants de pauvres se retrouveront dans les groupes des faibles et les gosses de riches, eux, seront dans les groupes des forts. Cette mesure ne fera qu’aggraver les inégalités.

Derrière les annonces de Clément Beaune et de Gabriel Attal (élève choyé à la très chère Ecole Alsacienne, établissement privé pour la haute société parisienne), on retrouve toute la philosophie de Macron : tout pour les riches, pas un crédit pour la SNCF et pour l’enseignement.

Emmanuel Macron n’a rien à ajouter ; c’est la déclinaison, ministère par ministère de ses choix de société. Quoi qu’il en coûte de l’exaspération du peuple et de son inclination vers le Rassemblement national

Racistes de toute l’Europe…

Roberto Vannacci est un général de l’armée italienne. Il est l’auteur d’un livre édité à compte d’auteur qui est devenu de façon surprenante le livre le plus vendu en Italie, avec 230 000 exemplaires écoulés, malgré le refus de nombreux libraires, parlant de désobéissance civile ; en revanche, il doit son succès à Amazon, moins regardant sur les idées réactionnaires…

Le général Vannacci est raciste et homophobe ; son livre, Il mondo al contrario (Le monde à l’envers) lui permet de déverser toute la logorrhée de la fachosphère.

Quelques phrases sont exemplaires de ses idées nauséabondes :

« Chers homosexuels, vous n’êtes pas normaux, passez à autre chose » (…) Le lavage de cerveau de ceux qui voudraient promouvoir l’élimination de toutes les différences, y compris celles entre les groupes ethniques, pour ne pas les appeler races (…) Paola Egonu (joueuse de l’équipe nationale de volleyball italienne) est italienne par sa citoyenneté, mais il est clair que ses traits somatiques ne représentent pas l’italianité. »

Par ailleurs, Vannacci a osé déclarer : « S’il n’est pas dans la nature de l’homme d’être cannibale, pourquoi le serait-il pour le droit à la parentalité ? Les couples arc-en-ciel ne sont pas normaux. La normalité, c’est l’hétérosexualité. Mais si tout vous semble normal, c’est la faute aux complots dulobby gay international. »

Le ministre de la défense, Guido Crosetto, fondateur du parti Fratelli d’Italia avec Giogia Meloni et Ignazio La Russa, avait relevé Vannacci de son poste de commandant de l’Institut géographique militaire, dans un sursaut de lucidité.

Mais voilà que notre général vient d’être réintégré avec une belle promotion de chef d’état-major du commandement des forces opérationnelles terrestres. Sans doute doit-il remercier Giorgia Meloni, qui a été élue pour son adhésion au fascisme et son admiration pour Mussolini.

Jordan Bardella, président du Rassemblement national, n’a pas hésité à participer à Florence dimanche dernier à un meeting organisé par le vice-président du conseil italien, Matteo Salvini avait réuni toutes les composantes de l’extrême droite européenne, raciste, homophobe, complotiste, identitaire, antisémite. Le jeune supplétif de Marine Le Pen n’a pas paru gêné outre mesure. A-t-il rapporté le livre de Roberto Vannacci ?

Sans commentaire ? Un seul, en France, le racisme est un délit.

Ce monde inquiétant

L’espoir a été de courte durée à Gaza. Les faucons des deux camps ont repris leurs combats meurtriers sans issue, sinon celui de la comptabilité macabre du nombre de morts. A quelques kilomètres de Gaza, à Dubai, c’est le défilé des dirigeants du monde entier. Là aussi sans issue, tous (ou presque) sont sous influence des lobbies du pétrole, des intérêts immédiats des fonds d’investissement, des actionnaires des fonds d’investissements et des oligopoles en tous genres.

L’avenir est sombre, aujourd’hui.

Les réactionnaires, eux, continuent leur sale boulot de mise sous tutelle des esprits et censurent à tour de bras.

A Champigny-sur-Marne, le maire, Laurent Jeanne (Les Républicains) a fait recouvrir de peinture blanche une fresque de Chloé Wary, longue de 23 mètres et reprenant ses personnages de Saison des Roses. Le maire a découvert que sur 5 cm2 l’autrice avait inscrit ‘’Justice pour Nahel’’ et ‘’Rubiales Fuera’’.

Cellui qui a conquis en 2020 une municipalité qui avait été gérée par un élu PCF depuis 73 ans, a plaidé l’erreur. Erreur qui a bien du mal à passer !

A Saint-Malo, un festival de bande dessinée avait donné l’occasion de disposer des panneaux dans toute la ville. Ceux d’un auteur se faisant appeler tienstiens, extraits de sa BD Koko n’aime pas le capitalisme, ont provoqué des réactions de toutes la fachosphère. Les employés municipaux ont été priés de faire disparaître des panneaux satiriques et engagés. L’un, détournant le film Les Choristes, représentant un groupe d’enfants chantant « Tout le monde déteste la police » et l’autre faisant dire à Christine Kelly, l’une des journalistes de Vincent Bolloré sur CNews : « On rappelle pour nos téléspectateurs que vous n’avez aucune expertise sur le sujet. Mais votre stature d’homme blanc bourgeois hétéro d’extrême droite vous assure une certaine neutralité. On vous écoute… »

De l’autre côté de l’Atlantique, les disciples républicains de Trump mènent un combat quotidien contre tout ce qui n’est pas réactionnaire. Le patron de Disney, Bob Iger, est harcelé par le gouverneur de Floride, Ron DeSantis. Celui-ci reproche par exemple aux œuvres des célèbres studios un baiser homosexuel dans Buzz l’éclair, un héros gay dans Avalonia, l’étrange voyage, et d’avoir confié le rôle-titre de la Petite Sirène à une actrice noire, Halle Bailey.

Bob Iger a, hélas, succombé et vient de déclarer : « Les créateurs ont perdu de vue ce que devait être leur objectif numéro un. Nous devons d’abord divertir. Il ne s’agit pas d’[envoyer] des messages ».

Guerres, intolérance, censure, ce monde est inquiétant !