La Chouette qui hioque

Mois : juin 2024

Pour libérer l’information

A la veille du premier tour des élections législatives les journalistes ne peuvent plus différer l’examen de leurs responsabilités dans les résultats de l’extrême droite.

Certes, ils ne sont pas propriétaires des médias dans lesquels ils travaillent.

Certes, la concentration des grands médias exerce une influence considérable sur l’exercice de la profession.

Certes, le pluralisme des médias, légalement existant, est largement bafoué, de même le pluralisme des opinions est détourné. 

Certes, les journalistes pèsent de moins en moins dans le choix des lignes éditoriales.

Mais la façon dont ils conçoivent eux-mêmes leur profession peut et doit jouer un rôle.

Les journalistes assument une mission sociale : satisfaire le droit à l’information du public, droit dont le respect est la justification de l’existence du métier et la condition première de toute démocratie.

Pour les journalistes, la liberté, c’est de pouvoir écrire, montrer et parler conformément à l’intérêt du citoyen, en conscience.

Certes, la liberté totale d’expression n’a jamais existé.

Certes, la prétendue objectivité est illusoire si on n’apprécie pas, pratiquement, comment se fait l’information.

Mais, aujourd’hui, trop de journalistes défendent indifféremment n’importe quelle thèse, exécutent n’importe quelle tâche sous l’injonction de hiérarchies qui ont fait allégeance à l’actionnaire par souci de lucre ou de carrière, voire par pure idéologie.

Les journalistes, doivent faire leur examen de conscience et ne plus se complaire dans le système poussé à son paroxysme par les médias de Bolloré.

Les journalistes ne peuvent plus considérer les partis d’extrême droite, xénophobe, fascisant, excluant les citoyens selon l’endroit où ils sont nés, selon la couleur de leur peau ou selon leur genre, comme les autres partis républicains.

Les journalistes doivent revenir aux principes professionnels, librement adoptés en dehors de toute ingérence intérieure (l’actionnaire) ou extérieure (les groupes de pression et la publicité), en réhabilitant l’exigence d’une information complète, mise en perspective et vérifiée, en prenant conscience de leurs responsabilités, de leurs devoirs envers les citoyens d’une démocratie pleinement retrouvée.

Les journalistes doivent refuser de mettre la profession au service des manipulations de masse, de servir de relais pour les riches propriétaires des médias en vue d’écraser les pauvres.

Les journalistes doivent s’engager à reconquérir la confiance des lecteurs, auditeurs et téléspectateurs en dissipant les malentendus et en combattant la haine meurtrière, bref à rendre toute sa noblesse à leur profession.

Etat-nation ? Non !

En lisant Le banquet des empouses, le dernier roman d’Olga Tokarczuk, prix Nobel en 2019, j’ai remarqué quelques phrases. Je les livre à la réflexion de ceux qui ont l’intention de voter pour le Rassemblement national :

« Monsieur August considère que la mode des Etats-nations est une tendance passagère qui finira mal. Trier artificiellement les gens selon des catégories aussi pitoyables que l’endroit où ils sont nés ne rend nullement justice à la question complexe de l’identité (…) La nation est une invention. Le paradoxe consiste en ce que les Etats-nations ont besoin d’autres Etats-nations comme les champignons ont besoin de la pluie. Un seul Etat-nation n’a aucun sens, sa raison d’être est la confrontation et la différenciation. Tôt ou tard, cela mène à la guerre. »

Quoi d’autre ?

De multiples raisons de dénoncer le parti fascisant, quand on est femme, immigré à la peau noire ou basanée, musulman, homosexuel, journaliste, artiste, …

Pour en revenir à Olga Tokarczuk, qui, elle aussi, a reçu des menaces de mort après avoir dénoncé le régime des frères Kaczynski et traitée de ‘’non patriote’’, elle prouve à quel point la lecture est nécessaire pour s’émanciper et lutter contre l’obscurantisme.

Je reviendrai plus longuement sur Le banquet des empouses, un roman qu’il faut absolument lire.

Dénoncer les mensonges

A la veille des élections législatives voulues par Emmanuel Macron, on se demande pourquoi le pays des Droits de l’Homme (et de la Femme) est, paraît-il, prêt à se jeter dans les bras du Rassemblement national.

Ce parti, continuateur d’un Front national fondé par des nazis, prétend avoir changé ; ses prises de position ou ses votes à l’Assemblée nationale prouvent le contraire. Son programme cultive l’art de ne pas dire la vérité. Le RN ment. Notamment quand il prétend ne plus tolérer de racistes parmi ses adhérents.

Quelques-uns d’entre eux (mais quelques-uns seulement), aujourd’hui encore, ont perdu leur investiture pour des propos racistes ou homophobes, mais on ne compte plus ceux qui avancent masqués et ceux qui ne sont guère plus fréquentables, pro-russes, anti-IVG et anti-vax, climato-sceptiques, etc., et qui sont encore candidats à la députation.

Jordan Bardella est jeune et il ment comme un vieux routier de la politique. Il continuerait à mentir même devant la réalité et la vérité.

Le mensonge est dans le sang de ce Rassemblement prétendûment national, quand il veut expulser les binationaux et tous les immigrés. Il est prêt à tous les mensonges pour accèder au pouvoir, mais le pire, c’est que la famille Le Pen a contaminé toute la société par ses mensonges depuis près de 40 ans.

Il reste encore quelques jours pour dénoncer ses mensonges et faire éclater la vérité.

Pour cela, il n’y a qu’une solution, l’union de la gauche et de son nouveau Front populaire.

Retrouver sa boussole

Le Monde vient de relater la situation catastrophique des 219 salariés, majoritairement des chauffeurs, de l’entreprise Expotrans. Spécialisée dans le transport d’enfants en situation de handicap, elle était détentrice de marchés publics de nombreux départements (Puy-de-Dôme, Morbihan, Mayenne, Aisne, Vendée, Corrèze, Nord et Sarthe, etc.). Elle a été mise en liquidation judiciaire après avoir surexploité des salariés, mal rémunérés (et avec retard), non payés pendant deux mois (février et mars), découvrant que leur mutuelle n’était pas payée. Ils ont été licenciés et ne bénéficient plus de la priorité d’embauche dans la société qui prendra la suite du marché, conformément à la convention collective.

Les salariés d’Expotrans sont les victimes de patrons-voyous qui n’ont pas hésité à s’octroyer 107 282 euros de dividendes en 2023.

Le Monde a interrogé plusieurs chauffeurs d’Expotrans ; l’une d’entre eux, Danielle, avait pris la tête de la rébellion en Mayenne. Aujourd’hui, écrit le quotidien, « elle a choisi de s’encarter. A la CGT d’abord ‘’pour dépatouiller l’affaire’’. Et au Rassemblement national. ‘’Ça paraît incompatible, je sais, mais c’est comme ça’’. »

Cette simple phrase en dit long sur l’état du corps électoral à quelques jours des élections législatives anticipées. 

Comment une salariée, qui fait preuve d’un bel instinct de classe en luttant et en rejoignant la CGT et qui dénonce les patrons-voyous, peut-elle faire confiance au RN au niveau politique, tout en admettant que « ça paraît incompatible ».

On mesure l’impact des mensonges du RN et la confusion qui a envahi les esprits de trop nombreux salariés votant pour l’extrême droite.  Comment cette salariée qui a ouvert les yeux en grand après avoir été une victime des politiques patronales, peut-elle ignorer que le RN a déjà remis à plus tard le retour à la retraite à 60 ans, voté contre l’augmentation du SMIC, l’indexation des salaires sur l’inflation, la revalorisation des petites retraites, la loi permettant de faire entrer l’avortement dans la constitution, etc ? Comment Danielle qui a opté pour un syndicat oeuvrant au rassemblement des salariés peut-elle faire confiance à un parti raciste, antisémite, homophobe, sexiste, qui est l’ennemi des services publics et des libertés, un parti qui a toujours été du côté des patrons ?  

En s’interrogeant, on s’aperçoit que dans le raisonnement de Danielle, il y a de grands absents, les partis de gauche et le Front populaire. Ont-ils à ce point perdu le contact avec les classes laborieuses ?

Il reste peu de temps pour convertir tous les salariés qui, comme Danielle, ont perdu leur boussole.

Vincent Bolloré hors la loi

Dans sa chronique sur France Culture du 17 juin, Esther Duflo a relevé que « certains parallèles existent entre la situation politique française actuelle et les élections de 1932 en Allemagne qui ont vue l’arrivée d’Hitler au pouvoir ».

La lauréate du prix Nobel d’économie a fait le rapprochement entre le rôle joué par le magnat de l’acier (président du conglomérat Krupp) et des médias (contrôlant 1600 journaux papier, les studios UFA ou encore l’agence de presse Telegraphen Union) Alfred Hugenberg et Vincent Bolloré aujourd’hui.

Alfred Hugenberg, qui avait rallié le parti nazi en 1931 dans une alliance dite ‘’front national’’ avait mis tout ses médias au service d’Hitler.

Vincent Bolloré, lui, a mis ses médias au service de la constitution d’un front uni du Rassemblement national et des Républicains avec la complicité d’Eric Ciotti. Après avoir confié des tranches horaires à Pascal Praud, il a également dépêché Cyril Hanouna sur Europe1 pour deux heures d’une émission baptisée ‘’On marche sur la tête’’ consacrée, sans surprise, à l’actualité politique, pendant les quinze jours de la campagne électorale.

Les parallèles constatées par Esther Duflo sont troublantes, même si les situations de 1931 et de 2024 ne sont pas identiques. Vincent Bolloré contrôle de puissants relais audiovisuels, dont on mesure chaque jour l’impact néfaste sur les citoyens ; en confondant les genres, information et divertissement (Hanouna n’est pas journaliste), Bolloré jour la carte jeune et la France profonde (mais pas que…).

Les parallèles dénoncées par Esther Duflo auraient dû déclencher des réactions de la part des démocrates : Vincent Bolloré est hors la loi.

Les médias audiovisuels relèvent de la loi de 1986 relative à la liberté de communication, contrairement aux médias écrits (ou papier). Le législateur a tenu à fixer des bornes pour l’audiovisuel ; le nombre de canaux de diffusion étant limité (malgré la TNT), quand le nombre de journaux écrits peut être illimité. Il est impossible d’ouvrir des canaux à tous les courants d’opinion, mais il est nécessaire de leur accorder l’accès aux moyens de diffusion.

L’attribution d’une fréquence s’accompagne d’une série de mesures, notamment le « caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion » et le pluralisme culturel.

Le législateur a tenu à préciser que « le pluralisme apparait comme une des garanties objectives de la liberté de communication. Il apparait comme la condition d’effectivité de la liberté de communication et constitue en tant que tel un aspect de cette liberté. La libre communication des pensées et des opinions ne serait pas effective si le public auquel s’adressent les moyens de communication audiovisuelle n’était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur public que dans celui du secteur privé, de programmes qui garantissent l’expression de tendances de caractère différent. »

En transformant ses chaînes de télévision (C8 et CNews) et de radio (Europe1) en médias d’opinion, Vincent Bolloré s’est donc placé hors la loi. On peut dès lors s’étonner de l’absence de réactions tant des politiques que du régulateur, l’ARCOM, quand les contraventions sont avérées.

Esther Duflo a montré que le franchissement des limites pouvait conduire à la catastrophe.

Diables gardiens

Il s’agit d’un livre qui fait grandir, œuvre d’un artiste et designer, mais aussi architecte, Alessandro Mandini, et d’un écrivain, poète, Erri De Luca.

Les deux hommes sont des figures de la culture italienne d’aujourd’hui. L’un a exécuté une série de dessins inspirés, dit l’introduction, des traits d’un enfant dyslexique et des monstres qui peuplent ses nuits ou plutôt ses cauchemars. L’autre a écrit des textes qui lui répondent. « L’image et l’écriture s’affrontent quand elles sont mises ensemble. L’image, qui a le public le plus large, utilise l’écriture comme sa propre légende. L’écriture, de son côté, veut que l’image soit son illustration. En l’occurrence les hostilités sont suspendues. Ici, l’image a la priorité et c’est elle qui est à l’origine de la page de droite qui suit », dit la préface.

L’invention, le rêve et l’imaginaire ont donné naissance à un livre d’une finesse et d’une intelligence rares et d’une beauté infinie.

Les deux auteurs nous emportent dans un tourbillon et nous font rêver ; mais surtout, ils nous émerveillent en nous obligeant à réfléchir, donc à grandir.

C’est un livre admirablement mis en page, qui libère l’esprit de toutes les niaiseries télévisuelles et des réseaux sociaux.

Diables gardiens, Gallimard, 95 pages, 16 euros.

Notre printemps est un printemps qui a raison

Alain Serres, enseignant, auteur et dirigeant des superbes éditions pour la jeunesse Rue du monde, a lancé un appel pour que la France n’écrive pas « une nouvelle page noire de son Histoire ».

Il écrit : « Notre printemps est un printemps qui a peur, mais il rêve.Il rêve toujours et encore, de toute la force des histoires différentes qui nous constituent, de toutes les molécules humanistes de nos ADN citoyens, il rêve pour les enfants de notre pays, filles et garçons, dans leur lumineuse diversité d’origine. Notre printemps rêve pour le droit à l’éducation aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité dans une école de la République enfin revivifiée, pour le droit à la formation à l’esprit critique et aux valeurs vitales de l’écologie, de la solidarité, pour le droit au bonheur d’accéder équitablement à la culture et aux livres. Notre printemps rêve à voix haute pour le droit à une information indépendante des puissances d’argent. Le droit à une justice sociale qui n’enferme pas les citoyens dans cette misère noire qui peut les rendre aveugle. »

Alain a édité des livres qui font grandir les enfants, de plus petit au plus grand, dans le respect de l’autre, fustigeant tous les racismes ; il est donc autorisé à écrire : « Je relis, ce matin, plusieurs livres que nous avons publiés depuis 28 ans dans notre petite Rue du monde. Ils racontent la montée de la barbarie dès 1933 en Allemagne, l’esprit de résistance, ils offrent des guirlandes de poésie contre le racisme et l’antisémitisme ou ils invitent au voyage vers le miroir enrichissant de toutes les autres cultures. »

Il lance un vibrant appel pour que « notre printemps ne rêve pas simplement de dresser un solide barrage au péril qui menace notre pays aujourd’hui », mais qui puisse faire émerger « un puissant tremplin à des changements décisifs. Enfin ! »

Il termine son très beau texte en empruntant un vers de Paul Eluard : « Notre printemps est un printemps qui a raison ».

Il dépend de tous de donner raison au poète de combat qu’était Eluard et au Front populaire.

Retrouver le goût du rire

L’écrivain Marc Dugain a brossé dans Télérama un portrait sévère (mais juste) d’un méprisant de la République « qui a inauguré le pont entre le gouvernement de Vichy et ses fiers descendants ».

Il a multiplié les épithètes et les qualificatifs ; Emmanuel Macron ne serait qu’un marquis de la mondialisation, un moderniste exalté, un irrésistible énarque, un homme obtus isolé dans ses choix. Et pour finir, un personnage cynique.

Marc Dugain a raison, cent fois, mille fois et davantage encore. Le fier-à-bras a semé le chaos après les élections européennes. Seul, entouré seulement de quelques prétendus conseillers qui, de toute façon, n’ont jamais osé le contredire.

Car l’homme de l’Elysée ne doute de rien ; il l’a encore prouvé au cours de sa conférence de presse du jour. Il n’a commis aucune erreur et n’en commettra jamais, tellement il est supérieurement intelligent.

Le méprisant de la République a une haute idée de lui-même. Son égocentrisme est sans limite. Mais ne nous trompons pas, comme tous les fiers-à-bras, il est pleutre et son autoritarisme lui sert à cacher ses faiblesses et ses peurs. Du peuple, de la foule (quand elle n’est pas gardée à distance par les forces de l’ordre) et même des humoristes.

Sa copine de l’ENA, Sybil Veil, qui connaît bien son Macron, a osé licencier Guillaume Meurice pour faute grave et déloyauté répétée.

Voilà un nouvel acte qui fait la démonstration que, chez ces gens-là, on ne rit pas. Le police des mœurs ne sévit pas qu’à Téhéran.

Le peuple de gauche, lui, a envie de retrouver le goût du rire, des moments de convivialité joyeuse et de tourner la page des leçons des ratiocineurs du genre Macron, Le Maire, Darmanin, Bolloré et consorts. Et de laisser une place dans l’espace médiatique aux humoristes comme ceux de la bande à Charline Vanhoenacker et Guillaume Meurice. Et de faire revivre le Front populaire et le programme des Jours heureux du CNR.

Front populaire

Emmanuel Macron, humilié, déclare vouloir donner la parole au peuple. Lui, le parfait exemple du souverain autoritaire, qui prônait le pouvoir vertical, lui, le président qui n’a pas entendu le peuple quand il se soulevait massivement contre sa loi travail, contre sa réforme de l’assurance-chômage, contre sa loi immigration, ses réformes de l’enseignement, l’agonie de notre système de santé, vient de prendre un pari fou : dissoudre l’Assemblée nationale.

Lui, l’homme politique héritage de François Hollande qui voulait faire barrage à la famille Le Pen, a déroulé le tapis rouge à la fille d’un nauséabond personnage qui n’a pas hésité à pratiquer la torture en Algérie.

Il feint de se sauver lui-même en jouant sa dernière carte du poker menteur. 

Il s’est humilié lui-même en abusant des médias, intervenant lui-même dans la campagne après avoir convoqué des journalistes-potiches, en imposant aux chaînes l’organisation d’un débat entre son premier ministre et la tête de liste des Le Pen. Sans vergogne.

Ce président ose tout, mais il a fini par se perdre, entraînant le peuple de France dans une aventure folle. François Ruffin l’a traité vulgairement de taré, disant tout haut ce que beaucoup de citoyens pensent. Il faut être vraiment taré pour favoriser l’ascension dans la population d’une clique peu ragoutante qui exploite la misère comme l’ont fait avant elle tous les partis fascistes ou fascisants.

On ne peut pas exonérer la gauche, toute la gauche, de ses responsabilités dans la situation de crise que connaît le monde politique.

On peut encore aujourd’hui se poser la question de savoir où est la gauche ; mais il va bien falloir que cette gauche, honnête et solidaire avec les miséreux, se retrouve enfin pour stopper la montée de la bête immonde, expulser l’actuel locataire de l’Elysée, en créant un nouveau Front populaire

Victor Hugo visionnaire

La guerre de Poutine à l’Ukraine continue à faire des ravages ; celle de Netanyahu à la Palestine sème le malheur et la mort.

Que fait Macron pour arrêter les massacres ? Il envoie des Mirage à Kiev et il refuse de reconnaître l’Etat palestinien ; il parade et multiplie les discours en Normandie sur les plages du Dédarquement.

C’est ainsi, dans un présent trouble et douloureux que les Européens votent. Et que je convoque Victor Hugo qui, dans un discours aux proscrits, le 24 février 1848, invoquait la fraternité des peuples et la démocratie vraie :

« Liberté d’aller et venir, liberté de s’associer, liberté de posséder, liberté d’enseigner, liberté de parler, liberté d’écrire, liberté de penser, liberté d’aimer, liberté de croire, toutes les libertés feraient faisceau autour du citoyen gardé par elles et devenu inviolable. Aucune voie de fait, contre qui que ce soit ; même pour amener le bien. Car à quoi bon ? Par la seule force des choses, par la simple augmentation de la lumière, par le seul fait du plein jour succédant à la pénombre monarchique et sacerdotale, l’air serait devenu irrespirable à l’homme de force, à l’homme de fraude, à l’homme de mensonge, à l’homme de proie, à l’exploitant, au parasite, au sabreur, à l’usurier, à l’ignorantin, à tout ce qui vole dans les crépuscules avec l’aile de la chauve-souris. »

Remplaçons la pénombre monarchique par la pénombre ultra-libérale et la pensée de Victor Hugo peut nous éclairer encore !

Le père Hugo dénonçait la guerre des rois ; on dirait aujourd’hui la guerre des milliardaires, qui ont étouffé la liberté et qui exploitent la force de travail des manants ; il dénonce « une guerre qui part du risible pour aboutir à l’horrible ».

Le poète entré au Panthéon a prononcé des paroles qui ont traversé les siècles pour condamner la société des riches et des politiciens à leur service :

« Ô peuples, il y a des hommes de malédiction. Quand ils promettent la paix, ils tiennent la guerre ; quand ils promettent le salut, ils tiennent le désastre ; quand ils promettent la prospérité, ils tiennent la ruine ; quand ils promettent la gloire, ils tiennent la honte ; quand ils prennent la couronne de Charlemagne, ils mettent dessous le crâne d’Ezzelin ; quand ils refont la médaille de César, c’est avec le profil de Mandrin ; quand ils  recommencent l’empire, c’est par 1812 ; quand ils arborent un aigle, c’est une orfraie ; quand ils apportent à un peuple un nom, c’est un faux nom ; quand ils lui font un serment, c’est un faux serment ; quand ils lui annoncent un Austerlitz, c’est un faux Austerlitz ; quand ils lui donnent un baiser, c’est le baiser de Judas ; quand ils lui offrent un pont pour passer d’une rive à l’autre, c’est le pont de la Bérésina. »

Pour lui, « les peuples ne resteront pas indéfiniment dans les ténèbres ». Relisons Victor Hugo.

Sans gêne

Benyamin Netanyahu, radieux et affabulateur, a été « l’invité exceptionnel de Darius Rochebin pour un entretien exclusif » sur LCI. Il fallait oser donner la parole au boucher de Gaza.

Gabriel Attal, tout sourire, a fait irruption en direct sur franceinfo, alors que Valérie Hayer était interrogée dans le cadre des émissions ‘’Demain, l’Europe’’. Quel culot et quel comportement sexiste.

Enfin, Emmanuel Macron, président de la République, interviendra en direct sur TF1 et France2 trois jours avant le scrutin des élections européennes. C’est le fait d’un prince aux abois.

Celles qu’on avait surnommé les ‘’étranges lucarnes’’ et les radios publiques sont aujourd’hui clairement au service de l’exécutif et les dirigeants des chaînes se couchent devant ses injonctions.

Quant aux journalistes, Darius Rochebin, Emily Tran Nguyen et ceux qui seront de service pour l’intervention de Macron, ils sont discrédités en se comportant comme des valets du pouvoir.

Ces trois épisodes en disent long sur la vassalisation des grands médias. On croyait Alain Peyrefitte, Michel Droit et consorts enterré à jamais ; ils sont hélas de retour pour faire entendre la voix (officielle) de la France et de ses alliés.

Faut-il que les régimes autoritaires de Tel-Aviv, de Paris et d’ailleurs soient bien malades pour contrevenir de la sorte à la liberté de l’information. Les grandes déclarations, la main sur le cœur pour vanter la liberté, ne sont que mensonges.

Et c’est au moment où on commémore le 80e anniversaire du Débarquement en Normandie que dirigeants de l’Etat et dirigeants des médias osent attenter à la liberté d’informer. Faut-il leur rappeler que des millions de citoyens sont morts pour échapper au fascisme d’Hitler et aux collabos d’extrême droite de Pétain, propagandistes étouffant l’information. Ils vont mentir sur les sables encore maculés du sang des soldats de la Liberté en enterrant, de fait et de façon honteuse, les ordonnances visant à garantir la liberté d’expression et mettre l’information à l’abri des puissances d’argent. Sans gêne.

Le journalisme est malade du libéralisme et du mensonge d’Etat.

Aux armes, citoyens !

Dans un livre exceptionnel sur lequel je reviendrai, Diables gardiens, écrit en 2017 (donc avant les guerres opposant la Russie à l’Ukraine et le Hamas à Israël), Erri De Luca écrit des lignes d’une grande humanité ; j’ai éprouvé l’envie de les partager pour, peut-être, participer à la nécessaire prise de conscience de ceux qui ont encore les moyens d’arrêter les bombardements si meurtriers :

« Le droit à la violence contre une oppression est un sujet épineux, mais par prudence et pour vivre en paix, je ne me l’interdis pas. Je considère le droit à l’insurrection comme un droit de l’opprimé : ‘’Aux armes, citoyens’’ est pour moi une incitation légitime dans des circonstances spéciales. Où doit-il toujours s’arrêter : devant des corps vulnérables, des citoyens sans défense. Même si ce sont des Etats et des gouvernements qui violent la sécurité des vis civiles qu’ils ont placées dans le viseur de la cible avec la justification de dommages collatéraux. Le premier bombardement aérien sur une ville a frappé Londres pendant la Première Guerre mondiale. Il fut exécuté par les dirigeables allemands Zeppelin. Depuis lors, la population civile est traitée de la même manière que le corps combattant. Depuis lors, faire exploser des maisons avec leurs locataires en les frappant du haut des cieux n’est pas un crime de guerre.

Ceux qui luttent au nom des opprimés doivent exclure le risque de frapper les sans-défense. Leur droit à la violence est la fronde dans les mains de David. Un seul projectile infaillible doit abattre Goliath, en sachant qu’il est tiré dans un magasin de porcelaine à laisser intact. Lancer des bombes sur des trams entre en revanche dans le registre des infamies. »

Que dire de plus ?

Une chose cependant : que font les Etats et les gouvernements dits démocratiques pour condamner les infamies qui sèment la mort en Ukraine et à Gaza, pour protéger les opprimés et arrêter les oppresseurs ? Ils parlent.