La Chouette qui hioque

Mois : septembre 2021

Sarkozy, simple citoyen

La présidente du tribunal correctionnel de Paris, Caroline Viguier, nous a administré une leçon de courage et n’a pas tremblé au moment de prononcer le verdict dans l’affaire Bygmalion. Elle a donné une leçon de droit et a considéré qu’il est des délits qui ne peuvent pas rester impunis.

On a trop souvent critiqué la justice et dénoncé son laxisme. Aujourd’hui Mme Viguier est allée au bout d’une procédure où, comme elle l’avait relevé, personne ne savait rien du dépassement extraordinaire du budget de campagne de Nicolas Sarkozy.

Le verdict est lourd pour l’ex-président, mais juste. Certes, il fait appel mais cette nouvelle condamnation fait tache : c’est la seconde peine qui lui est infligée. Et, pourtant, il continue à fanfaronner et à se considérer comme le deus ex-machina de la droite.

Depuis l’épisode du Karcher le 19 juin 2005 dans la cité des 4000 à La Courneuve, puis celui du « Vous en avez assez de cette bande de racailles ? On va vous en débarrasser », le 25 octobre 2005 encore, à Argenteuil, on savait que Nicolas Sarkozy est irresponsable au point de tenter de tourner une présidente de tribunal en dérision. On savait aussi que l’ex-président, bateleur de foule, n’est ni un orateur de talent, ni un poète qui pratique une belle langue, mais il s’est trouvé face à une juge qui, elle, a du talent et a su lui répondre avec élégance.

Sarkozy est condamné une seconde fois et ce n’est que justice. Il se croyait au-dessus des lois du fait de son statut d’ex-président ; il est redevenu un simple citoyen.

La santé n’a pas de prix

La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère de la santé vient de publier les résultats d’une enquête inquiétante et qui doit interroger les citoyens à quelques mois d’élections décisives.

La désertification des établissements de santé s’accentue : en cinq ans, le nombre d’hôpitaux et cliniques a fortement diminué. De 3036 structures (1356 hôpitaux publics, 681 privés et 999 privés à but non lucratif) en 2018, on est tombé en 2020 à moins de 3000 avec 2983 structures. Ce sont les hôpitaux publics qui enregistrent le plus de fermetures : 4,2% entre 2013 et 2018, contre 1,3% pour les cliniques privées ; les établissements privés à but non lucratif, eux, conservent le même nombre de sites.

A ces fermetures d’hôpitaux et cliniques, il faut ajouter la fermeture de lits : 17 500 depuis 2013, dont 5758 en un an (il en reste 386 835).

La désertification du territoire se poursuit inexorablement, même en pleine pandémie et les zones rurales sont les plus touchées par cette politique qui vise à favoriser ce que le ministère appelle le virage ambulatoire. Néanmoins, la fermeture de lits a une autre cause, qualifiée de ‘’contraintes de personnel’’ par le ministère, c’est-à-dire les contraintes budgétaires imposées aux hôpitaux et la fuite des soignants vers des métiers mieux reconnus et plus rémunérateurs.

S’il ne faut pas rejeter d’emblée les évolutions, comme la chirurgie ambulatoire, résultat des progrès de la médecine chirurgicale, les chiffres de la DREES sont inquiétants. Le système sanitaire français, resté longtemps un modèle dans le monde, s’appauvrit depuis les lois successives (loi Bachelot, notamment) élaborées par des gouvernements entièrement acquis au néo-libéralisme et pour lesquels la santé est un coût. Honteux !

Le néo-libéralisme a rayé le mot progrès de son vocabulaire, préférant le mot-valise d’innovation, qui cache tous les reculs sociaux permettant aux grands groupes de verser des dividendes ronflants à leurs actionnaires, les fonds d’investissement comme BlackRock.

Notre santé n’est pas un coût, c’est un investissement et un service public. Il faudra s’en souvenir au moment de glisser un bulletin de vote au printemps prochain.

Vive la science !

La question de l’origine du virus Sars-CoV-2 n’est toujours pas tranchée, sauf aux Etats-Unis qui, de Trump à Biden, ont en ont fait une question de politique étrangère, en mettant en cause les laboratoires chinois.

Aujourd’hui, le laboratoire de l’Institut Pasteur au Laos vient peut-être d’apporter une réponse. Les chercheurs ont découvert chez des chauves-souris des virus présentant beaucoup de similitudes avec le génome du sale Covid qui a infecté toute la planète. Il apparaîtrait qu’une molécule de protéine dite spike (ou protéine S) permettrait « la liaison du virus aux cellules de l’hôte » et par conséquent sa pénétration dans les cellules humaines.

Les laboratoires du monde entier effectuent des recherches sur cette protéine Spike afin de mieux comprendre comment le Sars-CoV-2 infecte les cellules et comment il se transmet dans la population.

Marc Eloit, responsable du laboratoire Découverte de pathogènes à l’Institut Pasteur et professeur de virologie à l’Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort, peut dès lors avancer :

« L’existence de ces virus, découverts chez le réservoir animal chauve-souris, conforte l’hypothèse selon laquelle le Sars–CoV-2 pourrait être originaire de chauves-souris vivant dans les vastes reliefs karstiques de la péninsule indochinoise partagés par le Laos, le Vietnam et la Chine. »

Il est encore trop tôt pour confirmer ce qui ne reste encore qu’une hypothèse, mais selon Marc Eloit, d’autres virus proches du Covid19 et ses mutants sont présents dans la nature et « pourraient représenter un risque pour la santé humaine ».

Si les études de l’Institut Pasteur du Laos se confirment, les tirades anti-chinoises de Trump seraient sérieusement mises à mal. Et la science aurait fait avancer la connaissance des virus et de leur propagation jusque chez l’homme.

Le journal de Macron

Un nouveau journal écrit va voir le jour en novembre. On pourrait s’en féliciter, mais on n’en fera rien.

Son titre n’a pas été choisi au hasard, Franc-Tireur était le nom d’un réseau de Résistance, devenu un quotidien à la Libération. La présentation de ce qui sera un hebdomadaire ne laisse pas plus de place au hasard.

Le Monde nous apprend que le projet est soutenu par l’oligarque tchèque Daniel Kretinsky (d’où vient l’argent ?) et que la direction sera assurée par l’ineffable Christophe Barbier.

Ce dernier prétend que Franc-Tireur sera « un libelle, un manifeste » proposant « un armement intellectuel, journalistique, pour lutter contre la progression de l’obscurantisme ».

On apprend aussi que Caroline Fourest sera la conseillère éditoriale et que l’ex-secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, l’économiste Philippe Aghion et l’écrivain Abnousse Shalmani signeront des chroniques.

L’éditorialiste a écharpe rouge (été comme hiver) veut faire de Franc-Tireur un journal « anti-Zemmour, anti-extrême droite, anti-extrême gauche, anti-vax, anti-complotistes, anti-cancel culture, … » Autrement un journal de campagne pour Emmanuel Macron. Mais ça, il ne l’avouera pas. En revanche, on a compris et on ne félicite pas les promoteurs du projet de taire leur réelle ambition de sauver le soldat Macron, mal en point.

On ne prédit pas un long avenir à ce titre.

La faute politique

Jean-Luc Mélenchon a accepté d’affronter Eric Zemmour sur BFMTV. Quelle faute politique ! On ne débat avec Zemmour, qui véhicule les thèses racistes et le fantasme du grand remplacement, attise les peurs vis-à-vis des exilés et des jeunes en affichant un mépris sans limite pour les pauvres. On dénonce ses propos et on dénonce les complaisances dont il bénéficie dans les médias.

Zemmour a été condamné pour ses propos à plusieurs reprises ; il est un délinquant dangereux et il n’est qu’une créature dont se délectent les médias accaparés par les milliardaires comme Bolloré pour faire de l’audience et faire prospérer les thèses les plus abjectes. Son exposition est sans limite, toujours bienveillante.

Qu’espère donc Mélenchon ? Mettre Zemmour en difficulté ? Peine perdue d’avance. Bénéficier d’une exposition, lui aussi, et d’une audience qui le referait remonter dans les sondages ? Peine perdue.

Chacun des deux protagonistes a choisi son thème : la moitié du débat sera consacré au fond de commerce de Zemmour, ‘’La France est-elle en danger ?’’ L’autre sera consacrée à la réduction de la fracture sociale. Le piège du trublion raciste s’est refermé sur Mélenchon.

Mélenchon a commis une grave faute politique. Une de plus. Il s’est auto-déclaré candidat à l’élection présidentielle en demandant aux autres formations de se rallier sans discussion. Mais, aujourd’hui, Il ne décolle pas dans les sondages et il enrage. Il est à la recherche d’un coup médiatique pour faire parler de lui. Pour autant, sortira-t-il  grandi de ce débat ?

Ian Brossat, adjoint au maire de Paris estime pour sa part : « On ne fait pas baisser l’extrême droite avec des coups médiatiques, mais par des actions sur le terrain, discrètes et concrètes ». Une élue socialiste, Lamais El Araje regrette, elle « que la tentation médiatique soit plus forte que la digue, le rempart républicain. »

Tout est dit.

Plus mégalomane que Mélenchon …

La bourse flambe

L’institut d’études spécialisé dans l’analyse économique Xerfi constate aujourd’hui que la bourse flambe, notamment aux Etats-Unis où « l’exubérance prend la forme la plus paroxystique ». Le mot est faible puisque « le S&P 500 qui avait déjà plus que doublé depuis ses pics d’avant crise des subprimes les surplombe à la mi-septembre de 186 %, s’approchant du triplement ».

Malgré la crise d’approvisionnement des matières premières, le fameux ‘’marché’’ est très optimiste. Il est porté essentiellement par les technologies de l’information, la santé et les plateformes de commerce numériques comme Amazon.

Xerfi nous apprend que « la crise suscite de nouvelles attentes sanitaires, une formidable diffusion d’innovations médicales, l’ARN messager notamment, dont les applications débordent sur de multiples champs thérapeutiques ». Dit autrement, la pandémie fait le bonheur des laboratoires privés qui ont largement bénéficié de la recherche publique et des aides gouvernementales. Qu’attend-on pour nationaliser les laboratoires ?

Xerfi répond à la question qu’il est désormais primordial de répondre : de quoi la bourse est-elle le nom ? Xerfi approte un éclairage : «  Derrière cet emballement, il y a les maîtres du jeu de la cote, les fonds de gestion d’actifs qui agissent pour le compte des grandes fortunes et des investisseurs institutionnels, sans porter le risque en propre. Ils ne se sont jamais aussi bien portés. Abreuvés de liquidités, leur collecte ne cesse d’augmenter et dans leur sillage leurs actifs sous gestion ont encore bondi à des niveaux toujours plus stratosphériques depuis la crise. De plus de 25% depuis la fin 2019 à la mi-2021 pour les 500 premiers fonds, dépassant la barre des 130 000 milliards de dollars. Les géants affirmant toujours leur ascendant — BlackRock, Vanguard, StateStreet, Fidelity — et dégageant une profitabilité record. Ces fonds, gardiens du temple, ont l’oreille des banquiers centraux. »

C’est bien ce monde des ultra-riches et des chiffres vertigineux qu’il faut briser. Pour que des gouvernements vraiment démocratiques retrouvent tout leur pouvoir de décision au service du peuple.

Ce n’est surtout pas ce que souhaite Macron, entièrement voué à la finance. Raison de plus pour changer de cap en redonnant aux citoyens le goût de la politique.

L’AFP se perd dans l’espace

L’AFP perd, elle aussi, ses repères et son éthique. Une de ses (longues) dépêches de la nuit nous apprend que « Les quatre premiers touristes spatiaux de SpaceX ont regagné la Terre samedi soir après avoir passé trois jours dans l’espace, couronnant de succès la première mission orbitale de l’Histoire n’ayant comporté aucun astronaute professionnel à bord. »

On est content pour eux.

L’AFP se croit obligée d’ajouter : « Le but affiché de la mission était de marquer un tournant dans la démocratisation de l’espace, en prouvant que le cosmos est aussi accessible à des équipages n’ayant pas été triés sur le volet et formés durant des années, comme le sont les astronautes. »

Démocratisation, c’est vite dit ; le mot, en l’occurrence, est inapproprié. Le vol a coûté, toujours selon l’agence, « des dizaines et des dizaines de millions de dollars à SpaceX (le prix exact n’a pas été révélé). » La somme est vertigineuse et fera rêver plus d’un Smicard qui, lui, ne part pas en vacances et ne rêve même pas de voyage dans l’espace quand il a recours aux associations caritatives pour donner à manger à ses enfants !

L’AFP se croit obligée de reprendre à son compte les termes des communiqués d’Elon Musk, le milliardaire patron de Tesla et SpaceX ; elle prétend que les quatre touristes ont récolté des données (rythme cardiaque, sommeil, saturation en oxygène dans le sang, capacités cognitives, etc.). Autant de justifications ridicules quand les astronautes, les vrais, ont réalisé de telles études depuis le début de l’aventure spatiale. Thomas Pesquet doit en rire quand, avec ceux qui l’accompagnent en ce moment dans la station internationale, il réalise des expériences autrement plus scientifiques aux retombées certaines.

Enfin, il faut noter que l’AFP n’a pas un mot pour dénoncer l’aberration écologique de ce vol, ni pour condamner la privatisation de l’espace par quelques milliardaires véreux.

Information à froid

Le citoyen qui fait encore confiance au service public de France 2 et France 3 pour s’informer ne saura pas que Vincent Bolloré est en train de croquer le groupe Lagardère en rachetant les actions du fonds activiste Amber Capital, puis en lançant une OPA sur la totalité du capital.

Tous les quotidiens ont traité l’information (une double page dans le Monde !), toutes les radios et même toutes les chaînes de télévision. Sauf France 2 et France 3.

Je m’en suis étonné et j’ai pris la peine d’écrire au médiateur de France TV pour lui faire part de ma surprise, de mon irritation, mais surtout pour avoir des explications.

Celui-ci, Jérôme Cathala, est un journaliste chevronné (il a débuté sa carrière en 1986 à France 3 Ile-de-France), bardé de diplôme (licencié en droit et auditeur à l’Institut des hautes études de défense nationale, il a été étudiant au Centre de formation des journalistes, le CFJ). Bref, un journaliste de métier qui est resté fidèle au service public.

Pourtant sa réponse m’a sidéré ; après m’avoir remercié de ma vigilance, il m’a donc écrit (faute d’orthographe comprise) :

« Il se trouve que cette information n’a pas trouvée sa place hier dans le 20h de France 2 et le 19/20 de France 3 étant donné :

1/ l’intensité de l’actualité

2/ le fait qu’il s’agit pour l’instant d’une annonce, et non d’une OPA réalisée

3/ Enfin : franceinfo canal 27 a traité cette information

Je conclus en rappelant que les « appétits » de monsieur Bolloré pour différents médias ou entreprises sont régulièrement traités sur France Télévisions. A tel point qu’il lui est arrivé de traîner France Télévisions et des journalistes en justice…et à perdre d’ailleurs.

Nul doute que cette question, si elle devient réalité, sera traitée dans nos journaux et dans nos magazines. »

Il est surprenant que l’annonce de la prise de contrôle de Lagardère par Bolloré ne soit pas considérée comme une information importante et ne mérite même pas une simple annonce. Le médiateur renvoie à la réalisation effective de l’OPA, c’est-à-dire dans plusieurs mois, alors que Bolloré a déjà fait d’Europe1 une radio de la droite extrême, simple appendice de la scandaleuse CNews, en attendant de faire de même à Paris Match, Le Journal du Dimanche (JDD) et, sans doute, dans la quarantaine de maisons d’éditions d’Hachette.

France TV ignore peut-être que le troisième éditeur mondial de livres et le principal éditeur de livres scolaires en France vont être dirigés par un homme qui se réclame du catholicisme traditionnaliste et impose une ligne éditoriale anti-progressiste aux contenus de ses médias.

L’information chaude intéresse peu France TV, sauf celle de Stéphane Bern qui décline tous les villages, monuments, maisons, fermes préférés des Français dans des émissions larmoyantes et insipides, mais qui ont droit à un traitement dans les journaux télévisés. L’information sur l’OPA de Bolloré sera, peut-être, traitée à froid. Si l’actualité n’est pas trop intense.

Bref, la réponse de Jérôme Cathala est injurieuse. Pauvre service public.

Sur trois actualités

La gifle de l’Australie– Le procédé est certes cavalier ; le gouvernement australien dénonce un contrat pour la fourniture de sous-marins par la France six ans après sa signature. La réflexion a été lente. La gifle est retentissante car la situation est rare.

Macron et son gouvernement, au bord de la crise de nerfs, éructent. Ils le font savoir haut et fort.

Macron rêvait de grandeur, à hauteur de sa personnalité ; le réveil est douloureux. Il a enfin mesuré la place de sa petite personne et du mépris affiché par les trois protagonistes, Australie, Etats-Unis et Grande-Bretagne (on peut supposer que Boris Johnson rit sous cape du bon tour joué au président français).

Hélas, les seuls qui auront les joues rouges après la gifle seront les salariés des chantiers de Naval Group à Cherbourg, et leurs familles. Leurs rêves de vie tranquille vont laisser place aux cauchemars quand ils devront se rendre à Pôle Emploi !

Le scandale– La privatisation du secteur de l’énergie (EDF et GDF) devait bénéficier aux Français ; la concurrence devait faire baisser les prix de l’électricité et du gaz. Là aussi le pirage s’est vite dissipé, l’électricité a augmenté de 50 % et le gaz de 60 % en 10 ans, provoquant une précarité énergétique sans précédent.

Le gouvernement en période électorale a cru utile d’annoncer un chèque de 100 euros aux 6 millions de familles les plus nécessiteuses. Et après ? Diminuer les taxes (de plus en plus fortes) et de taxer les bénéfices colossaux des fournisseurs d’énergie ? Comment oser imaginer une telle perspective qui briserait les codes enseignés à l’ENA et dans les écoles de commerce ?

Plus prosaïquement, Macron va puiser 600 millions dans la caisse de nos impôts pour faire croire qu’il est sensible à la situation des pauvres et qu’il va soulager leurs charges. Les riches actionnaires ont eu des sueurs froides ; ils sont rassurés : les dividendes des entreprises d’énergie seront saufs. Brillante illustration du trop célèbre : ‘’profits privés, déficit public’’.

Le piège– Usines automobiles à l’arrêt, chantiers du bâtiment à l’arrêt ; d’autres secteurs connaissent le même régime en raison de la pénurie de matières premières. Comme pour la pandémie, Emmanuel Macron et son gouvernement ont été incapables d’anticiper la crise. Les relocalisations, elles, se font attendre. Le brillant économiste et locataire de l’Elysée est pris au piège de sa politique du marché qui régule tout.

Quant à François Bayrou, haut-commissaire au plan, il ne se hâte pas pour produire un schéma permettant à la France de recouvrer la maîtrise des productions les plus stratégiques.

Conclusions de ces trois actualités : rien ne va plus dans le royaume de Macronie.

Bollorisation de la France ?

C’est tout sauf une surprise, Vincent Bolloré va avaler Lagardère et il faut toute la fausse naïveté d’Arnaud Lagardère qui, dans un communiqué « se réjouit du projet d’investissement que souhaite réaliser Vivendi en acquérant la participation d’Amber Capital », pour se féliciter d’une opération financière typique du monde capitaliste d’aujourd’hui.

Vincent Bolloré sera bien le seul à pouvoir se réjouir. Avec cette OPA à vil prix, il réalise son ambition de prendre le contrôle du troisième éditeur mondial de livres, d’un des leaders des boutiques d’aéroport et de quelques médias pour environ 600 millions d’euros, alors qu’il va récupérer près de 6 milliards en introduisant en bourse le pôle musical de Vivendi, Universal Music Group.

La disparition du groupe Lagardère au profit du groupe Bolloré répond aux vœux des néolibéraux de constituer des géants pour s’opposer aux groupes américains. Jean-Luc Lagardère en rêvait, Bolloré l’a fait, avec les bénédictions de Nicolas Sarkozy, ami de Bolloré et administrateur du groupe Lagardère, de Bernard Arnault qui va réaliser une belle opération financière en monnayant les 10 % du capital du groupe et avec le soutien d’un fonds activiste Amber Capital qui a aidé les précédents à déstabiliser Arnaud Lagardère.

Le monde de la finance n’a aucun état d’âme et les coups bas entre ‘’amis’’ font partie d’un jeu de Monopoly répugnant à coups de milliards.

Si Arnaud Lagardère se réjouit et si Vincent Bolloré triomphe, les auteurs de livres font grise mine. La ‘’bollorisation’’ du monde de l’édition, sur le modèle de Cnews et d’Europe1, risque d’être fatale à la liberté de création et au pluralisme.

Le très réactionnaire Vincent Bolloré et son confesseur, l’abbé traditionnaliste Gabriel Grimaud, vont-ils faire peser sur la France un climat réactionnaire digne de la Pologne et de la Hongrie ?

Le monde de la finance étend chaque jour ses pouvoirs et Emmanuel Macron assiste, ébloui, aux manœuvres des ‘’grands entrepreneurs’’, ceux qu’il reçoit à Versailles chaque année ; il fait preuve de plus de célérité pour dégainer des lois dirigées contre le monde du travail et contre les libertés que pour faire adopter des textes contre les concentrations.

La ‘’bollorisation’’ des esprits n’est pas une fatalité ; les citoyens doivent reprendre l’initiative pour imposer un authentique régime démocratique au service de l’humain.

La ministre et les artistes

On avait perdu Roselyne Bachelot ; depuis plusieurs mois elle restait muette, alors que les salles de spectacle rouvrent, que les cinémas se remplissent à nouveau et que les artistes retrouvent le public. Mais, chut ! Roselyne dont on dit qu’elle est ministre de la culture, ne se manifestait pas.

Et, patatras, voilà qu’elle vient de recouvrer la parole et de dévoiler sa vraie nature. Invitée à s’exprimer longuement (plus d’une heure et demie d’entretien) sur France Culture à propos de la reprise de la vie culturelle, elle affirme :

« Mais ça ne compte pas pour les artistes, les syndicats. »

Elle n’en est pas à sa première insulte en direction des artistes ; elle avait déjà osé déclarer en mai dernier :

« Quant au reste, régler les conflits qu’il y a entre les artistes-auteurs, je préférerais régler les conflits territoriaux en mer de Chine, ce serait plus simple pour moi. »

Certes, les milieux culturels n’avaient plus d’illusion et se savaient abandonnés par la prétendue ministre de la culture d’un gouvernement sans politique culturelle, mais ils n’avaient jamais été insultés de la sorte.

Peut-on conseiller à Mme Bachelot de relire les paroles de Jean-Paul Belmondo, qui, comme président du SFA-CGT, affirmait que les artistes « ont besoin d’être syndiqués et de se battre pour la vie ».

La ministre s’est rangée sans réticence derrière un président de la République qui considère que la culture n’est pas essentielle. Honte à elle !

Les journalistes et la bataille du rail

Les médias de l’Hexagone, y compris ceux du service public, en adoration devant les bienfaits du libéralisme ? C’est un truisme. Il n’y a pas que France Inter et son ‘’éditorialiste économique’’ Dominique Seux (que l’on voit et entend sur des nombreuses chaînes et même chez son employeur, Les Echos de Bernard Arnault, grâce à une extraordinaire don d’ubiquité) à vanter la doctrine de la libre concurrence et de la libre entreprise sans entrave, semant et creusant les inégalités pour le bonheur d’un petit nombre de milliardaires.

Après l’attribution de la desserte ferroviaire entre Marseille et Nice à Transdev, les chantres médiatiques du libéralisme ont donc entonné le même refrain à la gloire du privé contre cet archaïsme que serait la SNCF.

Samuel Gontier de Télérama, qui décrypte les informations sur toutes les chaînes, est en quelque sorte l’antidote à la potion de Dominique Seux. Sa dernière chronique est un modèle qui devrait être étudié dans toutes les écoles de journalisme (on peut encore rêver) :

« Grande première sur les rails », trompette Gilles Bouleau sur TF1. « C’est une petite révolution dans le monde ferroviaire », avertit Carole Gaessler sur France 3. « Il vient de se passer quelque chose d’inédit sur les rails de France », prévient Adeline François sur BFMTV. « Pour la première fois depuis plus de quatre-vingts ans, la SNCF va perdre le monopole du transport de voyageurs », détaille Gilles Bouleau. « En France, pour la première fois, la Région Paca compte confier la liaison Marseille-Nice à Transdev à partir de 2025 », précise Anne-Sophie Lapix sur France 2… Mercredi dernier, « la première Région à ouvrir ses lignes à la concurrence » est au menu des JT, qui privilégient les reportages, et de BFMTV, qui préfère l’analyse de ses experts des chroniques éco. Mais la conclusion est la même : le transfert au privé va améliorer le service. »

On remarque l’unité de ton.

Le décryptage de samuel Gontier est fouillé ; il note l’audace de TF1 pour qui l’obsession des grèves est permanente :

« TF1 ne prend pas même la peine de s’intéresser aux conséquences sociales de cette privatisation, se contentant de solliciter une experte pour vanter qu’« une fois à bord, il y aura selon cette experte d’autres innovations pour les voyageurs ». La rédactrice en chef de La Vie du rail annonce « des automates à bord des trains. Les agents vont devenir multitâches, les contrôleurs pourront vendre des billets ». Et leur formation ? Et leurs conditions de travail ? Et leur salaire ? Mystère. Ce qui préoccupe surtout TF1, c’est : « Y aura-t-il moins de grèves ? C’est en tout cas ce qui a été observé sur la seule ligne privée de France, entre Carhaix et Paimpol. » Vivement que tous les services publics soient privatisés afin que le droit de grève cesse d’être utilisé. »

Les journalistes se réjouissent et les usagers sont également invités à se réjouir du service plus ambitieux de Transdev, avec deux fois plus de train par jour pour le même prix (les dirigeants de la SNCF sont donc soit des profiteurs, soit des incapables).

Samuel Gontier est curieux ; il a cherché et a découvert le subterfuge que les grands journalistes des chaînes privées comme publiques n’ont pas voulu voir :

« En réalité, le doublement du nombre de dessertes ne doit rien aux bonnes grâces de Transdev. Cette condition figurait dans l’appel d’offres soumis par le conseil régional. Tous les candidats à l’exploitation de la ligne ont donc chacun proposé deux fois plus de trains quotidiens… De l’art d’attribuer au privé un mérite qui revient à la collectivité publique – laquelle mobilise une belle hypocrisie pour le cacher. En prenant le train de sa communication, toutes les chaînes ont déraillé. »

Le déraillement n’a pas fait de victimes car, dans les chaînes, le mensonge ou la ‘’fake news’’ n’est plus une faute professionnelle. Tout au contraire, toute désinformation, si elle préserve le libéralisme, est autorisée.

Joueurs en bleu de chauffe

Les Jeux olympiques de Tokyo ont été dominés pour les équipes de France de sport collectif, handball (femmes et hommes), basket-ball (femmes et hommes), volley-ball (hommes), rugby à 7 (femmes). Ces six équipes ont remporté trois médailles d’or, deux médailles d’argent et une de bronze. Le bilan est époustouflant.

Le palmarès est flatteur pour ces sports, pour les entraîneurs et surtout pour les joueuses et les joueurs. A Tokyo, on les a vu joyeux, riant et mis ainsi dans les meilleures conditions pour exprimer leur formidable talent.

Voilà qui contraste avec les équipes de France de football. On voit sur le terrain des joueuses et des joueurs la mine renfrognée, nerveux et tendus ; ils pratiquent leur passion mais les conditions dans lesquelles on les enferme semble leur enlever tout enthousiasme, alors qu’il faut aussi de l’enthousiasme (associé au talent) pour battre l’adversaire. L’équipe de France de Didier Deschamps piétine alors qu’avant le championnat d’Europe disputé cet été, on lui prédisait la victoire finale et on manquait de qualificatifs pour vanter les meilleurs joueurs du monde.

La Suisse a ramené les laudateurs sur terre et a plongé les joueurs en plein désarroi. Didier Deschamps est mis en accusation ; il le mérite, mais est-il le seul responsable du fiasco d’une équipe, vitrine d’un sport où le fric a tout changé, y compris les styles de jeu. Aujourd’hui, toute défaite peut représenter une catastrophe économique pour les instances dirigeantes.

Didier Deschamps a emmené l’équipe de France à la victoire en Coupe du monde en 2018, mais les lendemains ne chantent plus. Une nouvelle génération de joueurs surdoués semble sacrifiée, comme d’autres avant elle.

Les sélectionneurs successifs de l’équipe de France, tous choisis sous l’impulsion d’une Direction technique nationale (DTN) qui privilégie un football défensif, ont étouffés le potentiel créatif des footballeurs de l’élite : d’Henri Guérin à Didier Deschamps, en passant par Georges Boulogne (le pire), Stefan Kovacs, Gérard Houllier, Aimé Jacquet, Roger Lemerre, et Raymond Domonech.

Un seul avait compris le football et redonné à l’équipe de France la joie de jouer, Michel Hidalgo, qui se situait dans la lignée d’Albert Batteux, Jean Snella ou José Arribas. Le football pratiqué par l’équipe de Michel Platini était joyeux, créatif et beau à regarder.

On se prend à rêver de voir Kylian Mbappé, Paul Pogba, Karim Benzema, Ngolo Kanté, Kingsley Coman, etc. enfin libérés de leur bleu de chauffe imposé par un sélectionneur rigide.

France 2 et Israël

L’évasion de six Palestiniens de la prison de haute sécurité de Gilboa est un sérieux camouflet pour Israël et un beau pied de nez adressé par un peuple vit un véritable calvaire depuis trop longtemps.

L’évasion par un tunnel creusé en plusieurs années est digne des meilleurs scénarios de cinéma. Il est vécu comme une humiliation par le gouvernement hébreu, qui en matière d’humiliation des Palestiniens a administré la preuve de tout son savoir-faire depuis le début de son occupation scandaleuse des territoires palestiniens. Ulcéré, le pouvoir israélien accuse les six évadés de crimes liés à la sécurité, qualificatif suffisamment vague pour permettre d’incarcérer tous les opposants à la colonisation. Le premier ministre Naftali Bennett est atterré et évite de dévoiler l’identité des ex-prisonniers des geôles dégradantes de Gilboa.

On connaît seulement les noms de deux d’entre eux, Zakaria al-Zoubeidi, membre de la branche armée du Fatah du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, et Mahmoud Abdullah Ardah.

En France, les médias, y compris ceux du service public ont présenté al-Zoubeidi comme l’ennemi public n°1, relayant la propagande sioniste. La présentation a fait réagir Charles Enderlin qui a fait remarquer à juste titre : « France 2 qui n’a plus de correspondant à Jérusalem a diffusé un sujet sur l‘évasion des 6 palestiniens, bourré d’inexactitudes. Dommage pour le service public. »

Dommage surtout pour les citoyens désinformés !

Après le départ à la retraite de celui qui a été correspondant permanent de France 2 à Jérusalem pendant plus de 30 ans, France 2 a-t-elle décidé de relayer les services de propagande israéliens ?

Sur ordre de qui et pourquoi ? Les missions du service public continueront-elles encore longtemps d’être bafouées ?

Le solidaire

Jean-Paul Belmondo aurait-il apprécié tous les hommages qui lui sont rendus aujourd’hui, notamment sur toutes les chaînes de télévision ? Je ne répondrai pas à sa place. En revanche, je trouve que le flot de reportages qui lui ont été consacrés est symptomatique de la place donnée à la ‘’peopolisation’ de l’information et à la désinformation.

On a vanté à juste titre sa cordialité, sa simplicité et sa popularité. Mais on a oublié de dire que si Bébel a fait des films populaires (et jamais vulgaires), il a également tourné de très grands films avec de grands réalisateurs, Carné, Allégret, Peter Brook, Vittorio de Sica, Lattuada, Bolognini, Melville, Godard, Lubitsch, etc.

Bebel n’était pas que l’acrobate et le cascadeur des films d’action comme L’homme de Rio. Il a également exprimé tout son talent au théâtre, notamment dans les classiques.

Surtout, on a complètement occulté ses engagements fidèles, et notamment qu’il fut le président du Syndicat français des acteurs (SFA) affilié à la CGT de 1963 à 1966, comme si, aujourd’hui, cette appartenance était honteuse.

Bébel n’avait pas honte ; il osait même déclarer en septembre 1965 pour sa réélection à la tête du syndicat :

« Si nous faisons tous partie de la CGT, c’est parce que c’est le seul syndicat qui nous soutienne. »

Il n’avait pas oublié que le film Les copains du dimanche, œuvre de commande de la CGT, réalisé par Henri Aisner, lui avait servi de rampe de lancement. En 1964, dans la Vie ouvrière, Jean-Paul Belmondo avait expliqué les raisons de son engagement au SFA-CGT :

« C’est un syndicat comme les autres. Je sais que vous allez penser aux vedettes, aux gros cachets… Nous sommes quoi, une dizaine peut-être ? N’en parlons pas, car là il ne s’agit plus à proprement parler de notre métier d’acteur. Nous sommes traités à ce niveau non pas comme des comédiens, mais comme des marques de pâte dentifrice. Ce n’est pas ça le spectacle. Le spectacle, ce sont les quelque vingt mille comédiens, acteurs de cinéma, de théâtre, de télé, qui travaillent quand on veut bien leur en donner l’occasion et dont beaucoup ont bien du mal à vivre de leur métier, ce métier qu’ils ont choisi et qu’ils aiment. Et ceux-là, je vous assure, ils ont besoin d’être syndiqués et de se battre pour la vie. J’ai des tas d’amis qui travaillent trois mois par an et moins parfois. Mais il faut manger pendant douze mois. Les sources d’emploi, voilà le problème. »

Ces quelques lignes sont toujours, hélas, d’une brûlante actualité, surtout quand le gouvernement veut revenir sur le régime des intermittents.

Devenu une star adulée, Jean-Paul Belmondo n’avait renié ni ses engagements, ni sa solidarité envers sa profession. Chapeau !

Silence ! On ferme

Sans bruit, dans l’indifférence des médias, malgré les dépêches de l’AFP, les magasins du Printemps de Strasbourg, Metz, Le Havre et Paris-Place d’Italie baisseront le rideau le 30 octobre prochain.

Des affiches ornent les vitrines : ‘’- 70 %’’, ‘’Articles ni repris, ni échangés’’. Certaines marques ont déjà enlevé leur stand. Le personnel est suffoqué, abattu et s’apprête à aller pointer à Pôle emploi.

Les syndicats, la CGT majoritaire en premier lieu, ont été moins surpris ; en 2013 quand le fonds du Qatar, Divine Investments SA, avait racheté la chaîne riche de 16 magasins en France, et après que la nouvelle direction eut expliqué que le Printemps se positionnait désormais sur le très haut de gamme et privilégiait les marques rares, les représentants du personnel avaient émis des doutes. Le délégué central avait même ajouté : « Le groupe Printemps n’est pas propriétaire des murs de ses magasins de province et il n’est pas certain que les investisseurs qataris aient le souhait de conserver ce réseau en l’état. »

Ce qui devait arriver arriva, le chiffre d’affaires s’est effondré. Résultat : les qataris ont décidé de fermer 4 des 16 magasins, les moins rentables dans un premier temps. Silence ! On ferme. Les employés à la rue.Au Qatar, on affiche un royal mépris pour les petites gens (on l’a vu sur les chantiers des stades en construction pour la coupe du monde de football de 2022). 

La patronne du fonds Divine Investments SA (ou DISA) est la fille de la seconde épouse du cheikh Hamad ben Khalifa al Thani et la sœur de l’actuel émir, Tamim ben Hamad al Thani. Donc, Hind bint Hamad al Thani, 35 ans, est diplômée de l’université College de Londres et d’HEC à Doha. Durant ses études, elle a appris les bonnes manières du capitalisme et, surtout, comme localiser ses activités dans les paradis fiscaux pour gagner toujours plus d’argent (Le Grand Duché du Luxembourg accorde des avantages fiscaux importants aux sociétés qui y installent leur siège, sous forme de ce qu’on appelle les rescrits fiscaux).

Au Qatar, on se réclame des principes de l’islam et des prescriptions sévères du Coran, mais pour les affaires avec l’Occident, on préfère les règles du capitalisme pur et dur. On reste sourd aux préceptes du Prophète !

Si, on peut !

Vincent Rémy est journaliste à Télérama ; il n’a pu retenir sa colère devant le pitoyable spectacle offert par les politiques venus parader (et chercher quelques voix à l’approche des élections) à la tribune du congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature. Il a qualifié ce spectacle de barnum institutionnel.

Je partage sa colère et, aussitôt, je relaie un extrait de sa chronique :

« Arrêtons-nous un moment devant un de ces gigantesques champs de maïs qui prolifèrent en France, destinés à l’alimentation animale – donc aux steaks qu’on peut acheter en se rendant en voiture dans une zone commerciale, entre deux ronds-points et trois zones logistiques. Écoutons le silence de ce champ. Aucune chance d’y entendre la moindre mésange ni le moindre chardonneret, les insectes ne sont pas là non plus, et n’allons pas inspecter le sous-sol, pas de risque d’y trouver un ver de terre. Le glyphosate fait son boulot. « La vie sauvage » a disparu. On ne peut pas « renverser le modèle du jour au lendemain », n’est-ce pas ? On ne peut pas non plus se passer d’importer du soja d’Amazonie pour nourrir « le minerai animal » des élevages concentrationnaires de Bretagne qui font fleurir les algues vertes ? On ne peut pas limiter notre empreinte carbone ? Si, on peut. En refusant ce que deux chercheurs allemands appellent « le mode de vie impérial ». En réfléchissant à chacun de nos actes de consommation. En s’engageant et en choisissant des représentants politiques qui pensent que, oui, on peut. »

Certes, nous pouvons nous engager individuellement, mais nous savons bien que l’enjeu dépasse nos petits intérêts égoïstes. Et que nous avons un bulletin de vote pour choisir nos représentants politiques qui vaut bien plus que nos gestes du quotidien. Car tous nos bulletins, ensemble, ont un poids considérable.

L’insulte permanente à l’intelligence

Ceux qu’on appelle la classe politique et sa déclinaison médiatique ont effectué une rentrée très électorale. Le ton a été donné par le président de la République à Marseille.

Emmanuel Macron profite de sa position et des finances de l’Etat pour aller déverser un pognon de dingue à Marseille. Les Marseillais n’ont pas réagi avec enthousiasme ; on leur a déjà tant promis et le généreux donateur est tellement dévalué…

Il ne suffit pas d’avoir de l’argent pour séduire l’électorat des quartiers nord de la cité phocéenne ; dans le même temps, il faut éviter les faux-pas (très calculés pour flatter les sentiments les plus bas). Et Macron est un devenu un spécialiste dans le genre, comme d’embrasser dans une séquence audiovisuelle un clin d’œil à un duo débile, Mcfly et Carlito, et un hommage à Samuel Paty, le professeur assassiné et décapité par un fou de dieu.

Puis, comme si cela ne lui suffisait pas, le président a repris les insultes de son ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, en déclarant : « Nous serions ou aveugles ou naïfs de penser que la totalité des allocations servent à acheter des fournitures scolaires. »

Les pauvres ont apprécié la saillie présidentielle !

Les enseignants ont eu droit eux aussi à l’insulte présidentielle ; Emmanuel Macron a ressorti sa provocation favorite et annoncé vouloir faire de Marseille un laboratoire : dans 50 écoles, les directeurs auront la liberté de choix des enseignants. Il a lourdement insisté en justifiant la mesure « pour être sûr qu’ils sont plinement motivés, qu’ils adhèrent au projet ». Goguenard, il a avoué que son projet est « plein de gros mots pour beaucoup de gens ».

A Marseille, il ne pouvait pas oublier son aversion pour les fonctionnaires et il a fustigé leur trop grand nombre. Un geste normal pour celui qui supprime les emplois par vagues entières dans les hôpitaux, dans l’enseignement, à l’inspection du travail, à la Poste, à la SNCF, etc.

L’insulte est la seconde nature du président.

Auparavant, un ancien premier ministre, qui ne sait plus où il habite aujourd’hui (Paris, Barcelone, Evry ?), a ajouté une pincée d’ignominie aux propos de celui qu’il adule aujourd’hui : « Il y a un échec collectif, et cela veut dire qu’à Marseille, il faut tout reprendre à zéro. Ce qu’on appelle les banlieues, en Ile-de-France, sont au cœur de la ville, marquées par la pauvreté, les inégalités, la violence et l’insécurité. C’est à dire que, là bas, il faut tout raser. »

Manuel Valls inaugurait ainsi sa récente promotion de chroniqueurs sur BFM TV de la plus infâme des façons ; il a été aussitôt dénoncé par des citoyens qui n’ont pas la mémoire courte. L’un a rappelé que, en 1943, après l’odieuse rafle du Vieux Port de Marseille par les nazis et la police française, le quartier avait été rasé. Un autre lui a infligé un énorme en  camouflet en avançant deux hypothèses : « 1. Valls connaissait cet événement, et il a parlé en connaissance de cause. 2. Il ne le connaissait pas. Plus vraisemblable vu son inculture. L’hypothèse 2 en dirait long: une certaine pensée débouche sur certaines solutions. »

Ce ne sont que les premières salves d’arguments ; on attend les prochaines qui risquent de ne pas voler plus haut pour mieux masquer la vacuité des programmes des candidats de la droite la plus bête du monde, mais la plus dangereuse.

La comédie de Marseille

Emmanuel Macron n’est pas parti en villégiature à Marseille, mais en campagne électorale, avec beaucoup d’argent.

Il a semble-t-il oublié qu’on ne rétablit pas une situation aussi dégradée que celle de la cité phocéenne seulement avec de l’argent, quand cette situation est le fruit d’une même politique de l’Etat et du précédent maire, Jean-Claude Gaudin, le néolibéralisme.

La gestion des affaires municipales en matière d’enseignement et de logement par le maire de droite a été catastrophique ; mais la diminution constante des dotations de l’Etat aux communes, les suppressions de postes dans l’enseignement, dans la police, dans les tribunaux, la politique des gouvernements successifs en matière économique ont amplifié la crise. Marseille n’est pas un cas isolé, même s’il est emblématique d’une désatreuse politique de la ville.

Au passage, on remarquera que le président de la République n’a pas ressorti de ses tiroirs le rapport Borloo. Au mieux, il est à Marseille pour poser un cautère sur une jambe de bois.

L’argent que Macron va distribuer à Marseille à grands renforts de discours toujours aussi insupportables de condescendance, ne va même pas compenser ce qu’il avait pris d’une main quand il était ministre de François Hollande et qu’il a continué à conserver pour le redistribuer aux grandes entreprises.

A y regarder de près, cette redistribution de crédits est une insulte aux Français. Macron détourne leur attention en multipliant des actions dignes des bonnes œuvres caritatives et, surtout, en détournant l’argent d’une politique plus globale, celle que préconisait Jean-Louis Borloo. Combien d’autres villes et de banlieues souhaiteraient recevoir non pas l’aumône, mais une juste répartition des crédits d’une vraie politique de la ville, éradiquant les ghettos de pauvres, une juste politique industrielle dans tous les territoires par une relance équilibrée (tournant le dos aux délocalisations), etc.

Mais que fait donc François Bayrou, haut-commissaire au plan ?

Alors, Macron à Marseille, il s’agit d’un pur acte de communication électoraliste et une parodie de comédie politicienne. La visite à Marseille ne relève pas le crédit d’un homme incapable de se départir du libéralisme.