L’histoire est connue : quand les politiciens veulent attenter à la démocratie de façon subreptice, ils créent une commission, nomment un rapporteurs ou créent le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
Celui-ci est une autorité publique, chargée de la régulation de l’audiovisuel. Sur son site, il est précisé qu’elle « a pour mission de veiller au respect, par les radios et les télévisions des dispositions de la loi du 30 septembre 1986, dont, en particulier, celles relatives au pluralisme politique ».
Les citoyens peuvent être rassurés, le CSA veille au pluralisme. D’autant mieux que son, président, nommé par le président de la République, est un haut fonctionnaire, censé être d’une neutralité sans faille.
Hélas, ce ‘’grand serviteur de l’Etat’’, comme on le déclarera devant sa tombe quand il décédera, vient de vendre la mèche.
L’homme est madré et il a une longue carrière derrière lui (surtout au service de la droite avec Léotard, Chirac, Macron). Il a accordé un entretien au Monde dans lequel, sans se faire piéger, il donne une bien curieuse définition du pluralisme.
A la question des journalistes sur les critères d’évaluation des temps de parole des candidats à l’élection présidentielle, il répond sans détour : « Nous prendrons pour critères le poids politique de chacune des personnalités en tenant compte des résultats aux précédents scrutins des familles politiques représentées dans cette élection, mais aussi la dynamique de la campagne, l’évolution des sondages d’opinion, etc. »
Il est absolument incroyable que les sondages soient cités parmi les critères d’évaluation des temps de parole quand on sait qu’ils sont souvent manipulés, très souvent erronés et encore plus souvent commandés par les candidats eux-mêmes à des instituts proches.
Quand on sait comment les médias ont utilisés les sondages pour ‘’fabriquer’’ la candidature d’Eric Zemmour, on reste pantois devant la déclaration de M. Maistre.
La profession de journaliste s’est insurgée de l’utilisation outrancière des sondages par leurs médias, au détriment d’un réel travail d’enquête journalistique. Le président du CSA donne raison aux milliardaires qui ont fait main basse sur les médias.
Mais, M. Maistre est allé encore plus loin dans une réponse à une question concernant la chaîne CNews de Vincent Bolloré devenue une chaîne d’opinion ; il a déclaré : « La loi de 1986 consacre la liberté éditoriale des chaînes. Elles peuvent bâtir les programmes et organiser les plateaux qu’elles souhaitent, à condition qu’elles respectent le pluralisme politique. On le voit actuellement : une personnalité peut faire l’objet d’énormément de commentaires, de la part des éditorialistes et des journalistes, quand bien même elle s’exprime peu. Les chaînes sont libres et responsables de leurs choix. »
Le président du CSA a-t-il fait semblant d’oublier que les chaînes sont tenues de respecter les engagements stipulés dans les conventions signées avec le CSA ? On peut le croire ; la convention signée le 27 novembre 2019 par Roch-Olivier Maistre et Serge Nedjar en dresse la liste dans son chapitre 3 et dit notamment « l’éditeur assure le pluralisme de l’expression des courants de pensée et d’opinion (…) respecte les différentes sensibilités politiques, culturelles et religieuses du public (…) L’exigence d’honnêteté s’applique à l’ensemble des programmes (…) L’éditeur s’engage à préserver son indépendance éditoriale, notamment à l’égard des intérêts économiques de ses actionnaires et de ses annonceurs », etc.
Vincent Bolloré a déchiré rageusement la convention ( à iTélé puis à CNews) et Roch-Olivier Maistre n’en a sans doute pas été averti. Il ne lit sans doute pas la presse, ni n’écoute les syndicats de journalistes…
Le CSA avait déjà perdu tout crédit avant cet entretien accordé au Monde ; Roc-Olivier Maistre vient de lui donner le coup de grâce.
En ne réagissant pas aux déclarations du président du CSA, le président de la République et le gouvernement, eux, sont coupables de crime contre la démocratie.