L’éditorial paru dans l’édition du 23 octobre de Ouest-France m’a vraiment surpris. François-Xavier Lefranc, le rédacteur en chef du premier quotidien de l’Hexagone, y exprime une éthique du journalisme qui le différencie profondément des autres médias, notamment audiovisuels.

En premier lieu, il dresse un constat alarmant :

« On a tout vu ces derniers temps, des sondages mis à toutes les sauces, des personnalités politiques cherchant désespérément une légitimité dans les pourcentages des dernières études d’opinion, des sondages faisant ou défaisant le deuxième tour de l’élection présidentielle, des cadors du petit écran gonflés à l’hélium des mesures d’audiences devenir des stars politiques déjà qualifiées par les sondages avant même d’être candidats. Les sondeurs n’arriveront bientôt plus à mettre du charbon dans la machine tant elle est en surchauffe. »

Au passage on appréciera sa périphrase à propos de Zemmour.

Puis, il dénonce ce qu’il appelle ‘’l’obsession sondagière’’ :

« Le temps passé à commenter les sondages détourne les personnalités politiques et les médias de l’essentiel : la rencontre avec les citoyens, l’échange approfondi, le débat d’idées, l’écoute de ce que vivent les gens au quotidien, de leurs inquiétudes, de leurs espoirs. L’obsession sondagière empêche les uns et les autres d’écouter la diversité du pays, de ses habitants, de ses territoires. Elle nous berce d’illusions et nous aveugle. Elle nous fait prendre des vessies pour des lanternes. »

Il en tire une conclusion que l’on souhaiterait voir partagée par d’autres et, en particulier, par le service public de France Télévisions et de Radio France :

« Ce recours systématique aux sondages pour éviter de se pencher sérieusement sur les programmes des candidats (ou pour pallier l’absence de programme) nous paraissant dangereux pour la démocratie, Ouest-France ne réalisera aucun sondage sur le sujet avant l’élection. »

François-Xavier Lefranc, un rédacteur en chef prenant la défense de ce que devrait être le journalisme, mérite les félicitations. Même si on peut reprocher d’autres défauts au journal qu’il dirige.

Mais qui, parmi ses confrères et consoeurs, aura le courage de rejoindre Ouest-France dans sa condamnation des sondages ? Le Monde, le journal de révérence, qui se pare de toutes les qualités ?