La Chouette qui hioque

Mois : février 2023

Les femmes et les hommes !

Le ballon de football ne tourne plus rond ; il est secoué par de multiples affaires.

Les joueuses de l’équipe de France de football sont plus courageuses que les joueurs. C’est l’événement le plus marquant des dernières semaines.

Au Qatar, les joueurs ont refusé toute expression publique à propos du régime moyenâgeux de l’émirat, de l’exploitation des immigrés sur les chantiers, de la condition de la femme ou des homosexuels, etc. Ils ont obéi aux injonctions du vieillard cacochyme qui dirigeait encore la fédération et qui va, enfin, démissionner.

En revanche, les joueuses, dans le sillage de leur capitaine Wendy Renard (142 sélections quand même) puis Kadidiatou Diani, Marie-Antoinette Katoto et Perle Morroni n’ont pas hésité à dénoncer les agissements et les choix de Corinne Diacre, la sélectionneuse.

Amandine Henry et Eugénie Le Sommer et Sarah Bouhaddi avant elles, avaient déjà dénoncé le climat anxiogène entretenu par Corinne Diacre.

Les femmes-footballeuses font preuve aujourd’hui de plus de caractère que les hommes et c’est une belle revanche dans un milieu très machiste, au milieu duquel il n’est pas très courant de voir des joueurs se rebeller. Jusque-là, les fortes têtes comme Eric Cantona étaient plutôt isolées ; lui avait eu le courage de briser l’omerta mais il l’a payé cher.

La rébellion qui secoue l’équipe de France féminine est salutaire. Au moment où le président Noël Le Graët est mis sur la touche, l’heure est venue de rendre le football aux footballeuses et footballeurs. Pour reconquérir leur dignité dans un monde où le fric a pris une place trop importante, entre les mains de dangereux affairistes.

Ignominie

Jeff Bezos, chevalier de la Légion d’honneur ? On peut être sûr qu’il s’en fout. La breloque va finir dans un tiroir de l’ultra-milliardaire. Alors, pourquoi l’a-t-il acceptée ?

Qu’Emmanuel Macron épingle la médaille au revers de la veste de la troisième fortune mondiale, on ne s’en fout pas !

La légion d’honneur récompense, paraît-il des « mérites éminents dans l’exercice, pendant au moins 20 ans, d’activités au bénéfice de l’intérêt général et de la Nation ».

Quels sont les mérites de Bezos ?

Macron a-t-il oublié les multiples condamnations d’Amazon pour contrefaçon, distorsion de concurrence, clauses abusives, déséquilibrées et non conformes ? Sans omettre de rappeler les conditions de travail inhumaines dans les entrepôts en France et ailleurs.

Le ruban attribué à Bezos est celui de la honte. D’ailleurs il a été remis très discrètement à l’Elysée, sans que l’événement ne soit inscrit à l’agenda officiel du président de la République.

Le ruban attribué à Bezos est celui du mépris. Il a été remis alors que les salariés manifestaient dans toute la France, manifestant leur refus du projet de loi sur les retraites, mais bien plus encore, le refus incessant du droit social. Le geste est plus que symbolique !

La (discrète) cérémonie de l’Elysée a un parfum de scandale et Emmanuel Macron s’est couvert d’ignominie. C’est une habitude tant il est méprisant pour ceux qui n’ont rien.

Les Diafoirus de la télévision

Les téléspectateurs n’avaient même pas retenu leur souffle ; l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a donc pu faire preuve d’audace en renouvelant l’attribution des fréquences hertziennes de TF1 à TF1 et de M6 à M6 ! Ouf !

Le court communiqué publié après des délibérations sans suspens est un modèle du genre. L’ARCOM ose écrire que « cette sélection […] a été opérée en appréciant notamment l’intérêt de chaque projet pour le public au regard de l’impératif prioritaire de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels. »

Comme en 1987, on nous refait le coup du mieux-disant culturel et de l’impératif prioritaire de sauvegarde du pluralisme. 

Comment les membres de l’assemblée plénière de l’ARCOM, qui sont loin d’être des imbéciles, peuvent-ils laisser croire que le souci de Bouygues est le pluralisme ou que le groupe allemand Bertelsmann est un meilleur garant de la liberté d’expression que Xavier Niel (qui lorgnait le canal de M6) ?

Les deux dirigeants des chaînes privées ont pris de nouveaux engagements en matière d’investissements, de créations quand ils diffusent chaque jour un nombre incroyable de séries américaines. Ils n’ont convaincu que ceux qui veulent être convaincus et ils ont donné des arguments à un aréopage à la botte des actionnaires, du pouvoir et de Macron réunis.

Que les ménagères de plus de cinquante ans se rassurent, elles auront toujours leurs rendez-vous habituels avec les images qui abêtissent, et cela durant dix ans de plus.

La télévision française est à l’image du pays, c’est-à-dire bien malade. Le docteur ARCOM ressemble de plus en plus à Monsieur Diafoirus !

Pourquoi sommes-nous ensemble ?

Qu’elle est belle et émouvante cette chanson de Claude Nougaro, qui dénonçait superbement le racisme dans ‘’Bidonville’’ et, dans un même souffle, affirmait sa solidarité avec les immigrés, cantonnés dans des ghettos baptisés bidonvilles :

« Donne-moi ta main, camarade / Toi qui viens d’un pays / Où les hommes sont beaux / Donne-moi ta main, camarade / J’ai cinq doigts, moi aussi / On peut se croire égaux. »

C’était en 1966, mais ses paroles résonnent encore aujourd’hui et peut-être même encore plus fort, quand le rejet de l’Autre est si honteusement présent dans de nombreux discours, y compris officiels.

Claude Nougaro chantait un monde meilleur et terminait ainsi son ode à la fraternité :

« Serre-moi la main, camarade / Je te dis « au revoir » / Je te dis « à bientôt » / Bientôt, bientôt / On pourra se parler, camarade / Bientôt, bientôt / On pourra s’embrasser, camarade / Bientôt, bientôt / Les oiseaux, les jardins, les cascades / Bientôt, bientôt / Le soleil dansera, camarade / Bientôt, bientôt / Je t’attends, je t’attends, camarade ! »

J’ai longuement réécouté Claude Nougaro et, par l’effet d’une association d’idées, j’ai ressorti de ma bibliothèque un superbe livre d’Alberto Manguel (un Argentino-canadien qui a vécu aussi en France), paru chez Actes Sud en 2009, La Cité des Mots.

Il s’agit d’un essai réunissant cinq conférences données au Canada, à Toronto, dans le cadre des Massey Lectures, où la parole est donnée librement à des penseurs contemporains. Manguel avait intitulé ce qu’il a appelé ses causeries ‘’Pourquoi sommes-nous ensemble ?’’

Son livre est lumineux et va puiser dans les littératures, les légendes et l’histoire des arguments pour dénoncer, lui aussi, le rejet de l’Autre.   

Il convoque les tablettes de l’admirable Epopée de Gilgamesh (écrite il y a plus de quatre mille ans et découverte au XIXe siècle) dans lesquelles Enkidu, créé à partir d’argile tendre par la déesse Aruru, ami et frère du roi sumérien Gilgamesh, taillé, lui, dans le granit, personnifie l’archétype du sauvage. Enkidu est « défini par l’exclusion, dépeint à la fois comme étranger et comme image-miroir, accusé à la fois de rester un homme sauvage et de n’avoir jamais réussi à s’assimiler aux membres reconnus de la cité. »

Enkidu, le sauvage, deviendra l’ami fidèle de Gilgamesh et entraînera le roi inconséquent dans une réflexion sur la condition humaine.

La légende sumérienne permet à Alberto Manguel de faire ensuite le procès du gouvernement de Tony Blair qui « décréta que les écoles devaient insister sur la notion de Britishness. C’est-à-dire qu’au lieu de permettre à une perspective islamique de faire partie de la multiplicité des perspectives déjà intrinsèques à ce que pourrait signifier Britishness (la saxonne, la normande, la française, l’écossaise, l’irlandaise, la galloise, la protestante, etc.), le gouvernement décidait de limiter ce concept à celui d’une couleur généralisée, du genre qu’exploite la propagande touristique. Au concept de multiculturalisme, le gouvernement de Blair opposait celui de culture unifiée, dans lequel toutes les cultures sont censées se mêler indistinctement mais où, en pratique, seule la culture dominante possède une voix publique. »

Puis, faisant le constat que le successeur de Blair, Georges Brown, et Nicolas Sarkozy avaient des politiques identiques, il s’émeut que « l’autre doit soit renoncer à son identité propre, soit nous rester à jamais étranger (…) Sarkozy et Brown ont adopté la morale de certaines légendes anciennes selon lesquelles la seule présence du double signifie une mort certaine. » 

Alberto Manguel, on l’a compris, fustige les « sentiments patriotiques vagues et échauffés » et affirme : « Nationalités, ethnies, filiations tribales et religieuses supposent des définitions géographiques et politiques d’une espèce ou d’une autre et pourtant, en partie à cause de notre nature nomade et en partie du fait des fluctuations de l’histoire, le paysage où se fonde notre géographie est moins matériel que fantomatique. ‘’Chez nous’’ est toujours un lieu imaginaire. »

Ces quelques lignes sont admirables d’intelligence et condamnent à jamais l’exclusion de l’Autre. Alberto Manguel feint de ne pas donner de réponse à sa question initiale, ‘’Pourquoi sommes-nous ensemble ?’’ Mais, en réalité, il prononce un vibrant plaidoyer pour le multiculturalisme contre le racisme de bas étage qui a perverti de trop nombreux cerveaux, y compris parmi les dirigeants de nos sociétés. C’est la grande victoire de la famille Le Pen, hélas.

Les mots de Claude Nougaro et ceux d’Alberto Manguel visent à éveiller les consciences et sont parallèles, malgré leurs différences d’expression artistique. Mais on retiendra qu’on peut vanter la grande famille humaine, vivant ensemble, sans exclusion, avec des chansons et des livres.

En définitive, on retrouve là, avec Nougaro et Manguel, ce qui fait culture, éveille l’homme et le rend tolérant.

Aujourd’hui, les temps sont durs pour l’Autre, en France quand on est Arabe ou noir de peau, et partout ailleurs (aux Etats-Unis quand on est noir ou latino, en Pologne et en Hongrie quand on n’est pas d’un blanc pur de peau, etc.). 

Claude Nougaro ouvre la porte en grand et annonce des jours meilleurs, des jours heureux pour tous : bientôt, bientôt, nous t’attendons, camarade !

Bientôt ? Tout dépend de nous.

Revue de presse (édifiante)

De ma revue de presse matutinale, des quotidiens ‘’bourgeois’’ à l’unique quotidien de gauche (L’Humanité), en passant par les fameuses ‘’newsletters’’ (pourquoi ne pas dire lettres d’actualité ?), j’ai donc retenu deux articles.

Ils sont extraits de L’Humanité. Le premier est son éditorial, titré Canard sans tête, et il est écrit par Sébastien Crépel :

« Du jamais-vu dans l’histoire parlementaire de notre pays. Une réforme des retraites présentée comme fondamentale est arrachée des mains des députés sans que la représentation nationale ait pu se prononcer sur celle-ci ni sur ses articles phares. Il n’y a aucun précédent connu. Même le coup de force bien rodé de l’article 49.3 de la Constitution apparaît, au regard de cette pantalonnade, comme moins anti­démocratique. Dans ce cas, à défaut de vote, le texte est « considéré comme adopté » lorsque la première ministre engage la responsabilité de son gouvernement devant les députés, qui peuvent encore, en renversant ce dernier, rejeter le texte. Rien de tel ici. Quant à la pantomime de la motion de censure du RN, elle visait l’Élysée à travers les ministres, non le projet de loi. L’Assemblée nationale n’a pas eu son mot à dire, mais la réforme poursuit quand même sa course folle comme un canard sans tête. Jamais, sans doute, les députés n’ont été pareillement bafoués. Et pourtant, ils en ont vu, en plus de soixante ans de présidentialisme écrasant. »

Le second est le billet quotidien de Maurice Ulrich, toujours aussi percutant ; il est titré Cash :

« On connaît l’histoire du boulanger qui vend à perte chaque petit pain mais se rattrape sur la quantité. Absurde, peut-être, mais avec Renault, désormais, c’est le contraire selon son propre PDG, Luca de Meo. « Nous gagnons plus d’argent avec deux millions de voitures aujourd’hui qu’avec trois millions et demi auparavant. » Et voilà la recette, donnée sans réticences dans un entretien publié vendredi dans la presse économique : « Depuis mon arrivée, les coûts fixes ont été réduits de plus de 30 %, la capacité de production de 1,2 million de voitures et nous avons augmenté nos prix de 25 % en deux ans et demi. » Belle performance, mais pour faire quoi ? « Renault est devenu une machine à faire du cash. On en a plus généré en deux ans que sur la dernière décennie. Et nous reprenons le versement du dividende après quatre ans d’arrêt. » Il fallait être bien naïf pour penser que l’ambition d’un groupe automobile était de fabriquer des voitures. Merci en tout cas à Luca de Meo. C’est cash, en effet. »

Ainsi va la France d’Emmanuel Macron. Méprisante pour les élus du peuple et bienveillant avec les riches et leurs dividendes.

Quand en sortirons-nous ?

Palmade, Darmanin et la cocaïne

Gérald Darmanin est un excellent ministre de l’intérieur pour gérer un capitalisme en crise.  Il est le digne successeur de Roger Frey, Christian Fouchet, Raymond Marcellin, Michel Poniatowski, Christian Bonnet, Charles Pasqua, Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux, Claude Guéant, Manuel Valls, etc. Tous de droite et tous réactionnaires.

Les ministres de l’intérieur ont toujours été des hommes, à une exception près, celle de Michèle Alliot-Marie. A droite (mais aussi parmi les socialistes), on considère que seul un homme à poigne peut occuper ce poste régalien et stratégique !

Gérald Darmanin est donc de cette lignée des voyous de la République, ardents défenseurs de la répression à propos de tout et de n’importe quoi. Toujours prêts à utiliser un fait divers pour sortir un nouveau projet de loi liberticide.

La scabreuse (et scandaleuse) affaire Pierre Palmade (un prétendu humoriste qui ne fait plus rire) a déclenché un réflexe pavlovien chez le locataire de la place Beauvau ; il veut retirer leur permis à tous les conducteurs de véhicules contrôlés positifs à un stupéfiant. Sans s’attaquer au problème du marché souterrain de la drogue.

Gérald Darmanin profite de l’émotion suscitée par l’affaire ; peu importe si la mesure sera suivie d’effet (et même si son projet a une chance d’être adopté) ; il lui faut montrer ses petits biceps et s’affirmer comme le premier flic de France.

S’il est vraiment le premier flic de France, pourquoi ne s’attaque-t-il pas aux gros bonnets de la drogue et à leur trafic assassin, mais à la rentabilité assurée ? Qui a fourni de la cocaïne à Palmade depuis de (trop) longues années ? Qui approvisionne les chics ‘’soirées en ville’’ des ultra-riches (et moins riches) ? Qui transforme les banlieues en second marché de la défonce, gangrénant de plus en plus de jeunes abandonnés par la République ?

Si Gérald Darmanin n’a pas de réponse à toutes les questions, ses services de renseignement, eux, savent beaucoup de choses !

Arrêtons de réprimer à tour de bras et attaquons-nous enfin aux vrais problèmes et en visant les principaux antagonistes ! Et faisons l’économie d’une nouvelle loi. L’arsenal est déjà plein.

Sauver la culture

Emmanuel Macron s’attaque à tout, y compris à la culture. Sa ministre, Rimat Abdul-Malak, est insignifiante et se contente de discours dont le contenu, stéréotypé, est pitoyable. Elle n’a pas une seule phrase pour s’émouvoir de la multiplication des baisses de subventions entraînant la suppression de spectacles, voire la fermeture de salles de spectacles, notamment dans les régions gérées par les Républicains.

La droite la plus bête du monde relaie la politique présidentielle partout où c’est possible et justifie l’émergence d’une culture autour du patrimoine et de grands événements, qui se veulent ‘’fédérateurs, populaires et festifs’’ (sic).

Il est dramatiquement triste de voir l’Opéra se Paris s’acoquiner avec Airbnb pour organiser un concours dont le premier prix est ‘’une nuit dans la loge d’honneur du palais Garnier pour un couple’’ (re-sic) !

Les femmes et les hommes de culture posent clairement la question de la diversité culturelle et des choix idéologiques des dirigeants des régions et de l’Etat.

Un directeur de compagnie a pu s’alarmer en lâchant : « Laurent Wauquiez a décomplexé tout le monde. » Macron aussi ! La culture est en crise et en grand danger. La mise au pas idéologique se poursuit ; le libéralisme détruit tout ce qui peut émanciper l’homme. Nous sommes entrés dans un moment d’acquiescement.

Dans une lettre adressée à Hollande en mars 2014, Jack Ralite avait écrit :

« La culture n’est pas un luxe, dont en période de disette il faudrait se débarrasser, la culture c’est l’avenir, le redressement, l’instrument de l’émancipation. C’est aussi le meilleur antidote à tous les racismes, antisémitismes, communautarismes et autres pensées régressives sur l’homme. Mais la politique actuelle est marquée par l’idée de donner au capital humain un traitement économique. Il y a une exacerbation d’une allégeance dévorante à l’argent. Elle chiffre obsessionnellement, compte autoritairement, alors que les artistes et écrivains déchiffrent et content. Ne tolérons plus que l’esprit des affaires l’emporte sur les affaires de l’esprit. »

Il n’y a rien à ajouter.

Mais un combat à reprendre !

Le grand mensonge (suite)

En 2022, TotalEnergies a distribué 13,3 milliards d’euros de dividendes. Contre 7,1 milliards en 2021. Joli cadeau pour ceux qui ont les moyens de boursicoter.

Le salaire de son patron, Patrick Pouyanné, lui, a augmenté de 52 % en 2021, soit près de 6 millions par an, contre près de 4 millions en 2020.

Quand les critiques pleuvent, le PDG du pollueur réplique qu’il est « fatigué de cette accusation de m’être augmenté de 52% – voici la vraie évolution de ma rémunération depuis 2017 – elle est constante sauf 2020 car j’ai volontairement amputé mon salaire et ma part variable a normalement baissé avec les résultats de TotalEnergies. » L’argument ne convainc que ceux qui croient encore au Père Noël.

TotaEnergies est vilipendé par ceux qui n’ont rien, les retraités qui ont moins de 1000 euros par mois pour survivre et ne pas manger à leur faim chaque jour qui passe, ceux qui ne peuvent même pas survivre avec le RSA et les étudiants à qui les députés ont refusé un repas à 1 euro dans les ‘’restos U’’.

Les actionnaires et les administrateurs de la firme sont tellement gourmands qu’ils votent chaque année un programme de rachat d’actions, « compte tenu de la forte génération de cash-flow et du bilan solide de TotalEnergies », disent-ils. En 2022, le groupe de M. Pouyanné a dépensé 3 milliards dans ces opérations. Elle se traduisent par un plus petit nombre d’actions, donc d’une augmentation du montant du dividende. Et c’est légal.

Les rachats d’actions continuent en 2023 ; selon l’agence économique AGEFI, « Le producteur d’énergie TotalEnergies a annoncé mercredi une hausse de ses acomptes sur dividende au titre de l’exercice 2023 et son intention de racheter pour 2 milliards de dollars d’actions au premier trimestre, après avoir vu ses résultats profiter fin 2022 de prix des hydrocarbures toujours élevés, en dépit des dépréciations liées à ses intérêts en Russie. Le conseil d’administration a confirmé une politique de retour à l’actionnaire pour 2023 visant un ‘pay-out’ [taux de distribution, ndlr] entre 35% et 40%, qui combinera une augmentation des acomptes sur dividende de plus de 7% à 0,74 euro par action, et des rachats d’actions pour 2 milliards de dollars au premier trimestre », a indiqué le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, cité dans un communiqué. TotalEnergies a en outre annoncé la distribution d’un solde de dividende au titre de 2022 de 0,74 euro par action, portant le dividende ordinaire total à 2,81 euros par action, soit une hausse de 6,5% par rapport à celui versé au titre de 2021. Le groupe a par ailleurs confirmé le versement d’un dividende exceptionnel de 1 euro par action. »

Bref, tout va très bien (trop bien) chez TotalEnergies.

Les citoyens prennent de plus en plus conscience des inégalités et dénoncent les superprofits quand les prix à la pompe continuent de monter.

Alors, ce bon M. Pouyanné a décidé de faire un geste et envisage « « de nouvelles actions ciblées de rabais à la pompe ». Mais à la condition que le litre de gazole repasse au-dessus de 2 euros.

L’opération de marketing ne trompe personne, mais satisfait le gouvernement qui a déclaré l’accueillir favorablement. Cela lui évite d’avoir à affronter le débat sur l’imposition des superprofits et des grandes fortunes. Mais, surtout, cela satisfait Emmanuel Macron qui a promis à Bruxelles de faire 80 milliards d’économies sans toucher aux privilèges des riches et des entreprises, mais en rabotant à nouveau les droits sociaux et en repoussant l’âge de départ à la retraite.

Les nantis et leurs obligés à l’Elysée et au gouvernement espèrent ainsi détourner la colère des citoyens ; le grand mensonge ne trompe plus personne comme en témoignent les manifestations de plus en plus nombreuses pour le dénoncer.

Echec cinglant pour Macron

La bataille de l’énergie vient de connaître un épisode étonnant. L’Assemblée nationale a adopté un projet de loi déposé par le Parti socialiste et soutenu par toute la gauche s’opposant aux risques du démantèlement d’EDF préparé par le gouvernement.

La proposition de loi prévoyait également un bouclier tarifaire étendu aux artisans et aux PME (notamment aux boulangers).

Le projet a recueilli 205 voix (1 contre), le parti d’Emmanuel Macron, Renaissance, ayant quitté l’hémicycle en dénonçant, sans rire, une mascarade.

Il y avait là de quoi rendre fous de rage les députés de la majorité (relative) qui, par leur attitude, viennent de dévoiler leur propre projet de privatisation totale du secteur de l’énergie. Il n’est pas facile d’admettre que ses coups bas contre le service public sont mis au jour.

Mauvais perdants, les députés macroniens sont en effet favorables à une prétendue renationalisation, préparant la filialisation des diverses activités d’EDF pour les céder ensuite au privé après restructuration des filières nucléaires, hydroélectriques et énergies renouvelables.

La proposition de loi doit être désormais examinée par le Sénat et on se doute que le groupe de la droite la plus bête du monde, celui des Républicains, ne sera guère enclin à adopter un texte heurtant sa politique de privatisation de toute activité rentable.

Tout n’est pas encore gagné, mais, à la veille d’une journée de manifestation contre la réforme des retraites, le vote de l’Assemblée nationale doit donner de l’énergie aux opposants. La Macronie peut être mise en échec, y compris au Parlement.

Pauvres Ukrainiens

Le peuple ukrainien n’en peut plus de la sale guerre de Poutine ; il n’en peut plus (aussi) de son président, Volodymyr Zelensky, et de son gouvernement.

Le ministre de la défense, Oleksiy Reznikov, est empêtré dans une affaire de corruption de son administration. Des marchés d’approvisionnement en nourriture pour les militaires auraient été passés à des tarifs trois plus élevés que ceux du marché. Il est poussé à démissionner, mais pour se voir confier le portefeuille ultrasensible des industries stratégiques. Peut-on être corrompu et rester ministre ? Sans doute, disent l’Ukraine et Zelensky !

En janvier d’autres scandales de corruption avaient déjà éclaboussé le gouvernement, provoquant la démission d’une dizaine de membres du gouvernement (le ministre adjoint du développement des communautés et des territoires, par exemple) et de hauts fonctionnaires (le procureur général adjoint et cinq gouverneurs de régions).

Volodymyr Zelensky, lui aussi, qui s’était engagé à lutter contre la corruption et à poursuivre les corrompus n’est pas à l’abri de quelques démêlés avec la justice en raison de ses liens financiers avec l’oligarque israélo-chyprio-ukrainien Igor Kholomoïski, accusé, entre autres, de financer des bataillons ukrainiens et d’armer des groupes illégaux. Personnage sulfureux, Kholomoïski est également cité dans une affaire de détournement de fonds impliquant deux compagnies pétrolières dont il est actionnaire.

Zelensky, s’il s’est affranchi de l’oligarque, ne peut pas nier que sa campagne électorale a été en partie financée par des oligarques mafieux. En matière de démocratie, on peut rêver parrains plus fréquentables que ces oligarques, ministres et hauts fonctionnaires sans scrupules.

Le peuple ukrainien doit lutter à la fois contre Poutine les armes à la main et contre le régime corrompu de Zelensky les bulletins de vote dans l’autre.

Tâche immense et exténuante pour les pauvres Ukrainiens qui paient de leur vie une dérive mafieuse de leur patrie !

Le grand mensonge

Il est à croire que le capitalisme ne peut se sauver que par le mensonge. Un énorme mensonge permanent.

Le groupe Amazon, un monstre de multinationale, a réalisé un chiffre d’affaires de 514 milliards de dollars en 2022. Mais ses dirigeants on fait en sorte de dégager un déficit de 2,7 milliards. Le PDG, Andy Jassy, reste cependant confiant et justifie un certain nombre de mesures drastiques comme le licenciement récent de 18 000 salariés ou la fermeture de magasins physiques. Des mesures jugées indispensables pour des jours heureux, demain. Pour les actionnaires !

Les politiques, eux aussi, pratiquent l’art du mensonge.

Dans le dernier numéro de Charlie Hebdo, l’économiste Jacques Littauer, fustige la première ministre Elisabeth Borne, coupable d’avoir prononcé cinq mensonges en cinq minutes en direct sur France 2.

Jacques Littauer a donc relevé cinq mensonges pour, dit-il, « agiter des épouvantails et nourrir des peurs infondées » et, ainsi, justifier la réforme des retraites.

Elisabeth Borne a affirmé que le système de retraites est en déséquilibre ; une affirmation contredite par le président du Conseil d’orientation des retraites (COR)

Puis elle a mis en avant un problème démographique : « Demain on va avoir moins d’actifs pour payer les pensions des retraités ». Le journaliste prouve qu’il n’y a aucun effondrement démographique, contrairement à ce qu’Elisabeth veut nous faire croire.

Il a reçu le renfort argumentaire d’Hervé Le Bras, démographe, émérite à l’Institut national d’études démographiques (INED), et historien à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) qui, dans Le Monde, ajoute : « Dans sa récente intervention, [la première ministre] Elisabeth Borne a insisté à nouveau sur l’urgence de la réforme des retraites en raison d’une grave menace de déficit sur l’équilibre du système. Pour la justifier, le gouvernement s’appuie sur le rapport du COR, rapport administratif, et non pas scientifique. Ce document privilégie des scénarios irréalistes en matière de mortalité. Il reprend les dernières projections de baisse moyenne et forte calculées par l’Insee, sans rien dire de la projection de baisse faible. Or l’évolution récente plaide en faveur d’une faible augmentation de l’espérance de vie. »

Ensuite, elle a prétendu que l’opposition n’a pas de proposition, quand Jacques Littauer relève que « La majorité s’est justement caractérisée par sa fermeture et son refus de toute réelle concertation, jusqu’à s’aliéner la CFDT, ce qui est quand même très fort. »

Pour la première ministre, l’absence de réforme va « casser la dynamique des créations d’emplois dans le pays, donc c’est baisser le pouvoir d’achat et augmenter le chômage ». Jacques Littauer met Elisabeth Borne de créer les centaines de milliers d’emploi dans l’écologie, la santé et l’éducation, plutôt que d’attiser le sentiment anti-impôts.

Enfin, Mme Borne utilise honteusement la crise du Covid, la guerre en Ukraine et la crise climatique. « Autrement dit, le pays va très mal » en conclut Jacques Littauer et la première ministre tente malgré tout d’accréditer l’idée qu’elle mène une réforme inutile, laisse s’effondrer les services publics, tout en faisant s’envoler la dette publique par ses cadeaux aux riches et aux entreprises, pour le bonheur de tous demain.

L’art du grand mensonge n’est pas chose aisée ; Amazon ou Elisabeth Borne ne sont pas les stratèges capables de faire avaler d’aussi grosses couleuvres aux manants, aux gueux et aux analphabètes. Le système est à bout de souffle et les citoyens ne sont plus dupes, ils ont compris qu’ils sont honteusement manipulés comme en témoigne le nombre de manifestants battant le pavé contre la réforme des retraites.

Le grand mensonge, plus personne n’y croit.

Mort d’un voyou

Philippe Tesson, journaliste, patron de presse et passionné de théâtre et de littérature est mort. De lui, le quotidien vespéral retient qu’il était non conformiste, au parcours digne de héros balzacien, qu’il avait les yeux bleus et malicieux et, évidemment, avec ces qualités, il était séducteur et débordant d’énergie.

Alain Beuve-Méry ajoute que, pour lui, l’argent était avant tout un moyen, pas une fin. Sans préciser qu’il était devenu un patron de presse d’une droite de combat grâce à la fortune de son épouse.

Le Monde termine par une formule inquiétante : « Pour lui, le journalisme devait servir avant tout à poser des questions. Et la presse oser, cultiver l’impertinence et déranger. » La haine de celui qui n’est pas français n’est pas de l’impertinence, mais un délit.

Philippe Tesson avait vraiment livré le fonds de sa pensée en janvier 2015 sur Europe 1. Emporté, il avait déclaré : « D’où vient le problème de l’atteinte à la laïcité, sinon des musulmans ? On le dit, ça ? Ben moi je le dis (…) C’est pas les musulmans qui amènent la merde en France aujourd’hui ? Il faut le dire, quoi ! »

Cette infamie lui avait valu d’être invité dans de nombreuses émissions qui lui avaient tendu le micro avec gourmandise. Par exemple, sur France Inter, Léa Salamé s’était particulièrement distinguée en débutant son interview par « Qu’est-ce qui s’est passé ? Que vous est-il arrivé ? » Tesson n’en demandait pas tant : « Je crois que je n’ai pas complètement tort, tout le monde en convient, s’il y a un problème avec la laïcité, ce ne sont pas les chrétiens qui le posent pour l’instant […], ce sont les musulmans (…) Ce qui a créé le problème, ça n’est quand même pas… C’est pas les Français (…) D’où vient le problème ? D’où vient le problème de l’atteinte à la laïcité sinon des musulmans ? ».

Léa Salamé n’avait rien trouvé à redire à ces propos racistes.

Tesson s’est encore longuement exprimé le lendemain sur France 5 dans l’émission C à vous, animée alors par Anne-Sophie Lapix, même s’il y a été plus bousculé.

Quant au Monde, il titrait alors : « Philippe Tesson admet un « dérapage » sur les musulmans, mais se défend « sur le fond » ».

Les propos de Philippe Tesson sont scandaleux, mais la mansuétude des médias à son égard sont insupportables. Il n’est pas étonnant, aujourd’hui, que Le Monde passe sous silence les propos diffamants dans son article nécrologique.

La haine des musulmans était viscérale chez Tesson, un grand bourgeois à l’instinct de classe fortement ancré. Un voyou.