La Chouette qui hioque

Mois : novembre 2018

Secrètes, les affaires ?

Nos économies sont vraiment vérolées ; au plus haut point. Pas un jour ne se passe sans que nous n’apprenions un ou plusieurs scandales. Leur fréquence s’accélère, leur gravité aussi. Souvent, on apprend que ces scandales ont pour résultat de malmener nos vies, comme c’est le cas avec un médicament, le Valsartan. Hier, on parlait à son propos de tensions d’approvisionnement, aujourd’hui on découvre la présence d’une substance classée comme probablement cancérogène par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans certaines livraisons. Onze laboratoires seraient concernés par le rappel.

Il ne s’agit pas d’accidents fortuits, mais d’une crise profonde de tout ce qui touche à la santé des populations mondiales.

Hier, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) dévoilait le scandale du système de surveillance des dispositifs médicaux concernant les pompes à insuline et les différents implants utilisés en chirurgie.

L’enquête de l’ICIJ, relayée en France par Le Monde et France 2 met au jour une fois encore les méfaits du capitalisme financier pour qui les lois du marché doivent régir toutes les activités humaines, y compris celles qui sont censées sauver des vies, c’est-à-dire tout notre système de santé. Pour les laboratoires financiarisés, les vies des malades comptent moins que leurs dividendes.

Quand les journalistes tentent d’informer les citoyens de l’imminence des dangers, quand leurs enquêtes révèlent les liens très étroits entre milieux financiers, laboratoires et politique, ils s’engagent dans une course d’obstacle au long cours, semées d’embûches et d’intimidations.

Le Monde vient de révéler que la communication de la liste des dispositifs médicaux certifiés et rejetés relatifs aux implants, lui a été refusée par les entreprises (on s’en doute) et par la Commission d’accès aux documents administratifs (la CADA) au motif qu’elle serait susceptible de porter atteinte au secret des affaires.

La CADA s’est appuyée sur la fameuse directive européenne sur le secret des affaires, largement combattue avant son adoption puis sa transposition en droit français, pour motiver son refus. La directive ne doit donc pas entraver la liberté du marché !

Il est nécessaire aujourd’hui d’œuvrer pour un nouvel ordre économique démocratique, au service des populations. De mettre un terme à la marchandisation de la santé et de placer les laboratoires sous tutelle des citoyens.

Journalisme (sans mensonge)

Je ne sais pas si Thomas Bécard, journaliste à Télérama, est corrompu mentalement, s’il ment ou s’il désinforme (voir le 27 novembre), mais son billet publié ce soir sur le site du magazine, m’a rempli d’aise. Voilà du bon journalisme, loin de la grande investigation tellement à la mode, mais un billet qui informe et qui dit beaucoup de choses sur les cadeaux faits aux riches.

Sous le titre « Le mécénat, le bon plan fiscal de LVMH ? », Thomas Bécard écrit (et je n’en enlève pas une ligne, ni une virgule) :

La bonne nouvelle, c’est que la loi Aillagon, mise en place il y a quinze ans, a permis au mécénat d’entreprise d’exploser. En 2017, 68 930 entreprises ont ainsi financé des œuvres culturelles, humanitaires, environnementales, etc., contre 6 500 en 2005. La moins bonne, comme l’écrit la Cour des comptes, qui vient de rendre un rapport sur le sujet, c’est que cette dépense est « fortement concentrée sur les très grandes entreprises [et que] les dons qui la déclenchent ne sont, dans les faits, pratiquement pas vérifiés ». L’Etat n’encadrant pas vraiment le dispositif, le groupe LVMH a ainsi pu dépenser 863 millions d’euros en onze ans pour sa Fondation Louis Vuitton, notamment son musée d’art contemporain associé. Ce qui lui a permis de déduire…  518 millions d’euros de ses impôts. On se doute bien qu’une grande société ne finance pas la culture juste par amour des artistes. Mais, si on ajoute à la belle économie fiscale les nombreuses retombées médiatiques d’une fondation de ce type, on peut se demander qui y gagne le plus dans l’histoire : l’entreprise ? ou l’Etat, et donc, nous, les citoyens ? »

Il n’y a rien à ajouter ; mais à lutter pour une société plus juste pour satisfaire les revendications qui s’expriment en ce moment dans toute la France.

Mme Chikirou et Trump

Insultez les journalistes, mais « ne les lynchez pas : ne leur parlez pas, ne les lisez pas et ne les regardez pas ». Je ne fais que reprendre, ici, les injonctions de Sophia Chikirou, une politicienne implacable, insoumise et particulièrement avertie, adressées aux lecteurs de Facebook ! Comment pourrait-on vivre sans ses conseils.

Mme Chikirou a connu un parcours qu’on pourrait qualifier de sinueux. Adhérente du Parti socialiste, porte-parole de Laurent Fabius, puis exclue ; elle adhère à la Gauche moderne de Jean-Marie Bockel, autre transfuge du PS, et, dans le sillage de son nouveau mentor elle soutient Sarkozy sans adhérer à son programme, avant de rompre. Enfin, elle rejoint Jean-Luc Mélenchon, revenant ainsi à ses premiers engagements. C’est dire si elle est maîtrise l’art du grand écart.

Elle a fondé Le Média, un prétendu journal télévisé alternatif, dont elle sera chassée par les salariés.

Mais d’où vient  cette attitude agressive vis-à-vis des journalistes d’une jeune femme qui a toujours gravité dans les milieux de la communication et de l’information ? A l’en croire, le journalisme et les journalistes c’est du n’importe quoi.

Elle affirme sur Facebook  que « Leur niveau de corruption mentale, leurs mensonges et la désinformation qu’ils nous imposent, sont autant d’éléments qui justifient la colère. »

Il ne s’agit plus de colère, mais d’invectives fruits d’une imagination surchauffée. Mme Chikirou ne devrait pas feindre d’ignorer que les conditions de travail imposées dans les rédactions par les milliardaires qui ont fait main basse sur tous les grands médias se sont détériorées. De cela, pourtant, elle ne dit rien. Elle préfère s’en tenir à une attitude négative vis-à-vis des journalistes. 

Les journalistes sont-ils assez combatifs ? Assurément non. Quand on examine le contenu de l’information plutôt que de la consommer on est en droit de s’interroger sur la fabrique de l’information dans un monde libéral ; mais cela donne-t-il pour autant le droit à Mme Chikirou d’insulter les reporters et de donner l’exemple à certains gilets jaunes.

Cette saillie est du niveau de Trump, ou pas ?

Censure et prêt-à-penser

L’état du monde est inquiétant ; ce n’est guère nouveau, mais les événements actuels me persuadent chaque jour davantage de la nécessaire lutte contre l’obscurantisme et contre l’aveuglement des consciences.

Le Salon du livre du Koweït a fermé ses portes ; pour 948 auteurs, elles ne s’étaient jamais ouvertes. Parmi ceux qui, sans doute, insultaient la religion musulmane, menaçait la sécurité nationale, incitaient au désordre ou étaient considérés comme immoraux, on trouvait Victor Hugo et Notre-Dame de Paris, Gabriel Garcia Marquez et Cent ans de solitude et même Fiodor Dostoïevski et les Frères Karamazov.

Le petit émirat est l’exemple le plus criant de la censure d’Etat la plus bête et ridicule et de sa soumission aux dogmes religieux, dont on sait où ils peuvent conduire. La mise à l’index de quelques chefs d’œuvre de la littérature mondiale, de l’humanisme et de la tolérance a été décidée par le ministère de l’information et sa commission de censure islamique, s’appuyant sur une loi de 2006, donc récente ; le recul est terrible dans un Etat qui pouvait s’enorgueillir d’avoir créé des maisons d’édition très tolérantes. Mais c’était hier.

Le constat de l’asservissement de la pensée active et de l’assèchement du simple acte de penser par soi-même peut être fait dans d’autres pays du Golfe.

Le plus cruel est que cette censure de la pensée a gagné d’autres continents et d’autres gouvernements, y compris parmi les plus ancrés dans l’humanisme le plus généreux. Avec, parfois, des nuances, certes ; mais le prêt-à-penser obscurantiste est en train de balayer toutes les plus belles traditions de la pensée critique.

Dans la France d’Emmanuel Macron on ne censure pas Victor Hugo, mais l’enfermement idéologique dans la Bible libérale fait des ravages, à doses subtiles et perverses.

On ne censure pas les livres, mais le discours quotidien devient lancinant : quand les chaînes de télévision diffusent en boucle les événements liés aux revendications des ‘’gilets jaunes’’, sans discernement, mais en mettant l’accent sur les dégâts occasionnés, sur les exigences les plus hétéroclites, sans analyse et sans recul, s’en tenant à quelques faits (et pas n’importe lesquels), la pensée n’est plus active mais consommatrice d’émotions, spectatrice d’un monde qui échappe à notre entendement.

On imagine où tout cela peut conduire quand les médias n’aident plus à grandir et à chercher les réponses aux questions qui assaillent nos esprits.

Les gilets jaunes et le vide

Nul, en France, ne pourra soutenir que nous visons dans une démocratie par le peuple et pour le peuple avec un président qui se revendique du pouvoir dit vertical.

Nul, ici, ne pourra soutenir que notre organisation sociale est égalitaire quand les riches sont de plus en plus riches et que le nombre de pauvres s’accroît chaque année ; le nombre de ceux pour qui la notion de bonheur n’existe qu’en rêve s’étend par manque de travail, par rejet par l’autre.

Nul, dans ce pays, ne pourra soutenir que les citoyens sont égaux devant l’impôt.

Le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple n’est qu’une utopie. Lointaine ? Sans doute.

Il est vrai que nous ne sommes pas en démocratie quand le pouvoir économique et financier échappe au plus grand nombre.

Ce pouvoir n’est pas démocratique quand il est devenu inaccessible, sacrifie l’intérêt général à ses intérêts particuliers et à ses intérêts de classe.

Quand le peuple découvre que sa naïveté a été trompée et tente de se rebeller, quand ce peuple commence à voir clair, le pouvoir économique contre-attaque et ment en prétendant que le marché est la seule solution pour régler tous les problèmes du quotidien. La simple justice sociale serait pour demain, il suffirait d’un peu de patience.

Par dépit, les citoyens qui veulent échapper à leur triste vie de misère réagissent dans le désordre. Que penser des gilets jaunes qui ont agrégé de vrais miséreux qui survivent avec un revenu en dessous du seuil de pauvreté, mais aussi des ‘’beaufs’’ qui malmènent les homosexuels et livrent des réfugiés à la police, qui dénoncent une taxe sans parler des inégalités honteuses devant l’impôt, des salaires indécents des patrons du CAC 40 et des cadeaux du CICE déversés dans les caisses des riches multinationales.

La confusion est totale dans cette révolte. Mais la confusion ne s’explique pas seulement par les récupérations des Le Pen, Dupont-Aignan et autres Wauquiez. Elle est l’expression de l’effacement de cette gauche qui, hier encore, agrégeait le peuple de ceux qui n’ont rien et imposait aux riches la Sécurité sociale, les comités d’entreprise, les congés payés, les 35 heures, le SMIC, la retraite à 60 ans, les crèches, etc.

Laissera-t-on encore longtemps les ‘’gilets jaunes’’ remplir ce vide de représentation des laissés-pour-compte du marché ?

Carlos Ghosn et les autres

Peu importe que l’industrie française soit malade et supprime des emplois, ou que la balance du commerce extérieur se détériore ; voire que le président des riches soit au plus bas dans les sondages et que les habitants de la France soient moroses. Nous avions un personnage extraordinaire à la tête du plus grand constructeur mondial d’automobiles : comment pouvions-nous imaginer vivre sans lui.

Il régnait en maître sur l’industrie automobile en France et au Japon ; il gagnait 13 millions d’euros par an et s’en vantait. Il avait installé le siège de sa holding aux Pays-Bas pour des raisons fiscales. Le président de la République, actionnaire de son groupe, s’affichait avec lui la semaine dernière dans l’une de ses usines à Maubeuge.

Et les Japonais de Nissan découvrent soudain que le personnage, sans qui leur société aurait, paraît-il, disparu, avait menti au fisc et commis des abus de biens sociaux. La justice japonaise a pris le relais pour organiser une arrestation fortement médiatisée du voyou.

L’émérite patron de Renault-Nissan-Mitsubishi-Avtovaz est descendu de son piédestal, mais, chut, on ne lui reproche ni son salaire indécent, ni ses méthodes de management. Peu importent les suicides d’ouvriers et l’augmentation des maladies professionnelles ; peu importe la détérioration des conditions de travail ; peu importent les fausses accusations d’espionnage ; peu importent les délocalisations ! Les dirigeants de Renault, de Nissan, Emmanuel Macron et les membres de son gouvernement ne pouvaient pas vivre sans Carlos Ghosn, tant qu’il a supprimé des emplois et augmenté les dividendes.

Qui a installé Carlos Ghosn comme maître et seigneur dans ses basses œuvres, sinon tout ce monde de la finance et de la politique ? Qui a fait de lui l’oracle du capitalisme triomphant ? Qui a déclaré avec sérieux et à de multiples reprises que cet homme méritait un tel salaire indécent et que les ouvriers ignares et le sens commun ne pouvaient pas comprendre les principes de fonctionnement de leur monde.

Les ignares, incapables de comprendre la pensée complexe du monde capitaliste, ont quand même noté que les découvertes de malversations du monde politico-financier se multiplient et que les scandales d’évasion et d’évitement fiscal sont intrinsèques à la machine capitaliste, de plus en plus grippée.

Carlos Ghosn n’est pas un cas isolé ; c’est son monde qui est pourri et qu’il faut remplacer au plus vite.

Agnès Desarthe

J’avais eu l’honneur d’interviewer Agnès Desarthe (en compagnie de Marie Desplechin et de François Salvaing. Quel plateau) ; j’avais apprécié son naturel et son esprit pétillant, plein d’ironie retenue (ou pas). J’étais tombé sous le charme de ses livres (à l’époque Cinq photos de ma femme).

Son dernier roman m’a peut-être encore plus enthousiasmé que les précédents.

Fin, ironique et maniant la dérision avec beaucoup de brio, il est écrit dans une langue merveilleuse de précision et de poésie, La chance de leur vie, est un livre qui réjouit le lecteur (Pour ma part, il m’a transporté !)

L’incipit, comme il se doit, plonge le lecteur d’emblée dans l’ambiance :

« Hector avait une femme. Elle s’appelait Sylvie. Ensemble ils avaient un fils. Il s’appelait Lester. Un prénom anglais parce que la famille paternelle d’Hector était originaire de Penzance en Cornouailles, ou plutôt d’une bourgade située au nord de cette station balnéaire. Un village dont on taisait le nom par amour du secret. »

Cette famille sans histoire traverse l’Atlantique pour atterrir à l’université de Caroline du Nord où Hector, sexagénaire et professeur, a été nommé ; et leur vie va être bouleversée.

Hector trompe allègrement son épouse, profitant de sa (petite) notoriété dans l’univers surfait d’un campus américain. Sylvie, mère au foyer, se tourne vers l’Alliance française et se met à la poterie, en répétant sans cesse « Je ne suis rien » malgré toute la profondeur de son personnage et sa lucidité. Quant à Lester, 14 ans et particulièrement intelligent, il se fait appeler Absalom Absalom et va connaître une transformation inattendue en chef de clan avec ses copains.

Avec une ironie féroce et une minutie d’entomologiste, Agnès Desarthe va observer ce couple qui se défait, le père qui papillonne, la mère qui dénonce en creux les apparences sociales et le fils qui devient un adepte de saint Augustin, dans leurs jeux de rôles.

En 300 pages et la durée d’un séjour écourté par un scandale du fils, Agnès Desarthe aborde une multitude de thèmes. Du couple à l’adolescence en passant par l’amour, la fidélité et l’infidélité, la violence (le roman se déroule en 1995 et les attentats qui secouent la France), le rôle de la femme dans le couple et dans la vie, etc.

Bref, un grand roman. Digne de la place qu’Agnès Desarthe occupe dans notre littérature, l’une des toutes premières.

Inqualifiable faillite

Parce que le partage des biens est de plus en plus inégalitaire sur notre terre, ils sont nombreux ceux qui n’ont rien, ceux qui souffrent de la faim, des brimades ou des guerres à rêver d’un monde meilleur. Dans lequel ils ne deviendraient pas nécessairement riches, mais dans lequel ils échapperaient à leur triste vie, douloureuse, pour connaître demain une existence digne.

Ils ont échafaudé des plans pour s’échapper et atteindre un autre pays, où ils auraient un travail respectant simplement leurs droits d’êtres humains. Utopie sans doute, mais quand on n’a rien, il ne reste que le rêve et l’espoir. L’espoir de trouver sa juste place sur notre bien commun, la planète terre.

Alors, toutes leurs familles ont économisé, sou par sou pour trouver ce que les passeurs leur voleront pour leur faire croire qu’ils réaliseront leur rêve.

Ils ont parcouru des milliers de kilomètres, ont été exploités par ceux qui exploitent la misère. Certains sont morts en cours de route ou en tentant de traverser la Méditerranée, par milliers. Et il y en a qui ont atteint la France, épuisés, mais fiers.

Quand ceux qui devraient leur venir en aide les abandonnent ou les poursuivent pour les renvoyer, il y a des milliers de femmes et d’hommes qui tentent de leur apporter un peu de réconfort. Parce qu’il leur reste suffisamment d’humanité, à eux, pour condamner l’Etat défaillant et consacrer beaucoup d’ardeur et de temps au nom du respect fondamental de tout être humain et d’une conception des relations entre tous les hommes.

Ils sont donc des milliers à aider ceux qui n’ont rien à retrouver leur dignité, à RESF, la Cimade, à Amnesty International, au GISTI, au Secours populaire et au Secours catholique, à France terre d’Asile, à l’Auberge des migrants, etc.

Le Réseau éducation sans frontières (RESF) fait un travail admirable auprès des mineurs, notamment. 

Il a publié aujourd’hui une liste terrible de jeunes qui, abandonnés par les services de l’Etat, sont morts en France. Scandaleusement. Parce qu’ils avaient perdu tout espoir ou parce qu’ils avaient été abandonnés.

Voici cette liste :

« Les jeunes étrangers morts cités dans cette épitaphe ont en commun le fait d’avoir réussi à franchir des milliers de kilomètres à la force de leur volonté, et d’avoir, à un moment de leur parcours, sollicité la mise à l’abri et l’assistance éducative autant que matérielle des services d’Etat et du département qui en ont la charge. Il y a eu faillite. Ces jeunes ont trouvé la mort ou se la sont donnée.

Ibrahima N’Diaye – 25 avril 2016 – 17 ans – Malien – Suicide en prison d’un jeune psychologiquement vulnérable. Ni psychologue, ni médecin pour l’aider quand il était sous la responsabilité de l’ASE du Loiret. Laissé seul, à l’hôtel, désœuvré, en souffrance.

Denko Sissoko – Châlons-en-Champagne – 6 Janvier 2017 – 16 ans – Malien – Décédé des suites d’une défenestration. Placé dans des conditions d’accueil déplorables par l’ASE de la Marne, objet d’une évaluation de minorité à charge engendrant stress et défaillance psychologique, effrayé par des interventions policières dans le foyer d’accueil.

Souleyman – Bordeaux – 2 mai 2017 – 15 ans – Ivoirien – Ecrasé par une ambulance sur la rampe d’accès de l’hôpital pédiatrique de l’hôpital Pellegrin. Orienté au commissariat de police par un travailleur social, renvoyé sans mise à l’abri. S’est réfugié dans un parking.

Anonyme –Abbeville – 27 septembre 2017 – 17 ans – Lybien – Ecrasé à 16h50 par la remorque d’un camion auquel il s’était accroché sur l’autoroute A 28 après le péage d’Abbeville-nord.

Kantra – Nîmes – 21 décembre 2017 – 18 ans – Malien – S’est jeté sous un train. Mis à la porte de l’ASE le jour de sa majorité, alors qu’il avait pourtant trouvé stage et patron pour un CAP.

Fousseni Sawadogo – Clermont-Ferrand – 9 janvier 2018 – 16 ans – Ivoirien – Décédé au CHU de Clermont-Ferrand. Evalué majeur par l’ASE, refusé et déjà malade. Reconnu mineur au tribunal en novembre 2017, repris en charge trop tard par l’ASE. 

Nour-Malik Nurulain – Paris – 14 février 2018 – 17 ans – Pakistanais – Noyé dans la Seine. Victime d’un défaut d’accompagnement par l’ASE de Paris, logé seul, à l’hôtel sans encadrement alors qu’il souffrait d’une grande détresse psychique.

Abdallah Allouch – Melun – 2 mai 2018 – 18 ans – Egyptien – Poignardé. Lycéen en CAP carreleur-mosaïste, il a vu sa prise en charge par le département de la Seine-et-Marne brutalement interrompue en Janvier 2018. S’est retrouvé à vivre en squat, sans la moindre aide sociale.

Hommage aussi à ces jeunes seul.e.s et mineur.e.s, dont nous ne connaissons pas les noms, qui ont tenté le voyage et qui ont péri sur la route ou dans les eaux noires de la Méditerranée faute de sauvetage organisé.

Cette liste doit cesser. »

De l’Eglise et de la Révolution

Je suis parfaitement ignorant des choses de la religion et plus encore du quotidien du Vatican. Mais je me demande ce que Dieu, s’il existe, pense de la situation actuelle de l’Eglise catholique. Du pape François qui me semble un homme bon et plein de bonnes volontés. De l’état de la foi catholique et de la désertion des églises.

Que pense Dieu de toutes ces affaires de pédophilie qui éclaboussent son Eglise chaque jour que Lui a fait (si c’est bien Lui qui a fait notre monde) ?

Comme José Saramago, autre athée assumé, je sais qu’il « n’y aura pas de réponses à ces questions. Comme je l’ai écrit en des moments de vaine interrogation métaphysique, il y a quinze bonnes années de cela, Dieu est le silence de l’univers et l’homme le cri qui donne du sens à ce silence. »

Je me résigne à n’avoir jamais de réponse, mais, dans une longue interview d’une notable sociologue, Danièle Hervieu-Léger, dans Télérama, je crois avoir trouvé une explication à la crise que traverse l’Eglise catholique. Que dit-elle à propos de LA crise, qu’elle qualifie de gravissime ?

« Pour la comprendre, il faut la replacer dans la durée, remonter au XIXe siècle et à la confrontation de l’Eglise avec le bouleversement que constitue, à la Révolution, l’affirmation du droit des individus à l’autonomie, qui est le cœur de notre modernité. Celle-ci s’est imposée d’abord sur le terrain politique. Cette modernité à laquelle se heurte alors l’Eglise, c’est la reconnaissance de l’autonomie des citoyens, qui fait échapper la société à la régie de la religion. Or cette revendication d’autonomie n’a pas cessé de s’élargir et elle embrasse aujourd’hui la sphère de l’intime aussi bien que la vie morale et spirituelle des hommes et des femmes qui, sans cesser d’ailleurs nécessairement d’être croyants, récusent la légitimité de l’Eglise à dire la norme dans des registres qui ne relèvent que de leur conscience personnelle. »

Les réflexions de Mme Hervieu-Léger m’ont interpellé et, au bout du compte, elles me laissent l’espoir de voir reculer l’intégrisme des croyants, catholiques en premier lieu, mais aussi, demain, de tous les intégrismes, pour un mieux-vivre ensemble, croyants et non croyants, dans une belle fraternité. Que Mme Hervieu-Léger admette que la Révolution a servi à émanciper les consciences, voilà également qui me réjouit.

Car, si la funeste Inquisition a disparu, les fanatiques de la Marche pour tous, les censeurs de Victor Hugo en Turquie et au Koweit, les émetteurs de fatwas contre Rushdie ou d’autres supposés mécréants, eux, relèvent la tête dans de trop nombreux pays pour ne pas s’inquiéter.

Pour en revenir à la crise de l’Eglise catholique et à la sociologue de Télérama, après une digression à propos des intégrismes, je ne sais pas si Dieu, s’il existe, volera au secours du courageux (et intelligent) pape François pour réformer le Vatican et les mentalités de ses croyants. Car, comme le dit notre sociologue en conclusion : « L’observation sociologique de la scène catholique ne laisse guère deviner la proximité d’une telle révolution. »

Il y a encore et toujours des révolutions à faire. Amen.

Jean-Pierre Marchand

Il faut être âgé, comme moi, pour savoir encore qui était Jean-Pierre Marchand, le réalisateur de télévision qui vient de décéder à 94 ans.

Mais cela ne justifie pas que son départ n’ait pas été relevé. C’est la raison pour laquelle je tiens à rendre hommage à l’homme de conviction qu’il était et au Résistant qu’il fut tout au long d’une vie prolifique, à l’homme qui a toujours su s’opposer quand sa conscience le lui imposait.

Il lui a fallu du courage sous l’Occupation, quand, jeune étudiant en droit, il a tourné le dos à son père devenu collabo et participé à des actions de la Résistance.

Il lui a fallu du courage quand, en 1981, il s’opposa aux conditions de la désignation de Georges Marchais comme secrétaire général du Parti communiste, avant d’en être exclu pour « activités fractionnelles » avec Henri Fiszbin.

Il lui a fallu encore du courage pour refuser les coupures publicitaires dans ses films et l’incrustation du logo de la chaîne sur ses réalisations.

Il avait débuté dans le cinéma, aux côtés d’Alain Resnais, Louis Daquin, Henri-Georges Clouzot, Yves Allégret, Gérard Philipe ou encore Joris Ivens, mais c’est vers la télévision que Jean-Pierre Marchand s’est orienté pour former avec Marcel Bluwal, Stellio Lorenzi, Claude Santelli, Claude Barma, Jean Prat, etc, ce qu’on a appelé « l’école des Buttes-Chaumont ». Ces réalisateurs, quasiment tous syndiqués à la CGT, qui ont écrit les plus belles productions de la télévision française.

«J’appartiens,disait-il, à un petit groupe de réalisateurs qui croyaient dur comme fer à la télévision. Nous l’avons choisie au détriment du cinéma. Ce n’était pas glorieux financièrement, nous étions très mal payés (…) Les gens de ma génération ont vécu beaucoup de désillusions. La plus forte aura été de voir tomber la croyance que la télévision connaîtrait un développement extraordinaire. Elle en a connu un, certes, mais sur le plan quantitatif. Plus elle se développait, plus elle devenait médiocre, moins on trouvait l’espoir de faire ce que l’on avait envie de faire.»

Jean-Pierre Marchand était imprégné du respect du public et du rôle émancipateur de la télévision : «Nous avons vécu de grandes heures où le mot culture avait tout son sens parce que ces moments étaient des moments de partage, grâce au direct notamment. On pouvait voir un micro ou une caméra sur l’écran mais le public marchait avec nous, qui tentions de donner vie à de grandes oeuvres, avec les comédiens sur le plateau, le caméraman derrière sa caméra, le réalisateur dans sa cabine. On a coupé quand les programmes ont été conçus en fonction de la course à l’audience et à la rentabilité.»

Au cours des Etats généraux de la création audiovisuelle en mars 2000, il tirait un constat amer de l’évolution de la télévision, de « sa » télévision :

« Il s’est trouvé par ailleurs, des gens pour considérer la production et la diffusion de messages et d’œuvres comme une affaire, un business, pour parler français. On les appelle des opérateurs. Certains vendent leurs programmes à des spectateurs. C’est le système du péage. Correct. D’autres ne vendent pas leurs programmes à des spectateurs. Ils vendent leurs spectateurs aux annonceurs publicitaires. À des gens qui ont pour objectif non d’aider les citoyens à échanger leurs idées, comprendre le monde où ils vivent, se reconnaître et assumer leurs différences, découvrir, en spectateurs d’œuvres infiniment différentes, ce que, dans son opacité, la vie quotidienne leur masque, en un mot à se cultiver. Mais à des gens qui ont pour objectif de vendre leurs produits par tous les moyens, y compris celui qui consiste à séduire par les méthodes les plus viles, le public le plus large, celui qu’on a défini comme le plus petit commun dénominateur. Et même, plus simplement, de faire admettre comme naturel le type de relations humaines le plus favorable au développement du commerce. »

Avec sa disparition, c’est une certaine conception de la télévision et de la culture qui s’en va…

Maréchal, le voilà !

Il est insupportable d’entendre le président de la République prononcer l’éloge de Philippe Pétain, péremptoirement, sans rendre de comptes à personne. Et de parler du maréchal Pétain.

Cette réhabilitation qui n’ose pas dire son nom en dit beaucoup sur l’hypocrisie d’Emmanuel Macron. Je ferai remarquer au président de la République que Pétain a été frappé d’indignité nationale en vertu d’une ordonnance du 26 août 1944 qui entraîne pour celui qui en est frappé la perte d’un certain nombre de droits, dont la perte du rang dans les forces armées et du droit à porter des décorations.

Emmanuel Macron ment donc en toute connaissance de cause en parlant du maréchal. Il n’ignore pas que Pétain n’a pas succombé à la collaboration avec Hitler et les nazis en raison de son implacable naufrage de vieillard cacochyme. Cette théorie de Pétain atteint de gâtisme est odieuse ; tout l’entourage de Vichy, des usurpateurs d’un pouvoir qu’ils s’étaient arrogés avec la bénédiction de veules politiciens de droite, n’était pas atteint par la maladie d’Alzheimer. En revanche, tous étaient mus par leur haine du peuple, du monde des ouvriers et de tout ce qui peut apparaître comme un progrès social (Plutôt Hitler que le Front populaire !). Et, comble de la honte, ils avaient versé dans l’antisémitisme sans barguigner, envoyant des millions de personnes dans les chambres à gaz d’Auschwitz et d’ailleurs.

Emmanuel Macron sait tout cela et, pourtant, il persiste, même s’il a dû reculer sur la question de l’hommage rendu à Pétain. La seule explication qui vaille c’est qu’il se positionne, lui aussi, comme le pourfendeur de tous les acquis du Conseil national de la Résistance (le CNR). 

S’en prendre la Sécurité sociale et au système de santé publique, au code du travail, aux Comités d’entreprise, à l’enseignement et à la formation continue, aux réfugiés, revenir à la guerre froide et rendre hommage à Pétain, c’est le symptôme du retour à une vieille droite revancharde, le fonds de commerce du nouveau monde de Macron et le retour des nostalgiques de la devise de Vichy, Travail, Famille, Patrie, qui, pour des raisons historiques inavouables, n’ont jamais accepté la démocratie par le peuple et pour le peuple.

La monstrueuse puissance du roman !

Qu’est-ce qu’un roman ? Pourquoi écrit-on ?

Les deux questions sont posées en filigrane dans une tribune publiée dans Le Monde par seize jeunes romanciers, qui font un terrible constat, que chaque lecteur assidu a fait également en consultant les listes de nouveautés à chaque rentrée littéraire. Ces jeunes auteurs déclarent vouloir « réveiller la monstrueuse puissance du roman. »

Pourquoi ?

« Depuis plusieurs années, deux phénomènes inquiétants s’abattent sur les romanciers français : d’un côté les romans reality-show, forme dégradée d’une autofiction réduite à des témoignages qui comblent le voyeurisme des lecteurs et le portefeuille des éditeurs. De l’autre, des romans en costumes qui répondent de manière simpliste et passéiste à notre besoin de fiction en se bornant à une histoire déjà comprise, sans regarder celle qui est, celle qui vient, écrivent-ils. »

Les auteurs affirment qu’il « s’agit bien d’une mode, voire de commandes d’éditeurs, pour des livres où la figure de l’auteur prend plus d’importance que le texte. » Ils dénoncent parallèlement les effets sur la création : « Ces formes de romans archi-rebattues empêchent les nouveaux écrivains à la fois de se lancer dans l’invention de nouvelles formes d’écriture et d’exprimer la sensibilité contemporaine. »

On en revient à la question : Pourquoi écrit-on ? Essentiellement pour raconter des histoires, puisées dans la vie, représentant la réalité (souvent), pour agrandir le monde du lecteur. Car, grands ou adultes, nous avons tous besoin d’imaginaire. Et l’imaginaire passe merveilleusement par le livre, par les mots.

Le roman doit répondre à la fois à l’appétit du lecteur, affamé d’histoire, et à l’auteur qui veut lui faire partager une histoire, en laissant une trace visible de ce qui l’entoure, peut-être aussi avec l’envie de changer le monde (ou, à tout le moins de changer la façon dont le lecteur regarde le monde).

Le livre, comme toutes les autres formes d’expression artistique est un puissant instrument pour transformer les consciences.

Le roman, n’est-ce pas plutôt Balzac, Zola et Hugo que Christine Angot, la figure emblématique de l’autofiction dénoncée par les jeunes auteurs, mais aussi Amélie Nothomb, Chloé Delaume, Delphine de Vigan, David Foenkinos, Serge Doubrovsky, etc. Si ces derniers se complaisent dans l’autofiction, on leur reconnaît aussi un talent certain.

A ce stade, il faut revenir à la question : Qu’est-ce qu’un roman ? Réponse délicate, car derrière ce mot-valise se cachent des textes d’une grande diversité. N’est-ce pas Guy de Maupassant qui écrivait dans Pierre et Jean (1888) : « Le critique qui ose encore écrire : Ceci est un roman et cela n’en est pas un’’ me paraît doué d’une perspicacité qui ressemble fort à de l’incompétence. » Il ne s’agit pas ici de rejeter l’autofiction, mais, avec les jeunes auteurs, d’en dénoncer la trop grande place aujourd’hui chez les éditeurs au détriment d’autres formes d’expression.

Au fond ce que dénoncent les jeunes auteurs de cette tribune c’est la financiarisation des grands éditeurs, plus soucieux de leurs marges que de la découverte de nouveaux talents.

Quand la mode de l’autofiction sera asséchée, ils n’hésiteront pas à trouver un nouveau filon. Non sans avoir ignoré d’authentiques écrivains.

Un assassinat de portée universelle

Saura-t-on jamais la vérité sur l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans les locaux de l’ambassade de son pays à Istanbul ?

Dans une tribune d’une très grande pudeur publiée par Le Mondedans son édition de fin de semaine, sous le titre « J’exige que ceux qui ont ordonné et commis l’assassinat de Jamal Khashoggi soient jugés », Hatice Cengiz, sa fiancée, apporte des informations pouvant éclairer les raisons du crime : « Avec lui nous avons perdu une voix de portée universelle. Il se battait pour la bonté et la décence. Il nous aidait à comprendre les relations complexes qui caractérisent le Proche-Orient, mais se préoccupait avant tout des vies et des droits de ses populations. »

Ces lignes sont en parfaite communion avec ce qu’écrivait Jamal Khashoggi dans sa dernière chronique dans le Washington Post le 2 octobre et publiée par le quotidien le 17 : « J’étais récemment en ligne pour consulter le rapport 2018 de «Liberté dans le monde» publié par Freedom House et j’en suis arrivé à une grave constatation. Un seul pays du monde arabe y est qualifié de «libre». Ce pays est la Tunisie. La Jordanie, le Maroc et le Koweït arrivent en deuxième position, avec le qualificatif de «partiellement libre». Les autres pays du monde arabe sont classés dans la catégorie «non libre » (…) Le monde arabe était porteur d’espoir au printemps 2011. Les journalistes, les universitaires et la population en général étaient pleins d’espoir d’une société arabe libre et brillante dans leurs pays respectifs. Ils s’attendaient à être émancipés de l’hégémonie de leurs gouvernements et des interventions cohérentes et de la censure de l’information. Ces attentes ont été rapidement brisées et ces sociétés sont retombées dans l’ancien statu quo ou ont fait face à des conditions encore plus rudes qu’auparavant (…) Les gouvernements arabes ont toute latitude pour continuer à réduire au silence les médias à un rythme croissant. »

Les prises de position de Jamal Khashoggi pouvaient être insupportables à l’héritier saoudien Mohamed Ben Salmane, un souverain présenté comme terrifiant et adversaire déclaré du journaliste (l’inverse aussi).

Jamal Khashoggi a eu un parcours surprenant. Issu d’une grande famille de Djeddah, proche de la famille royale, il avait rejoint la cause des Frères Musulmans, mais il avait été également un membre des services secrets saoudiens. Un exemple qui marque le degré de confiance que les services lui portaient : il avait été envoyé en mission auprès d’Oussama Ben Laden pour le convaincre de rentrer au pays et donc de quitter la clandestinité.

Son entrée en dissidence était récente ; en 2016, après avoir critiqué l’élection de Trump, il est interdit d’exercer le journalisme dans son pays. Il s’exile alors aux Etats-Unis et, en 2017, il condamne l’intervention de son pays au Yémen.

C’en était trop pour le féroce héritier saoudien !

Hatice Cengiz interpelle les gouvernements occidentaux en termes vifs et à la hauteur de la frilosité de leurs réactions pour condamner un assassinat odieux.

Avec beaucoup de hauteur de vues, la fiancée de Jamal, qui réside dans la plus grande prison du monde, la Turquie, touche juste quand elle écrit : « Maintenant qu’il est mort, les principes qu’il a défendus avec tant de passion sont placés sous les projecteurs. Démocratie, liberté, droits de l’homme. Et la conviction essentielle que chaque personne devrait pouvoir choisi ses dirigeants politiques au travers de son bulletin de vote. »

La personnalité de Jamal Khashoggi a été déroutante ; mais il avait fini par prendre le chemin des droits de l’homme, lui le nanti du régime saoudien. Sa lutte restera inachevée, mais son assassinat nous interpelle, comme le tribune de sa fiancée.

Macron, un mauvais tournant

Ceux qui ont subi Parcoursup, ceux qui ont vu leur pension de retraite diminuer, ceux qui ont perdu leur emploi aidé, ceux qui n’ont plus de contact avec Pôle emploi, ceux qui râlent de voir le prix du carburant augmenter, ceux d’Ascoval, ceux qui étaient vendeurs dans les groupes d’habillement et ont été licenciés, ceux qui ont été poursuivis pour avoir aidé des réfugiés, ceux qui ne trouvent plus de médecin, ceux qui se battent pour garder leur maternité, ceux qui subissent l’augmentation de leur mutuelle, celles qui ont des salaires inférieurs à ceux de leurs collègues hommes, ceux qui subissent les méfaits du glyphosate, et bien d’autres (la liste n’est pas exhaustive !), bref tout le monde devrait lire le dernier ouvrage publié par les Economistes atterrés, Macron, un mauvais tournant (Les Liens qui libèrent).

Neuf économistes du collectif anti-libéral, ont disséqué le macronisme en 230 pages. Leur analyse est minutieuse et sans concession.

« Si la victoire d’Emmanuel Macron peut être vue comme la réussite miraculeuse d’une ambition personnelle, elle représente surtout l’aboutissement d’un combat de longue haleine du patronat, de la technocratie qui lui est proche et des classes dirigeantes, écrivent-ils. Il s’agit de détruire le modèle social français (…) de caler la France sur le modèle néolibéral triomphant dans la plupart des pays développés depuis le début des années 1980. »

Les économistes atterrés ont soumis la macronisme à une étude fouillée, par thèmes : les réformes structurelles avec les remises en cause du code du travail et des statuts et des salaires, avec la casse des services publics et les privatisations, la réforme de la SNCF ; la réforme du marché du travail ; la politique budgétaire, inégalitaire, remettant en cause la protection sociale mais supprimant l’ISF ; etc.

Deux chapitres (appelés parties) se sont également penché sur les méfaits de la politique écologique du président de la République et sur sa politique européenne.

Après avoir lu le premier, on comprend mieux pourquoi Nicolas Hulot a démissionné et, après le second (Rénover l’Europe ?) on apprend pourquoi la vision européenne de Macron proposée dans son discours de la Sorbonne le 26 septembre 2017 sera un échec.

Les auteurs terminent leur ouvrage en faisant quelques propositions de stratégies alternatives ; à chacun de s’en saisir pour les approfondir et créer un mouvement irrésistible pour tourner le dos au macronisme, au libéralisme et pour retrouver la voie d’une véritable démocratie.