Parce que le partage des biens est de plus en plus inégalitaire sur notre terre, ils sont nombreux ceux qui n’ont rien, ceux qui souffrent de la faim, des brimades ou des guerres à rêver d’un monde meilleur. Dans lequel ils ne deviendraient pas nécessairement riches, mais dans lequel ils échapperaient à leur triste vie, douloureuse, pour connaître demain une existence digne.
Ils ont échafaudé des plans pour s’échapper et atteindre un autre pays, où ils auraient un travail respectant simplement leurs droits d’êtres humains. Utopie sans doute, mais quand on n’a rien, il ne reste que le rêve et l’espoir. L’espoir de trouver sa juste place sur notre bien commun, la planète terre.
Alors, toutes leurs familles ont économisé, sou par sou pour trouver ce que les passeurs leur voleront pour leur faire croire qu’ils réaliseront leur rêve.
Ils ont parcouru des milliers de kilomètres, ont été exploités par ceux qui exploitent la misère. Certains sont morts en cours de route ou en tentant de traverser la Méditerranée, par milliers. Et il y en a qui ont atteint la France, épuisés, mais fiers.
Quand ceux qui devraient leur venir en aide les abandonnent ou les poursuivent pour les renvoyer, il y a des milliers de femmes et d’hommes qui tentent de leur apporter un peu de réconfort. Parce qu’il leur reste suffisamment d’humanité, à eux, pour condamner l’Etat défaillant et consacrer beaucoup d’ardeur et de temps au nom du respect fondamental de tout être humain et d’une conception des relations entre tous les hommes.
Ils sont donc des milliers à aider ceux qui n’ont rien à retrouver leur dignité, à RESF, la Cimade, à Amnesty International, au GISTI, au Secours populaire et au Secours catholique, à France terre d’Asile, à l’Auberge des migrants, etc.
Le Réseau éducation sans frontières (RESF) fait un travail admirable auprès des mineurs, notamment.
Il a publié aujourd’hui une liste terrible de jeunes qui, abandonnés par les services de l’Etat, sont morts en France. Scandaleusement. Parce qu’ils avaient perdu tout espoir ou parce qu’ils avaient été abandonnés.
Voici cette liste :
« Les jeunes étrangers morts cités dans cette épitaphe ont en commun le fait d’avoir réussi à franchir des milliers de kilomètres à la force de leur volonté, et d’avoir, à un moment de leur parcours, sollicité la mise à l’abri et l’assistance éducative autant que matérielle des services d’Etat et du département qui en ont la charge. Il y a eu faillite. Ces jeunes ont trouvé la mort ou se la sont donnée.
Ibrahima N’Diaye – 25 avril 2016 – 17 ans – Malien – Suicide en prison d’un jeune psychologiquement vulnérable. Ni psychologue, ni médecin pour l’aider quand il était sous la responsabilité de l’ASE du Loiret. Laissé seul, à l’hôtel, désœuvré, en souffrance.
Denko Sissoko – Châlons-en-Champagne – 6 Janvier 2017 – 16 ans – Malien – Décédé des suites d’une défenestration. Placé dans des conditions d’accueil déplorables par l’ASE de la Marne, objet d’une évaluation de minorité à charge engendrant stress et défaillance psychologique, effrayé par des interventions policières dans le foyer d’accueil.
Souleyman – Bordeaux – 2 mai 2017 – 15 ans – Ivoirien – Ecrasé par une ambulance sur la rampe d’accès de l’hôpital pédiatrique de l’hôpital Pellegrin. Orienté au commissariat de police par un travailleur social, renvoyé sans mise à l’abri. S’est réfugié dans un parking.
Anonyme –Abbeville – 27 septembre 2017 – 17 ans – Lybien – Ecrasé à 16h50 par la remorque d’un camion auquel il s’était accroché sur l’autoroute A 28 après le péage d’Abbeville-nord.
Kantra – Nîmes – 21 décembre 2017 – 18 ans – Malien – S’est jeté sous un train. Mis à la porte de l’ASE le jour de sa majorité, alors qu’il avait pourtant trouvé stage et patron pour un CAP.
Fousseni Sawadogo – Clermont-Ferrand – 9 janvier 2018 – 16 ans – Ivoirien – Décédé au CHU de Clermont-Ferrand. Evalué majeur par l’ASE, refusé et déjà malade. Reconnu mineur au tribunal en novembre 2017, repris en charge trop tard par l’ASE.
Nour-Malik Nurulain – Paris – 14 février 2018 – 17 ans – Pakistanais – Noyé dans la Seine. Victime d’un défaut d’accompagnement par l’ASE de Paris, logé seul, à l’hôtel sans encadrement alors qu’il souffrait d’une grande détresse psychique.
Abdallah Allouch – Melun – 2 mai 2018 – 18 ans – Egyptien – Poignardé. Lycéen en CAP carreleur-mosaïste, il a vu sa prise en charge par le département de la Seine-et-Marne brutalement interrompue en Janvier 2018. S’est retrouvé à vivre en squat, sans la moindre aide sociale.
Hommage aussi à ces jeunes seul.e.s et mineur.e.s, dont nous ne connaissons pas les noms, qui ont tenté le voyage et qui ont péri sur la route ou dans les eaux noires de la Méditerranée faute de sauvetage organisé.
Cette liste doit cesser. »