La Chouette qui hioque

Mois : janvier 2023

L’argent a une odeur

L’éditorial du quotidien suisse La Tribune de Genève de ce matin est surprenant, pour ne pas dire ahurissant. Le journaliste de service dénonce les emprunts de la ville des bords du Léman à la FIFA.

On lit et relit le court éditorial pour s’en assurer : il s’agit bien d’emprunts auprès de la Fédération internationale de football, dont le siège est à Zurich.

Au total, la ville a obtenu un crédit de 600 millions de francs suisses à court terme et sans intérêts entre 2018 et 2022, dont, dit le journal, « le dernier, de 150 millions (…) contracté six jours avant le lancement du très controversé Mondial au Qatar ».

Le journaliste dénonce la situation au Qatar : « Soupçons de corruption, destruction de l’environnement derrière un greenwashing éhonté, exploitation d’une main-d’œuvre étrangère et décès en grand nombre sur les chantiers… » Et les problèmes éthiques entourant les opérations : « Emprunter de l’argent à une banque est une chose. L’emprunter directement à un organisme sportif connu pour son agenda politique et ses pratiques peu recommandables en est une autre. »

L’éditorialiste s’étonne de la surprenante démarche de la municipalité genevoise, mais aussi et surtout du rôle de l’organisation mondiale du football : « La FIFA cherche-t-elle à soigner ses relations pour continuer à bénéficier, en Suisse, où elle a son siège, d’une si complaisante fiscalité ? »

Que faut-il rajouter à ces interrogations ? Assurément que l’argent prêté sans intérêts à Genève aurait été plus utile à ces millions de clubs et joueurs de football qui n’ont ni maillots, ni ballons pour s’adonner à leur sport.

La FIFA est secouée depuis quelques années par des scandales honteux, le dernier étant l’attribution du Mondial 2022 au Qatar, pays sans tradition de football, ni espoir de développement, aux pratiques sociales moyenâgeuses. La distribution de prêts à des collectivités en Suisse ou ailleurs est le rôle des banques ou des gouvernements, pas de la FIFA. Les dirigeants devront aussi s’expliquer sur ces honteuses pratiques financières.

Le président de la FIFA, Gianni Infantino, est un juriste, diplômé de l’université de Fribourg ; il sait que l’argent a une odeur. Alors ?

Le journalisme à Davos

Kyle Pope est un journaliste chevronné ; il a été rédacteur en chef du New York Observer et du Wall Street Journal. Aujourd’hui, il est rédacteur en chef de la revue de l’école de journalisme de l’université Columbia (Columbia Journalism Review, CJR).

Kyle Pope a publié dans la CJR un article sous le titre ‘’Le journalisme a un problème à Davos’’ après avoir lu avec gourmandise la newsletter d’un site américain indépendant, Semafor consacrée au Forum économique de Davos. ‘’Davos Daily’’ s’est intéressé à la manière dont les médias couvrent l’événement et, ajoute-t-il, les riches du monde.

Kyle Pope a relevé que, à Davos selon Semafor, « l’ambiance est austère » et les participants sont qualifiés de myopes, relevant « une courte liste des choses que la foule de Davos a manquées : le crash de 2008, le Brexit et l’élection de Donald Trump en 2016, le ralentissement de la croissance mondiale en 2018 et 2019, et la pandémie en 2020. »

Kyle Pope lui-même est particulièrement critique à l’égard de la presse économique : « C’est arrivé au point où rien de tout cela n’est plus drôle. Jamais dans ma carrière je n’ai vu une telle déconnexion entre l’état de l’économie mondiale et les histoires que la presse économique propose pour la couvrir. L’échelle colossale et historique de l’inégalité des revenus ; la dislocation économique mondiale provoquée par la crise climatique et la désindustrialisation ; les luttes silencieuses et douloureuses de familles incapables de faire face à la dette et à l’inflation. Ce sont aussi des temps sombres pour notre lieu de travail mondial, mais ils ne constituent pas la majeure partie de ce qui continue de passer pour de l’actualité économique. »

Le journaliste se demande s’il ne faut pas repenser la notion même de journalisme économique : « Pourquoi doit-il être isolé des rapports nationaux et politiques ? Pourquoi continue-t-il de tourner autour des PDG et de leurs presses, plutôt que des travailleurs et des clients qui devraient être au cœur de l’histoire ? Pourquoi le scepticisme que la presse applique aux politiciens ne semble-t-il pas toujours s’appliquer à l’élite mondiale au sens large ? »

La situation en France ? Pas plus reluisante.

Kyle Pope interpelle tous les journalistes, où qu’ils soient. Non sans humour. Et lucidité.

Un beau sujet de réflexion pour les syndicats de journalistes français !

Le mépris, toujours

Bernard Arnault est l’homme le plus riche du monde ; son patrimoine se porte particulièrement bien. Son quotidien économique, Les Echos, jubile et note que LVMH a bouclé une année record avec 79 milliards de ventes (+ 23%) en 2022. La radio britannique jubile, elle aussi, et constate que les résultats de LVMH sont exceptionnels pour la deuxième année consécutive.

Le groupe aux 70 marques de luxe a dégagé un bénéfice de 14 milliards. Pour la Bourse ce n’est pas encore assez, l’action a ‘’chuté’’ de 2 % au lendemain de la publication des résultats. Les actionnaires sont dérangés, paraît-il, par la morosité du marché chinois. Heureusement, celui-ci se réveille et les investisseurs salivent déjà en rêvant à de nouveaux bénéfices record en 2023.

Bernard Arnault, lui aussi, est dérangé, non pas par ses dividendes, mais par les critiques dont les ultra-riches sont assaillis en période de crise. Les pauvres ont du mal à boucler les fins de mois et à faire le plein d’essence du réservoir de la voiture, indispensable pour aller travailler. Bernard Arnault ne comprend pas pourquoi il est l’objet de vindicte parce qu’il se déplace en jet privé.

Alors, toujours aussi condescendant, il n’a eu que mépris pour ceux qui profèrent les critiques, « ces gens qui ne connaissent pas bien l’économie », a-t-il déclaré.

Evidemment, ceux qui ne connaissent pas bien l’économie sont comme les employées des abattoirs de Bretagne, des analphabètes.

La France qui trime ne mérite, selon Bernard Arnault et Emmanuel Macron, que les insultes ; elle ne sait même pas reconnaître leur incommensurable intelligence et leur sens de l’économie capitaliste. La caste des nantis se vautre dans le mépris absolu. 

Morale de l’histoire, empruntée à Albert Camus (L’Homme révolté) : « Toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme. »

A la Bastille !

La moitié des Français détient 92 % du patrimoine, selon l’INSEE. Dit comme ça, le rapport d’une enquête réalisée tous les trois ans est choquant ; mais les chiffres qu’il dévoile confirment encore davantage le scandale des inégalités dans la France de 2023.

Les plus riches (ils ne sont qu’1 %) ont un patrimoine supérieur à 2,24 millions d’euros quand les plus pauvres (ils sont 10 %) n’ont que 4 000 euros, soit 560 fois moins.

Les plus pauvres ont souvent recours à l’emprunt et les remboursements font tomber leur patrimoine à 3 000 euros.

L’INSEE ajoute que la répartition du patrimoine est stable par rapport à l’étude de 2018. Certes, mais elle n’évolue pas.

La France reste la championne des inégalités et les plus riches se frottent les mains en lisant la presse économique qui annonce des dividendes records versés en 2023. Les plus pauvres, eux, ne se chauffent plus, ne s’éclairent plus, économisent l’eau et ne mangent plus à leur faim tous les jours.

L’argent ne ruisselle pas. Les riches thésaurisent et placent leurs revenus dans les paradis fiscaux, quand les pauvres, eux, connaissent l’enfer des fins de mois.

Bref, l’ordre libéral est stable ; il semble immuable. 

En 1788 aussi, l’ordre semblait immuable. Marie-Antoinette invitait les gueux à manger de la brioche et celui qui prétend que les Français qui ne voulaient pas la mort du roi invite les chômeurs à traverser la rue pour trouver du travail.

On fait mieux comme concours d’éloquence et de savoir-vivre.

La Bastille est encore à prendre, 245 ans plus tard !

Connard !

Olivier Dussopt, le ministre du travail, est à l’honneur aujourd’hui ; il présente le projet de loi sur la réforme des retraites. Il se rengorge, il donne des coups de menton, il est rouge de plaisir. Bref, il est hors sol ; il est ébloui par toutes les lumières qui permettent aux caméras de le montrer au bon peuple dans tous les journaux télévisés.

Un bref rappel est nécessaire pour camper le personnage.

Le ministre du travail d’Emmanuel Macron est ce député qui, en septembre 2014, avait interpellé le ministre de l’économie auteur d’une petite phrase honteuse, traitant les ouvrières de l’abattoir Gad d’illettrées :

« Je me nomme Olivier Dussopt, je suis député de l’Ardèche. Ma mère est ouvrière, n’a pas de diplôme et a été licenciée à deux reprises. Vous l’avez insultée. »

Le député s’était ensuite emporté et avait reproché à Emmanuel Macron d’avoir eu un comportement de connard. Ambiance.

Le 21 novembre 2017, le même député, Olivier Dussopt, encore assis sur les bancs réservés au Parti socialiste, vote contre le premier projet de budget du nouveau président, Emmanuel Macron.  Le 24 novembre, il est nommé secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’action et des comptes publics et aussitôt dépêché au Sénat pour défendre le même projet de loi de finances. Il ne fait pas dans la nuance en déclarant : « Je sais, par l’expérience que j’ai eue à l’Assemblée nationale, que les compromis sont souvent possibles. J’espère que ma présence parmi vous aujourd’hui nous permettra aux uns et aux autres de nous retrouver sur les sujets essentiels. Je mettrai tout en œuvre pour être à la hauteur des responsabilités qui m’ont été confiées. »

Olivier Dussopt n’est pas à un retournement de veste près.

Son fait d’armes le plus retentissant date de 2010, quand il est particulièrement sévère avec François Fillon qui, déjà, veut repousser l’âge de la retraite. Dussopt dénonce alors un projet de loi injuste qui « écarte d’emblée la recherche d’autres recettes et la mise à contribution de l’ensemble des revenus, et en particulier ceux issus du capital. Entre les niches fiscales et le bouclier du même nom, beaucoup pourrait être fait pour que les efforts ne portent pas encore une fois sur les seuls salariés ». Il ajoute, à propos de la méthode employée par le premier ministre pour faire adopter sa loi : « La main sur le cœur, vous vous êtes engagé à ne pas passer en force et à rechercher une position de consensus. (…) Malheureusement, la vérité est ailleurs : vous avez déjà décidé les axes de votre réforme, et les discussions que vous menez ne sont que des alibis et des rideaux de fumée. La concertation que vous avez promise apparaît pour ce qu’elle est : un simulacre ».

En présentant le projet de loi, le ministre Dussopt a affirmé que le gouvernement ne reviendra pas sur le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, ajoutant que « revenir sur ce point serait renoncer au retour à l’équilibre du système ». Comme le prétendait Fillon et comme le contestait Dussopt en 2010. 

On ne sait pas ce qu’un jeune député, élu en juin 2022 avec l’étiquette du Parti socialiste et avec les voix de la gauche unie, peut avoir envie de dire en croisant le ministre du travail dans les couloirs du Palais-Bourbon ; mais on peut lui souffler le qualificatif insultant dont le député Olivier Dussopt usa en apostrophant Emmanuel Macron en 2014.

Il s’en fout !

Michel Ohayon ? Ce nom était inconnu du grand public jusqu’à la fermeture des enseignes Camaïeu, jetant les 2600 salariés des 650 magasins à la rue.

Camaïeu ? L’enseigne de vêtements est un peu l’un des enfants de la fameuse Association familiale Mulliez. Familiale, peut-être, mais méprisante envers les salariés.

Michel Ohayon ? Le passé (et le présent) de cet homme mérite qu’on s’y arrête. Présenté comme un homme d’affaires, il apparaît compulsif. Il passe de l’immobilier commercial, à l’hôtellerie de luxe (à Bordeaux, Versailles, à Roissy et même à Jérusalem), aux enseignes de jouets (La Grande Récré et Jouetland), au vignoble à Saint-Emilion, aux cafés Legal, aux magasins Galeries Lafayette en régions, etc. Un vrai capharnaüm ! On cherche en vain une stratégie de groupe. Mais l’essentiel n’est pas là ; la stratégie Ohayon est rentable.

L’une de ses dernières acquisitions sera la chaîne de magasins d’articles de sport, Go Sport, en décembre 2021. Un an plus tard, les commissaires aux comptes et les syndicats déclenchent un droit d’alerte ; la maison Go Sport brûle. Ohayon n’appelle pas les pompiers mais, on n’ose le croire, il réplique en demandant à l’enseigne de racheter la chaîne Gap France, autre filiale du groupe Ohayon en difficulté, rachetée en avril 2021. 

Les 2160 salariés de Go Sport vivent dans l’incertitude et leurs familles dans l’angoisse ; le tribunal de commerce de Grenoble a placé le groupe en redressement judiciaire pour six mois après avoir constaté l’état de cessation de paiement. Les syndicats s’alarment à juste titre : ils avaient dénoncé une remontée de 36 millions d’euros de trésorerie de leur groupe vers une holding filiale, Hermione, People & Brands (HPB), sans aucune explication. Sinon que le libéralisme s’affranchit aisément des règles comptables et de la morale.

Michel Ohayon ? Sa holding Financière immobilière bordelaise (FIB) possède des actifs estimés à plus de 2 milliards d’euros et sa fortune personnelle à 900 millions. Pour lui, tout va bien. Merci. En 2019, il avait confié au magazine américain Forbes (qui s’intéresse aux grandes fortunes) : « J’estime qu’il est important de comprendre les grands mouvements sociologiques, cette hyper digitalisation nourrit une forte envie de revenir aux magasins physiques de quartier. » 

M. Ohayon a tout compris à l’économie capitaliste. Quand une marque et un modèle ne fonctionnent plus, on passe à autre chose et on s’affranchit de payer les indemnités de licenciement ; elles seront prises en charge par l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS), évidemment plafonnées.

Les salariés de Go Sport ? Il s’en fout !

Salauds de juges!

La France laborieuse a battu le pavé hier ; une belle et forte mobilisation contre la réforme des retraites a occulté des informations qui en disent long sur l’état d’esprit des milliardaires et de leurs valets.

Aux Etats-Unis, un juge a condamné Donald Trump et son avocate, Alina Habba, à une amende de 937 989,39 dollars pour une « utilisation abusive des tribunaux (…) afin de faire avancer de façon malhonnête un récit politique ».

Trump avait osé réclamer 70 millions de dollars à Hillary Clinton pour, prétendait-il, avoir tenté de persuader les électeurs que la campagne de son adversaire avait bénéficié du soutien de le Russie.

Le juge, John Middlebrooks, ne s’est pas laissé impressionner ; il a dénoncé une action qui « n’aurait jamais dû être intentée (…) Son insuffisance en tant que recours légal était évidente dès le départ. Aucun avocat raisonnable ne l’aurait déposée. Destinés à un but politique, les arguments de la plainte n’énoncent aucune demande légale recevable. » Puis il a présenté Trump comme un « plaideur prolifique et sophistiqué qui utilise de façon répétée les tribunaux pour se venger de ses adversaires politiquesIl est le maître d’œuvre d’un dévoiement stratégique du processus judiciaire, et il ne peut être considéré comme un plaideur qui suivrait aveuglément les conseils d’un avocat. Il connaissait parfaitement l’impact de ses actions. »

Pan sur le bec, comme écrirait le Canard enchaîné !

Le même jour, c’est en France que les milliardaires ont fait grise mine.

La cour d’appel de Versailles a débouté Patrick Drahi et Altice de toutes ses demandes à l’encontre du site d’information Reflets.info et infirmé la décision du tribunal de commerce de Nanterre lui interdisant de publier tout nouvel article sur les ‘’DrahiLeaks’’.

Les juges ont retenu « l’absence de violation du droit au secret des affaires par Reflets », puis que « l’incitation à violer le secret des affaires n’est pas davantage caractérisé ». Ils ont également rejeté les accusations de trouble et de danger imminent occasionnés par la publication d’informations touchant aux DrahiLeaks. 

Hier aussi, Me Olivier Baratelli, l’avocat de Vincent Bolloré, confirmait à l’AFP que « le groupe Bolloré a décidé de se désister en raison de la cession de ses activités de concession portuaires en Afrique » de son action visant les deux auteurs du livre ‘’Vincent Tout-puissant’’, Nicolas Vescovacci et Jean-Pierre Canet. Il leur était reproché d’avoir diffamé Canal+, Vivendi, Bolloré Africa Logistics dans une centaine de passage du livre.

La décision est à noter car c’est la première fois que Vincent Bolloré se désiste d’une ‘’procédure-bâillon’’ dont il est coutumier pour tenter de faire taire les journalistes. La multiplication de ses condamnations pour procédure abusive a sans doute freiné les ardeurs judiciaires de celui qui n’admet aucune mise en cause de ses pratiques autoritaires. La cession des concessions portuaires n’étant qu’un prétexte.

On ne peut s’empêcher de rapprocher les trois informations et de reprendre les termes du juge américain parlant d’utilisation abusive des tribunaux, afin de faire avancer de façon malhonnête un récit politique ou pour masquer des gestions douteuses.

La date du 19 janvier 2023 restera dans les mémoires pour ses manifestations en France, mais aussi pour la liberté d’information.

On saluera également les salauds de juges qui ont osé dénoncer les procédures de ceux qui ne supportent ni contradiction, ni contrôle démocratique de leurs affaires.

Vivent les riches Chinois !

L’information est restée discrète. La presse économique a refait le coup du « Cachez ce sein que l’on ne saurait voir ! », embouchant néanmoins les trompettes du chauvinisme le plus haïssable. Le site franceinfo et l’AFP se sont crus autorisés en effet à titrer une courte dépêche : « LVMH, première société européenne à dépasser 400 milliards d’euros de capitalisation boursière ». Cocorico !

Alors que se profile un puissant mouvement de grèves contre la réforme des retraites, on comprend le choix de journaux comme Les Echos, propriété (heureux hasard) de Bernard Arnault, de faire dans la discrétion.

On apprend quand même que l’action de LVMH a atteint un nouveau record à 795,70 euros (avant de revenir à 791,40 euros. Le chiffre ne dit rien en soi ; mais il est intéressant de noter que cette action LVMH a augmenté de plus de 16 % depuis le début de l’année. C’est-à-dire en 15 jours. Une progression inversement proportionnelle à celle des salaires des travailleurs.

L’AFP note que la valorisation boursière, la somme qu’il faudrait dépense pour acheter toutes les actions du groupe, a culminé à 400,4 milliards d’euros. Plus que Nestlé, par exemple. Re-Cocorico !

Les économistes attribuent la performance (digne des plus grands exploits sportifs) à la réouverture économique de la Chine. Les résultats euphoriques de LVMH tributaires de la levée du confinement derrière la Grande Muraille ? On n’ose y croire !

Le même jour, les partis de gauche étaient réunis en meeting et on a pu entendre une oratrice déclarer : « Ce gouvernement fait un choix politique : faire souffrir des millions de gens, en les faisant travailler deux ans plus longtemps, plutôt que de taxer 42 milliardaires du pays de seulement 2%. »

Bernard Arnault et son ami Emmanuel Macron n’ont pas cru utile de réagir à ce véritable appel à la révolte du peuple qui souffre. Chut ! Discrétion de rigueur.

Laissons les riches Chinois (mais pas qu’eux) continuer à enrichir les milliardaires, à commencer par Bernard Arnault. Le monde des affaires doit pouvoir continuer à faire le ‘’business’’. Quoi qu’il en coûte.

Dé-mo-cra-tia !

L’opposition au gouvernement d’extrême droite de Benyamin Nétanyahu redresse la tête et les mobilisations sont fortes. Samedi, ce sont environ 80 000 Israéliens qui ont envahi le centre de Tel-Aviv, contre 30 000 personnes une semaine plus tôt.

L’opposition se cristallise sur plusieurs questions, la réforme judiciaire et notamment de la Cour suprême, entraînant un affaiblissement du Parlement, l’instauration d’un régime théocratique, les droits fondamentaux et le droit de manifestation ou encore les droits des homosexuels.

La foule des opposants a scandé ‘’Dé-mo-cra-tia !’’

On s’en réjouira ; cependant, on s’étonnera de l’absence de slogan pour la question palestinienne. Un manifestant confiant au Monde : « Quand j’entends les grands discours sur la démocratie alors qu’on est dans un apartheid, c’est difficile pour moi de me mettre dans cette opposition. Aujourd’hui, ici, c’est un public juif, il n’y a pas de Palestiniens. Cette manifestation est complètement déconnectée de la réalité. »

Scander ‘’Dé-mo-cra-tia’’ et maintenir l’ambiguïté à propos des colonisations, des crimes de l’armée israélienne ou de la création d’un état palestinien est intolérable. Le peuple israélien ne doit plus soutenir un régime d’apartheid s’il veut pouvoir scander ‘’Dé-mo-cra-tia’’. Il ne pourra être crédible que s’il cesse de voter pour un premier ministre corrompu et pour son alliance avec les partis ouvertement fascistes.

Cultiver le sol

Eric Dupond-Moretti a été lauréat de la Conférence du stage, concours d’éloquence des avocats du barreau de Lille. Malgré cela, il n’a ni l’éloquence de Victor Hugo, ni son humanisme. La comparaison est même cruelle.

‘’Acquitator’’ se glorifie de finaliser l’engagement d’Emmanuel Macron de créer 15 000 places de prison supplémentaires ; l’immense poète et écrivain, l’auteur des Misérables, défend la création d’écoles, au point qu’on lui a longtemps prêté la célèbre phrase : « Celui qui ouvre une porte d’école, ferme une prison. »

Victor Hugo n’a pas prononcé cette phrase, mais il a déclaré à la Chambre des Pairs en 1847 : « Tout homme coupable est une éducation manquée qu’il faut refaire ». Puis, dans Écrit après la visite d’un bagne, en1853 : « Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne / Quatre-vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne / Ne sont jamais allés à l’école une fois, / Et ne savent pas lire, et signent d’une croix ».

La plaidoirie de Victor Hugo en 1848, devant les députés, pour défendre le budget de la culture, est autrement plus éloquent que les discours du ministre Eric Dupond-Moretti. Victor Hugo était un parlementaire qui avait du panache :

« Il importe, messieurs, de remédier au mal ; il faut redresser pour ainsi dire l’esprit de l’homme ; il faut, et c’est la grande mission, la mission spéciale du ministère de l’instruction publique, il faut relever l’esprit de l’homme, le tourner vers la conscience, vers le beau, le juste et le vrai, le désintéressé et le grand. C’est là, et seulement là, que vous trouverez la paix de l’homme avec lui-même et par conséquent la paix de l’homme avec la société. Pour arriver à ce but, messieurs, que faudrait-il faire ? Il faudrait multiplier les écoles, les chaires, les bibliothèques, les musées, les théâtres, les librairies. Il faudrait multiplier les maisons d’études où l’on médite, où l’on s’instruit, où l’on se recueille, où l’on apprend quelque chose, où l’on devient meilleur ; en un mot, il faudrait faire pénétrer de toutes parts la lumière dans l’esprit du peuple ; car c’est par les ténèbres qu’on le perd. Ce résultat, vous l’aurez quand vous voudrez. Quand vous le voudrez, vous aurez en France un magnifique mouvement intellectuel ; ce mouvement, vous l’avez déjà ; il ne s’agit pas de l’utiliser et de le diriger ; il ne s’agit que de bien cultiver le sol. »

On aimerait entendre résonner ces paroles dans la bouche du ministre de la justice et, aussi quand le pays s’enfonce dans les ténèbres, quand des députés racistes sont entrés au Palais Bourbon, quand les immigrés sont refoulés, quand la misère gagne du terrain et quand l’école publique souffre.

Eric Dupond-Moretti, issu d’un milieu modeste, a fait un autre choix, c’est son droit. Renier ses origines et sa liberté, préférer l’enfermement des petits délinquants à l’éducation du peuple par l’enseignement et la culture, c’est aussi un choix, celui de la répression plutôt que de l’éducation.

Madame Sans-Gêne (bis)

Que Mme Brigitte Macron ait un avis sur tout, quoi de plus normal dans un pays où les femmes secouent sérieusement le vieux monde patriarcal. Mais que l’épouse du président de la République se croit obligée de le faire savoir à tous les citoyens en raison de sa proximité avec lui est d’une incongruité rare.

Il semble que la citoyenne Brigitte Macron usurpe un rôle qui n’est pas le sien. Les électeurs ont élu son mari et rien dans la Constitution ne lui attribue ni pouvoir, ni fonction. Faudra-t-il lui rappeler que le temps où l’épouse de De Gaulle, surnommée Tante Yvonne, faisait interdire le film La religieuse, est lui aussi terminé !

On pourrait épiloguer longuement sur l’indécence de lui avoir attribué un bureau à l’Elysée et, plus encore, un cabinet !

Mme Macron s’est déclarée en faveur de la réforme des retraites et pour le port de l’uniforme à l’école en osant déclarer dans la feuille pour le bas peuple de son ami Bernard Arnault : « J’ai porté l’uniforme comme élève : quinze ans de jupette bleu marine, pull bleu marine. Et je l’ai bien vécu. Cela gomme les différences, on gagne du temps – c’est chronophage de choisir comment s’habiller le matin – et de l’argent – par rapport aux marques. »

La tenue de Brigitte Macron, jupette et pull bleu marine, était l’uniforme des écoles bien pensantes, genre catho intégriste ; a-t-elle oublié qu’à l’époque cette tenue ne gommait pas les différences qu’elle prétend. Au contraire, la tenue bleu marine était portée par les enfants de la bonne bourgeoisie pour les distinguer des élèves de la laïque, école du peuple et des citoyens, où on ne faisait pas sa prière avant chaque cours.

Brigitte Macron devrait également se rappeler qu’elle s’est affranchie de la bien-pensance en couchant avec son élève, déclenchant un scandale.

Bref, l’avis de Brigitte Macron, on s’en fout. L’article du Parisien, on s’en fout. Ses reprises par tous les autres médias, tout autant. Mais, au fond, pas tout à fait : quand les journalistes cesseront-ils de relayer les pensées de cette Madame Sans-Gêne d’aujourd’hui et de lui lécher les bottes ?

Un peu d’éthique professionnelle !

Le sport est malade

Le sport français est malade, malgré une belle vitrine, c’est-à-dire les résultats enregistrés par les équipes nationales dans les grandes compétitions mondiales.

Le fric pervertit tout et des présidents comme Noël Le Graët (football), Bernard Laporte (rugby) et Didier Gailhaguet (patinage artistique) défraient la chronique par leurs magouilles ou leurs insultes.

Ils ont une conception du pouvoir autoritaire. Il est vrai qu’au plus haut sommet de l’Etat, le président de la République donne le mauvais exemple d’un pouvoir non partagé, vertical, aux antipodes d’une gestion démocratique où les citoyens peuvent s’exprimer et donner leur avis.

Il y a longtemps que certains présidents de fédérations sportives ont confisqué le pouvoir, malgré des soubresauts des principaux intéressés, les pratiquants. Le slogan de 1968, ‘’le football aux footballeurs’’, quand certains joueurs professionnels proches du Miroir du football, avaient envahi ‘’leur’’ siège, n’est plus qu’un lointain souvenir.

L’argent qui ruisselle semble avoir anesthésié les joueurs-vedettes que leur statut devrait encourager à s’exprimer. Au Qatar, on a pu voir une équipe de France, tancée par Noël Le Graët, incapable de formuler la moindre critique à l’encontre d’un pays moyenâgeux et d’une fédération internationale qui a vendu l’âme du football aux dollars qatariens.

Le spectacle donné par ces dirigeants est pitoyable.

Le pouvoir politique, obnubilé par ‘’sa’’ réforme des retraites inique et dont personne ne veut, est aux abonnés absents et multiplie les petites phrases pour ne pas avoir à trancher dans le vif en démettant les présidents insultants et corrompus comme leur délégation de pouvoir le lui permet.

Emmanuel Macron craint-il pour sa propre personne ? On peut le croire ; il y a tellement de similitudes entre les insultes de Noël Le Graët et celles d’un président qui considère les ouvrières d’abattoirs comme des analphabètes…

Le sport s’enlise, lui aussi, dans l’affairisme et la corruption.

Les irresponsables

Donald Trump, Jair Bolsonaro et Itamar Ben Gvir sont des irresponsables. Je n’ai jamais eu de sympathie pour ces prétendus hommes d’Etat et chaque événement auquel sont liés ces trois hommes me provoquent un profond dégoût. Les deux premiers nommés sont de dangereux fascistes, mais suffisamment pleutres pour appeler leurs affidés à commettre des exactions et tenter de renverser le pouvoir en contestant le résultat d’élections qu’ils étaient en charge d’organiser. Quant au troisième, sa visite sur l’esplanade des Mosquées ne pouvait qu’entraîner des réactions violentes des Palestiniens.

Aux Etats-Unis, Trump commence à être lâché par ceux-là même qui l’ont élu. Ses provocations sont imbéciles et on peut se demander comment des esprits doués d’un soupçon d’intelligence peuvent encore de laisser berner.

Au Brésil, Jair Bolsonaro n’est que la pâle copie de Trump. C’est-à-dire un imbécile dont l’intellect se situe un ton en dessous de celui de son homologue américain. Si c’est possible. Ce président corrompu qui a vendu la forêt amazonienne à quelques affairistes ose accuser Lula de corruption, sans vergogne.

Enfin, Itamar Ben Gvir, lui aussi profondément extrémiste de droite, veut judaïser les territoires palestiniens, y compris les lieux saints de l’islam. Provocateur, il a trouvé en Netanyahu un maître à penser dangereux, entièrement dévoué à la religion juive, qui a osé faire voter par le Parlement une loi proclamant Israël comme Etat-Nation du peuple juif.

Ces trois fauteurs de troubles sont belliqueux et capables de tout ; ils salissent la démocratie.

La nuit du 4 août

Dans sa tribune de ce jour dans le Monde, Thomas Piketty fustige la politique du président de la République et pose la question qui, hélas pour les pauvres, se pose de façon récurrente et traumatisante : « En 2023, Emmanuel Macron va-t-il de nouveau se tromper d’époque en s’illustrant comme président des riches ? »

La réponse ne fait aucun doute pour l’économiste : « C’est malheureusement ce qui se profile avec la réforme des retraites. Lors de son premier mandat, il avait déjà choisi de tout miser sur les « premiers de cordée » et la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Avec, à l’arrivée, un puissant sentiment d’injustice qui avait conduit au mouvement des « gilets jaunes » excédés par les nouvelles taxes sur les carburants qu’ils étaient eux-mêmes sommés de payer pendant que les plus riches recevaient des chèques. »

Piketty fait le constat qu’Emmanuel Macron persiste à n’être que le président des riches car « avec la réforme des retraites, le pouvoir s’apprête à faire tout le contraire » de ce qu’il faudrait faire pour retrouver une France juste : « L’objectif affiché est de faire 20 milliards d’économies par an d’ici à 2030, afin de financer les autres priorités du gouvernement. Le problème est que ces 20 milliards vont peser entièrement sur les plus modestes. »

Preuve que des sommes considérables sont disponibles, « Il suffit d’ouvrir un magazine pour savoir que les millionnaires et les cadres dirigeants se portent à merveille. En France, les 500 plus grandes fortunes sont passées en dix ans de 200 milliards à 1 000 milliards. Il suffirait d’imposer à 50 % cet enrichissement exceptionnel pour rapporter 400 milliards. L’ampleur de la réserve fiscale disponible serait encore plus importante si l’on élargissait la focale aux 500 000 contribuables les plus riches (1 % de la population) ou aux 10 % ou 20 % les plus riches. Tous ces groupes devront être mis à contribution de façon graduée, suivant des principes de justice qui devront être débattus au grand jour, en commençant par le sommet. »

Thomas Piketty ajoute que « Chacun connaît aujourd’hui ces réalités et ces injustices, au moins aussi bien qu’à l’époque de la Révolution et des privilèges de la noblesse. »

Les privilèges de la noblesse ? Les révolutionnaires de 1789 avaient trouvé une solution en une nuit, c’était le 4 août.

Le siècle de la peur

« Aujourd’hui, personne ne parle plus (sauf ceux qui se répètent), parce que le monde nous paraît mené par des forces aveugles et sourdes qui n’entendront pas les cris d’avertissement, ni les conseils, ni les supplications. »

« Nous étouffons parmi les gens qui croient avoir absolument raison, que ce soit dans leurs machines ou dans leurs idées. »

Ces lignes ont été écrites le 19 novembre 1946 par Albert Camus, dans une série d’articles pour Combat, intitulés Ni victimes, ni bourreaux ; celui dont sont extraites ces quelques phrases avait pour titre Le Siècle de la peur.

Toute ressemblance avec quelques situations aujourd’hui est parfaitement fortuite, cela va de soi !

La faillite, nous voilà !

Les médecins libéraux sont en grève à leur tour, signe d’une dégradation de la confiance de cette catégorie sociale, traditionnellement acquise à la droite. Leur mouvement s’ajoute au désarroi de tous les personnels de santé.

Il n’est pas nécessaire de faire la liste des mécontentements, tout le monde du travail n’en peut plus du mépris d’Emmanuel Macron et de son gouvernement et de leur politique de casse du socle social.

Ils tentent de colmater les brèches (comme avec les boulangers) en catastrophe, déclenchant aussitôt la colère des restaurateurs et d’autres secteurs. Les maladresses se succèdent. Si, dans ses vœux, le président du mépris a osé avouer que la crise climatique n’était pas prévisible, aujourd’hui, c’est au tour du ministre de l’éducation nationale de se prendre les pieds dans le tapis.

Au cours d’un entretien sur BFM TV au cours duquel il était interrogé sur la promesse d’augmenter de 10 % à partir de janvier les salaires des enseignants, il a osé répondre : « Non, non, nous n’avons jamais dit ça. »

Pauvre Pap Ndiaye. 

La preuve a aussitôt circulé sur les réseaux sociaux. En avril dernier, entre les deux tours de l’élection présidentielle sur France Inter, Macron avait bien déclaré : « De manière inconditionnelle, il y aura une revalorisation d’environ 10 % des salaires des enseignants et il n’y aura plus de démarrage de carrière sous 2.000 euros par mois. Donc je veux dire ici très clairement que ce n’est conditionné à absolument rien. »

La colère gronde chez les enseignants. Sans surprise

Le président s’est un peu plus discrédité aux yeux de l’opinion publique. Rien ne va plus au plus haut sommet de l’Etat. Et, pour paraphraser l’hommage du général Stanton en 1917 devant la tombe du marquis de La Fayette au cimetière de Picpus : « La faillite, nous voilà ! »

Maudit soleil !

Météo France a constaté que « ce 1er janvier, la douceur de la masse d’air a occasionné des températures parfois inédites pour un mois de janvier » et de citer une température de 18,6° C à Besançon et 19,1° C à Sélestat. Les météorologues parlent « d’une anomalie positive, à l’échelle de la France de + 7,6° C » et poursuivent en notant qu’une « telle anomalie sur une journée est très rare mais tendance à la hausse ces dernières années ».

Les chaînes de télévision enregistrent les « records » (cela fait un sujet d’information) et multiplient les micros-trottoirs pour enregistrer les déclarations béates des vacanciers heureux d’une telle température clémente, plutôt que de noter le caractère catastrophique du dérèglement climatique. Même dans les stations de sports d’hiver, les reporters sont contraints de trouver des skieurs satisfaits de s’adonner à de nouvelles activités.

Le président le République, à en croire son discours de vœux aux Français, a proclamé ‘’urbi et orbi’’ : « Qui aurait pu prédire la vague d’inflation, ainsi déclenchée ? Ou la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été dans notre pays ? » Assurément pas les énarques conseillers de l’Elysée !

Les scientifiques du climat, eux, ont avalé leurs études, leurs rapports, leurs alarmes datant de plusieurs années (et réitérées) et même leurs prévisions en constatant qu’Emmanuel Macron n’avait jamais tenu aucun compte de toutes les études scientifiques.

A croire que le président de la République, qui, aujourd’hui, découvre le problème majeur de la planète Terre, s’était trop longtemps exposé au soleil à Brégançon !