Michel Ohayon ? Ce nom était inconnu du grand public jusqu’à la fermeture des enseignes Camaïeu, jetant les 2600 salariés des 650 magasins à la rue.

Camaïeu ? L’enseigne de vêtements est un peu l’un des enfants de la fameuse Association familiale Mulliez. Familiale, peut-être, mais méprisante envers les salariés.

Michel Ohayon ? Le passé (et le présent) de cet homme mérite qu’on s’y arrête. Présenté comme un homme d’affaires, il apparaît compulsif. Il passe de l’immobilier commercial, à l’hôtellerie de luxe (à Bordeaux, Versailles, à Roissy et même à Jérusalem), aux enseignes de jouets (La Grande Récré et Jouetland), au vignoble à Saint-Emilion, aux cafés Legal, aux magasins Galeries Lafayette en régions, etc. Un vrai capharnaüm ! On cherche en vain une stratégie de groupe. Mais l’essentiel n’est pas là ; la stratégie Ohayon est rentable.

L’une de ses dernières acquisitions sera la chaîne de magasins d’articles de sport, Go Sport, en décembre 2021. Un an plus tard, les commissaires aux comptes et les syndicats déclenchent un droit d’alerte ; la maison Go Sport brûle. Ohayon n’appelle pas les pompiers mais, on n’ose le croire, il réplique en demandant à l’enseigne de racheter la chaîne Gap France, autre filiale du groupe Ohayon en difficulté, rachetée en avril 2021. 

Les 2160 salariés de Go Sport vivent dans l’incertitude et leurs familles dans l’angoisse ; le tribunal de commerce de Grenoble a placé le groupe en redressement judiciaire pour six mois après avoir constaté l’état de cessation de paiement. Les syndicats s’alarment à juste titre : ils avaient dénoncé une remontée de 36 millions d’euros de trésorerie de leur groupe vers une holding filiale, Hermione, People & Brands (HPB), sans aucune explication. Sinon que le libéralisme s’affranchit aisément des règles comptables et de la morale.

Michel Ohayon ? Sa holding Financière immobilière bordelaise (FIB) possède des actifs estimés à plus de 2 milliards d’euros et sa fortune personnelle à 900 millions. Pour lui, tout va bien. Merci. En 2019, il avait confié au magazine américain Forbes (qui s’intéresse aux grandes fortunes) : « J’estime qu’il est important de comprendre les grands mouvements sociologiques, cette hyper digitalisation nourrit une forte envie de revenir aux magasins physiques de quartier. » 

M. Ohayon a tout compris à l’économie capitaliste. Quand une marque et un modèle ne fonctionnent plus, on passe à autre chose et on s’affranchit de payer les indemnités de licenciement ; elles seront prises en charge par l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS), évidemment plafonnées.

Les salariés de Go Sport ? Il s’en fout !