Eric Dupond-Moretti a été lauréat de la Conférence du stage, concours d’éloquence des avocats du barreau de Lille. Malgré cela, il n’a ni l’éloquence de Victor Hugo, ni son humanisme. La comparaison est même cruelle.

‘’Acquitator’’ se glorifie de finaliser l’engagement d’Emmanuel Macron de créer 15 000 places de prison supplémentaires ; l’immense poète et écrivain, l’auteur des Misérables, défend la création d’écoles, au point qu’on lui a longtemps prêté la célèbre phrase : « Celui qui ouvre une porte d’école, ferme une prison. »

Victor Hugo n’a pas prononcé cette phrase, mais il a déclaré à la Chambre des Pairs en 1847 : « Tout homme coupable est une éducation manquée qu’il faut refaire ». Puis, dans Écrit après la visite d’un bagne, en1853 : « Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne / Quatre-vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne / Ne sont jamais allés à l’école une fois, / Et ne savent pas lire, et signent d’une croix ».

La plaidoirie de Victor Hugo en 1848, devant les députés, pour défendre le budget de la culture, est autrement plus éloquent que les discours du ministre Eric Dupond-Moretti. Victor Hugo était un parlementaire qui avait du panache :

« Il importe, messieurs, de remédier au mal ; il faut redresser pour ainsi dire l’esprit de l’homme ; il faut, et c’est la grande mission, la mission spéciale du ministère de l’instruction publique, il faut relever l’esprit de l’homme, le tourner vers la conscience, vers le beau, le juste et le vrai, le désintéressé et le grand. C’est là, et seulement là, que vous trouverez la paix de l’homme avec lui-même et par conséquent la paix de l’homme avec la société. Pour arriver à ce but, messieurs, que faudrait-il faire ? Il faudrait multiplier les écoles, les chaires, les bibliothèques, les musées, les théâtres, les librairies. Il faudrait multiplier les maisons d’études où l’on médite, où l’on s’instruit, où l’on se recueille, où l’on apprend quelque chose, où l’on devient meilleur ; en un mot, il faudrait faire pénétrer de toutes parts la lumière dans l’esprit du peuple ; car c’est par les ténèbres qu’on le perd. Ce résultat, vous l’aurez quand vous voudrez. Quand vous le voudrez, vous aurez en France un magnifique mouvement intellectuel ; ce mouvement, vous l’avez déjà ; il ne s’agit pas de l’utiliser et de le diriger ; il ne s’agit que de bien cultiver le sol. »

On aimerait entendre résonner ces paroles dans la bouche du ministre de la justice et, aussi quand le pays s’enfonce dans les ténèbres, quand des députés racistes sont entrés au Palais Bourbon, quand les immigrés sont refoulés, quand la misère gagne du terrain et quand l’école publique souffre.

Eric Dupond-Moretti, issu d’un milieu modeste, a fait un autre choix, c’est son droit. Renier ses origines et sa liberté, préférer l’enfermement des petits délinquants à l’éducation du peuple par l’enseignement et la culture, c’est aussi un choix, celui de la répression plutôt que de l’éducation.