Qu’est-ce qu’un roman ? Pourquoi écrit-on ?

Les deux questions sont posées en filigrane dans une tribune publiée dans Le Monde par seize jeunes romanciers, qui font un terrible constat, que chaque lecteur assidu a fait également en consultant les listes de nouveautés à chaque rentrée littéraire. Ces jeunes auteurs déclarent vouloir « réveiller la monstrueuse puissance du roman. »

Pourquoi ?

« Depuis plusieurs années, deux phénomènes inquiétants s’abattent sur les romanciers français : d’un côté les romans reality-show, forme dégradée d’une autofiction réduite à des témoignages qui comblent le voyeurisme des lecteurs et le portefeuille des éditeurs. De l’autre, des romans en costumes qui répondent de manière simpliste et passéiste à notre besoin de fiction en se bornant à une histoire déjà comprise, sans regarder celle qui est, celle qui vient, écrivent-ils. »

Les auteurs affirment qu’il « s’agit bien d’une mode, voire de commandes d’éditeurs, pour des livres où la figure de l’auteur prend plus d’importance que le texte. » Ils dénoncent parallèlement les effets sur la création : « Ces formes de romans archi-rebattues empêchent les nouveaux écrivains à la fois de se lancer dans l’invention de nouvelles formes d’écriture et d’exprimer la sensibilité contemporaine. »

On en revient à la question : Pourquoi écrit-on ? Essentiellement pour raconter des histoires, puisées dans la vie, représentant la réalité (souvent), pour agrandir le monde du lecteur. Car, grands ou adultes, nous avons tous besoin d’imaginaire. Et l’imaginaire passe merveilleusement par le livre, par les mots.

Le roman doit répondre à la fois à l’appétit du lecteur, affamé d’histoire, et à l’auteur qui veut lui faire partager une histoire, en laissant une trace visible de ce qui l’entoure, peut-être aussi avec l’envie de changer le monde (ou, à tout le moins de changer la façon dont le lecteur regarde le monde).

Le livre, comme toutes les autres formes d’expression artistique est un puissant instrument pour transformer les consciences.

Le roman, n’est-ce pas plutôt Balzac, Zola et Hugo que Christine Angot, la figure emblématique de l’autofiction dénoncée par les jeunes auteurs, mais aussi Amélie Nothomb, Chloé Delaume, Delphine de Vigan, David Foenkinos, Serge Doubrovsky, etc. Si ces derniers se complaisent dans l’autofiction, on leur reconnaît aussi un talent certain.

A ce stade, il faut revenir à la question : Qu’est-ce qu’un roman ? Réponse délicate, car derrière ce mot-valise se cachent des textes d’une grande diversité. N’est-ce pas Guy de Maupassant qui écrivait dans Pierre et Jean (1888) : « Le critique qui ose encore écrire : Ceci est un roman et cela n’en est pas un’’ me paraît doué d’une perspicacité qui ressemble fort à de l’incompétence. » Il ne s’agit pas ici de rejeter l’autofiction, mais, avec les jeunes auteurs, d’en dénoncer la trop grande place aujourd’hui chez les éditeurs au détriment d’autres formes d’expression.

Au fond ce que dénoncent les jeunes auteurs de cette tribune c’est la financiarisation des grands éditeurs, plus soucieux de leurs marges que de la découverte de nouveaux talents.

Quand la mode de l’autofiction sera asséchée, ils n’hésiteront pas à trouver un nouveau filon. Non sans avoir ignoré d’authentiques écrivains.