Peu importe que l’industrie française soit malade et supprime des emplois, ou que la balance du commerce extérieur se détériore ; voire que le président des riches soit au plus bas dans les sondages et que les habitants de la France soient moroses. Nous avions un personnage extraordinaire à la tête du plus grand constructeur mondial d’automobiles : comment pouvions-nous imaginer vivre sans lui.

Il régnait en maître sur l’industrie automobile en France et au Japon ; il gagnait 13 millions d’euros par an et s’en vantait. Il avait installé le siège de sa holding aux Pays-Bas pour des raisons fiscales. Le président de la République, actionnaire de son groupe, s’affichait avec lui la semaine dernière dans l’une de ses usines à Maubeuge.

Et les Japonais de Nissan découvrent soudain que le personnage, sans qui leur société aurait, paraît-il, disparu, avait menti au fisc et commis des abus de biens sociaux. La justice japonaise a pris le relais pour organiser une arrestation fortement médiatisée du voyou.

L’émérite patron de Renault-Nissan-Mitsubishi-Avtovaz est descendu de son piédestal, mais, chut, on ne lui reproche ni son salaire indécent, ni ses méthodes de management. Peu importent les suicides d’ouvriers et l’augmentation des maladies professionnelles ; peu importe la détérioration des conditions de travail ; peu importent les fausses accusations d’espionnage ; peu importent les délocalisations ! Les dirigeants de Renault, de Nissan, Emmanuel Macron et les membres de son gouvernement ne pouvaient pas vivre sans Carlos Ghosn, tant qu’il a supprimé des emplois et augmenté les dividendes.

Qui a installé Carlos Ghosn comme maître et seigneur dans ses basses œuvres, sinon tout ce monde de la finance et de la politique ? Qui a fait de lui l’oracle du capitalisme triomphant ? Qui a déclaré avec sérieux et à de multiples reprises que cet homme méritait un tel salaire indécent et que les ouvriers ignares et le sens commun ne pouvaient pas comprendre les principes de fonctionnement de leur monde.

Les ignares, incapables de comprendre la pensée complexe du monde capitaliste, ont quand même noté que les découvertes de malversations du monde politico-financier se multiplient et que les scandales d’évasion et d’évitement fiscal sont intrinsèques à la machine capitaliste, de plus en plus grippée.

Carlos Ghosn n’est pas un cas isolé ; c’est son monde qui est pourri et qu’il faut remplacer au plus vite.