L’état du monde est inquiétant ; ce n’est guère nouveau, mais les événements actuels me persuadent chaque jour davantage de la nécessaire lutte contre l’obscurantisme et contre l’aveuglement des consciences.

Le Salon du livre du Koweït a fermé ses portes ; pour 948 auteurs, elles ne s’étaient jamais ouvertes. Parmi ceux qui, sans doute, insultaient la religion musulmane, menaçait la sécurité nationale, incitaient au désordre ou étaient considérés comme immoraux, on trouvait Victor Hugo et Notre-Dame de Paris, Gabriel Garcia Marquez et Cent ans de solitude et même Fiodor Dostoïevski et les Frères Karamazov.

Le petit émirat est l’exemple le plus criant de la censure d’Etat la plus bête et ridicule et de sa soumission aux dogmes religieux, dont on sait où ils peuvent conduire. La mise à l’index de quelques chefs d’œuvre de la littérature mondiale, de l’humanisme et de la tolérance a été décidée par le ministère de l’information et sa commission de censure islamique, s’appuyant sur une loi de 2006, donc récente ; le recul est terrible dans un Etat qui pouvait s’enorgueillir d’avoir créé des maisons d’édition très tolérantes. Mais c’était hier.

Le constat de l’asservissement de la pensée active et de l’assèchement du simple acte de penser par soi-même peut être fait dans d’autres pays du Golfe.

Le plus cruel est que cette censure de la pensée a gagné d’autres continents et d’autres gouvernements, y compris parmi les plus ancrés dans l’humanisme le plus généreux. Avec, parfois, des nuances, certes ; mais le prêt-à-penser obscurantiste est en train de balayer toutes les plus belles traditions de la pensée critique.

Dans la France d’Emmanuel Macron on ne censure pas Victor Hugo, mais l’enfermement idéologique dans la Bible libérale fait des ravages, à doses subtiles et perverses.

On ne censure pas les livres, mais le discours quotidien devient lancinant : quand les chaînes de télévision diffusent en boucle les événements liés aux revendications des ‘’gilets jaunes’’, sans discernement, mais en mettant l’accent sur les dégâts occasionnés, sur les exigences les plus hétéroclites, sans analyse et sans recul, s’en tenant à quelques faits (et pas n’importe lesquels), la pensée n’est plus active mais consommatrice d’émotions, spectatrice d’un monde qui échappe à notre entendement.

On imagine où tout cela peut conduire quand les médias n’aident plus à grandir et à chercher les réponses aux questions qui assaillent nos esprits.