L’actualité, parfois, nous entraîne à faire des rapprochements entre des faits apparemment sans lien.
C’est le cas vendredi 20 novembre ; alors qu’on apprenait le décès d’un héros de la Résistance, Daniel Cordier, à l’âge de 100 ans, à l’Assemblée nationale 146 députés osaient voter un article 24 de la loi dite de ‘’sécurité globale’’.
Daniel Cordier avait su dire non et s’engager dans la lutte contre l’occupant nazi, aux côtés de Jean Moulin et pour que la France reste libre. A l’inverse, les 146 députés qui ont voté l’article 24 de la loi ‘’sécurité globale’’ n’ont pas eu le courage de dire non à un ministre, Gérald Darmanin, qui puise son inspiration dans les funestes idées d’un des pires syndicats de policiers.
Les deux événements s’entrechoquent et sont, hélas, la démonstration du glissement de plus en plus prononcé de la France d’Emmanuel Macron vers un régime autoritaire. L’héritage des Résistants comme Jean Moulin et Daniel Cordier, pour ne citer qu’eux, est bafoué. Gravement.
Gérald Darmanin n’a jamais dû lire le poème d’Eluard, Liberté, j’écris ton nom…
Ce ministricule se vantera sans doute d’avoir cédé à la pression des défenseurs des libertés publiques et notamment des journalistes en amendant son projet. C’est faux. Tel qu’il est rédigé aujourd’hui, après le vote, il risque au contraire d’entraîner toutes les interprétations possibles.
Le fameux article est désormais ainsi rédigé :
« Sans préjudice du droit d’informer, est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelques moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification, autre que son numéro d’identification individuel, d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale ou d’un agent de police municipale, lorsque ces personnels agissent dans le cadre d’une opération de police. »
L’ajout ‘’sans préjudice du droit d’informer’’ ne prémunit en aucun cas les journalistes des bavures policières et l’expression est suffisamment floue pour permettre à quelques policiers zélés de s’en prendre aux reporters-photographes et aux journalistes reporters d’images. Quant à l’ajout ‘’manifeste’’, il est tellement vague que les tribunaux devront trancher en multipliant les jurisprudences. Favorables aux journalistes ou aux policiers ?
Daniel Cordier n’avait pas risqué sa vie contre les nazis pour en arriver là !
Mais, dans la France de Macron, on peut s’attendre à tout. Par exemple, il est désormais avéré que Jean-Michel Blanquer avait suscité la création d’un syndicat lycéen, baptisé Avenir lycéen, pour l’aider à faire passer sa réforme. Il avait même arrosé copieusement cette officine avec de l’argent public (95 000 euros).
Un professeur d’université, Christian Delporte a fait justement remarquer : « Dans une démocratie normale (allez, disons ‘’scandinave’’ ou allemande, pour aller vite), Blanquer serait poussé à la démission. Sa chance, et notre malchance, c’est qu’il est ministre en France, où tout est permis ».
Emmanuel Macron, si prompt à décrocher son téléphone pour tancer les journalistes américains, reste étrangement muet et n’a admonesté ni Darmanin, ni Blanquer.
Faut-il encore s’en étonner ?