La sale guerre d’Ukraine a jeté des milliers de personnes sur les routes de l’exil. Les drames se jouent à chaque instant sur des routes encombrées. Ceux qui fuient en voiture sont sollicités pour prendre en charge ceux qui n’ont pas la chance d’avoir de véhicule. Les images relayées par les chaînes de télévision des pauvres Ukrainiens avec leur lourd cabas dans lequel ils ont entassé ce qu’ils avaient de plus précieux me sont insupportables.

La situation m’a ramené au très beau livre de Pierre Lemaître, « Miroir de nos peines. Les enfants du désastre ».

L’auteur y dresse le tableau tragique de l’Exode de 1940, quand l’avancée des nazis et la débâcle de l’armée française avaient jeté des milliers de Français sur les routes.

Le livre est formidablement bien documenté, qui tient à la fois de la chronique et du roman populaire, avec ses intrigues, le chaos, faisant émerger des personnages héroïques ou pleutres, à l’image d’une société plongée dans le désespoir et l’instinct de survie.

En relisant le livre, on imagine ce qui peut se passer sur les routes ukrainiennes, aujourd’hui, et dans la tête de ceux qui fuient ; les peurs, les angoisses, les drames que vivent dans leur chair ces citoyens qui aspiraient à une vie paisible dans un pays débarrassé d’un président fou.

Dans l’épilogue de son livre, Pierre Lemaître met dans la bouche d’un de ses personnages, Jules, le restaurateur de La petite Bohème à Paris, rattrapé par l’armistice (et les nazis) à La Charité-sur-Loire : « Maintenant qu’ils ont fini leurs conneries, faut que je rouvre mon restaurant, moi ! »

Les Ukrainiens, eux, n’en sont pas encore à l’épilogue. Ils souffrent encore. Douloureusement.