Dominique Rousseau, professeur émérite de droit public et constitutionnaliste reconnu et respecté, n’avait pas attendu la décision du Conseil constitutionnel pour dénoncer le « déni de démocratie parlementaire ». Dès le 22 mars, il écrivait : « Il y a des motifs sérieux de déclarer la loi inconstitutionnelle ».

Aujourd’hui, Dominique Rousseau est éberlué. Il publie une tribune sur le site du Monde dans laquelle il critique sévèrement la décision des neuf membres du Conseil et fait part de ses doutes sur son bien-fondé juridique.

L’éminent juriste a pointé notamment quatre arguments des prétendus Sages et les a disqualifiés ; mais pour apprécier son réqusitoire, il faut lire l’intégralité du texte de sa tribune sur le site du Monde.

Voici, cependant, les quatre paragraphes qui, pour Dominique Rousseau, discréditent la décision :

« § 65. En dernier lieu, la circonstance que certains ministres auraient délivré, lors de leurs interventions à l’Assemblée nationale et dans les médias, des estimations initialement erronées sur le montant des pensions de retraite qui seront versées à certaines catégories d’assurés, est sans incidence sur la procédure d’adoption de la loi déférée dès lors que ces estimations ont pu être débattues. » Enorme !

« § 69. D’autre part, la circonstance que plusieurs procédures prévues par la Constitution et par les règlements des assemblées aient été utilisées cumulativement pour accélérer l’examen de la loi déférée, n’est pas à elle seule de nature à rendre inconstitutionnel l’ensemble de la procédure législative ayant conduit à l’adoption de cette loi. » Enorme !

« § 70. En l’espèce, si l’utilisation combinée des procédures mises en œuvre a revêtu un caractère inhabituel, en réponse aux conditions des débats, elle n’a pas eu pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution. Par conséquent, la loi déférée a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution. » Enorme !

« § 11. D’autre part, si les dispositions relatives à la réforme des retraites, qui ne relèvent pas de ce domaine obligatoire, auraient pu figurer dans une loi ordinaire, le choix qui a été fait à l’origine par le Gouvernement de les faire figurer au sein d’une loi de financement rectificative ne méconnaît, en lui-même, aucune exigence constitutionnelle. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur à cet égard, mais uniquement de s’assurer que ces dispositions se rattachent à l’une des catégories mentionnées à l’article L.O. 111-3-12 du Code de la sécurité sociale. » Enorme !

On en conviendra, c’est énorme (et plus encore). Le professeur de droit public a attribué un zéro pointé mérité à la copie du Conseil. 

Les conséquences peuvent être considérables. Comme l’a écrit un autre professeur de droit public, Denis Baranger, « le Conseil constitutionnel a perdu une chance de rétablir un degré d’équilibre entre les pouvoirs ». 

Aujourd’hui, si les syndicats continuent à demander le retrait de la loi, la contestation se situera aussi au niveau politique et constitutionnel.

Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, est tout à fait fondée à dénoncer Emmanuel Macron devenu le président du chaos ; les conséquences peuvent être terribles pour les citoyens ; comme l’écrivait Albert Camus : « Faites attention, quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n’est pas pour prendre de ses nouvelles. »