Si peuple de France s’est levé contre la réforme des retraites, de nombreux intellectuels ont joint leur voix à ceux qu’Emmanuel nomme avec mépris de ‘’foule’’. Ces intellectuels, sans être révolutionnaires mais suffisamment choqués par la ‘’méthode Macron’’ pour prendre la parole, se sont rejoints pour condamner unanimement la crise démocratique profonde actuelle avec des mots proches.

Il reste encore des médias pour publier leurs coups de gueule ; les milliardaires, Arnault, Bolloré, Bouygues, Dassault, Kretinsky n’arrivent pas (encore) à étouffer les informations contraires à leurs intérêts.

Dans Télérama, Bastien Fançois, professeur de science politique et de droit constitutionnel, constate que « les Français ne deviendront pas favorables à cette réforme sous prétexte qu’elle est constitutionnelle. Ils ont, une fois de plus, le sentiment qu’on vient de leur claquer une porte au nez. Le Conseil constitutionnel n’était de toute façon pas en mesure de résoudre le problème de fond : la crise démocratique profonde. Le débat sur les retraites n’en est pas la cause, mais il l’a révélée. Elle naît du décalage croissant entre un système de décision vertical et centralisé, caporaliste, qui n’écoute ni le Parlement ni les citoyens, et la société, qui n’est plus celle de 1958 (…) Mais nos élites continuent de se représenter le peuple comme une sorte d’enfant : ils pensent que si on l’engueule un bon coup, il va se calmer. »

Jean Garrigues, historien, analyse dans le Monde les reniements du président de la République : « Il avait fait campagne sur le thème « Avec vous », soit une nouvelle manière de gouverner plus proche des citoyens, de la souveraineté populaire. Dans cette crise des retraites, il a fait exactement l’inverse. Ainsi, il a appliqué à la lettre les institutions de la Ve République en matière de présidentialisme, en utilisant tous ses ressorts, ce qui est d’ailleurs une forme de dérive de l’exercice de ces institutions. Il s’est arc-bouté sur sa légitimité institutionnelle en oubliant qu’à côté de cette légitimité, il y en a une autre, inscrite dans notre histoire depuis la Révolution française : une nécessité d’écouter aussi la voix des citoyens telle qu’elle s’exprime par des médiateurs comme les syndicats, les associations ou les médias. »

Enfin, dans L’Humanité, Samuel Hayat, politologue et historien, revient sur le débat entre légitimité électorale (mise en avant par Emmanuel Macron) et légitimité du mouvement social : « Il ne s’agit pas de mettre en question la légitimité électorale, ni de la mettre en balance avec celle de la rue. Mais pour donner corps à l’idée démocratique, l’élection ne suffit pas – la plupart des régimes autoritaires en tirent aussi leur légitimité –, les conditions d’exercice du pouvoir comptent tout autant. Une légitimité spécifiquement démocratique comprend en son cœur deux éléments : respecter la volonté populaire et agir dans l’intérêt de la majorité. Or, sur ces deux points, le gouvernement a systématiquement pris le contre-pied d’une démarche démocratique. En choisissant d’argumenter en termes d’expertise plutôt que de volonté populaire, et en justifiant de faire porter le poids de sa réforme sur les travailleurs pour ne pas augmenter les impôts sur les possédants. Sans compter qu’il utilise massivement la répression contre une mobilisation populaire. »

Les trois jugements sont sévères pour Emmanuel Macron et sa stratégie. Ils se rejoignent dans l’analyse de la dérive autoritaire d’un pouvoir et des dangers qu’elle fait peser sur le pays. Les précédents présidents de la Ve République ne sont jamais allés aussi loin que l’actuel locataire de l’Elysée, dans la manifestation du mépris envers les citoyens. 

C’est pourquoi l’unité syndicale doit être préservée ; il reste à espérer qu’elle inspire davantage les partis politiques de gauche pour élaborer un programme tournant le dos radicalement à l’autoritarisme ambiant et mettant fin à la crise démocratique.