Les chaînes d’information en continu hiérarchisent rarement l’information ; l’événement prime et s’impose en un flot continu au mépris du nécessaire recul et de la mise en perspective pour que le téléspectateur ne s’y perde pas dans la profusion des faits (on a pu parler d’obésité de l’information).

Les bandeaux défilants qui prennent place sur le bas de l’écran sont de la même veine que les comptes Twitter ; le nombre de signes y est tellement limité qu’il dénature la notion d’information, au risque parfois de provoquer des rapprochements dangereux.

Ainsi, hier sur franceinfo, un bandeau annonçait que les Etats-Unis avaient débloqué une nouvelle aide à l’Ukraine d’un montant de 2,6 milliards ; le bandeau suivant, lui, faisait état d’une suppression de 1500 emplois au comité international de la Croix Rouge (CICR), faute de fonds suffisants.

On peut en conclure que, si l’argent coule à flot pour la guerre, c’est au détriment des actions humanitaires. Mais le téléspectateur, lui, ne fera pas le rapprochement entre les deux informations ; il est happé par le rythme effréné de renouvellement des bandeaux. Il passera de la lecture de leurs quelques mots aux images-chocs dont ce type de chaînes raffole. Le temps de la réflexion est banni sur ces chaînes.

Les journalistes de la chaîne, pas plus mauvais que d’autres (notamment sur franceinfo), sont tellement obnubilés par la rapidité avec laquelle ils doivent réagir pour éviter d’être les derniers à relayer l’information, que, dans l’exemple cité, ils ne se sont pas rendus compte de l’énormité du rapprochement incongru des deux bandeaux.

C’est tout le processus de fabrication de l’information qui est ainsi mis en accusation.