En Afghanistan, c’est le chaos. Avec ses victimes innombrables qui ne demandaient qu’à vivre dans un pays enfin apaisé. Avec ceux qui restent et sombrent dans la peur.

Les Occidentaux fuient, même pas honteux, après avoir préparé le terrain au retour de la barbarie. Ils laissent derrière eux un pays exsangue, en faillite économique, en proie (déjà) aux affrontements entre talibans et djihadistes pour le contrôle de l’opium (dont le pays est le premier producteur mondial) et de ses revenus.

Les Afghans fuient leur pays pour éviter de retomber dans la charia comme il y a vingt ans. Mais les Occidentaux en refusant de remplir leur devoir humanitaire se comportent scandaleusement.

Un professeur de littérature générale de l’université Aix-Marseille, Alexis Nuselovici (alias Alexis Nouss), vient de publier un ouvrage, ‘’Droit d’exil. Pour une politisation de la question migratoire’’ (Editions MIX), dans lequel j’ai puisé l’extrait ci-dessous :

« Le migrant d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier, travailleur algérien ou immigré polonais. Il n’est pas que migrant, agent d’un processus global, il est aussi exilé, acteur de son histoire et de la nôtre. Comme pour tout processus de connaissance, nommer précisément les choses constitue une étape initiale indispensable. Or, une crise de la nomination est venue animer un débat terminologique sur la désignation des migrants qui arrivent en Europe – à ne plus nommer ainsi : cessons de les nommer migrants, ce sont des réfugiés.

Le raisonnement veut que les migrants quittent leur lieu de naissance ou de résidence pour trouver de meilleures conditions de vie et que, par conséquent, nommer tous ceux qui arrivent aujourd’hui en Europe des « migrants » gomme la guerre, l’oppression, la persécution qui ont fait fuir ceux qui ont droit à l’asile et au statut de réfugié. L’argument, de plus, se renforce lorsque la France, par exemple, veut accepter les réfugiés (politiques) et rejeter les migrants (économiques).

Unis par la détresse, les réfugiés seraient tous ceux qui ont fui les conditions d’une vie impossible et ce départ involontaire fait partie de leur identité. À ce titre, qu’ils fuient la guerre ou la misère importe peu, distinction proscrite au demeurant par la Convention de Genève de 1951. Loin d’une lâcheté, leur fuite affirme la noblesse humaine qu’ils n’acceptent pas de voir niée en eux. S’ils fuient afin de vivre, leur refuser l’asile, même sous la forme d’une simple dénomination, équivaut à adopter une complicité passive avec ceux qui les ont poussé à la fuite. Être réfugié signifie d’abord être lorsqu’un sujet fuit la menace du non-être. L’exil ou la mort. »

Les dirigeants occidentaux, plus soucieux de flatter les plus bas instincts de leur électorat que de faire œuvre d’humanité, ne liront pas cet ouvrage. Ils n’écouteront pas plus ces phrases de Nouss :

« Ne pas accueillir l’arrivant par devoir moral ou politique ou par intérêt mais parce que nous partageons une même condition de vivant, un même habitat sur terre. Un lieu ne garantit pas plus une appartenance qu’une identité – on habite le monde, le monde nous habite : « Casa mia, casa tua » disent les Italiens, « Casa nostra, casa vostra », disent les Espagnols. »

Nouss fait référence à ‘’l’humaine condition’’ qui « de Montaigne à Hannah Arendt, a inspiré les luttes d’émancipation en sollicitant la conscience née d’une appartenance commune » ; il évoque alors les ‘’exils de proximité’’ « qui devraient éveiller la sensibilité aux migrations venues de loin. L’entendre et le comprendre veille à l’exercice d’une démocratie qui ne connaît de frontières, internes ou externes, que pour savoir, lorsqu’il le faut, les ouvrir et accueillir l’autre. »

Après avoir entendu les dirigeants occidentaux, de Biden à Macron en passant par Merkel, peut-on croire encore que nous vivons dans des démocraties.

Entre l’exil et la mort, ils ont choisi.

Pauvres Afghans !